IH E f^m m I SM 3Vfl ^MM^I Bfr - - ^^^ - w I . A gift of Associated Medical Services Inc. and the Hannah Institute for the History of Medicine NAIRE I )OE - : SCIENCES MEDICALES PA1US. TYPOGRAPHIE A. LAHUKE Rue de Fleurus, 9. i i I>ES SCIENCES MEDICALES COLLABORATEURS : MM. LES DOCTEURS ARCHAMBAULT, ARNOTLD (j.), AXENFELD, BA1LLARGER, BAILLON, BALBIAN1, BALL. BARTII, BAZIN, BEAUGIUNO, BECLARD, BEHIEl;, VAN HEISEltEN, BERGER, BEIINHE1M, BERT1LLON, 1IEBIIN, ERNEST 11ESMER, BLACHE, BLACHEZ, BOINBT, B01SSEAD, DORMER, UOCCIIACOURT, CM. BOUCHARD, BOUISSON, UOULANB (p.), BOULEY (ll.), BOUREL-RONC1ERE, BOUVIER, BOTER, BROCA, BROCHIN, BBOUARDEL, BROWN-SEQUARD, BURCKER, CALME1L, CAMI AMA, CARLET (O.), CEBIsE, CHARCOT, CHABVOT, CHASSA1GNAC, CHAUVEAU, CHAUVEL, CHEIIEAU, CHRETIEN, COLIN (L.),CORNIL, COTARU, COUL1ER, COCRTY, COYNE, BALLY, DAVAINE, DECIIAMBBE (A-K DELE.VS, DEL10UX DE SAVIGNAC, DELOflE, DELPECH, BENONVILLIERS, DEPAUL, DIDAY, DOLBEAU, DUCLAUX, DUGUET, DUPLAY (S.), DUBEAU, DOTBOULAU, ELY, FALRET (!.}, FARABEUF, FELIZET, FERIIAND, FOLL1N, FOMSSAGIUVES, FRANC.OIS FRANCK, GALTIEK-liOISSlEUE, 6AR1EL, GAYET, GAVARBET, GERVAIS (P.), GILLETTE, G1IIAUD-TEULON, GOBLEY, GODEL1ER, GBEENUILL, GR1SOLLE, GUBLER, GUEIHOT, GUEBARB, GU1I.LARD, GU1LLAUME, GLILLEMIN, GUYON (F.), HA11N (L.), HAMEL1N, HAYE1J, HECHT, 11ENOCQUE, ISAMBERT, JACi.in-.MILB, KELSCH, KBISHAUER, I. AM UK (l.i:n.\|, LAIlBEE, LAUOBDE, LABOULBENE, LACASSAGNE, LAGNEAO (G.), LANCEREAUX, LARCIIER (o.), LAVERAN, LAVERAN (A.), LAYET.LECLEBG (L.), LECOBCHE, LEFEVRE (ED.), LE FOBT (LEON), LEGOUEST, LEGROS, LEGROUX, LEHEBOULLET, LE ROY DE HEBICOUBT, LETOUBNEAU, LEVEN, LEVY (MICHEL) , LIEGEOIS, L1ETABD, LINAS, LIOUV1LLE, L1TTRE, LUTZ, MAGIIOT (E.), MAHE, MALAGUT1, MAHCHAND, MAREY, MABTINs, MICHEL (PE NANCY), HII.LABD, DANIEL UOLLIERE, MONOD (CH.), MONTAJHER, MORACIIE, MOREL (B. A.), NICAISE, OLLIER, ONIMUS, OBFILA (t.t, ODSTALET, PAJOT, PABC1IAPPE, PABBOT, PASTEUR, PADLET, PERBIN (MAURICE), PETER (. PINARD, PINGAUB, PLAKCHOK, POLA1LLON, POTAIN, POZZI, RAYMOND, REGNARD, BEGNACLT, RENAUD (j.), HENDD, REYNAL, ROBIN (ALBEBT), ROBIN (CH.), DE BOCUAS, BOGER (ll.), ROLLET, BOTUREAD, ROUGET, SAINTE-CLA1RE DEVILLE (II.), SANNE, SCIIUTZENBERGER (CU.), SCHUTZENBERGEH (P.), 5EDILLOT, SEE (MARC), SERVIEB, DE SEYNES, SOUBEIRA.N (L.), E. SP1LLSIANN, TABT1VEL, TlisTELIN, T1LLAUX (p.), TOUB1IKS, TltELAT (U.), TBIPIER (LEON), TBOISIEB, VALLIN, VELPEAU, VERNEUIL, VIDAL (EM.), VIDAU, V1LLEMIN, VOILLEM1ER, VULHIAN, WAHLOMONT, WIDAL, WILLM, WOltMS (l.), WUKTZ, ZUUEH. D1UECTEUR : A. DEGHAM13UE SERIE TOME VINGT-TROISIEME CRE CRU e nuomktuts PARIS G. MASSON I.IBBAIRE DE L ACAI1EMIE DE MEDECINE BonleYard Saiot-Germain, ea face de 1 Ecole de USd P. ASSELIN LIBRAIRE PE LA FACULTE DE MEDECtflE Place de ! Ecole-:le-Medecine MDCCCLXX1X. c ,- *- - ."G;j.j| If *> ! mWm Ix- DICTIONNAIRE ENCYCLOL EDIQUG DES SCIENCES MEDICALES CRECHES (EAUX MINERALES DE), (ithermales , sulf atees calciqnes et fer- rugineuses faibles, carbonizes faibles, dans le departemeut de S;ione-et-Loire, dans 1 arrondissement de Maeon et a 4 kilometres de cette ville, emergent les trois sources de Creches quo Ton designe ainsi : source >i I ou source au-dessous dupont; source n 2 ou source au-dessus du jiont et source n 3 ou source du de versoir. Ces trois sources emergent dans une prairie et au bord d un ruisseau; leur captage est recent. M. Rivot a trouve dans les eaux des trois sources de Creches une composition elementaire a peu pres identique. Ce chimiste s est contente d indiquer pour I eau de la source n 1 ou d au-dessous du pont les resultats de 1 analyse qua litative des divers acides et des diverses bases contcnus dans 1000 grammes de cette eau minerale. Le clinicien regrette de ne pas trouver dans le travail de M. Rivot une analyse quantitative qui cut fait connaitre la combinaison probable des substances par lui rencontrees. II est facheux aussi que M. Rivot n ait pas parle de la silice et de la matiere organique que toutes les eaux minerales ren- t erment, et ait omis de s enquerir si les eaux. de Creches contiennent ou ne con- tiennent pas de 1 iode ou de 1 arsenic. Esperons que ces lacunes seront comblees au moment ou les eaux de Creches prendrout clans la therapeutique le role auquel elles sont en droit de pretendre. Quoi qu il en soil, telle est la compo sition actuellement connue de I eau de la source n 1 de Creches. Acide carbonique 0,270 sulfurique 0,0^1 chlorhydrique O.tl-J i Pi-otoxyde de fer 0,025 Chuux 0,r.O Magnesie 0,021 Soude 0,040 TOTAL. 0,377 Les eaux des trois sources de Creches sont administrees en boisson seulement. DICT. ESC. XXIII. 1 2 CREGUT. Cos sources sont frequentees par les personnes du pays qui viennent s y trailer d accidents reconnaissant pour cause une anemie ou line chlorose, que ces eaux toniques, analepliques et reconstituantes parviennent assez promptement a sou- lager, et Ja plupart du temps a guerir. A. R. CREDO (Exii MINERALE DE) athermale, bicarbonatee et crenate e ferrugi- gineuse faible, carbonique faible, dans le departement de la Gironde, dans 1 arrondissement de Bazas, dans le canton de Villandrault, celebre depuis qu il a donne naissance au pape Clement V, qui y fit batir une eglise et un chateau dont on ne manque pas de visitor les mines. La source de Credo est, avec 1 eau dc Cours (voy. ce mot), celle qui jouit de la plus grande reputation de toutes les eaux mincrales du departement de la Gironde. Son eau est claire, limpide, transparente, el cependant elle laisse dc poser sur les parois interieures de sa fontaine une couche d un depot ocrace d une couleur jaune rongeatre assez foncee. Elle n a pas d odeur; sa saveur est manifestement ferrugineuse, sa temperature est de 15 centigrade. M. Faure a fait son analyse chimique, et a trouve dans 1000 grammes de 1 eau dc Credo les principes salins et gazeux qui suivent : Carbonate de chaux 0,137 fer 0,012 Cvenalc He fer 0,018 Sullale de cliuvix 0,014 Chlorure de sodium 0,033 Acide silicique et rnaliere organique . . . 0,016 TOTAL DBS MATIERES FIXES 0,230 ,, I acide carbonique } Gaz , . , quant, indet. ( air utmosphenque f ^ L eau de Credo est cxclusivement employee en boisson par les personnes de la contree qui ont des accidents occasionnes par une affection au traitement de laquelle convient 1 emploi d une eau minerale naturelle a la fois bicarbonatee et creuatee ferrugineuse. A. R. CREEKS (LES). Voy. AMERIQUE. CREGUT (FREDERIC-CHRETIEN). D une famille refugice, comme tanl d autres, en Allemagne, lors de la reformation, le medecin qui porte ce nom, naquit a Hanau le 13 fevrier J675. II fit ses etudes medicales a Bale, ou il fut recu docteur en 1 696 et revint dans sa ville natale pour y exercer la medecine. Nomme medecin pensionne. professeur de physique et conseiller aulique, il est 1 autcur d un essai de bibliographie generale, debiologie ou d anthropologie, comme 1 ou disait alors, bien ignore aujourd hui. II est mort a Hanau en 1758. On connait de lui : 1. Dlssertatio de cegritudinibus infantum ac puerorum, earumqne oriqine et curd. Bale, 1696, in-4; ibid., 1706, in-4. II. Meditatio physiologica de hominis ortu. Hanau, 1697. in_4o HI. Meditatio medica de transpirations insensibili et sudore. Hanau, 1700, in-4 IV. Sciagraphia novi systematic medicince practicce sistens. Hanau, 1700, in-4. V. Disserfatio de motibus corporis humani variis. Hanau, 1701, in-4. VI. Dissertatio medico-theoretico-practica de dysenteriA. Hanau, 1705, in-4. VII. Hdchstiwthige und abgedrungene Ehrenrettung durch Publicirung eines Casus medici. Oifenbach, 1723, in-4. VIII. De anthropologid, ejusque prcecipuis tarn antiquis guam modcrnis scriptoribus. Hanau, 1757, in-4. IX. Griindliche Widerlegung eines ungegrundctcn Facti, niutilali rcsponsi irrigcn und nichtigcn Decise, welches unter dem Titel : Dc sodomfd v or einiger Zeit lierausgekommen. Francfort-snr-le-5Iein, 1745. X. CREGUT a encore public une nou- edilion de la Physiologia medica de J.-G. de BERGER. Hanau, 1757, in-4. A. D. CREMASTER. 3 CRELL (JoH.-FaiED.), lie a Leipzig le 6 Janvier 1707 ; il fit ses eludes medi- cales et prit le bonnet de docleur dans sa ville natale en 1752. Le raerile dont il fit preuve lui valut, en 1737, sa nomination a une chaire de medecine aWiltem- berg, ou, parait-il, il avait fixe sa residence; quatre ans apres, 1741, il eta it appele a Helmstaedt pour y enseigner 1 anatomie, la physiologic ct la pharmacie. C est dans cette ville qne la mort vint le surprendre le 19 mai 17i7, dans sa quarante-unicme annee. Ce medecin a beaucoup ecrit ; mais la plupart des pro ductions de sa plume, sont de ces dissertations academiques qui surchargent si lourdement le bagage scientifique de la plupart dcs medecins de ce temps. Nous citerons seulement les suivantes qui pourraient offrir quelque interet : I. Observationes in partibus corporis kumani morbidis ad illustrandam corporis sanl ecconomiam tcmere applicandce. Wittemb., 1733, in-4. II. De vatvula vencecnvre Eusta- chiana. Ibid., 1737, in-4. III. De tumore [undo uteri adherents. Ibid., 1739, in-4 et in Coll. diss. de HALLER. IV. De motu synchrono auricularum et ventricutorum cordis Ibid., 1740, in-4. V. De glandalarum in ccecas et apertas distinctione. Ibid., 1741, in-4. VI. De anatome vivcntium necessitate. Helmstadii, 1742, in-4. VII. De tumore ca/n/i\ fungoso post canem cranii enato. Ibid., 1743, in-4. VIII. De visccrum nexubus insolitis. Ibid., 1743, in-4. IX. De sectionc puellce glbbosce. Ibid., 1745, in-4. X. De ossibus sesamoideis. Ibid., 1746, in-i. -- XI. De cortice simaruba. Ibid., 1746, in-4. XII. l)n certain nombre d observations dont quelques-unes tres-interessantes, inse>e es dans les ephe- merides des curieux de la nature. Nous citerons entre autres une double luxation (congeni- tale) dela hanche trouvee chez une femme boiteuse, t. IX, obs. 02. E. BCD. Un des noms donnes a la Guscute (voy. ce mot). PL. t REMASTER. Ce nom est grec ( /./jsaao-r/jp, suspenseur). Musciilus testis; Hodenmuskel Ar,L. G est un muscle a fibres tlriees qui, insere pres de 1 orifice et a 1 inteneur du canal inguinal, en haul, engaine en descendant la tunique fibreuse du cordon et du testicule et se termine sur celte tunique en formant des anses bien disposees pour suspendre et relever la glande gcnitale. Le cremaster derive probablement du Gubernaciilum testis qui, pendant la plus grande partie de la vie intra-uterine s eteiid du fond des bourses (axe ou portion centrale) et du canal inguinal (portion peripherique ou engainante, fibres muse, strides) jusque dans le venire oil se developpe le testicule avanl d effectuer sa descente (v. leslicule). Ainsi compris, le gubernaculum par ses denx portions est capable d attirer le testicule foetal jusque dans le canal inguinal. L on a coutuine d admettre quela partie centrale ou scrotale, continuant a se raccourcir et agissant comme le bras introduit dans un bas pour le retourner, rctourne la partie engainante ou inguinale du gubernaculum et enlrainc dans ce tube musculaire le testicule et tons les elements du cordon. Cetle theorie trouve un certain appui dans ce qui se passe chcz les rongeurs et les autres animaux adultes donl les testicules peuvcnt rentrer et sortir facilement et sont loges, suivant les circonstanccs, tan- tot dans le ventre, tantot dans les bourses. Si elle est vraie, et Curling n en doute pas, le cremaster n est pas autre cbose que la partie peripherique du gubernaculum testis. J. Cloquet a pense que les anses musculaires qui embrassent le cordon et le testicule n etaient que des fibres du muscle petit oblique, tres-allongees, dont le testicule s etait coiffe en perforant la partie abdominale pour effectuer sa descente. II existe, en el fet, generalement devant la racine du cordon, des anses .4 CREMASTER. d une fleche tres-courte, qui paraissent appartenir nettement au muscle petit oblique; et, Ton explique les varietes que Ton remarque dans le nombre des faisceaux du cremaster, en disant que le testicule a pu sortir, soil au-dessous du muscle petit oblique, entrainant a peiue quelques-uns deses faisceaux inferieurs, soil un peu plus baut, niais alors en se coiffant, en avant, en dessous et meme en arriere avec les fibres des muscles transverse et petit oblique. Ouelles <|ue soient les relations d originc du cremaster avec ie gubernaculum et les muscles abdominaux, lorsqu on examine le cordon d un jeune adulte bien muscle, on rencontre des faisceaux qui semblent Lien former un muscle special. II en est de meme chez les grands animaux domestiques, chez le cheval, par exemple, dout le cremaster est une bandelette de fibres rouges aUachee a I aponevrose lombo-iliaque, qui longe le cole externe du cordon et s etale sur la face externe et inferieure de la tunique vaginale qu elle double d une vr.iie t\mi({ue erythrotde (ipuQpo?, rouge). Cbez riiomme, le cremaster est generalement pale et la tunique erythroide Test encore d avantage, car elle resulte dc 1 eparpillemcnt des fibres du muscle et de leur confusion avec la tunique dite fibreuse, confondue elle-meme avec la sereuse parietale. Au niveau de son origine inguinale, le cremaster de I bomme se compose de deux faisceaux dont le plus petit, I interne, s insere au voisinage de 1 epine du pubis et a I aponevrose du grand droit, dont le plus volumineux, V externe ou poste- rieur, nait, dans 1 interieur meme du canal inguinal, de la face concave ou supe- rieure de 1 arcade crurale, com me les dernieres fibres du petit oblique et du transverse. Ces deux faisceaux ne forment pas une gaine complete au cordon ; cependant, a mesure qu ils descendent vers le testicule, ils s elargissent, s etalent et se dis- socient pour s envoyer des fascicules qui s unissent par entrecroisement ou anas tomose et torment des anses musculaires etagees devant le cordon, devant et sous le testicule. Toutes les fibres que s envoient les deux faisceaux du cremaster n arrivent pas a se rencontrer ; il en est beaucoup qui se fixent sur la tunique fibro-sereuse sous-jacente comme les anses parfaites elles-memes. Et de la resulte que 1 e pa- nouissement peri-testiculairc du cremaster c est-a-dire la tunique erythroide adhere d une maniere absolue aux tuniques sous-jacentes. (V. Scrotum). Telle est la disposition du vrai cremaster, du cremaster externe. II existe dans 1 epaisseur du cordon, autour du canal deferent et dans 1 inter- valle des autres vaisseaux, un certain nombre de faisceaux musculaires a fibres lisses, visibles a I oeil nu, dont 1 enscmble a recu de Henle le nom de cremaster interne et faitl objet d un travail de Lannelongue (Arch.dephysiol. 1868). II est impossible de preciser les insertions superieures du cremaster interne. En bas, il se dissocie et jette des fibres autour de I epididyme, sur 1 albuginee du testi cule et sur la tunique vaginale. Le cremaster interne semble done par sa nature et sa disposition, destine, en eomprimant moderement et longtemps le testicule et les vaisseaux <lu cordon a faire progresser le contenu des voies spermatiques. Ce serait un de ces appareils musculaires de la vie organique que Rouget a signals et qui sont annexes aux organes genitaux des deux sexes. Le cremaster externe, muscle strie, nepent avoir que des contractions brusques il n est pas soumis a la volonte. Sur les jcuncs sivjeU, lorsque Ton cbatouille la peau de la cuisse ainsi que dans maintes autres circonstances (vomissement, CREMATION. 5 co it, effort), on voit le testicule entraine par le cremaster, remouter brusquement vers Taaneau tandis que le scrotum rcste pendant, flasque et vide ; le testicule redcsccnd bieatot. J ignore s il a ete observe des coutractures de ce muscle. Mal- gaigne a remarque, sur les bernieux, qu il sul tit de provoquer la toux pour voir le cremaster soulever le testicule avec une vigucur tres-variable puisque tantot la glande s e leve de 12 a 15 centimetres, tantot de quelqucs centimetres et memo de quelques millimetres seulemcnt. L. II. FAKABEUF. C -R.EMATJO\. Nous divisons notre sujet en trois parties principales : 1 Nous faisons d abord 1 historique dela cremation. Nous montrous les causes qui I ont fait naitrc, et cc qu elle a ete dans 1 antiquile ; 2 Nous exposous ensuite a quellcs preoccupations hygieniques obeissent ceux qui veulent la la ire adopter de nouveau, et les moyens qu ils ont proposes et mis en oeuvre depuis un petit nombre d annees ; 3 Nous disons enfin quel nous semble devoir etre 1 avenir de la cremation, dans quelle mesure elle peut etre utile , en quoi il y a lieu de 1 encourager ou de la restreindre. I. Ilistnriquc di- la cremation. Les auteUt S qili 110US Ont (U lVi deS dailS cette etude, se sont en general bornes a rapporler fidelement tout ce qu ils onl trouve dans les historiens de 1 anliquite. Les pays ou la cremation fut mise en pratique, les ceremonies dont on 1 entourait, lamauierc de construire le buclici et les parl ums que Ton brulait autour du corps : tels sont les renseignements precieux, mais a notre avis insuflisanls, (juenous rencontrons dans Inirs livres. D ailleurs, si ce luxe de details a son intevet, nous remarquons que des 1581 Claude Guichard faisait parailrcson Traite des fune railles et diverges manieres d ensevelir des Romains, Grecs et autres nations tant anciennes que modernes, auquel ses successeurs ont peu ajoute. En un lei sujet 1 erudition seule ne suffit pas. Dans une elude semblable, a propos des unions consanguines, 1 un de nous a montre quel parti on pouvait tirerde la filiation bistorique, et, etndiant les unions entre parents a travers les ages del histoire et dans diflerents milieux sociaux, il a pro uve que 1 un de.s plus grands actes de la vie humaine, le mariage, loin d avoir ete regie d une facon en quelque sorte arbitraire par les dil ierentes societes humaines, avail subi parlout les memes cbangements successifs, s etait, en un mot, moditie suivant une loi naturelle et constante. L etude que nous allons faire de la cremation est une consequence de prin- cipessemblables. Nous nouspla^ons an meme point de vue philosopbique. L bistoire de la cremation, commetoute autre histoire partielle, ne saurait etre completement isolee de 1 histoire plus geuerale dont elle fait partie. Tout s en- cliaine trop fortement dans la succession des fails sociaux pour que Ton puisse se rendre un compte exact de quelqu un d entre eux, si Ton n a d abord bien apprecie tout 1 ensemble. Nous prendrons done la question par ses grands cotes, et esquissant rapidement la suite des rites funeraires, nous chercherons a mettre en lumiere 1 cnsemble des circonstances a I influence desquelles il faut attribucr I origine de la crema tion et les causes d une coutume si extraordinaire. 1 DES PROCKDKS FUiNEti.uuEs QUI PRECEDEUEM LA CHEMAiioN. Un premier point 6 CREMATION. hors de toute contestation est le suivant : En quelque pays que ce soil, ,hs hommes n ont point commence par bruler leurs morts. Bruler les morts implique en effet deux choscs : 1 le moyen deles bruler, 2 des sentiments, des opinions qui ne soient pas confeircs a une telle pratique. Examinons successivement ces deux points. II esl absdlument certain que les moyens de se procurer du feu ne devinrerit usuels que dans un age relativement avance de I humanite. Sans doutc, les hommes ont connu le feu des Torigine, et dans les pays tropicaux, par exemple, leurs yeux out du plus d une fois etre frappes par le spectacle des forets embrasees. Mais comment faire naitre cette flamme a volonte, ou meme comment la garder, une fois produite? Bien des siecles s ecoulerent avant que le hasard et 1 experience apprissent a 1 homme pri- mitif que I etincellc jaillit du choc dc deux picrres ou dufrottement de deux bois. Les recherches etlmologiques nous renseigncront-elles un jour sur ce point ? l\ 7 oiis 1 ignorons ; mais ce qui est certain, c est que la decouverte fut si tardive et la conservation de cette flamme precieuse si difficile, que 1 un des premiers soins, le premier soiu peut-etre, de toutes les theocraties naissantes fee qui suppose deja des milliers d annees depuis 1 apparition de 1 espece), fut dc constiluer une cor poration specialcment chargee de la garde du feu sacre; tant on craignait de lais- ser echapper cetle conquete que Ton avail, a n en pas doutcr, deja perdue et recouvrec plusieurs fois ! Done, a 1 origine, les hommes ne pouvaient user envers leurs morts d une pra tique qui exigeait 1 emploi d un moycn encore a decouvrir. Mais cet obstacle ma teriel n etait pas le seul, et il existait en outre des obstacles moraux et intellec- tuels, tellement graves a notre avis, que ces premiers peuples, alors meme qu ils cussent possede le feu, n aurainit jamais songe a s en servir pour bruler leurs morts. Voyons, en effet, quels pouvaient etre, en presence du cadavre, leurs senti ments et leurs pensees. S imaginerent-ils, dans un elan de metaphysique transcendante, qu ils avaient sous les yeux un corps perissable dont une ame immortelle venait de s echapper? Ou, raisonnant comme de graves materialistes, supposerent-ils que tout etait fmi pour celui qui venait de mourir et que son corps allait rendre a la terre les elements qui Pavaient fait vivre, aimer, agir et penscr? Certaiuement non. Les hommes d alors, parfaitcment etrangers a des theories aussi savautes, se firent du cadavre 1 idee qu ils se faisaient de toutes choscs, ainsi que nous allons 1 expliquer. Dans la belle theorie qu il a donnee du fetichisme, Auguste Comte demontre qu aux yeux du fetichiste il ne peut exister de nature inanimee. L homme qui ne connait encore qu une chose : son etre, avec ses sensations, ses besoins et ses passions, obeissant a cette loi naturelle de 1 esprit humain qui veut que Ton fasse toujours 1 hypothese la plus simple, que Ton aille du connu a rinconnu. suppose que tout dans la nature est compose comme lui-meme, et attribue genereusement a ce qui 1 entoure des sensations, des besoins et des passions. L eau coule et mugitparce qu elle veut couler et mugir, 1 arbre se courbe parce qu il lui plait de se courber, la foudre qui 1 ecrase a ete lancee par un nua^e ennemi, le rocher s est cletache volontairement de la monlagne pour detruire la cabane qui Fabritait. Le monde inorganique n a pas seulement de 1 activite : il a de la vie, il sent, il aime, il veut. De la ce respect, rempli de haine ou d amour pour les objets animes ou inanimes, selon qu ils produisent le mal ou le bien. De la ce culte timidc et craintif envers tout ce qui est dangereux ou redoutable, CREMATION. 7 depuis le serpent qui se glisse dans 1 herbe, jusqu au nuage, charge* de ton- nerres, des jours d orage. Get homme n aura pas d autres idees et ne pensera pas autreinent, lorsqu il se trouvera devant un cadavre. Pour lui, ce corps mort n est pas plus inanime qu aucune autrc chose. Ces restes d un etre qui a partage sa vie, qui a senti comme lui, subissent unecertaine transformation; mais 1 individu qu elles representent vit toujours ; il vit d une autrc maniere , voila tout. Pour peu meme que son souvenir vienne troubler le sommeil ou la veille de ceux qu il a connus, et dont ( imagination est d autantplus active qu elle seule est enexercice constant dans les cerveaux de ces peuples enfants, le mort grandit vite aux yeux de ceux qui lui survivent, el son miserable cadavre, pale, rigidc, au regard tcrnc, devient une puissance superieure dont on implore la protection ou dont on redoutc le courroux. Ce bref apercu des opinions humaines dans 1 age fetichique etait indis pensable pour faire apprecier les pratiques funeraires de ces premiers temps <( expliquer les ceremonies plus ou moins etranges que les voyageurs rencontrenl encore de nos jours en Chine, en Afrique ou dans quelques ilcs de 1 Occan. Si nous assimilons ces deux ordres de fails, c cst qu ils s eclairenl mutuel le nient, et qu en 1 absencc de renseignements directs sur les usages des epoques prehistoriques, nous en trouvons une source inepuisable dans 1 observation judi- cieuse de ces quelques socie tes de forme primitive qui se soul pci petuees jus- qu a nous, et que 1 envahissement croissant de peuples plus civilises ne lardera pas a faire disparaitre. Etantdonnee cette maniere de penser et de sentir, ilest facile de pre"voir com ment 1 homme traitera ce corps, inanime en apparence, mais qui pour lui n a pas cesse d etre. A coup sur, il ne songera pas a le bruler, non-seulement pan-e que le feu n est peut-etre pas encore a sa disposition, mais surtout parce qu il craindrait d infliger le plus horrible supplice a un etre qu il aime et qu il respecte toujours. Si ce corps cependant n est pas briile, va-t-on le laisser pourrir sur place, 1 inhumer, le jeter a 1 eau ou bien le manger? Pour bien apprecier la maniere de se conduire a 1 egard des morts, chez les premiers peuples, il faut distinguer nettement les ceremonies qui accompagnent la sepulture ou, si 1 on veut, le rituel funeraire d avec la sepulture elle-meme. (Nous employons ce mot de sepulture, faute de mieux, car il traduit imparfai- tement notre pensee ; il nous sert a designer la fagon quelconque dont on en use envers le cadavre, ou, comme dit Pline, les derniers devoirs rendus de quelque maniere que ce soit.) Cette distinction est tellement importante, qu il nous sera possible demontrer que dans tout ce qui regarde les ceremonies funebres proprement dites, c est-a- dire les ceremonies qui accompagnent la sepulture, il y a eu entre tous les peuples de la terre la plus complete uniformite; tandis que pour ce qui concerne la se pulture elle-meme il y a eu, au contraire, de nombreuses variations. Et cela devait etre. Les hommes dans leurs usages funeraires obeissent, en effet, a deux sentiments egalement pressants, qui, par malheur, ne s accordent pas toujours : un sentiment de respect et d affection qui les attache au mort, et un sentiment de preservation personnelle qui les en eloigne. Ce dernier s accrut avec les progres de la civilisation et a mesure que le danger resultant de la presence du cadavre fut mieux demontre. 11 y a done en cette question un cote moral et un cote materiel. Les cere- 8 CREMATION. monies funebres se trouvant sous la dependanee d idees ct de sentiments iden- tiquesou peu s en faut chez tons les homines (1 espece etait a ses debuts, et les differences physiologiques n avaient pu encore s etablir), il etait naturel que ces ceremonies prissent un caractere uniforme chez tous les peuples. Tandis que la sepulture proprement dile, c est-a-dire la maniere de parer au danger que pou- vait presenter le cadavre, varia avec les climats et suivant les moyens que les hommes rencontrerent a leur portee. Etudions succcssivement ce que furent ces moyens de sepulture et ces cere monies funeraires. La consequence evidente de la Iheorie que nous venons d exposer est que la conservation du cadavre a domicile, partout oil la chose etait possible, lut la regie au debut. Quoi de plus naturel, en el J et, que de conserver a leur place ordinaire ceux qui n etaient plus, mais qui, sous une autre forme, n en continuaient pas moins a s interesser aux choses de la vie? L hypothese est-elle invraisemblable? Aucunement. Quelquespays jouissant d une constitution atmos- pherique cxceptionnelle, tels que 1 Egypte, la Perse et quelques contrees de 1 extreme Asie et de I Amerique, favoriserent, a n en pas douter, le developpe- ment d un tel usage. L etat ordinaire du climat de 1 Egypte esl lei que la conservation descadavres, avant meme qu aucune preparation y vienne ajouter son effet a celui de 1 at- mospliere et des vents, y semble une chose toute naturelle. Volney, qui a long- temps habite le pays et le connaissait bien, ne tarit point sur les proprietes qu il attribue a cette merveilleuse siccite de 1 air. Elle est si grande, dit-il en un passage de sa relation de voyage, que les viandes exposees, meme en etc, au vent du nord, ne se putrefient point, mais se dessechent et se durcissent a 1 egal du bois. Les deserts offrent des cadavres ainsi desseches, qui sont devenus si legers qu un homme souleve aisement d une seule main la charpente entiere d un chameau. Dans de telles conditions climateriques, le cadavre n etanl plus une cause de danger, 1 essor des sentiments pieux avait toute liberte pour se satisfaire, et les hommes pouvaient sans crainte garder a domicile des restes aimes. Les precedes de momifieation adoptes plus tard par les Egyptiens ne furent qu une sorte de pcrfectionnement de ce premier usage. Ces precedes s impose- reiit lorsque les grandes cites surgirent et que le nombre des niorts ne permit plus a toutes les families de les conserver au milieu d elles. 11 fallut rassembler ces restes en un meme lieu et par consequent obvier au danger plus appreciable de toute grande accumulation. 11 est au moins douteux que les fameux bains de natron, durassent-ils soixante jours, fussent suffisants pour preserver a jamais le corps de toute destruction, si un etat parliculier de 1 air egyptien n etait venu completer un precede de conservation aussi imparfait. Les proprietes peu differentes du climat de la Perse ont du certainement per- mettre aux hommes des pratiques semblables. Tous les observateurs, et eu par- ticulier Chardin, montrcnt combien la putrefaction y est peu redoutable. Je crois avoir remarque, dit-il, que la secheresse de Tair de Perse, et surtout d ls- pahan, est si grande, qu il consume les cadavres en peu de temps et qu il en empeche 1 infection. J ai fait divers tours dans ce sepulcre (la tour mortuaire d lspahan), et j admirais qu il n y sentit pas mauvais. J y vis des corps encore frais; il n y avait rien de gate aux mains et aux pieds, qui elaient nus; mais le visage 1 etait beaucoup, parce que les corbeaux qui remplissent les cimetieres, CREMATION. y el qui sont par centaines aux environs, se jette.nt d abord sur cctte partie. C est seulement dans la suite, ct pour eviler sans doute I encombrement dans les grandes cites, que les Perses auraient pris I habitude d exposer les cadavres sur la plate-forme de vastes tours servant de cimetieres. lUen ne nous affermit davantage dans 1 idee que nous nous forraons de ces premiers usages funeraires de PEgypte et de la Perse, que ce que nous racontent les voyageurs des moeurs de quelques peuplcs du nouveau monde on de 1 ex- treme Orient, jouissant d immunites climateriques h pen pros semhhlilrs. Nous vuyons en effet dans ccs recits que plusieurs de ces populations avaient encore, il n y a pas un siecle, la coutume de conserver atipres d eux leurs morts durant un temps qui variait de quelques semaines a plusieurs annees, avant de proccder a rinlmmation. En Coree, par exemple, I liabilude etait de n inlmmer que deux fois par an, a 1 automne et an printemps, et de faire alors des funerailles gene- rales, auxquelles s associait toute la population. La conservation perpetuelle des corps, naturellement desseches par Ic climal, aurait meme ete d un usage tres-repandu dans les lies de la Polynesic et dans quelques parties de 1 Amc- rique. A cote de ces pays a dessication rapidc, nous pouvons placer les pays glaces, dans lesquels on voit les corps, soumis a un fro id assrz prolonged se conserver indefmiment. D ailleurs, si Ton pouvait gardcr quelque doute sur cctte repugnance invinci ble de nos premiers ancetres a se scparer de leurs morts, il sul lirait de rappe- ler combien de peuples, a nne opoque beaucoup plus tardive, en pleine phase polylheique, continuaient , non pas, il cst vrai, de les conserver a 1 air libre, mais de les enterrer dans le sol meme de la maison. 11 a i allu des lleaux terri- bles, une peste a Rome, nous dit Ic grammairien Servius, pour obliger les ha bitants a donner la sepulture bors de la ville. 11 i aut cependant convenir que si cette conservation du cadavre a pu se pra- tiquer en quelques endroits ou elle etait favorisee par des conditions particu- lieres, 1 insalubrite de beaucoup de climats a empeche la plupart des homines de se conformer a cette coutume. Yoyons done ce qui se passa dans le plus grand nombre des cas chez les pen- 1 pies habitant des cavernes ou chez ceux qui n avaient pour abri que des cabanes de feuillages. L homme, place entre le desir de garder pres de lui les restes de ses proches et la necessite de se preserver d une infection et d un contact menacant, eut re- cours a plusieurs moyens pour eviter le peril sans froisser outre mesure ses pro- pres sentiments. Que 1 habitant des cavernes ait laisse d abord la place au mort, et cherche pour lui-meme une nouvelle demeure, cela ne semble pas douteux ; mais il est certain aussi qu a force de loger trop bien ses morts, il dut se Irouver un jour sans domicile et se demander si Ton ne pouvait placer cote a cote, en un meme lieu, un certain nombre de ces cadavres appartenant a une meme famille ou a une meme tribu. Or, comme dans tous les cas semblables les hommes n ont jamais manque de bonnes raisons pour arriver a leurs fins, il dut advenir un moment ou certaines cavernes furent transformees en de veritables cimetieres. G est ce que contirment les plus recentes trouvailles archeologiques. Tan tot, en effet, le squelette que Ton rencontre est isole ; tantot, au contraire, comme dans la grotte d Aurillac, ou dans les grottes reccmment decouvertes dans la 10 CREMATION. vallee du Petit-Morin, on trouve une veritable accumulation de squeleltes (dix- huit dans la premiere, prcs de deux cents dans les dernieres), et a moins de supposer que les peuples qui y out vecu ont peri la dans unc catastrophe com mune, il 1 aut bien admettre que ces restes y ont ete intentionnellement appor- tes. Ce qui le prouve d ailleurs mieux que toute autre chose, c est 1 etat dans lequel on les rencontre : car non-seulement les os ont garde leurs connexions naturelles, mais les squelettes sont parfois places eux-memes dans une position symetrique, commc ceux de ces deux jumeaux que M. Riviere a decouverts dans les cavernes de Menton . Cela est bien pour I habitant des cavernes, mais pour celui qui n avait pour toute habitation qu une cabane de feuillages, ou tout autre abri artificiel, que se passa-t-il ? II dut se passer d abord ce que Ton observe encore aujourd hui sur quelques points du continent africain : on abandonna le mort dans la cabane, et les vivants furent s etablir ailleurs. Mais la cabane ne preservait point le cadavre comme faisait une caverne, a 1 entree de laquelle il suffisait de rouler une pierre pour soustraire aux betes de proie ou aux membres de tribus ennemies ce qu eJle contcnait. De ce besoin nouveau naquit le dolmen ou tout ce qui lui ressemble , c est-a-dirc 1 amas de pierre au centre duquel ou a menage une sorte dc caveau. On le retrouve partout, non-seulement dans nos contrees ou il semble avoir ete, avec la grotte, la sepulture la plus habituelle, mais dans les iles de 1 Ocean Pacifique, en Afrique et surtout dans le nouveau monde, ou les peu ples du Perou et les tribus de 1 isthme de Panama construisaient, sous le nom de guacas, des sortes de dolmens plus ou moins perfeetionnes, et qui dans le principe etaient a pen pres semblablcs aux notres. Ainsi, dans les climats oil la dessication est rapide, par exees de chaud ou de froid, Ton a garde les corps a domicile. Dans ceux ou 1 insalubrite atmospheri- que ne permit pas une telle pratique, on donna aux morts une demeure particu- liere, en tout semblable a celle des vivants. Enfin, dans quelques climats, que nous appellerions volontiers intermediaires, 1 homme, avant d installer dans sa demeure le cadavre de ses proches, leurfitsubir au dehors une dessiccation prea- lable. Telle etait autrefois la pratique des habitants de Taiti, visites par Bou gainville ; telle etait encore. celle des peuples de la Floride et de 1 ile Formose, qui hataient seulement par 1 action du feu une dessiccation trop lente sans doute a 1 air libre. Dans tout cela, nous ne voyons pas apparaitre 1 inhumation. C est qu en effet 1 inhumation, si Ton se rend exactement compte de la theorie que nous avons exposee, ne peut paraitre qu assez tardivement. Le mort, pour 1 homme de cette epoque, etant quelque chose qui a vie, exige les memes conditions am- biantes que le vivant. II faut autour de lui 1 atmosphere respirable ; il ne pour- rait supporter sans etre etouffe la terre qu on jetterait sur lui dans sa fosse. II dort, disaient les Taitiennes en parlant du cadavre auquel elles rendaient de pieuses visites sous le hangar ou on 1 avait dc pose. Taut que des croyances contraires ne viennent pas battre en breche la foi primitive de 1 humanite, il faut s attendre a rencontrer partout un mode de se pulture tel, que l homme pourraity continuer a vivre, si en realite il vivait en core. Nous avons donne les cavernes et les dolmens comme des types de ces pre mieres sepultures, mais combien d autres que nous nepouvons qu enumerer, et qui remplissent exactement, et encore de nos jours, les memes conditions. La, on porte les morts dans une gorge ecartee de la montagne : c est ce que des voya- CREMATION. 11 geurs out vu cliez les sauvages de la Nouvelle-Caledonie, et ce qui s observe en core au Thibet ; la, on enferme le cadavre dans un grassier cercueil d ecorces, et on le place au milieu des arbres clu bois voisin ; ou bien on le suspend en In. 1 , quatre pieux eleves de plusicurs pieds au-dessus de la terre et entoures d une palissade, ainsi que les missionnaires 1 ont observe, au siecle dernier, dans les pays qui bordent la baie d Hudson ou la riviere du Mississipi et chez les peuples du Canada. Lors meme que 1 inhumation commence a etre pratiquee, en verlu d un simple phenomena d imitation, cliez des peuples encore empreirits dc Ja croyance premiere, ils ne recouvrenl pas directement le corps de terre, mais ils laissent subsister une sorte de caveau dans leqncl les mouvements du corps se- raient libres s ils etaient encore possibles , ou memo ils construisent ce caveau sur 1 un des cotes de la fosse qu ils ont creusee. Nous avons pu constater qu il en etait encore ainsi dans quelques tribus de la province de Constantino : de larges dalles de pierre forment un certain espacc autour du cadavre, espace dans lequel les chacals et les renards trouvent toujours un abri. Une autre raison qui doit nous porter a croire que 1 inhumation n a pu etre une forme primitive de sepulture, c est qu elle exige les moyens de creuser une fosse, et que ces moyens n ont etc* inventes par les homnies que lorsqu ils ont commence a travailler la terre, c est-a-dire lorsque des socieles agricolcs se sout formees. En resume, pour ce qui est de la sepulture proprement dite, durant ce pre mier age de 1 humanite, les hommes, sous Tenipire variable du climat, du sol, et meme du milieu social, ont adopte des pratiques differentes, bien que toutes tendissent au meme but. Mais la question, avons-nous dit, presente deux cotes a etudier. Si le cote materiel, ainsi que nous venons de le prouver, est susceptible de variations, le cole* moral a eu, au contraire, chez tous les peuples, une remarquable unifor- mite. Qnel que soit le mode de sepulture, les ceremonies funebres qui 1 ont.ac- compagne sont restees partout et toujours les memes. Sur ce point, il n y a plus de doute possible. Si le mode de sepulture ne nous donne qu imparfaitement 1 idee de ce que pouvaient penser de la mort ceux qui 1 employaient, ces ceremonies, elles, vont nous 1 indiquer avec une merveilleusc clarte. Pour ceux qui lui survivent, le mort est plus vivant que jamais; on lui parlc, on 1 appelle, on 1 implore, on le sert, comme s il allait se lever et dire mcrci a ceux qui 1 entourent. On le place dans 1 endroit ou il doit reposer a jamais, re- vetu de 1 habit qu il preferait, et convert des ornements grossiers dont il avail 1 habitude de se parer; on lui a meme peint le visage d une certaine teinte ocreuse, afin de lui rendre une partie des couleurs qu il a perdues. On met au- pres de lui les armes dont il se servait, ainsi que des vetements de rechange, et les objets auxquels il etait attache. Puis on dispose a ses pieds de la nourriture, et celui qui 1 apporte la goute, afin de lui prouver qu elle ne coutient pas de poi son, et pendant longtemps on lui en apportera tous les jours, et ca et la la fa- mille entiere viendra prendre son repas a ses cotes. S il fait froid, on fera du feu aupres du cadavre. Mais ce n est pas tout. Si celui qui est mort a joue quel- que role parmi les vivants, s il a exerce une autorite, s il a eu des esclaves, il ne peut e videmment se passer des services auxquels il est habitue, et de memc qu on ne le laisse point sans nourriture, on ne le laissera point sans serviteurs. On egorge sur son corps ses esclaves les plus fideles, on egorge egalement son 12 CREMATION. cheval prefere, et Ton met le comble a la prevoyanee en massacraut parmi ses i emmes celles qu il a le plus aimees. Tout cela va habiter avec lui la meme de- ineure et l aider a vivre sa nouvelle vie. II y a dans tous ces actes une manifestation si certaine de cctte idee que la mort n est quc le passage a une autre vie non moins materielle que la precedenle, que nous n imaginons pas comment certains esprits y ont pu voir les choses ex- traordinaires qu ils y ont vu. II n y a pas la 1 ombre d une croyance en une ame immortelle ct une vie future; et vraiment Ton cut bien etonne ces femmes des tribus canadiennes qui allaient repandre le lait de leurs mamelles sur la tombe de leurs enfants morts, si on leur cut dit que les pauvres petits etres ne le boi- raient point. II. ClIEZ QUELS PEUPLES ET POUR QUELS MOTIFS LA CREMATION PRIT NAISSANCE. Ce serait sortir de notre sujet que d cxpliqucr ici, meme brievement, com ment la mnjeure partie des bommes ne parent demeurer dans le fetichisme et subirent une prolbnde transformation dans leur maniere de penscr ; comment, par une consequence naturelle, ils changerent de culte, et, apres avoir adore les astres, ils en vinrent a sacrifier aux dieux. La seule cbose qu il nous importe de connaitre c est le degre d influence qu eurent sur les rites funeraires, institues par le fetichisme, des conceptions si contraires a 1 ancienne mentalite, d ou ces rites etaient sortis. II est certain que les hommes, grace a la foi nouvelle, n e- taient plus tenus envers les morts a des pratiques aussi rigoureuses que par le passe. Les idees de vie future, de recompense et de penalile post mortem, de transmigration des corps, etc., qui surgirent avec les croyances surnaturelles, permettaient evidemment de ne plus trailer le cadavre avec le mi ine res pect superstiticux. Du moment que ce corps n etait plus qu un objet inanmie. il devenait vraiment bien inutile de 1 entourer du soin dont on n entoure que les vivants. Et cependant, chose etrange a dire, 1 homme ne se departit de ses habitudes invelerees a 1 egard des morts que lorsque la necessite, une necessite absolue, 1 y forca. A 1 exemple de ses predecesseurs fetichistes, il continua a environner le mort du meme respect, du meme amour, des monies attentions. On est saisi d etonnement lorsqu on voit 1 Indou iaire journellement des ol- frandes de riz ou de lait aux manes d ancetres qui, dans son opinion, resident maintenanl dans d autres corps, corps de dieux, d hommes ou de betes, suivant la vie qu ils ont menee ; il n est pas moins curieux de voir le Grec ou le Romain sceptique construire devant la tombe de leur mort le petit foyer ou ils preparent les aliments qu ils lui destinent, ou placer dans le cercueil jusqu a plusieurs robes neuves, afin de remplacer celle dont on 1 a revetu et qui ne tardera pas a s user. Cependant cela fut ainsi, et en verite il suffit de reflechir un instant pour s expliquer des effets, en apparence si contradictoires. Sans meme f aire remar- quer combien la force de 1 habitude, et surtout d une habitude datant non de centaines, mais de milliers d annees, dut etre toute-puissanle et lutter victo- rieusemenl conlre des conceptions tou.jours difficiles a faire adopter quand il s y glisse une telle part de surnaturel, il taut bien reconnaitre que toule revolu tion philosophique et religieuse, si grande qu elle soil, si profitable qu on la juge aux progres de riiumanite, ne penetre jamais tres-avant dans les profon- deurs des couches sociales, et que la t oule demeure generalemeiit insensible aux seductions des plus savantes theories. L elite travaille et se perfectionne, niais la CREMATION. 13 masse d emeu re an meme point. Elle accepte facilcmcnt, en fait cle tlieorie, tout ce qui lui vient d en haul, ct se laisse, sans resistance apparcnte, imposer tons Ics cultcs; mais si Ton va au fond des choses et que Ton cherche ce qn il y a sous cette apparence, on trouve que 1 adepte des religions Ics plus raffinees est demeure, sous le rapport des ide es, I homme primitif qui habitait la grolte de 1 age quaternaire, et Ton demeure confondu en constatant quelle faible dis tance meutale separe un paysan quelconque de notrc Europe d un sauvage des bords du Tanganika. Le sorcier n a pas une clientele moins nombrcuse dans certaines provinces de France, d Espagne ou de Prusse que chez les naturels de 1 Oudjidji. Prise dans sa masse, 1 humanite est restee ce qu elle etait au debut : purement fe tichique, et, meme chez les hommes Ics plus instniils et Ics plus emancipes, il ne serait pas difficile de de meler ce qu il y a encore dans leurs actes de conforme a cos tendances primesautieres, spontanees, invincibles de notre nature. Ne nous etonnons done pas si le polythe isme, malgrc les idees uouvellcs qu il semait dans le monde, ne put modifier sensiblemcnt les coutumcs antiques, au moins sur un point qui tenait taut an cceur des hommes. Le cliangement le plus important que nous observons alors dans Ics rites funeraires, c est que { inhumation proprement dite vint reiuplacer a pen pres paiiout les divers modes primitifs ijue nous avons de crits et qui tous etaient plus ou mains des sepultures a 1 air libre. Dans les grandes societes industrielles el |iariliqnes, soil theocratiques, comme 1 Egypte, soit astrolatriqnes, comme la Chine, on se con- tenta de perfectionner les precedes ancicns. N oublions |>as d ailleurs que de grandes transformations politiques s e taient accomplies au seiu de ees socielc^, a cole et sous 1 influence de la revolution intellectuelle ct morale; qu il s e tail constitue de vastes agglomerations, des cite s populcuses, el qu il cut cte ini|>ra- ticable de suivre en maintes circonstances les vieux errements. Ainsi 1 Egypte fut amenee a construire ses vastes hypogecs et a faire subir aux corps cette preparation speciale de la momification, afm d empecher sans doute que 1 accuniulation dans un meme lieu ne vint contrarier cette dessiccation que le climat seul suffisait jusqu alors a produire. Ailleurs on organisa les ci- melieres et Ton apprit 1 art d embaumer les corps. Partout les sacerdoces tra- vaillerent au meme but par des moyens a peu pres semblublcs : conserve! 1 le mieux possible les morts en donnant toule securite ;iu\ vivanls. Chez les tht o- crates persans eux-memes, la coutume d exposer les corps a ciel ouvert, en de- hors des villes, sur la plate-forme d nne tour destinee a cct usage, nc sem- ble, au fond, que le prolongement de la pratique fe tichique la plus commune, avec cotte difference que 1 on transporle les corps a quelque distance des lieux h;ibites au lieu de les garder a domicile. Quant a la raison qu en ont donnee cenx qui pendant des siecles ont oln i a cetfe coutume que c etait pour ne point souiller la terre qu ils adoraient concurremment avec le feu, nous ne pouvons y voir qu un argument invente apres coup, un de ces arguments dont les reli gions sont si prodigues lorsqu elles veulcnt s approprier des usages qui existent de temps immemorial et tiennent vivement au coeur des populations. Le cas de 1 Inde, ou s etablit 1 usage de bruler les corps, exige des explications speciales, que nous aliens aborder en parlant des modifications , infiniment plus prc- iondes que les juvcedentes, apporte es aux rites funebres par les civilisations militaires. (. <jsl dans ccs civilisations, en effet, que surgit, a un certain moment, 14 CREMATION. necessite ineluctable, dont nou? avons parle en disant que les hommcs sortis du fetichisme nc changercnt rien a la maniere de proce der clivers les morts, a moins qu ils n y fussent obliges par les circonstances. Ces circonstances se rcncontrcrcnt dans 1 etat de guerre continuelle ou se trouvaient dcs peuples condamnes pour vivre a une lutte incessante avec leurs voisins ; les massacres epouvantables qui en furent les consequences, au milieu de populations deja quelque peu civilisees, durent evidemment soulevcr une terrible question d hygiene sociale : que faire de ces monceaux de cadavres? Rappelons-nous que dans Ic principe au moins ce n etait pas seulement 1 armee vaincue qui etail aneantic, mais que Ic peuple atteint par la defaite subissait le meme sort que son armce. G est a une epoque deja tardive de 1 evolution polytheique, en pleine guerre du Peloponcse, que les Alheniens condamnaient de sang-froid a la mort tous les Mitylenicns adultes pour avoir repudie leur cause et embrasse cclle de Sparte. On sail que ces guerres se sont prolongc cs pendant une longuc suite de siecles sans qu on puisse saisir un instant de veritable treve ; que si les Grecs ont ccsse* parfois dc luttcr contre les monarchies asiatiques, c a ete pour se livrer aux plus abominables guerres intestines ; qu a Rome, Auguste esl le second qui parvint a fermer le temple dc Janus ; et que dans les cinq cents ans de guerres conlimielles que cela represente, il en est qui, comme cclle des Samnites ou des Cisalpins, ne prit fin que par 1 extermination a peu pres complete des vain- cus. Bon gre, mal gre, il fallut bien se preserver par un moyen quelconque des dangers que faisait courir a des populations scdentaires le retour quasi perio- dique de tulles accumulations de cadavres. Or les enterrer etait impossible, car les vainqueurs n y eussent le plus souvent pu suffire, el Ton peut se deman- der, pour arriver a cette fin, quel autre precede que la cremation ils auraient pu adopter. Le feu etait entre depuis longtemps dans le domaine bumain et 1 on connaissait sa puissance. Le polytheisme n etait plus, comme le fetichisme, un obstacle a I introduction d un usage^contre lequel les preventions des hommes pouvaient demeurer grandes, mais en faveur duquel ils avaient au moins 1 as- sentiment de la religion. Les croyances officielles, sinon les croyances et les dis positions intimes, ne se revoltaient plus contre 1 emploi du bucher. D ailleurs, ne pouvait-on du moins se debarrasser ainsi des vaincus si Ton eprouvait encore quelque scrupule a 1 endroit des siens? Et meme parmi les siens, ne pouvait-on faire un choix? C est ainsi que Virgile, au livre XI de Y&ie ide, decrivant les suites d un combat entre les soldats d Enee et les Latins, raconte qu on ne livra aux flammes que le gros des morts, et que ce qui appartenait a des families respectees fut transporte dans les villes voisines et enterre pieusement. Mais de telles exceptions devaient inevitablemcnt tomber devant une conside ration plus puissante, si c est possible, que le respect du cadavre : devant le desir imperieux de rapporter dans leur patrie quelque chose de ceux qui etaient morts loin d elle ; de rendre aux parents, a la fern me, aux fils, la partie la moins perissable des etres cheris dont ils n avaient pu fermer les yeux On briila les chairs pour ne garder que les os, dont le transport fut aussi aise que peu dangereux pour 1 armee qui les ramenait. C est de cette facon qu Athencs rentra en possession de tous ceux que vit perir cette lamentable guerre du Peloponese. Apres chaque campagne elle fit aux morts des funerailles solennelles et ense- velit au Ceramique les os de ses defenseurs contenus dans autant de cercueils qu il y avait de tribus. Tlmcydide ajoute que tel etait depuis longlemps la cou- tume athenienne en ce qui toucbait ceux qui avaient peri sur le cbamp de ba- CREMATION. 15 taille, el il donne comnie 1 unique exceplion qui soil venue a sa connaissance le cas des soldats morls a Marathon, que 1 ou enscvclit sur le lieu meme, nou par negligence ou pas defaut de moyens, mais pour les hoaorer d une facoii spe- ciale cl leur dormer, pour ainsi dire, la possession du sol qu ils avaicut treinpe de leur sang. S il fallait meme s en rapporter aux Icgendes populaires de la Grece, ce serait surtoul a ce dernier motif que serait du 1 usage de bruler les corps. Hercule, pour remplir la promesse qu il avail faite a Lycinius de lui ramener son ills Argius, n avait Irouve d autre moyen que de reduire en cendres le corps du malheureux jeune homme, apres qu il eul ete tue par Laomedon. Le de sir de se soustraire au danger que tout amoncelleinent de malic re orya- nique en putrefaction entraine apres lui, d une part ; de 1 autre, le besoin de rapatrier les restes des marts, tels furent, suivant nous les premiers et graves motifs qui pousserent les homines a employer la cremation. Qu a ceux-la il s en soil joint de nouveaux et qu on ait Irouve a celle pratique d autres avantages que ccux que nous venons de citer, comme celui de parer aux profanations de sepulture, nous n en disconvenons pas; mais ces avantages ne furonl en tout cas que secondaires, et n auraienl pu a eux seuls determiner radoption d un precede si evidemment oppose aux plus vieilles traditions comme aux tendances les plus intimes et les plus profondes de I huinanilr. Dans un interessanl ouvrage, paru en Angleterre au commencement de ce siecle, et qui a pour litre : De Vorigine de la cremation ou de I usage de bruler les corps, 1 auteur, M. Jamieson, recherchant les causes qui onl du amener les hommes a celle pratique, en enumere plusieurs qui, tout inaceeptables qu elles nous paraissenl, sont cepcndanl assez curicuses pour qu il soil interessant de les signaler : a. La cremation aurait i U , suivant lui, un moycn de reduire le corps a ses principes; c est 1 explication que donnait en faveur d un usage deja immemorial Ileraclile et son ecole, qui voyait dans le feu le premier principe de loutes choses, contrairement a Thales, qui trouvait ce principe dans 1 eau. Aussi, tandis que le premier etait plus porle a 1 usage de bruler les corps, le second donnait la preference a 1 usage de les enterrer. b. Le monde, suivant 1 opinion d un petit nombre de pbilosophes qui serecla- maienl de Plalon, de Zenon et d Heraclite, elait destine a perir par lefeu, el en consequence il imporlail pen de conserver des corps qui lot ou lard devaienl elre consumes par cet element. M. Jamieson fait observer avec beaucoup de justesse que ces deux opinions, malgre toute la renommee et loul le poids donl ont joui ceux qui les out pro- fessees, n onl dii avoir aucune espece d influence sur 1 origine ou meme sur 1 extension d un usage en vigueur depuis des siecles, lorsque ces philosophes e mirent les systemes qui le recommandaient. D ailleurs, ajoute-t-il, il est atteste par une experience universelle que les Iheories des philosophes onl eu bien peu d influence sur les moeurs et les usages du genre humain. Dans beau- coup de cas ils se sont efforces, a leur maniere, d expliquer certains usages dominants parmi leurs conciloyens, elont occasionncllemenl acconnnode leurs syslemes a ces modes, qui avaient la sanction de 1 antiquite. Mais on peut bien meltreen question si dans aucune circonstance le dogmede 1 ecole la plus celebre a donne naissance a un rite ou a un usage qui ait cte generalement recu par la 16 CREMATION. multitude. I/influence des philosophes ne s etendait guere au dela du groupe de leurs disciples, et comme les theories les plus opposees etaient concurrem- ment soutenues par des adversaires jouissant d une egale autorite et munis de litres egaux, la multitude qui les entourait ne pouvait que demeurer spectatrice, sans se mcler de prononcer sur la controverse. Nous ne contredironscertes point a ceraisonnement. Cependant M Jamiesonne nous semble pas avoir fait porter sa critique la ou il fallait. Heraclite, Platon et les aulres philosophes n etaient ni assez nail s, ni^assez sufh sants pour avoir la prevention de croire que leur systeme philosophique etait capable de faire naitre ou meme de developper un usage qui exisfait si genera lenient avant eux. Ce que ces philosophes ont cru, - - et ils ne sont pas les seuls a avoir eu de semblables illusions, - - c est que dans une epoque anterieure a la leur, on s etait deja forme sur la nature du feu une theorie pen dil lerenle de celle qu ils enseignaient, ct que cette opinion avail eu alors assez d influence pour faire surgir une cou- lume nouvelle. L ide e que les hommes qui les avaient precedes, par cela seul qu ils etaient verms plus tot, u auniient pu raisonner comme eux ou imatnner lesmemes theories, une telle ide e, ne serait jamais entree dans le cerveau des Grecs. La notion de progress, qui nous pousse aujourd hui a faire la [tart du moment lorsque nous voulons determiner quels ont du etre les sentiments, les concep tions, les actes d une portion de I liumanite, a telle ou telle pe riode de son liis- toire, est une notion profondement inconnue, non soupconnee meme de 1 anti- quite. Les sages d alors pensaient, comme d ailleurs le penscnt encore de pre- tendus sages de nos jours, que 1 intelligence humainc n est point susceptible de se modifier et de grandir; qu elle est demeuree a travers les ages ce quV llc etait chez le premier homme ; que toutes les conceptions ont ete possibles des le debut, ou du moins que rien au monde nesaurait prouver qu elles n onl point pris naissance avant 1 epoque ou elles paraissent avoir reellement surgi ; qu il y a, en un mot, plus de resurrections d idees anciennes que d eclosions de nou- vellcs idees. Cette banalite qu z7 riya rien denouveau sous le soleil n avait pas moins cours dans 1 antiquite que chez nous, et de meme que nous voyons au jourd hui des esprits nullement vulgaires demontrer a grands renfortsdepreuvcs que toutes les decouvertes de la science moderne se trouvent dans Lucrece ou dans Democrile, de meme les adeptes des ecoles grecques pouvaient supposer que des hommes qui les avaient pre cedes de mille ans avaient pu n etre pas elran- gers a leurs theories. c. M. Jamieson partage cette meme erreur quand il avoue que toutes ses sym pathies sont pour la raison suivante, qui, dit-il, si elle n a pas absolument donne naissance a cet usage, doit avoir singulierement facilile ses prores. Le corps etait regarde comme impur ou souille apres le depart de l ame ct Ton croyait consequemment necessaire qu il lut purifie par le leu. C est cequ avait etabli, parait-il, le grammairien Eustathe dans son commen- taire sur VI Hade, ou il rappelait qu Euripide, parlant du corps deCrvtemnestre, s etait servi de 1 expression purifie par le feu. S il en est ainsi, Euripide, Eus tathe et M. Jamieson se sont trompes et ont attribue a ceux qui ont etabli la cre mation des opinions qu ils n ont jamais cues. C est qu en effet 1 idee d une ame immortelle, enfermee dans le corps pendant la vie comme en une prison est une idee relativement recente. Elle apparait pour la premiere lois dans les ecrits du poe te Thocylide, qui vivait au milieu du sixieme sitcle avanl notre ere c CREMATION. 17 a-dire prcsque a la meme epoque que Thales. Ellc est etrangere aux temps qui ont precede, et ce serait une errcur prolbnde que de croire qu elle doit accont- pagner necessaircment les conceptions theologiques, que ces conceptions airnt un caractere polytheique, comme en Grece, ou un caractere naonotheique comme ii Judce. C est fort lard, alors seulement que les convenances morales de qnel- ques systemes y poussent les penseurs, que se degage cette croyance en une substance immaterielle et imperissable qui doit dans un autre monde subir le chatiment merite par les fautes de I liomme ou recevoir la recompense reservce a ses vertus. Jusque-la, ou bien animant lecadavre, I lioinme a cm avec le feti- chisme a une vie purement materielle et sur place au dela de la mort, ou bien cessant d ajouter foi a cctte croyance primitive (nous parlous d une 1 aihle elite, bien entendu), il a pense que tout etait iiai par la mort ct qu un sommeil c ernel altendait rhomme dans le tombeau. Chez les Hebreux, par exemple, la notion d ame n apparait qu a la derniere extremite, peu de temps avant la uaissance du christianisme et encore cbez les adeptes d uue petite secte, la secte des Pharisiens, qui tres-probablement 1 avail cmpruutr e aux Grecs, souls capables de s elever a une srmblable abstraction. L idee meme de la resurrection des corps, qui rcpond sous nne auliv lorinc -\ certaines des necessitcs morales qui ont fait surgir 1 idt e d ame, nr prnrlir dans le monde mosaique qu apres la captivilr dc l!;ili\l(inc, d, coniinc bcaiicoup d autres conceptions juives de la meme < |io<|iie, provient evidemmcnt d uu con- tact prolonge avec la civilisation persane. Ricn d analogue dans le Pentateuquc, dans lo livre des Propbetes, dans tout ce qui est anterieur a la captivite. Pour Mo ise et ses premiers successeurs, tout prend fin avec la mort. L homme a recu sur terre la recompense ou le chatiment qui Ini etait du, et si parfois la colriv de Dieu ne s est point appesantie sur le pere coupable, c est pour mieux perse- cuter ses enfants. Quant au peuple hebreu lui-meme, malgre les efforts surhu- mains de son premier legislateur, disciple des pretres egyptiens monolheistes, il -demeureplusfetichiste qu autre chose et 1 onretrouve les traces de cetle croyance primitive en la vitalite du cadavre jusque dans le nom de ses cimetieres qu il <ippelle : betk hachaim, maison des vivants. De meme chez les polytbeistes cette idee d ame ne fut jamais que le tardi! privilege d un petit nombre, et, si Ton elait lente de supposer qu elle fut d une influence quelconque dans 1 origine de la cremation, il suffirait de rappeler que toutes les pratiques funeraires, instituees par le fetichisme, et qui seraient inex- plicables si clles ne se fussent adressees a des corps que Ton croyait toujours doues de vie, se sont, comme nous le verrons tout a 1 heure, maintenucs scrupu- leusement lorsqu au lieu d enterrer les morts on les porta sur le bucher. Les dernieres raisons invoquees par Jamieson : que quelques-uns croyaient par 1 action du feu delivrer entierement 1 ame de tous les liens du corps et la puri fier de la souillure contracted dans son alliance avec lui, sont des raisons de memo ordre que la precedente et la critique que nous en avons faite nous dispense de rien ajouter. Ce qu il serait plus logique d attribuera ces theories serait 1 origine de Vapo- the ose que nous voyons naitre et se developper a 1 epoque de la decadence du monde greco-romain et que Ton retrouve sous ctes formes diverses partout ou la cremation s est etablic. L apotheose servait, en effet, a separer la partie divine tie la partie humaine chez les heros ct les demi-dieux. C est cette apotheose que les Remains appliquerent a leurs empereurs, tandis que les Grecs, plus egali- DICT. ENC. XXIII. 2 18 CREMATION. taires, se coiitentcrenl dc la decerner dans le passe aux heros de leurs legendes, dont le premier etait Hercule. Tels sont quelques-uns des motifs invoques par M. Jamieson pour expliquer 1 usage de bruler les corps ; lesautres sont ceuxque nous avons donnesnous-memes. En somme, 1 auteur anglais a pe che dans son travail, moins parce qu il n a pas emis les veri tables raisons de 1 origine de la cremation quc parce qu il u a pas montre qu elles avaient etc les plus graves, et surtout parce qu il a donne le pas a celles qui en realite etaient les moins decisives. Si, en el fet, toutes les raisons que nous venons d enumerer avaient une cgale valeur, nous ne voyons pas pourquoi tons les peupl<?s du monde, a 1 exccption peut-etrc de ceux qui sont demeures dans le fetichisme, n auraient pas adopte la cremation. 11 est bien certain cependant qu aucune pratique n a ete plus limitec. En consultant les documents sans nombre le gues par 1 histoire et les observations des voyageurs, on reste bientot convaincu que 1 usage de bruler les corps ne s est infroduit que chez trois ou quatre peuples, tant de 1 ancien monde que du nouveau, dont le caractere militait-e est incon testable. Nous en exceptons pout-rtre le peuple bindou dont le cas particulier pout suscitor quelque hesitation, mais clicz qui une obser\aii<m plus attentive moiilre qu en somrne ce sont toujours les memes causes qui ont engendre les memcs clTels. Dans 1 ancien monde, la Grecc ct Rome, en dehors de 1 Indc, ont seules adopte 1 usage de bruler les morts. La, aucune discussion n cst possible. Ce n est pas au peuple qui a invente la guerre abstraitc, la guerre faite avec tous les moyens que 1 csprit seicnlifiquc met en grandissant a la disposition des bommes, c est-a- dirc au peuple grcc, non plus qu a celui qui a su le mieux mcttrc en oauvre ce que les Grecs avaient si bien invente, c est-a-diiv au peuple remain, que Ton refusera d avoir ete des peuples avant tout guerriers. On sera peut-etre plus porte a denier cc litre au peuple mexicain, le seulqui, dans les vastes contrees du nouveau monde, ait introduit dans ses moeurs l usa ff e de la cremation. Cependant cela ne peut faire doute pour celui qui a tant soil peu etudie 1 etat dc cette grandc civilisation au moment ou les conquerauts cspagnols la detruisirent. Un des plus importants secours que rencontra Cortes dans sa conquete fut 1 alliance d une foulc de princes vassaux, qui, ecrases par les caciques, s eui- presserent de se joindre a lui dans 1 espoir de recouvrer leur independancc. Les progrcs accomplis par cet empire - - et, lors de sa chute, ils e taient di-ji remarquables, - - offrent le caractere particulier qu on retrouve chez les autres civilisations militaires. Tout ce qui interessc la defense et I altaque, c est-a-dire 1 art de se fortifier, de construire les routes, etc., etc., y etait pousse au plus haul degre de culture. On sail quelle surprise s empara des compagnons de Cortes, lorsque, arrives en vuc de la capitale, ils se trouverent en face de ccs superbcs cbaussees sur lesquelles on traversait les lacs qui l a defendaient. Mais ce qui plus que tout cela est une certitude du caractere guerrier, et non recem- meut guerrier dc la civilisation des Azteques, c est leur constitution politiquc, qui soumettait les chefs supremcs a 1 election. Les empereurs n occupaient point le trone par droit de naissance ; mais ils etaient choisis parmi les nobles, c est-a-dire parmi les guerriers, par les nobles eux-meincs. Or, rien ne peint mieux, comme 1 a montre Auguste Conite, CREMATION. 19 Total militaire chez un peuple, que 1 institution elective appliquee aux chefs. Si, en effet, dans une theocratic pacifique, la naissance peut suflire a delenni- ner la fonclion, meme la fonclion supreme, puisque le titulaire a loujours contre lui, pour 1 arreter dans une voie funeste, 1 obstacle invincible des tr.idi- tions et 1 influence preponderate du sacerdoce, il n en est plus dc memc lors- que la guerre devient la constante preoccupation d un peuple, et que la moindre fautc de la part d un chef, toujours omnipotent sur les champs de bataille, peut compromcttre son existence ou tout au moins sa liberte. Alors les droits de la naissance le cedent de toute necessite a ceux du merite, et le soldat qui risque sa vie oublie vite que son general ne descend point des dieux, s il a, chose preferable, les qualites qui font vaincre : 1 intelligence, le courage, la fermele. Dc la 1 elcction qui intervient dans le clioix des chefs et remplace I heredite. Lors done que nous voyons les empereurs mexicains soumis au regime electif, nous pouvons affirmer avec certitude que les populations qu ils gouvernaicnt etaient toutes adonnees a la guerre, et que les coutumes propres a ce regime, et en particulier la cremation, avaient dii s implanter la comme ailleurs sous la pivs- sion des memes circonstances. La Grece, Rome et le Mexique, voila done trois points du monde ou 1 usage de bruler les morts a certainement coincide avcc la preponderance du regime militaire. Mais ils ne sont pas les seuls ou eel usage se soil introduit. En de- hors d cux, il y a 1 Inde, et cela merile explication. Peut-on appliquer sans con tradiction a cette vaste societe, si evidemment theocratique, la theorie que nous venons d exposcr et dire que chez elle aussi 1 usage de la cremation s est inlro- duit avec les necessites engendrees par la guerre? L espril y ropugne d abord cl se sent porte a chercher quelquc autre raison plus plausible. Cependant, si Ton veut aller au fond des choses elmettre a profit tous les rcnseignemcnts qui sont en nos mains, on voit que si Ton ne peut, avcc la memc certitude que pour Ic Mexique ou la Grece, se fonder sur les raisons que nous avons dites, il n est pas impossible dc trouver, pour expliquer le phenomene, des causes non S:IDS analogic avec les precedentes et qui, dans ce cas particulier, eurent la mr-iin- Ibrce et engendrerent les memes effets. II n est pas douteux que jusqu a la conquete anglaise, 1 Inde, pendant un nombre d annees que 1 on ne peut meme estimer, est demeuree soumise au plus pur regime theocratique. La caste brahmanique chargee du sacerdoce et de renseignement fournissait aux rois leurs ministres et leurs conseillers, et si Ton remarque qu au point de vuc politique le pays e tait excessivement divisc el ({vie toutes ccs divisions possedaient des rois indepcndants, on s imaginera sans peine quelle devait etre 1 influence de ces brahmes, dont la classe elait la seule qui eut des inlerels identiques, la seule qui obeit a une meme impulsion sur toute la surface de la presqu ile indoue. II ne peut done y avoir d hesitation sur ce sujet et il faut bien reconnaitre quel element the ocratique 1 emportc ici sur Felement militaire. Cependant ne serait-il "pas permis de supposer dans cette civilisation une periode militaire anterieure a la phase theocratique ou se prolongeant assez du- rant son etablissement pour que certaines coutumes introduces par les necessi tes de la guerre s y soient maintenues? Pour noire part, nous serions tout porles a croire que c est la precisement ce qui est arrive, si toutefois nous nous en rapportons aux trois grands documents qui nous fournissent quclques lu- 20 CREMATION. mieres sur 1 histoire indouc : les Vedas 1 , le Mahabarata 2 , le Ramayana 5 , pour Ics citer d apres leur ordre d apparition. Ce sont des re cits de conquetes qui out occupe plusieurs sieeles. Or, s il y a eu guerres et conquetes, il y a eu des morts, et quel qu ait ete d aillcurs le regime militaire durant cette periode, il faut bien admettre que les dangers causes par 1 accumulation des cadavros, surtout dans un pays tel que I liide, durcnt faire surgir les memes moyens que partout ailleurs de s en preserver. Sans doute, nous coavcnons que le regime militaire ne scmble pas avoir ja- in;iis on dans 1 Inde I intensite et la puissance qu il a revalues sous d autres climats. Et cela tient a deux causes. En premier lieu, il ne pouvait se pro- longer indefiniment, puisque, parvenus a Ceylan , les Aryas n eurent plus ricn a conquerir. Entoures des deux cotes par la mer, ct vers le nord par f)e liautes montagnes et des deserts etendus, il leur fut desormais aussi difficile de porter la guerre chez les autrcs qu il le ful aux aulres de la porter diez eux. A pros lV\|i . dilion de llama, la paix, ou tout au moius une paix relative, que ne troublerent plus que quelques quereUes intestines, devint certainement 1 etat le plus habituel de la peninsule iudoue. En second lieu, il semble, si Ton s en rapporte surtout au dernier dunnm-iil <|m- nous avonseite, au Ramayana, que ccs con<|iir|< s ou tout an nmins la dcrniere, furent rapidemcnt accomplics, et des lors quYnliv cliacune d elles il s est iVuule un long intervalle. Cela nous expliquerait pourquoi le regime miiitaire, fautr d une routinuite suffisante, nc put jatnais s etahlir la avcc le caraclerc ncttcinciit determine qu il out ailleurs, et comment 1 oeuvre des brahmes sc poursuivit sans relache malgre les quelques episodes qui semblaient devoir IVnlraver. Tels sont les motifs sur lesquels nous nous basons pour dire que les causes qui ont ameue la cremation dans d autres con trees 1 ont egalement, bien qu avec moins de force peut-etre, amcnee dans 1 lnde. Cependant, si ces motifs lais- saient des doutes dans 1 esprit, nous pourrions en invoquer d autres qui, joints aux premiers, feraient disparaitre toute hesitation. Ces motifs, nous les tirons de 1 etat d exceptionnelle insalubrite de certaines parties dc 1 Inde, insalubrite tclle que de tres-bonne heure on dut evidemmeiit prendre des mesures energiques pour emi rsber la decomposition cadaverique de venir joindre ses effets a ceux de ja terribles de la decomposition vegetale. Les voyageurs sont unanimes a signaler 1 etat pestilentiel de la valle e du Gauge etde toute la contree qui s etend entre I llymalaya et Bombay. La saison pln- vieuse arrive, dit 1 un d eux que nous prenons au liasard, et on dil genera! ement 1 Les Aryas conquerants, venus d au dela des monts Indou-Kousli, des bords de 1 Oxus pene- trent dans la vallee de Tlndus et lutteril pour s y etablir. Les Vedas sont des liymnes de guerre dans lesqucllesl homme encore plonge dans le fetichisme invoque toutes les forces de la nature centre ses ennemis. Tout prouve que 1 etat social est celui d une civilisation peu avancee : le pere de famille est plusoumoins confondu avec lepretre et le chef i olilimie- seule la caste des brahmanes commence a se dessiner. 2 Le Mahabarata est le recit d une puerre civile entre cousins au sujet de la accession du roi Dhritaraslra. La vallee du Gange iut probablement le theatre de la lutte, ce qui nrouve que les Aryas avaient des lors envahi tout le nord de la peninsule. 3 Le Ramayana est 1 hibtoire de la conquete par le roi Rama de tout le pavs aui s tend entre le Gange et Ceylan, c est-a-dire du Dekan. A cette epoque la constitution sociale du pays est complete, les castes sont deBnitivement constiluees, le dogme a pris corns le brahmanisme est fonde. II y a e videmment un espace de plusieurs siecles entre 1 enoa nous preser.te le Ramayana et celle que nous presenlent les Vedas. CREMATION. 21 qu alors les forets d ici a Bombay sont lout bonnement morlcllcs, 1 air putridc qui s y ctablil pendant les pluics elant cmpoisonne au point qu on ne peut se livrcr au sommeil dans ces fonHs sous peine de mort. II est defendu de faire marcher des troupes par la a cettc epoquc de 1 annee (Leltres sur I hide, par le prince Sol tikoff). C est, d aillcurs, en cette partie du globe qu est ne le cholera, qui partout se [jroduit connne une maladie accidentelle, passagere, sans gravite; mais qui la, s alimentant a un foyer permanent, revet une forme aussi redoutable par sa marche rapide que par sa tenninaison presque toujours funesle. Gontrairement a une opinion qui a cherche a se faire jour dans ces dernieres annees, dit M. 1 inspec- teur Laveran, les causes d insalubrile anxquelles il faut attribuer I endemie ne sont pas particulieres a notre epoque, et si IVpidemie dr Jessore (1817) signale le commencement d une grande irruption du mal en dehors de son foyer ori- ginel, on ne peut, sans meconnaitre les temoignages fournis par les pins anciens monuments sanserifs, considerer le cholera comme une maladie nouvellr. De nombreux autcurs ont etabli sur des preuves multipliees quc 1 endemicite du chole ra dans 1 Inde remonte a 1 antiquite la plus rccule e. Si les fragments des Ayur-Vedas, qui conticnucnt des renseigncmenls sur les connaissances medicales des Indous, ne menlionnent pas le cholera, Wise a trouvc dans les iradiiction-; tamoules les traits principaux dc la maladie Et plus loin : Le climat do 1 Inde est a la fois exccssif par la chaleur et I humidite. A Madras, a Pondichery, les maxima du thermometre oscillent entre 40 et 46 degres. Au Bengalc, il tombc 210 centimetres d cau. Son sol est forme de plateaux etde plaines basses recouvertes d alluvions, converties en limon par les inondations pcriodiques, foyer inepuisable de la vegetation la plus luxuriante et de decompositions orga- niques putrides. Le delta du Gange herisse de forets, et qui doit a cctte derniere circonstancc son nom de Sunderbuud est, a cause de scs jungles, le foyer prin cipal des miasmes deleleres du cholera. En admettant done que 1 Inde u ait pas eu a combattre les dangers provenant de 1 accumulation des morts sur les champs de bataille, ce qui scmble diliicile a soutenii 1 , il est de toute evidence, par ce que nous venous de citer, qu elle dut de tout temps se trouver en presence de dangers non nioins serieux : ceux qui resultent de ramoncellement decadavres pendant des epidemics meurtrieres et quasi annuelles. Que le peril vienne dc la guerre ou du cholera, pen importe. Ce qu il faut d abord, c est de se debarrasser de la facon la pins cxpeditive de cette agglomeration de matieres humaines en decomposition, et le remedc que les populations guerrieres ont trouve pour remplir ce but peut aussi bien avoir etc invente par un pcuple decime par dc terribles epidemics. En realite, ce serai t une meme necessite, cngendree peut-etre par deux causes differentes, qui a pousse les hommes a employer des moyens semblables. Ce sont dex ynerres ou des epidemics meurtrieres qui ont conduit les hommes a Tusaye de la cremation. Nous terminons par 1 Inde la liste des pays ou la cremation s est devcloppee spontanement, c est-a-dire sous 1 influence de causes locales, intrinseques, non empruntces au dehors. Mais on comprend que 1 usage de la cremation, une fois etabli en certains points, a du se propager plus ou moins au dela des contrees qui 1 avaient vu naitre. Tot ou tard, les vaincus se sentirent portes a suivre 1 exemple des conquerant* ; le prisonnier qu on emmena dans la cite victorieuse habitua peu a peu ses yeux et son esprit au spectacle du bucher, et lorsqu une circonstance favorable lui permit de regagner sapatrie, il eut d autant moins de 22 CREMATION. peine, sans doulc, a y fairc penetrer le nouvel usage, qu il trouva chez ses com- patriotes nne tendance naturelle a imiter leurs vainqueurs. La propaganda se fit rgalement par les voyageurs et par les marchands qu attirait le renom de ces naliuns militaires si puissanles, mais elle se fit surtout par 1 habitude que pri- rent celles-ci de coloniser les pays conquis et de transporter leur genre de vie et leurs coutumes au sein meme des populations vaincues. II ne faut done pas s etonner de rencontrer 1 usage de ]a cremation plus ou moins repandu dans tout ce qui entourait le monde greco-romain, aussi bien chez les Occidentaux, si longtemps en lutte avec Rome, tels que Germains, Celtes, Gaulois et Iberes, que sur les plages de 1 Asie-Mineure, colonisees par les Grecs, ou dans les villes commercantes, comme Tyr et Carthage, dont les marins sillonnaient les mers de 1 ancien monde. DC meme, autour de la civili sation mexicaine, tout ce qui lui ctait soumis commc tout ce qui avail avec elle des rapports de voisinage, avail introduit dans scs moeurs 1 usage de la crema tion, non pour tons les habitants, a la verite, - - ce qui, d ailleurs, ne se fit nulie part, - - mais pour les chefs ct les membres des families nobles. Aulour du foyer primilif indou, 1 usage se propagea egalement de bruler les morls, mais pour des causes differentes. 11 est remarquable, en effet, que les peuples asiatiques qui ont adopte la cremation sont des peuples qui ont egalement adopte le boudhisme, d origine indoue. C est Siam, c est le Tonquin, c est Cam- bodge, c esl le Thibet, c est la Birmanie et le Pegou. Dans le reste de 1 Asie, la pratique disparait et devient plus rare a mesure que le bouddhisme devient lui-meme moins preponderant. 11 faut done croire que la coutume s esl ici n pandue par les efforts des missionnaires, comme ailleurs par ceux des sol dais. En dehors des nations precedemment citees, et chez qui la cremation fut pri mitive ou secondaire, lout le resle de I humanite, c est-a-dire 1 immense majo- rite de 1 espece, ne connul point 1 usage de bruler les morts. Maintenant que nous savons dans quelles limites cet usage s est re pandu sur la surface de la terre, il faut examiner ce qu il devint dans les pays qui 1 em- ployerent, le developpement qu il y pril et la maniere dont il y fut applique. En premier lieu, ainsi que nous 1 avons indique pour 1 Inde, la cremation, par une extension naturelle, apres, avoir etc un preservatif centre les accumu lations des morts sur les champs de bataille, devint un remede centre le meme mal dans les lemps d epidemie. Lorsqu Apollon, pour vengcr Chryses, son pretre, repandit la peste dans le camp des Grecs, 1 armee d Agamemnon s em- pressa aussilol d elever des buchers et de bruler ses morts. Des auteurs onl pretendu qu une des causes qui contribuerent le plus a inlro- duire dans Rome celle coutume, que Ton n avait jusque-la appliquee qu au dehors, fut la peste qui sevil dans ses murs, trois cents ans environ apres sa fondation. C esl au sorlir de celle epidemie que defense fut laite aux habitants d enterrer et de bruler desormais les morts dans 1 enceinte meme de la cite, et, comme cela avail presque toujours eu lieu jusqu alors, dans les maisons memes ; hominem mortuum in urbe, ne sepelito, neve urito. Le bucher servit de meme a delivrer Athenes de ses morls lorsque la peste, dans cette funeste guerre du Peloponese, vint aggraver ses maux el lui enlever Pericles. La crema tion etait un moyen tellement commande en de pareilles circonstances et si peu susceptible d etre remplace par un autre, que les Egyptiens eux-memes, a ce CREMATION. 23 que Ton pretend, 1 employerent transitoirement, a plusieurs reprises, quand le meme fleau s abattit sur eux. L extension que prit cetle coutume chez les peuples militaires ne se limita point aux cas de guerre et d epidemie. L usage de la cremation, s introduisant peu a peu dans la vie ordinaire, habitua iasensiblement les hommes a accom- plirsans repugnance ce que Ton avail fait d abord par nccessite. Ce devint meme une sorte d honneur que d etre livre aux flammes, car il etait nalurel d attacher une haute valeur au rite funeraire re serve a ceux ijui mouraient pour la palrie. Ce qui tenait a la noblesse, au palrieial, re (jui avail dans les veines quelques gouttes d un sang divin, voulul, apres la mort, etre consume sur le liueher, et une idee de deification et d apolheose se niela si bicn a la creinalmii. i|iie. dans tous les pays on elle s etablit, quelle que Cut d ailleurs sa penetration plus ou mojns profonde dans les moeurs, il y cut toujours des categories de |ier-onnes auxquelles elle ne put etre appliquee : ce furent les suicides, les condamnes a la peine capitale, les individus frappes de la foudre, instrument de la colere divine, ceux dont le corps etait considere comme impur, conime les lepreux, les leuinie^ mortes en couches, les enfants mort-nes, ou bien encore ceux qui e\i n aieiit une profession deshonorante, comme les esclaves, les Ixiunvaiix, le> luuleurs de cadavres, les geoliers, les (illes publique-. Ces dernieres exceptions pourraient faire emne ipie la rmnalioii eiitra bien avant dans les mo3urs, la ou elle prit nai-anee, el <| if elle devint plus ou moins tardivement le mode le plus general d en user envers les morls. Ce serait la, cependant, une grave erreur. Si Ton excepte les quclipies pays bouddhiques de 1 extreme Asie que nous avons citees : le Tonquin, le Cambodge, le 1 egou, la Birmanie etSiam, partout 1 usage de bruler les morts esl demeure tres-restreint. En Grece et a Rome, au Mexique et dans 1 Inde, ce furent presque exclusivement les castes nobles qui 1 adopterent, et encore citerail-on a Home des cas nombreux de families patriciennes qui se tirent toujours inbumer. Sylla fut le premier de 1 illustre famille Cornelia qui voulut el re porte an bucher, pour eviter, dit-on, le sort de Marius, dont il avail fait aulrel ois Jeter les restes a la voirie. En Grece, un peuple tout cntier, celui de Sparle, ne cessa d enlerrer ses morls. Une exception si caracterisee a la loi que nous avons cherche a etablir parallrait extraordinaire, si Tonne se rappelait combien tout ce qui tenait a la legislation de Lycurgue fut, de la part de cette petite republique et jusqu a sa mort, 1 objet d un respecl quasi religieux. A Atbenes, comme dans le reste de la peninsule, il semble que la coutume, au moins a partir d une cerlaine epoque, fut geueralement appliquee a tout ce qui etail riche el puissant : on ne trouve pas, en effet, dans les renseignements laisses par les auteurs, et principalement par Plutarque, sur les personnages atheniens, un seul cas ou la cremation n ait pas ete appliquee. Dans 1 Inde, le bucher ne se dresse que pour les membres de la classe militaire des Xatlryas et pour deux sectes seulement parmi les brah- mines. Le reste de la population, suivant les differentes regions, inhume les corps ou les precipile dans le Gange, ou les expose, comme dans 1 ancienne Perse ou au Thibet. An Mexique, il n y eut jamais que le corps des caciques et des nobles que Ton fit passer par le feu. Le commun des morteU etait tout simplement inhume, et comme presque partout, dans 1 interieur meme desmai- sons. Quant aux pays oil la cremation s etablit par suite d importation etrangere, elle y fut, comme on le concoit, encore plus restreinte; elle s adressa exclusi- vemenl aux chefs. C est ce qui ressort avec evidence des renseignements que 24 CREMATION. les liistoriens nous onttransmis sur les moeurs des Germains, des Celtes on des Iberes, ou que nous ont laisses les missiounaires qui ont parcouru peu apres la conquele loutes les contrees voisines du Mexique. S il semblo que les choses se sont passees aulrement dans ce coin de I cxlreme Asie qui forme aujourd hui ce qu on appelle la Gochinchine, c est qne la, ainsi que nous 1 avons dit, la crema tion n a pas cte le resultat d une conquete militaire, mais d une conquete reli- gieuse, et qu il elait bien naturel de trouver cbez tous ces peuples une tendance commune a se conformer en loulcs cboses a 1 exemple du fondateur de leur religion. Us adopterent done le rite funeraire de la caste desXattryas, alaquelle; appartenait le bouddba Qakya-Mouni. D ailleurs, il dut y avoir partout un empcchement de premier ordre a cc que 1 usage de la cremation ne prit dans les coutumes une extension tres-conside- rable. Si, en effet, il n est ni difficile ni couteux de trouver aulour d une demeure ou autour d une ville les quelques pieds de terre necessaires a 1 enfouis- sement d un cadavre, il en est tout autrement quand il s agit d elever un buchcr. 11 faut de 1 argent pour acheter le bois necessaire et le transporter a 1 endroit. voulu. Aussi, ce fut toujours un luxe que ne purent se donner la plupart des hommes, et lorsqu a certaines epoques, commc a Rome vcrs la fin de la Repu- blique, on en cerlains lieux comme en Gochinchine, on voit la cremation s in- troduire assez prolbndement dans les mceurs, c est qu alors on emploie des precedes aussi economiques que peu respectueux pour le cadavre. A Rome,, par exemple, on placaitcote a cote, sur le meme bucher, dix corps d hommes, et on y ajoutait, disent les auteurs, un corps de femme, par cette raison singuliere que la femme, etant d une nature plus cbaude et plus inflammable que celle de 1 homme, 1 action du feu en etait accrue et son oeuvre plus vite achevee. II est u]ie dferniere raison, que nous croyons pouvoir donner, du peu de faveur que la cremation rencontra presque en tous lieux, et qui, pour nous, a tout autaat de valeur que la precedente. Nous voulons parler de 1 e mancipation croissante des classes dirigeantes, comparee a 1 attachement presque toujours egal des classes inferieures pour leur foi et leurs sentiments primitifs. II impor- tait mediocrement aux adeptes de celte societe raffinee de la fin de la Republique, chez qui toute croyance avait disparu, que leurs corps fussent brules ou inhumes apres la mort. II y avait meme pour eux quelque satisfaction a penser qu ils n iraient point pourrir comme le vulgaire et qu une urne d or splendidement ornee recevrait leurs cendres. Mais ce n etait la qu une minorite infime. La masse, elle, n etait pas du tout initiee aux speculations des philosophes grecs, et c est tout juste si elle s elevait a l intelligence du dogme ctabli. Son fond feli- ebique la dominait toujours, et malgre 1 exemple qu elle avait sous les yeux, sa, repugnance a cbanger des habitudes si conformes a sa nature ne demeurait pas moins invincible. Quoi qu il en soil, ce ne furent, en general, que les classes puissantes, riches, emancipees, en un mot le tres-petit nombre, qui adopterent. la cremation. II nous reste a voir comment elle fut mise en pratique et de- quelles ceremonies on 1 entoura. III. DE QUELLE MANIERE LA CREMATION FOT PRATIQUEE. ExpOSOllS d abord COm- ment les choses se passaient chez les Remains, lepeuple de 1 antiquite cui noil 1 * est peut-etre le mieux connu. II y avait a Rome, comme chez nous, des entreprises de pompes funebres- CREMATION. 25 dont le direeteur (libitinarius) mettait a la disposition dcs parents tout 1 atti- rail ct le personnel necessaire anx obseques du defunt. II envoyait tout d abord le pollinctor^ esclave dont la charge consistait a laver et a oindre le corps, a le preparer, en un mot. pour le bucher. Si le mort avait ete un personnagc, il etait revetu du costume de sa plus haute dignite et expose sept jours durant sur un lit de parade sous le vestibule de la maison ; le jour dcs lune- railles arrive, le cortege qui s etait rendu a la maison mortuaire, se mettait en marche, sous la conduite d un designator, lequel rcpondait assez bien a notre maitre des ceremonies. En tete marchaient les musiciens jouant de la longue flute des funerailles, et derriere eux les prccficce, ou pleureuses a gages, qui, la tete nue, eehevelees, donnant les signcs de la plus vive douleur, chaii- taient des hymmes funebres ou des louanges en 1 honneur du drtunt; venaicnt ensuite le victimaire, victimarius, qui devait, autour du bucher, immoler les animaux favoris, chevaux, chiens, etc., et apres lui le cadavre du mort, sur une riche biere et enioure de serviteurs portant les images de ses ainsi que les recompenses publiques dont il avait etc* honore ; un bouffon sui- vait, cherchaut a representer le defunt et imitant ses allures; puis une longm- file d esclaves conduisant les animaux qu on devail sacrilii-r pendant qu on bru- lerait le corps. La voiture du defunt, absolumcnt comme chez nous, fermait la marche. Lorsque le mort appartenait a quelque famille illustrc, la pompe dcs fime- railles devenait magniiique. Avant de porter le corps dans 1 endroil ou il de vait etre brule, le cortege se rendait au Forum, et la le fils ou, si le fils n elait pas en age, un proche parent, prononcait 1 eloge funebre. Mais ce qui donnail a tout cela un incomparable eclat, raconte Polybe, c etait de voir ran gees autour de la tribune, et paraissant preter I oivillcaux belles actions de leur descendant, les statues des ancetres, tirees pour la circonstance dc la place qu elles oceu- paient au foyer domestique, assises sur des chaises d ivoire, rcvetues de cos tumes conformes aux dignites exercees, de la pretexte s ils avaient ete consuls ou preteurs, de la robe de pourpre s ils avaient obtenu la censure, d un vete- ment tout eclatant d or s ils avaient recu les honneurs du triomphe ; et devant chacun de ces simulacres les licteurs portaient les baches et les faisceaux et toutes les autres marques des magistratures dont ceux qu ils representaient avaient ete honores dans la Republique. Tout le monde connatt 1 histoire de Cesar faisant porter aux obseques de sa tante Julie 1 image de Marius, dont les adversaires etaient alors tout puissants dans Rome, mais que la plebe romaine n avait pas encore oublie. Cette premiere partie des funerailles etant achevee, on se dirigeait vers le lieu ou le bucher etait deja dresse : c e tait le Champ-de-Mars pour les grands, les faubourgs pour la classe moyenne, le mont Esquilin pour les pauvres. Toutefois beaucoup de monuments funeraires appartenant a des particuliers possedaient dans leur enceinte une place reserves a cet usage : c etait le bustum. Entre le bucher d un riche et celui d un pauvre il n y avait de difference que dans la quantite de bois employee; laqualite importait peu. Sur ce bucher ou posait la biere, plus ou moins orne e, suivant le rang et la fortune du defunt, et pour mieux voiler 1 appareil funebre on plagait entre les piles de bois des images de cire et des draperies ; alors, celui des parents du mort qui lui avait ferme les yeux venait les lui rouvrir, afm qu il regardat le ciel ; puis, apres 1 avoir ap- pele a plusieurs reprises, il le baisait une derniere fois, repandait sur son corps- 26 CREMATION. des huiles precieuses et des parfums, placait pres de lui, sur Ic bucher. se? vetements, ses parures et ses armes, a quoi les amis zeles joignaicnt des dons de loute sorte, et quand il avait jete a profusion sur le cadavre tout ce qu on avail pu se procurer d aromates et d ingredients propres a combattre 1 odeur de la chair grillee, il mettait le feu au bucher qu entretenaient les ustores. Alors commencait une sorte de spectacle auquel la foule ne se faisait faute d assister. C etaient des combats de gladiateurs, qu on appelait en cette occasion bustiiarii, parce qu ils luttaient sur le bustum, combats sanglants qui, a partir d une cer- taine epoque, remplacerent cette atroce immolation des prisonniers de guerre et des esclaves que connut toute 1 antiquite. Si le mort avait commande les armees, un corps de troupes venait donner un simulacre guerrier et rendre les derniers honncurs a son general. Pendant ce temps, le victimaire sacrifiait une foule d animaux dont les esclaves presentaient les chairs au feu du bucher avant de les distribuer aux indigents. Le temps qu il fallait pour consumer un corps variait necessairement avec la quantite du combustible employe et le soin qu on mettait a entretenir le feu ; cela demandait au moins plusieurs heures, mais allait quelquefois jusqu a une journee entiere et meme au dela. En general, la combustion demeurait toujours tres-imparfaite, et, lors meme qu elle etait poussce aussi loin que possible, les restes ou les cendres rccucillies aprcs 1 operation etaient loin de represents! tout ce qui dans le corps ne peut etre alteint par le feu et surtout rien que cela. Si ce n est pour le petit nombre de ceux qui, au dire de quelques auteurs grecs et remains, avaient ete soigneusement entoures au prealable d un linceul de lin incombustible, ce qu on appelait les cendres contenait un pen de tout e qui avait ele expose an feu. 11 est vrai que la plupart du temps il n en etait pas ainsi, car le feu ne faisait le plus sou vent qu une demi-besogne et 1 ossature du mort se retrouvait presque en entier. En ce cas, ou bien on prenait ses os tels quels et on les pbcait dans 1 urne ou le cercueil, ou bien, ce qui etait le mode le plus frequent snivant Eustathe, on les pulverisait d abord, et apres les avoir laves avec du vin ou du lait, on les enfermait dans le vase funeraire avec des aromates et des lleurs. La forme et la richesse de ce vase, du nom de Cinerarium ou d Ossuarium, etait naturellement en rapport avec les ressources de la famille du defunt ; mais c etait dans le plus grand nombre des cas une simple jarre de terre ap- pelee olla et fermee par un couvercle sur lequel etaient inscrits les noms de la personne dont elle contenait les cendres. Aussitot 1 urne garnie, on la portait dans 1 endroit ou elle devait etre deposee pour toujours. C etait aux abords des villes, le long des grandes voies, que s elevaient ces monuments funebres de toute grandeur, depuis le simple cippe, qui n etait qu une colonne creuse ou Ton placait 1 urne de 1 homme pen fortune, jusqu aux veritables palais que se faisaient elever les riches. Beaucoup de ces monuments consistaient en une seule chambre funeraire garnies de niches destinees a recevoir les urnes ; mais les se pulcres plus somptueux possedaient au-dessus de cette chambre fune raire un ou deux etages contenant des appartements decores de peinture et de moulures en stuc, qui servaient aux membres de la famille quand ils venaient sur la tombe des leurs accomplir certaines ceremonies religieuses ou prendre le repas qui suivait les funerailles. A cote de ces tombeaux de famille, ou 1 al fran- chi des deux sexes avait sa place comme le chef, il existait aussi de veritables sepultures communes pouvant contenir les restes de plusieurs centaines d indi- CREMATION. 27 viilus, appartenant a la meme famillc on a des families diffe rcntes. C etaicnt de vastes chambres, dont les parois presentaient de nombreuses raugces de niches, regulierement espacees, dans chacune desquelles on pouvait deposer une couple d urnes cineraires, d ou leur nom de columbaria. Le proprietaire d une sepul ture de ce genre donnait, vendait on laissait par testament le droit de disposer d un certain nombre de ces niches. Si nous nous sommes nn peu etendus sur les rites de la cremation dans le monde romain, c est pour nous epargner des redites en traitant de ce qui se passait en d aulres pays. Rien, en effet, ne ressemhle davantage a ce que nous savons des memes rites dans le monde grec. Ilomeiv, dans lerecit desfunerailles de Patrocle, a donne de ces ceremonies funebres une description qui est de- menree, on peut le dire, exacte tout le temps qu a dure cette belle civilisation grecque. Depuis les premiers apprets que Ton fait subir au corps pour le con- server pendant le temps qui le separe du bucher, jusqu aux jeux qui tcnninent la fete funeraire, nous retrouvons tout dans les details que nous out h gues les historiens tres-posterieurs sur la maniere de proceder des generations corres- pondantes. II est certain qu il y a dans la i acon dont Achille fit les chosos une prodigalite, une profusion, une grandeur dont un demi-dieu seul etait capable, et que le plus nche Athenien du iemps de Pericles annul rle impuissanl a 1 imiter. II est certain qu en dehors de ces temps hcroi ques, on in- pmivait prendre 1 habitude dc fairc entrer toute uue foret dans le bois d un bucher, et d immoler en be tail de quoi nourrir une armee entiere. Mais ce qui ne I est pas moins, c est qu au degre pres les choses continucrent de se passer ainsi jusque dans la periode de decadence, et que les grands hommes dc la Grece mourante etaient honores apres leur mort tout comme les hcros de ses pre miers jours. Ainsi, c etait un usage n paiulu en Grece que quelques-uns des assistants, en signe de regret, se depouillassent seance tcnanle de leurs chovenx pour les offrir aux manes du defunt. Cette sorte d ofJ rande esl drja signalee d;uis le recit d Homere : pour mieux exprimer ses regrets, Achille coupe cette blonde chevelure, qu il nourrissait pour le fleuve Sperchius. OSpcrchius! s ecrie-t-il, mon pere t avait promis que, rendu a ma patrie, je t offrirais mes cheveux ; que je t immolerais une hecatombe ; que sur 1 autel qui convre ta source j immolerais cinquante moutons. Inutiles voeux ! Je ne reverrai plus les champs de Thessalie ; cette chevelure que je ne pourrai t ol frir, un lieros mon cher Patrocle, Temportera dans la tombe. La place nous manque, sans quoi tout ce qui suit dans la description de Ylliade serait a citer, car on ne peut mieux decrire des rites, dont rien ne semble s etre perdu ou modifie. Le bucher s cleve, et le rivage gemit dans la vaste etendue; au milieu, sur un lit funebre, on depose en pleurant les resles de Patrocle. Des moutons, des taureaux tombent egorges ; de la graisse de ces victimes, Achille couvre son ami lout entier ; ses mains, autour de lui, etendent leurs membres encore palpitants. Des urnes inclinees epanchent sur le lit le miel et les parfums. On a vu qu a Rome les choses ne se passaient guere autrement. Yient ensuite le sacrifice des animaux favoris et des victimes humaines : Achille immole en gemissant quatre super- bes coursiers et les jette sur le bucher. De neuf chiens que sa main a nourris, il prend les deux plus beaux et les sacrifie aux manes de Patrocle. Egare par la rage, arme par la vengeance, son bras plonge au sein de douze jeunes Troyens un glaive impitoyable. Enfin, il enfonce dans le bucher un fer embrase. On pourrait se demander si en Grece, comme a Rome, la coutume d immoler des 28 CREMATION. victimes humaincs s est poursuivic jusqu a la fin. 11 aurail existc, en effet, sui- vant Plularque, une loi de Solon qui reglcmcntait les funerailles et allait jusqu a intcrdire le sacrifice d animaux domestiqucs, comme le bocuf. Mais lors meme qu on deduirait dc la qu il e lait de feudu d immoler des hommos, il faudrait croire qu Athenes a peu pres seule a connu une telle exception, car le meme Plutarque nous raconle qu aux i unerailles dc Philopoemen les prisonniers Mes- seniens furent lapide s sur son tombeau. Quanl aux jeux funebres, par lesquels Achillc termine la serie des honncurs qu il rend a Patrocle, on sait avec quelle liddlite les Grecs demeurerent attaches a cette fa con de rendrc honnnage a la memoire de ceux qui avaient le mieux servi la patrie. Un decret, rendu par 1 as- semblee du peuple, ordonnait que chaque anne e, au jour anniversaire de la niort, on celebrerait des jeux qui consislaient en concours de gymnastique ou de musique, on encore en courses de cbcvaux. Plutarque nous a laisse le texte d un fort beau decret de ce genre dans la Vie de Timoleon. Nous ne dirons ricn des sepultures, qui ne differaient guere des sepultures romaines, soil par la facon dont elles etaient placees en dehors des villes, soit par le plan sur lequel ellcs etaient construites et amenagees. D ailleurs il faut bien reconnaitre que la, comme en beaucoup d autres choses, c e taient les Grecs qui avaient precede les Remains, et ceux-ci n avaient gucre eu que la peine de les imiter. Passons de suite a la facon de proceder dans les aulres pays ou la cremation s est introduite : 1 Inde et le Mexique. Nous empruutons aux auteurs de I Uni- vers pittoresque la description de cc qui a lieu dans 1 Inde : Les Indous brulent leurs morts couches tout au long sur le bucher ; les membres des ordres religieux y sont apportes assis et les jambes ployees sous le corps. Le mourantpres de rendre le dernier soupir est expose hors de sa mai- son, sur un lit de gazon sacre. On recite desprieres autour de lui; on lecouvre de feuilles de basilic. S il habite pros du Gauge, et si la chose est possible, on le transporte sur le bord du fleuve sacre. On dit que les gens pour qui cette ce re- monie a ete accomplie, et qui parviennent a guerir, ne retournent jamais dans leur famille ; il y a des villages, sur les Lords du Gauge, qui p assent pour etre habites par les gens ou par les descendants de gens qui ont subi cette epreuve; cependant le fait u est rien moins que prouve. Apres la mort on lave le corps, on le parfume, on le couvre de ileurs et on le porte aussitot au bucher. Dans le sud, le cortege funebre est precede par des musiciens et le corps est porte la tace decouverte et peinte avec du carmin ; aillcurs, au contraire, le corps est soigneusement recouvert et il n y a pas de musique dans le cortege, mais les personnes qui 1 accompagnent poussent des cris de douleur. Le bucher d une personne ordinaire a quatre ou cinq pieds de haut ; il est de bois de santal pour les riches, de fiente de vache pour les pauvres; on le de- core de fleurs ; on jettc dans les flammes dubeurre clarifie et des huiles parfu- nie es. Quand les ceremonies et les oblations preliminaires de fruits, de riz de betel, sont achevees, un parent du dei unt met le feu au bucher, puis, avec les autres parents, il va se purifier dans un cours d eau voisin et s assied sur le bord jusqu a ce que le feu s eteigne. C est un triste spectacle de les voir enve- loppes dans leurs vetements mouilles et les yeux fixes sur le bucher. Cependant la religion ne leur ordonne pas de mouiller leurs vetements et dese livrer a leur chagrin ; au contraire, elle enjoint de ne pas pleurer et d adoucir sa douleur en repetant certains verscts consacres des livres saints. Les Indous n elevent "uere CREMATION. 20 de tombeaux qu aux guerriers qui mourent sur le champ de bataille et aux veu ves qui se brulent avec leurs maris. Cos tombeaux out la forme de petits autels carres. Les funerailles sont quelquefois 1 occasion de depenses immenses. Un journal de Calcutta racontait, en juin 182-4, qu une famille indoue, sans compler Ics magnifiques et nombreux presents qu elle avail fails aux plus distingues des brahmanes, avail depense aux funerailles dc son clicf la sommc incroyable de 500 000 roupies (1 250000 fr.) distributes en aumones. Ajoutons quelques details oublies par nos auteurs et que nous ne croyons pas sans importance. Avanl de porter le corps au bucber, on s assure, par certaines pratiques plus on moins bien imaginees, quo 1 individu cst recllement mort. A eel effet, on lui pince le nez, on lui presse le venire, on lui asperge le \ IMI-C, on sonne a ses oreilles de latrompette; enfin, derniere experience, on lui emplit la bouche de sable. S il resisle a tout, on le brule, et il y a lieu de croire que, soumis a ces differentes lorlures, les hommes brules vifs ont du etre rares. C esl que malheureusement il n en fut pas toujours ainsi a Rome. Pline cite de nom breux exemplcs d individus portes au bucher qui n elaienl frappes que de mort apparente ; il y a meme parmi eux des personnages : un consulaire, A viola, qur la violence des flammes ranima, mais trop tard, car il fut entierement con sume; un certain Lamia, qui avail ele preleur; G. Elius Tuberon, qui avail rempli les memes fonclions, elc., etc. Les auteurs que nousavons ciles signalenl a peine la vicille coulume indoue suivant laquelle la veuve partage le soii de son mari. Gela pourtant nous inle- resse a un liaut degre. II n est pas douleux que celle coutume, principalemenl a cause de I influence anglaise, lend a disparaitre de plus en plus ; mais il ne Test pas moins qu elle a e te tres-repandue aulrefois et qu elle 1 etait encore au siecle dernier, au moins dans la casle mililaire, laseule ou I usage de la crema tion ail ele habituel, comme nous 1 avons observe. On a beaucoup discule, cl Ton discule encore aujourd liui sur cetle loi de 1 lnde brahmanique, sans donner, suivanl nous, la seule vraie raison d une lelle barbarie. II n y faut voir, croyons-nous, qu une trace non equivoque de ce vicux fond felichique qui ne cesse d apparaitre au milieu de toules les constructions de 1 esprit indou. Les Jndous conlinuent de faire, bien qu arrives depuis longtemps a un degre de ci- vilisalion tres-avance, ce qu ils ont pratique e tant irlirhisles. Nous avons dit que, voulant assurer au mort, dans cette seconde vie du tombeau donl nous avons parle, les services auxquels ils etai I habitue dans sa premiere existence, le fetichiste immolait sur le cadavre du chef de famille, la femme, les esclaves, les animaux qu il avail le plus che ris; eh bien ! le plus plausible esl que les Jndous onl passe au polylhe isme sans se debarrasser de loules leurs coulumes ielichiques et de celle-laen particulier, el qu une fois intercalee dans le systeme brahmanique, elle s y est perpeluee avec la persistance propre a loules les insti- tulions Iheocratiqucs. II est Ires-probable qu a une epoque reculee ce n elait point, comme de nos jours, la volonte de la femme qui decidait de son sort : alors, sans doule, elle etait forcee de suivre 1 epoux dans la mort. D ailleurs 1 e- lal d abjeclion ou, il n y a pas longlemps encore, elle elait releguee lorsqu elle refusait d accomplir ce qu on regardait generalement comme son devoir, n etait pas une perspective assez souriante pour que Ton pit I dire de son choix qu il fullibre, de son action qu elle lut volontaire. On va voir que ce qui se passail au Mexique n elail que la repetition de ce que nous avons observe en Grece, a Rome et dans 1 lnde. Aussitot qu un Mexicain 50 CREMATION. avail rendu Tame (nous supposons an Mexicain d importance), il etait remis aux mains des pretres, qui, apres les lavages usuels, le revetaient de ses plus riches habits et 1 exposaient assis dans le lieu le plus apparent de sa demeure. En cette posture, ses parents et ses amis venaicnt le saluer et lui faire des pre sents. Si c etait un cacique ou quelque autre seigneur, on lui ot frait des escla- ves qui etaient sacrifies sur-le-champ pour 1 accompagner dans un autre monde. Chaque seigneur ayaut une espece de chapelain pour le diriger dans les cere monies religieuses, on tuait aussi ce pretre domestique, ainsi que les princi- paux ofiiciers qui avaient servi dans la meme maison, les uns pour aller prepa- rer un nouveau domicile a leur maitre, les autres pour lui servir de cortege, et c etait dans le meme but que toutes les richesses du mort etaient mises avec ses cendres dans le tombeau. Si c etait un capitaine, on faisait autour de lui des amas d armes et d enseignes. Les obseques duraient dix jours et se celebraient par un melange de pleurs et de chants. Les pretres psalmodiaient une sorte d office des morts, tantot alternativemeut, tantot en choeur, et levaient plusieurs Ibis le corps avec toutes sortes de ceremonies. 11s faisaient de longs encense- ments et jouaient des airs lugubres sur le tambour et la flute. Celui qui tenait le premier rang etait revetu des habits de 1 idole que le seigneur mort avait plus particulierement honoree, et dont il avait ete cotnme 1 image vivante, car chaque noble representait une idole, et de la venait J extreme veneration que le peuple avait pour la noblesse. Le corps d I empereur etait lave etparfume ; on lui met- tait dans la bouche une grosse cmeraude, on le recouvrait des plus riches etof- fes. La premiere victime sacrifice en son honncur etait 1 officier charge des lam- pes, qui devait I eclairer dans les tenebres de I autre monde. Puis on portait le corps au temple et on le placait sur un bucher deja allume. Alors venaient des massacres de prisonnicrs qu on immolait par centaines et par milliers, mais dont le cceur seul etait jete dans les tlammes. Le feu eteint, on recueillait ce qui n avait pu etre consume, c est-a-dire les dents et quelques os, et Ton portait le tout pompeusement sur la montagne de Chapultepec, ou etalt le tombeau des souverains. De tout ce que nous venous de dire relativement aux rites de la cremation dans le petit nombre de pays ou elle a ete appliquee, nous ne voulons retenir qu une chose, c cst cette persistance vraiment incroyable de la plupart des pra tiques primitives, jointe a 1 emploi d un procede qui leur est aussi oppose que celui qui consiste a briiler les corps. Si Ton admet le principe fetichique, rien ne s explique mieux, comme nous nous sommes efforces de le demontrer, que ces soinsdont on entoure le cadavre, ces appels reiteres, ces presents de toute espece, ces offrandes de nourriture et d animaux, et meme ces sacrifices de victimes humaines, de 1 epouse et des serviteurs. Mais, a quoi tout cela peat-il etre utile, du moment que Ton reduitle corps en cendres? L homme le plus en- racine dans ses croyances ne s imaginera jamais que quelques os carbonises ont besoin d aliments, et qu il est urgent, comme au Mexique, de tuer un lampisle afm de les eclairer dans I autre monde. Nous nous trouvons evidemment ici dans une de ces situations contradictoires ou 1 humanite n a cesse de se debattre depuis qu elle existe. Elle eprouve de ces tendances spontanees, qui sont telle- ment dans le fonds meme dc sa nature, qu aucune croyance acquise, qu aucune necessite d ordre quelconque, physique ou morale, ne parvient a les refrener. En vain, sous la pression de nouveaux besoins moraux, les fondateurs de reli gion s evertuent a changer les dogmes ; la masse se soumct en apparence, mais CREMATION. 31 en realite, toujours semblable a elle-merae, ellc garde dans le plus profond de soncoeur la foi qu on vcut lui ravir. Moise enseigne aux llebreux un Dicu uni que et 1 entoure d uu appareil terrible ; il n a pas disparu, qne son peuple est retourne au Yeau d or et se dirige vers les montagnes pour adorer les bo is sacres. Maliomet, reprend la conception mosaique et preche a ses Arabes le dieu d Abraham; mais il connait si bien le fond de leur coeur, qu il ne croit pas pouvoir tout supprimer, et leur permet d adorer, comme par le passe , la pierrc noire de la Kaaba. Meme phenomene dans 1 Iride, dans la Perse, dans 1 Egypte, cbez les Azteques et chcz les Incas. Les Manco-Capac, les Brighou et les Zoroastre tirent de leur cerveau les conceptions les plus merveilleuses ; ils personnitient, deifient tous les principes qui seconfondent dans Tame buiuainr, et s efforcent, par le culte qu ils en font sortir, d en regler les inouvements; la foule s incline et adore, mais n en continue pas moins d aller porter scs ofl ran- des a tout ce qu ellc craiut ou respecte, a tout ce qui lui sert ou lui nuit, de- puis la plante qui guerit les blessures, jusqu au serpent dont le venin tue, jusqu a 1 oiscau de proie qui fait la guerre au serpent. Est-il besoin de montivr que les choses se sont passees de meme maniere dans le polytheisme grec et dans le monotheisme cliretien ? Nous avons trop de fails presents a 1 esprit pour que cela puisse faire discussion. Dans un ordred idees un pen different, quoique conncxe, dans une question de mo3urs, toujours associees aux croyances, les homines ont agi de la meme maniere. Forces par une necessite imperieuse, ils ont courbe la tele et ont accepte de changer les rites qui leur etaient cliers, mais sans toutefois aller au dela dc ce qu exigeait cette necessite. 11 fallait bruler les corps : ils les ont brules ; mais rien ne les forcait, si ce n est la logique, a ne plus leur rendre les devoirs qu ils leurs rendaicnt dans le passe, et au risque de se montrer incon- sequents et contradictoires, les bommes ont conserve pieusement tout ce que le soin de leur propre preservation ne les obligeait point a sacrilier. Aussi, des que les circonstances ou les conditions qui avaient impose la nouvelle cou- tume s affaiblirent ou disparurent, 1 humanite revint en arriere et reprit avec amour ses vieilles habitudes. Un jour vint ou la guerre etant achevee, la crema tion disparut de 1 Occident conquis et lorsquc 1 invasion espagnole 1 eut e^ale- ment chassee du nouveau momle, clle ne persista que dans 1 lnde, ou sans doute les condilions climateriques exceptionnelles prolongerent plus lon<Ttemps que partout ailleurs un usage que les autres conditions sociales n auraient pas suffi a maintenir. Ajoutons qu en Occident, outre que la necessite premiere s evanouissait de plus en plus, une religion nouvelle apparaissait, dont le dogme ne contenait rien, a la verite, qui poussait directement a abolir la cremation, mais qui se re- commandait trop etroitement des traditions contraires pour qu une telle cou- tume put aisement persister. Les idees pbilosopbiques de la Grece qui vinrent se greffer sur les croyances juives ne pouvaient affaiblir 1 influence profonde que ces dernieres avaient sur les moeurs. D ailleurs les fondateurs du christia- nisme, aussi bien saint Paul que Jesus-Christ, etaient de race juive et devaient tenir aux coutumes de leurs ai eux. Or ces coutumes, quoi qu on en ait dit, n admettaient que 1 inbumation. Ceux qui ont cru voir dans deux ou trois pas sages de la Bible, soit a propos de Saiil, dans le livre des Rois et les Paralipo- mencs, soit a propos de Sedecias ct de Joram, dans les livres des N prophetes Ezecbiel ct Jeremie, la trace de coutumes crematoires, nous semblent s etre 52 CREMATION. trompes. Outre que les traducteurs different sensiblement sur ces points et que si les uns entendcnt qu il s agit de bruler les corps, d anlres entendent simple- ment qu il s agit de bruler des parfums autour du corps, ce qui n est pas la meme chose, il faut avouer aussi que le langage plus ou moins figure des pro- phetes dans deux passages, ne saurait aller contre le lexte bien autrement deci- sif du livre des Rois qui, si Ton en excepte le cas au moins douteux de Saul, mort dans des circonstances particulieres et enseveli secretement, n ofi re pas un mot, dans toutce qui concerne les funerailles royules,qu onpuisse interpreter en ce sens, quetous ces princes nc furent pas inhumes. Quoi qu il en soil, per- sonne n oserait dire que 1 inhumation ne 1 ut pas la seule pratique en usage dans le monde juif lors de I apparition du christianisme. L histoire du Christ enseveli par les saintes femrnes et mis dans le tombeau est presente a lous les esprits. Or, il arriva pour le christianisme ce qui ctait arrive dans les pays voi- sins de 1 Inde pour le bouddhisme. Ses adherents s efforcerent autant que pos sible d imiter le fondateur, et si les bouddhisles voulurent etre brules, comme 1 avail cte Cakya-Mouni, les chretiens, sans exception, voulurent etre enterres comme 1 avait ete Jesus. Aussi, a mesure que la nouvelle religion s etendit dans le monde, la cremation retrograda et vers le quatrieme siecle de notre ere, disparut pour toujours de 1 Occident. II. i .t-.it ac-tiK l de la cremation. IV. RENAISSANCE DE LA CREMATION AU DIX-NEUVIEME SIECLE. Voici cependant que 1 antique coutume semble renaitre, et nous assistons en ce moment a une propagande si active, si ardcnte, nous dirions presque si enthousiaste en favour de la cremation, qu on croirait vraiment avoir plutot affaire a une religion nouvelle qu a une vieille coutume qu il s agit de retablir. Elle a ses pretres, ses docteurs, ses apotrcs, elle tient des conciles; elle compte deja des martyrs. Aquoi devons-nous ce reveil inattendu, cette agitation extraordinaire, cette resurrection subite d une pratique depuis tant de siecles oubliee? Quelles nations et quels hommes y prennentpart? C est ce que nous aliens maintenant exposer. La premiere fois que 1 idee de cremation reapparait dans le monde modernc, c est en pleine periode directoriale, en 1 aii V de la Republique. Un certain nombre de propositions surgirent vers cclte epoque, ayant pour but de regler les fum>- railles et de fonder des institutions ou le respect des morts se concilierait avec tout ce que pouvait reclamer le salut desvivants. II ne faut pas s etonner qu entre tous ces projets, il y ait eu place pour un souvenir de la Grece et de Rome, dont 1 image obsedait a ce point les legislateurs de ce temps qu ils s efforcaient de faiie revivre dans les institutions, dans les moeurs, et, a leur defaut, dans les noms toute cette antiquite disparue. Comme les Grecs et les Remains brulaient les morts, certains esprits jugerent qu il etait indispensable que les citoyens irancais brulassent egalement leurs morts, et, dans la seance du 21 brumaire an V, un rapport depose sur la tribune du Conseil des Cinq-Cents, proposait que chacun fut libre de se faire porter sur le bucher aprcs sa mort et se terminait par un projet de loi en deux articles etablissant la cremation facultative : ART. V. II est libre a tout individu de fairc bruler ou inlmmer, dans tel endroit qu il jugera convenable, le corps de ses proches ou des pers onnes qiu lui furent chcres, en se conformant aux lois de police et de salubrite. CREMATION. 33 ART. VII. La lot de salubrite defend que le buclier soil allume, on I inhu inalion privec failc dans 1 enceinlc dcs habitations. Renvoyc a la Commission, remanie par ellc, repousse de nouveau, et encore remanie, le projet ne parvint jamais jusqu au vote defmitif. II n aboutit pas. Deux ans se passerent et de nouveau la cremation revint a. 1 ordre du jour. Ici ce ne fut pas la legislature, c est-a-dire 1 assemblee des representants de la nation, mais simplement celle des admihistrateurs du departement de la Seine qui revendiqua pour ses administres la liberte de bruler leurs morts. On va voir, par le rapport du citoyen Cambry qnc nous allons citer, et par le projet d arrete qui le suit, combien les preoccupations hygieniques entraient pour peu de cliose dans ces idees de cremation, combien il n y avail la que le desir im- modere de reproduire des scenes antiques. Rapport snr les sepultures, presentd a { administration centrale du departement de la Seine, par le citoyen CAIIBKY, administrateur du departement de la Seine. An VII. Le champ du repos se trouverait a Montmartre; dix hectares de terre seraient acquis, autour desquelsoii eleverait un mur de quatre-vingt-un centimetres d epaisseur ; dans la construction de ce mur on pratiquerait des voussures (ou Columbaria] dans Icsquelles on deposerait des urnes eineraires. Quatre graudes portes, dediees a 1 Enfance, a la Jeuncsse, a la Yiriliti -, a la Vieillesse, serviraieut d entree a ce grand etablissemenl ;elles conduiraient par quatre routes sinueuses an monument central, image du dernier terme de la vie : ce monument ot fre une pyramide de vingt-lmil metres de base; un trepied la couronne. Gette pyramide serait disposee dans I interieur, de maniere a ce que le travail necessaire pour consumer les corps put se fa ire sans que le public s en apergut. La position des fours est telle qu aucun melange de cendres ne peut avoir lieu. On n emploierait pas le bois, devenu si rare, a 1 entretien de ces fourneaux , inge nieusement disposes par la chimie moderne. Dans I interieur de ce majestueux monument, on deposerait les cendres des grands homines, de ceux qui, dans un poste eminent, se seraient sacrifies pour la Patrie. Quatre autrfs batimcnts serjii iit eleves dans I interieur de la commune. On y deposerait les corps sur des tables de marbre, jusqu au moment ou les chars du soir les enleveraient pour les porter au champ du repos. La forme de ces bailments est analogue a leur destination. Un trepied, dcs candeLibres et quelques ornements lugcTs en forme nt la decoration; surle trepied on briilerait sans cesse des uerbes odoriferantes et des parfums. Des chars conduits par des chevaux, accompagnes d hommes a pied, prjcedes d un com- missaire a cheval, recueilleraient les corps, les enleveraient apres une visile qui consta- lerail les causes de la rnort. Les parents, les amis, auraient la faculte d accompagner celte marche funebre jusqu au lieu de la stalion. Us pourraient prendre toutes les precautions qu indique la prudence, et qu il serait facile d etablir pour elre certains que les corps de h urs proches seraient respecles. A la chute du jour, qualre chars, atleles de chevaux converts, enveloppes de draps de couleur violelte, guide s par qualre hommes a pied precedes d un commissaire, de deux trompettes ou trombones, et suivis de soldats, iraient au pas porter les corps au champ de repos, oil Ton pourrait encore les suivre en voiture, a cheval, a pied. La plus grand e decence regnerait dans ces pompes funebres. Get expose de motifs etait suivi du projet suivant : Projet d arrele du departement lie la Seine, sur les sepultures, adopte dans sa seance du 14 florcal, an VII. L administration centrale du departement : Gonside rant que de tout temps les lieux de sepulture ont ete eloignes de 1 enceinte des cites, qu ils ne se sonttrouves renfermesdans Paris que par 1 agrandissement successif de cette commune, et que les citoyens n ont jamais cesse de reclamer contre cet abus funeste, tant sous 1 ancien gouvernement que depuis Telablisseinent de la Republique; DICT. ENC. XXIil. o 34 CREMATION. Considerant queles inhumations doivent etre i aites avec decence et dignite, et que le lieu dcs sepultures publiques doit avoir un caractere imposant et convenable a une grande cile ; Considerant que, dans les temps anciens, la plupart des peuples ont ete dans 1 usage de briiler les corps, et que cet usage n a 6le aboli, ou pluldt n est tombe en desuetude que par [ influence qu ont eue les opinions religiriifies; qu il est avanlageux sous lous les rap- porls de la retablir, et que d ailleurs la f aeulte de s y conl oriner n empechera pas celle de rendre les corps a la terre, ainsi que d autres peuples 1 ont pratique et le pratiquent encore. Oni lo commissaire du Directoire executif. Arrete : Am. 21. Tout individu decede, qni ne sera pas destine a une sepulture particuliere, sera conduit a la sepulture publiqtie pour y Stre inhume ou consume par le feu, ainsi queses parents, amis ou ayants cause le desireront, a moins qu il n ait lui-meme, avant son deces, exprime par e crit son intention a cet egard. Am. 11. Les p:\rentsou ayants cause d un decede, qui voudront en recueillir les cendres, pourront assister collectivement ou choisir un d entre eux pour 6tre present a la consu- malion du corps. ART. 23. Les ccndjjes d un decede ne pourront etre refusees a celui de ses parents ou ;uni> qui les rcclamera. II en donnera un regu au concierge du champ de repos. ART. 24. II y aura dans 1 enceinle du champ de repos un de p6t d urnes funeraires, parmi lesquelles il y eu aura loujours au prix de 1 fr. 80. Enfin, le 2 frimaire an VII, la nieme administration centrale prenait 1 arrete suivant ; L administration centrale du dpartement : Considerant qu elle ne peut qu applaudir aux idees neuve< et sentimentales que presente le rapport du citoyen Cambry. Arrete : Le rapport susvise et les projets de 1 arcliitecte seront envoye s a toutes les antorites et administrations de la Republique. Cependant il s en lailait que touf.es les difficulties fussent resolues, et si Ton avait reconnu 1 impossibilite de laire usage du Lois pour alimenter le feu fune- raire, ce n etait pas avoir fait un grand pas que de declarer que Ton confierait a la chimie moderne le soin de disposer ingenieusement les fourneaux. D ailleurs, ropinion publique se preoccupait vivement des septiltures et 1 ln- stitut adressait au Gouvernement un rapport de Baudin sur 1 etat revoltant des lieux ou les corps des citoyens etaient deposes, aim de 1 avertir que les pre miers principes de la morale, de la medecine et de la science sociale, deman- claient la plus prompte reforme de 1 etatdans lequel etaient les inhumations . C est alors que le ministre de I interieur, par une lettre du 5 ventose an Mil, charge 1 Institut au nom du Gouvernement, de proposer pour sujet d uu prixla question suivante : ft Quelles sont les ceremonies a faire pour les lunerailles, et le reglement a adopter pour le lieu de la sepulture? Le prix etait une medaille de cinq hectogrammes d or. Quaranle memoires furent envoyes. L Institut en distingua deux qui s etaient fait remarquer par la moderation de leurs pro- jets, la facilite de leur execution dans toute 1 etendue de la Republique . Le Gouvernement accorda un prix eg.il aux deux auleurs couronnes, dans la sceance du 14 vendemiaire an 9 : le citoyen F. V. Mulot, ex-le<^islateur et le citoven Amaury-Ouval, chef du bureau des arts dans le ministere de Tin terienr. Ces deux auteurs s occupent de la cremation, et, d apres Amaury-Duval. cetle coutume doit sonorigine aux deux (leaux de 1 humanite, a la guerre oua la peste. CREMATION . 35 Nous trouvons aussi dans ces brochures un document interessant la ciema- tion a Paris. Le prefet de la Seine, Frochut, dans son arrete du l er floival, concernant la demande de la citoyenne Dupre-Geneste, epouse du citoyen Lachese, a fin d obtcnir 1 autorisation de bruler le corps de son enfant, age de huit mois, ordonna, pur Particle 2, que cette ceremonie fiinebre serait faite en presence de 1 agent municipal ct de 1 inspecteur des inhumations, et, par 1 ar- ticle 5, il prescrivit a la citoyenne Dupre-Geneste de justifier au maire de son arrondissemement du certificat de 1 agent municipal, constatant que le corps a ete brule et les cendres recueillies. En somme, on travaillait a la solulion du probleme, et sans doule n e lail-on pas tres-loin de la decouvrir (on avail accompli de bien autres prodiges depuis dix ans), lorsque survint le 18 brumaire. Le Consulal aniena line recrudescence du culte catholique et la preponderance de lous les rites qu il protegeait. On ne parla plus de cremation. Mais, chose curieuse, sans en parler, ici et la on la mit en pratique, Au milieu de celte furie de destruction qui marqua les premieres annees de ce siecle, la necessile se fit plusieurs fois sentir de se debarrasscr des moils par un procede plus expedilif que 1 inhumalion. Dans cclte lamentable campagne de Russie, par exemple, ou Ton vit en quelques mois se fondrc une armeV dc plusieurs centaines de mille hommes, les Itusscs brulerent, paraii-il, les monecanx de cadavres, que 1 armee francaise, dans sa retraile precipilee, laissait dcrncre elle sans sepulture. En 1814, apres la balaille dc Paris, les Allemands transporlerenl a Montt aucon des cadavres, dont une elevation rapide de la temporal mv h.iiait la decomposition. Places sur dc grands foyers, formes simplement de longues barres de fer soutenus par des pierres, qualre mille corps furent detruits par le feu dans 1 espace de quatorze jours. Ge procede tout primitif couta environ den\ francs par ho mine. Pour la troisieme fois et sous 1 influence des memes causes, la cremation reparut de nos jours apres la bataille de Sedan. On ne 1 avait employee ni durant la guerre de Crimee, ni durant celle d ltalie, ni durant celle de Bolieme entre la Prusse ct 1 Autriche, bien que les occasions d en faire usage aient du se presenter plus d une fois. A Sedan meme ce ne fut point au lendemain meme de la bataille que la mesure fut prise, mais quelques mois apres, lorsque sous 1 influence de la chaleur naissante, les losses remplies jusqu a fleur de tenv, commencerent a degager de pestilentielles exhalaisons. Le gouvernement beli;t dont les populations toutes voisines etaient le plus en dangers, envoya snr les lieux une commission, qui de concert avec 1 autorite francaise, recnercna les moyens de remedier au mal, et ne trouva rien de plus expeditif, de plus siir et de plus economique que 1 emploi du feu. M. Creteur, le chimiste char"e de la besogne, se proposa d obtcnir I incineration sur place, sans exhumation, et pour cela il employa le goudron provenant de la distillation de la houille dans la fabrication du gaz d eclairage, se basant sur ce que certaines resines, en presence des corps gras ont la propriete de produire une remarquable intensite de calo- riijue. Apres avoir fait enlever la terre jusqu a ce qu on rencontrat la couche noire etfetide, qui recouvrait immediatement les cadavres, et arrose cette couche avec de 1 eau pheniquee, il mettait a mi la masse en putrefaction. II la sau- poudrait d abord d une couche de chlorure de chaux, puis repandait sur elle un flot de goudron qui, grace a sa fluidite, s infiltrait aisement entre les in terstices kisses par les piles de ces cadavres superposes. Quand la penetration 56 CREMATION. du liquide lui semblait complete, il I enflammait au moyen de paille humeclee d huile de petrole, qui etendait rapidement le feu a toute la fosse. Bientot la chaleur devenait si intense qu on ne pouvait approcher a plus dc qualre ou cinq metres du foyer, ou se produisait un bruissement semblable a celui des graisses en ebullition. Une immense colonne de fumee noire s elevait dans 1 air sans y repandre la moindre odeur. Cinquante-cinq ou soixante minutes suffisaient a reduire les losses les mieux remplies, dont le contenu, apres 1 operalion, etait diminue des Irois quarts. Le residu se composait d os calcines, enveloppes d une couche de resine, qui les mettait a 1 abri de 1 influence exterieure. Les terres retirees de dessus les cadavres etaient dessechees par la chaleur et avaient perdu toute odeur cadaverique. Le moyen mis en pratique par M. Creteur est si pen couteux, que suivant son estimation, la depense ne depasserait pas actuellement quinze centimes par in- dividu, si 1 incineration avait lieu immediatement apres la bataille. Les Allemands voulurent egalement faire servir le feu a la purification des champs de bataille semes autour de Metz ; mais ils employerent sans doute quelque precede defectueux, car, apres quelques essais, ils durent y renoncer et eurent recours simplement a de nouvelles inhumations. b ailleurs il semble qu ils aient eprouve de la repulsion pour cette maniere de se debarrasser des morts ; car^ commc ils commandaient encore a Sedan lorsque M. Creteur y pratiqua ses operations, ils manifesterent leur intention formelle de s op- poser a la cremation des cadavres de leurs compalrioles , lues en nombre considerable a Bazeilles, a Balan, a Givonne, et M. Creteur, malgre 1 appui du gouvernement et des populations, dut s abstenir. Enfin, pour terminer cette liste des cas de cremation sur le champ de bataille depuis le commencement de ce siecle, nous ajouterons que, dans la recente guerre entre les Turcs et les Serbes, ces dcrniers a plusieurs reprises employerent le feu pour se delivrer des morts. 11 y a dans tout cela, il faut bien le reconnaitre, un retour tres-accuse vers 1 usage antique, cl, qui plus est, amene et entretenu par des causes semblables. Le peril que font courir des monceaux de cadavres, mal enfouis, a des populations sedentaires de plus en plus compactes, fait revivre le moyen le plus simple et le plus actif que I humanite ait encore invente pour le conjurer; et si. d une part, 1 obstacle qu ont mis durant de longs siecles les croyances moiiothe iques a la reprise de la cremation va s affaiblissant avec elles, d une autre I industrie et les precedes qu elle invente chaque jour permettent aux hommes d executer maintenant a trcs-peu de frais une operation qui, il y a seulement un siecle, eut sans doute ete impossible, s il avait fallu employer les moyens couteux dont on se servait dans le monde greco-romain. Mais jusqu ici, remarquons-le, nous ne sommes point sortis des limites du champ de bataille, et il faut convenir que si la cremation, durant la premiere moitie de ce siecle, semble vouloir rentrer dans le monde moderne par la menie portequi lui avait livre passage dans le monde antique, elle ne se hasarde pas encore a se reintroduire dans les moeurs, dans les pratiques de la vie civile, tin scul exemple s offre a nous durant celte periode : c est le cas de Byron livrant aux llammes le corps de son ami Shelley. Mais cela passa sans doute alors pour la fanlaisie sans consequence d un genie bizarre, et il ne semble pas que personne ait ete tente de 1 imiter. Cepcndant un certain travail commencait a se faire, nous ne dirons pas CREMATION. 57 dans 1 opinion publique, car j:im;iis aucuu projct ne 1 a laissce plus indiffe- rente, mais dans quelques esprits militants de la presse medicale. On com- mencait a revenir aux propositions dc la periode revolutionnaire et pour des motifs assez differents. Tandis quo chez les adininistrateurs de Fan VII, la preoccupation dominanle, telle qu elle semble ressortir de 1 expose des motifs que nous avons cite et du projet qui le suit, est de rappeler les moeurs d une epoque disparue et de faire revivre des pratiques, (jiii n ont etc, suivant eux, momentanement abolies que par les efforts combines de 1 ignorance et du fana- tisme, ce qui va nous frapper chez les partisans actuels dc la cremation, c est avant tout la preoccupation hygienique, le desir de mettre pour toujours les vivants a 1 abri des dangers que le voisinage de.s mnris leur fait courir. Le mouvement s accentue definitivement vers les premieres annces du second empire, ct des cette epoque un des veterans de la presse medicale francaise qui depuis longtemps combattait en faveur de la cremation, le.docteur Gaffe, resumait en ces quelques lignes les idees des reformistes : Si Ton substituait la cremation, cet antique, noble el digne precede de conservation des siens, a la degoutante et dangereuse methode de putrefaction par 1 inhumation, il est bien certain que le culte de la famille et des mods ga- gnerait en moralite autant que 1 hygiene. Le systeme actuel d inhumation est recomm sans contradiction serieuse, mauvais, embarrassant, prejudiciable a tous les points de vue, contraire a toutes les prescriptions de 1 hygiene, attentatoire a la piete envers les morts, auxdroils de tous les homines, repugnant a la civilisation et au coeur humain. La cremation est un systeme funeYaire qui reunit a la fois toutes les condi tions reclamees par la morale et la religion, par 1 hygiene et 1 economie domes- tique. 11 faut bien dire que ces tentatives n eurent alors qu un smves mediocre pres du public auquel elles s adressaient, et que la plus complete indifference re- pondit seule aux appels passionnes de quelques ecrivains convaincus. Le milieu francais etait evidemment rebelle. Vers 1857, le mouvement passa de France en Italic. G est un professeur de Padoue, Ferdinando Goletti, qui ouvre la marche par la lecture d un memoire a 1 Academie des sciences et lettres de la meme ville sur 1 avantage qu il y aurait pour les populations a bruler les corps au lieu de continuer a les ense- velir : L homme, disait-il, doit disparaitre et non pourfir. Le public ilalien parut d abord tout a fait insensible aux avantages qui lui etaient proposes, car pendant une dizaine d annees nous ne voyons pas que les idees exprimees par le professeur Coletti aient rencontre aucun echo. L ltalie etait alors en travail de transformation politique. En 1866 seulement, au moment oil elle se bat encore pour la conquete de sa derniere province, 1 attention publique s eveille et commence a tenir compte des idees qui lui sont soumises. M. Coletti est appuye. Le docteur Vincenzo Giro, d une part, dans la Gazette medicale des provin ces venitiennes, de 1 autre, le docteur Du Jardin, dans le journal La Salute, de Genes, entretiennent leurs lecteurs des dangers croissants que fait courir 1 inhu- mation a la salubrite publique et de 1 importance qu il y aurait a lui substituer [ la cremation. L annee suivante, les professeurs Agostino Bertani et Pictro Castiglioni pro- posent formellement au congres de 1 association Internationale de secours aux | blesses tenu a Paris, que 1 usage de la cremation devienue ordinaire et soil de 38 CREMATION. regie sur les champs de bataille. Deja, commc on le voit, les partisans de la cremation n en etaient plus a cette guerre de tirailleurs, a cettc guerre d es- carmouches qui sefait par la presse; ils abordaient la grande lutte, celle qui se livre dans les assemblies, ou les hommes s adressenl dircctement aux hommes et ou la crainte d une contradiction trop violente arrete souvent 1 orateur qui ue se sent pas .assez sur des dispositions de son auditoire. Dans le cas present, soit que les deux honorables professeurs eussent pris une confiance exage re e des sentiments de ceux auxquels ils parlaient, soil que leur argumentation ne fut pas assez convaincante, il est certain qu ils n obtinrent pas de ce public spmal 1 accueil favorable qu ils en attendaient et qu aucune decision ne leur donna gain de cause. Mais en 1869, ils poserent de nouveau la question devant le congres medical de Florence et il leur futrepondu par un vote unanime de I as- semblee, approuvant et recommandant la cremation. A partir dece moment, la cause de la cremation, an moins devant une frac tion importante du monde savant, semble gagnee en Italie. Dans toutes les grandes villes, Florence, Milan, Naples, Genes, Venise, des congres et des con ferences s organisent, ou Ton affirme la necessite de ressusciter le rite antique. Les feuilles les plus populaires, non-sculement de la presse me dicale, mais de. la presse politique, publiont partout les inconvenients recemment decouverts de I enfouissement ct racontent les bienfaits oublies de la cremation. Des savants de premier ordre, chimistes, physiologistes, hygienistes, etaient devant les plus nobles assemblies les mysteres horribles de la destinee du corps humain confie a la terre, et lui comparent cette transformation pure, rapide et brillante que le feu lui fait subir. Les poetes eux-memes s en melent et chantent sur tous les modes 1 art qui permet aux hommes de rentrer dans le neant sans passer par la lente et epouvantable putrefaction. II n est pas jusqu au hasard qui ne servit cette propagande dans la penin- sule. La mort a Florence d un prince indou, radjah de Kellapore, au mois de decembre 1870, vint donner a 1 Italie le spectacle d une cremation. A vrai dire, le precede dont on fit usage, et qui e tait simplement le precede antique, encore employe dans 1 Inde, n etait pas fait pour vulgariser la pratique. Ce bucher, surcharge de malieres particulierement inflammables, et qui, malgre 1 impetuosile d un vent prop ice, mit pres de huit heures a devorer un corps tout enduit de napthaline pure et de substances resineuses, ne dut pas inspirer aux assistants une bien vive confiance dans 1 avenir de 1 institution. Mais deja, heureusement pour elle, plusieurs savants distingues se preoccupant de resou- dre le probleme de 1 incineratiou rapide et peu couteuse, avaient, comme nous le verrons tout a 1 heure, tellemcnt avance la solution, que desormais ce ne pouvait plus etre pour personne une question de savoir si dans un avenir pro- chain ces deux conditions seraient completement remplics. Pour achever sa conquete, il restait a la cremation deux progres considerables a accomplir : il fallait d abord que la loi consacrat le nouvel usa-e ; il fallait ensnite qu il entrat dans la voie de 1 application. Quant au premier point, 1 annee 1873 lerealisa. Au vceu, c-mis par le congres de Rome en 1871, deman dant que u par tous les moyens possibles on tachat d obtenir legalement dans 1 interet des lois d hygiene que 1 incineration des cadavres fut substitute a 1 in- humation, le senat italien, sur 1 invitation du professeur Maggiorani, repondit en inserant dans le nouveau code sanitaire, malgre les scrupules du ministre Lanza, une disposition permettant aux iamilles de faire bniler le corps de leurs CREMATION. 39 proches, sous la seule condition d en demander 1 autorisation au conseil supe- rieur de sante. Quant au second point, 1 annee 1876 1 a vu remplir. Un riclie milan.ns, le baron Keller, etant mort, laissant a sa ville la somme necessaire pour la con struction d un monument funeraire destine a la cremation, sous la seule condi tion que son corps y serait I objet de la premiere experience, les honorables el vaillants promoteurs de la cremation en Italic eurent, dans la journee du 22 Janvier 1876, 1 immense joie de se dire, en deposant dans les appareils perfect! on nes de MM. Polli et Clericetti la depouille mortelle du genereux dona- teur, que le but auquel ils avaient consacre vingt ans d cfforts elait atteint. II n est pas douteux que c esten Italie quo 1 idee de la cremation, sortie de France, s est le plus rapidement et le plus completement installee. Mais il est facile de comprendre que les peuples voisins, qui composent avec la France et I ltalie la grande Republique occidental, n ont pas iarde, avec plus ou moins de hate toutefois, a s en emparer, si bien qu aujourd hui, en debors peut-etre del Espagne, de la Russie et de la Turquie, il n est pas un pays qui, a des degres divers, ne compte dans son sein des partisans de la cremation. En Suisse, ou le voisinage immediat de I ltalie n a pas ete sans influence, le mouvement en i aveur de la cremation s accentue a partir dc 1 annee 1874. Des meetings populaires s organisent,dont quelques-uns, ceux de Zuricb, par exc in- ple, comptent plus de deux mille pcrsonnes. Des bommes, pris dans tous les rangs, mais principalement parmi les savants, deviennent les champions de la re- forme : ce sont les docteurs Wegmann-Ercolani et Goll, le pasteur Lang, les pro- fesseurs Weith et Kinckel. Grace a leurs efforts, des societes se forment ayant pour but d introduire et de vulgariser dans le pays les meilleurs precedes de crema tion ; et sans parler de celles qui sont a 1 heure actuelle en voie d organisation, nous pouvons citer comme deiinitivement constitutes celles de Zurich etd Aarau (en Argovie) . C est au moment meme ou se tenaient dans la premiere de ces deux villes les grands meetings dont nous venons de parler, que le celebre chirurgien Thomp son, dans deux articles de la Revue contemporaine de Londres, repandait pour la premiere fois dans le public anglais les idees qu il venait d aller puiser a Vienne, a la contemplation des appareils crematoires perfeclionnes qu y avaient exposes plusieurs savants italiens et en particulier le professeur Brunetti. Nous ne savons quel est 1 avenir de la cremation en Angleterre et jusqu a quel point pourra lui etre titile le noni du praticien juslement considere qui 1 a prise sous sa protection. Mais ses progres jusqu ici se bornent a la fondation d une societe, dite de cremation, dont font partie, a cote de quelques celebrites medi- cales, des membres de la plus haute societe anglaise. Si sa visite a 1 exposition de Vienne avait pu inspirer a M. Thompson un gout si subit et si vif pour la cremation, faut-il s etonner que les Viennois, sous le coup prolonge de la meme influence, se soient a leur tour epris des appareils du professeur Brunetti? Au debut de 1 annee 1876, le conseil communal de Vienne a done adopte a 1 unanimite la proposition suivante : A propos des constructions a elever dans le nouveau cimetiere central de la ville, 1 ad- nnnistration superieure prendra les mesures necessaires pour que, dans le plus bref delai, la cremation facultative puisse s effectuer. Dans le moment meme oil la cremation commencait a faire quelques progres en Italie, I Allemagne complait deja plusieurs partisans convaincus de la re- 40 CREMATION. forme, notamment le professeur fiichter, de Dresde; une petite socie fe de cre- mateurs se constituait meme, parait-il, dans la ville de Gratz. Mais le public, moins facile a entrainer sans doute qne le public italien, ne pi it fait et cause que lorsqu il vit ce dernier tout a fait lance dans la nouvelle voie. DCS lors, il f aut le reconnaltre, nos voisins allemands ont eu vite rattrape le temps perdu. Les brochures, les conferences se sont rapidement succedees en quelques mois. Desapotres, et en particulier le doctcur Reclam, se sont multiplies; des ingenieurs, des cbimistes se sont mis a 1 oeiivre pour Irouver les moyens indus- triels les plus propices a 1 incineration; et le 10 octobre 1875, a Dresde, les novateurs avairn! la consolation d introduire dans le four de MM. Siemens le corps de M nie Dilke, trois mois avanl que les Italiens ne deposassent ct lui du baron Keller dans les appareils de M. Polli. Continuant son oeuvre, 1 Allemagne v ient de tenir a Dresde, an mois dejuin.i876 un congrcs international, ou il a e te pris plusieurs resolutions importantes dans le but de repandre et de faire pem trcr partout les bienfaits de la cremation. Un comite, compose de M. Kinckel pour la Suisse. de MM. Kuchenmeister et Stockhausen pour 1 Alle- magne, de M. Hoogemerf pour la Hollande, de M. H. Tliompson pour 1 An- gleterre, de M. Muller pour la France, a ete charge de la foudalion d un organe de publicite pour 1 insertion des recherches scientifiques speciales et la diffusion des precedes reconnus les plus avantageux. De plus, il a e te decide qu il serai t cree et installe a Gotha, chef-lieu du seul pays allemand oil soit depuis peu autorise 1 usage public dc la cremation, un monument plus ou moins sem- blable a celui eleve par les Italiens dans le cimetiere de Milan, que Ton doterait des appareils Siemens de Dresde. Ce monument a etc eleve, et dans la Gazette hebdomadaire du 27 dccembre 1878 on peut trouver le recit d une premiere cremation officielle qui a eu lieu a Gotha, le 10 decembre, devant les autorite s civiles et religieuses. ((Apart quelques details de peu d importance que ce nouveau mode de sepulture rendail indispensables, les funerailles, auxquelles assistait le clerge protestant, se sont accomplies selon les formalites usitees pour une inhumation ordinaire. Le corps qui devait etre incre me etait celui de M. Sticr, qui, apres avoir acquis une for tune assez considerable, s etait retire en 1870 a Gotha, ou il mourait il y a un an, apres avoir exprime le de sir que sa depouille fut detruite par le feu, des que les circonstances le permettraient. Le gouvernement de Gotha n ayantpoint encore aulorise la cremation, ondut enterrer le corps de M. Stier dans le cimetiere de la ville et ce n est que mainte- nant que le vceu du mourant put s accomplir, car, si le gouvernement avail au torise depuis quelque temps deja la cremation, on avait du attendre que le four fut termine. Le corps ayant ete exhume la veille en pre sence de 1 officier de 1 etat civil et de ses adjoints, on proceda done le 10 courant, a trois heures apres midi, aux funerailles, puis a la cremation. Toute la population etait sur pied pour etre temoin de ce spectacle. Le corps etait suivi des parents du defunt, du corps legislatif municipal, de quelques representants du gouvernement, de la presse, du commerce et de 1 industrie, de tous les membres de la Societe VUrne, qui, son but etant atteint, vient de sedissoudre, puis d une foule de medecins, d in- genieurs et de gens de lettres. Plusieurs etrangers, venus de tous les coins de 1 Allemagne et meme de I etranger, attendaient le corps au milieu du four cre- matoire. CREMATION. 41 Au nombre des assistants on remarquait M. le baron de Seebach, ministre secretaire d Etat du due de Gotha. Pendant qne la cremation s el fectuait, il pril occasion de faire connaitre a quelques pcrsonnes qui 1 entouraient la maniere de voir du gouverncment toucbant cette inleressante et en meme temps si im- portante question. II dit que la necessilc d elahlir tons les dix ou quinzc ans de nouveaux cirnetiercs forcera bientot les grands centres et meme Irs villes de moyenne grandeur a suivre 1 exemplc de Gotba. Le corps, coucbe dans uti cercueil de bois, fut descendu dans la cbambre crematoire, dont on lerma immediatement la trappe. Un moment plus tard, ceux qui avaient des cartes spcciales descendaient dans le compartiment qui louche a la cbambre crematoire afm de voir, au moyen d une espcce de judas pratique dans la porte de la cbambre ardente, les progres de la cremation, ct pour y entendre les eclaircissememenls techniques que don- naitM. Scbneider, ancien eleve de 1 Ecole royale polylechnique de Dresde, sur le precede crematoire ainsi que sur le four, qui a etc construit d apres le sys- teme de M. Siemens. La cremation du corps de M. Slier a dun 1 deux bcures ; c est a pen pivs imc lieure de plus que les cremations de corps humains et de radavrrs d aiiimaux qui ont ete faites a diverges e poques et en guise d essai dans le four cn mainirr de M. Siemens a Dresde. On attribue cette longue durec a la circonstance que le corps dc M. Stier etait en decomposition. La cremation complrli-mnil. ter- minee, ou ouvrit la Irappe et toutes les ouvertures. Apivs ;ivmr ivmnlli les cendies, qui doivent necessaircment toutes tomber dans le cendrier place au- dessous du gril, on les deposa dans unc ume que Ton remit aux ayants droit du dcfunt, apres 1 avoir immediatement sendee. Celte inhumation a eu un grand retentissement en Allemagne, et il est pro bable que 1 exemple de M. Stier donncra lieu a de nouvelles cremations. A cote de 1 accueil presque enthousiaste que recoil la cremation dans tons les pays circonvoisins, Italic, Allemagne, Suissc, Angleterre, Hollande memo, il y a quelque chose d etonnant a voir la France, qui s eprend en general si facilc. ment des nouveautes, garder une attitude aussi reservee dans une question de cette importance et dcmeurer si loin en arriere des nations qui I cnlourent, soil par le nombre des partisans que compte dans son scin la uouvelle praliqur, soil par 1 importance des manifestations d ordres divers qui s y sont produiles dans ces dernieres annees. Un ecrivain laborieux et convaincu, qui depuis longtemps consacre sa plume a la diffusion de ces idees, M. le docteur de Pietra- Santa, dans un memoire auquel nous avons emprunte la meilleure partie des details qui precedent sur le mouvement de la cremation a 1 etranger, s est plaint du peu de succes qu a eu jusqu ici en France la propagande qu il y conduit a peu pres seul aujourd bui. Nous ne devons pas nous dissimuler, dit-il, le 1 3u de succes que ces etudes ont obtenu en France. Avant de paraitre dans 1 Union medicale, ces articles avaient donne lieu au sein du comile de redac tion a des observations ou se traduisaient les scrupules des uns, le mauvais vou- loir des autres, les hesitations de tous. Dans la presse medicale de Paris, la i . . seule a qui nous ayons adresse noire brochure, un silence significatif s esl fail autour d elle. Les eminents confreres du conseil municipal auquel nous nous etious empresses de 1 envoyer, ne nous eu ont pas meme accuse reception. La question cependant valait la peine d etre eludiee soigneusement. Pourquoi ne pas provoquer la nomination d une commission competcnte ? Pourquoi ne pas 42 CREMATION. prescrire des etudes comparatives pour controler Fefficacite des divers prece des? Pourquoi tant de dedain en presence des resultats ohtenus en Italie et en Angleterre? Cependant, nous devons, pour tout dire, signaler une manifestation, qui, sans avoir cause en France aucune emotion serieuse, a eu a 1 e tranger un retentisse- ment considerable, au point de faire croire a un etat de 1 opinion qui, suivant nous, n existe pas. Nous voulons parler de la deliberation prise le \k aout 1874 par le conseil municipal de la ville de Paris an sujet de la faculte accordee en principe a tout Parisien de se faire inhumer ou incine rer. Art. 4. M. le prei et de la Seine est invite a prendre les mesures necessaires pour ouvrir un concours dont la dure e sera de six mois, dans le but de rechercher le meilleur precede pratique d incineration des corps ou tout autre systeme conduisant a un resultat analogue. Le conseil municipal determinera ulterieurement les conditions et le programme dudit concours, a la suite duquel il y aura lieu cle solliciter des pouvoirs publics une loi autorisant 1 usage facultatif de la cremation dans la ville de Paris. Ceux qui s imagineraient que 1 avenir de la cremation a fait en ce pays un grand pas le jour ou le conseil municipal de Paris a adopte le projet de delibe ration ci-dessus pourraient, a notre avis, se faire la d ctranges illusions. Le conseil qui ne comptait dans son sein qu un tres-petit nombre de membres favorables a cette pratique, if a evidemment introduit dans son projct 1 articleque nous avons cite que pour ne point parailre s opposer de parti pris aux instances reite rees de quelques collegues convaincus, et par la se moutrer moins liberal que les conseils des capitales e trangcres, tclles que Milan ou Vienne, ou meme que celui d une petite ville, comme Gotha. Quant a juger par la que la cremation pourrait avoir gagne en faveur aupres de la population trancaise, nous pensons qu il y aurait temerite a le faire, et d apres quelques indices infmiment plus certains, nous serions prets a nous ranger a 1 opinion diame tralement oppose e. Est-ce un bien ? est-ce un mal ? G est ce que nous verrons en abordant le chapi- Ire des conclusions l . 1 Nous reproduisons, comme document important, le rapport a M. le Prefet. de police sin- la cremation par le Conseil d hygiene publique et de salubrite du departement de la Seine : Paris, le 25 fevrier 1876. Lc Conseil municipal de Paris a insere dans sa deliberation du 14 aout 1874, relative a 1 ouverture d un cimetiere pres de Mery-sur-Oise, une disposition par laquelle il invitait le Pret et de la Seine a prendre les misures necessaires pour ouvrir un concours dans le but de rechercher le meilleur precede d incineration des corps, ou tout autre systeme conduisant a un resultat analogue. Sur ceite invitaiion, le Pri-fet de la Seine a institue, par arrete du 15 fevrier 1875, une Commission administrative chargee specialement d etudier les conditions d un concours a ouvrir dans les terrnes de la deliberation precitee. La Commission a, dans sa seance du 16 juillet 1875, adopte le projet de programme suivant : II est ouvert un concours pour la recherche du meilleur precede d incineration des corps, ou de tout autre alternant le meme resultat. Le procede devra satisfaire aux conditions suivantes : Article \". Le procede d incineration ou de decomposition chimique devra assurer la transformation des matieres organiques sans production d odeur, de fumee, ni de gaz dele- teres. Art. II. On devra garantir 1 identite et la conservation totale, et sans melan n e, des matieres fixes. Art. 111. Le moyen employ, sera expedilif el economique. CREMATION. 43 V. ARGUMEMS IJNVOQUKSPAR LES PARTISANS DE LA CREMATION. Si dans cctte courte revue du mouyetnent imprime a 1 ide e de la cremation tant en France qu a I etrati- Art. IV. II ne sera porte aucun obstacle a la celebration des ceremonies religieuscs de quelque culte que ce soit. Art. V. Le concours sera ouvert le (date a fixer] et i erme le (six mo is apr&s}. Art. VI. Les concurrents meltront a 1 appui de leur proj et un devis d ctablissemcnt, un devis de t onctionnement, et indiqueront le prix de revient des operations. Art. VII. Moyennant le paiement des primes ci-apres stipulees, la Ville reste proprietaire des projets et procedes, quant a leur application aux services funebres de Paris, soit dans 1 enceinte de la ville soit dans les cimelieresexterieurs. Art. VIII. Le classement des projets n aura lieu qu apres des experiences comparatives et pratiques. Ces experiences se feront aux frais des concurrents, mais il sera alloue une sub vention pour les essais des projets et procedes que le jury aura declares admissibles dan- un premier examen. Art. IX. L auteur du projet classe le premier recevra une prime de 25,000 francs; Le second, une prime de 15,000 francs ; Le troisieme, une prime de 10,000 francs. B Le 21 aout 1875, le Prefet de la Seine vous a e crit, monsieur le PreTet, qu avant de sou- mettre ce programme au Conseil municipal, il croyait i devoir prendre votre avis sur In question qu il s agit de resoudre et qui louche, par certains points, aux attributions de votre administration chargee plus directement de tous les services int6ressant la salu- brite. Le 17 de cembre 1875, vous avez renvoy6 ces divers documents au Conseil d hy<jienc publique et de salubrite. Aussitdt une commission, composed de MM. Baude, Boussingault, Bouchardat et Troost, a ete chargee de presenter un rapport sur la question qui vous est soumise. La lettre du Prefet de la Seine ne specifiant aucune demande particuliere sur laqudli 1 attention du Conseil doive Sire specialement attiree, la Commission a cru devoir examiner successivement les points tuivants : 1 La possibilite d operer 1 incineration des corps sans production d odeur, de fumee, ni de gaz del^teres ; 2 Les avanfages que 1 incineration pourrait offrirau point de vue de la salubrite; 3 Les inconvements qu elle pre senterait au point de vue des inves tigations de la justice pour la recherche des crimes. La Commission n avait pas a s occuper de la convenance de respecter la celebration des ceremonies religieuses, cette convenance a ete reconnue par le Conseil municipal et par la Commission administrative qui a determine le programme de concours ci-dessus indique. II est d ailleurs bien entendu que 1 incineration ne serait nullement obligatoire, rnais qu elle serait simplement facultative, dans des conditions a determiner par une loi speciale. I. Sur la premiere question examinee par votre Commission, le rapport peut etre tres- bref : il n est pas douteux qu en ayant recours a des foyers a gaz, analogues a ceux que Ton emploie dans la metallurgie, on aurait nne incineration rapide. II serait possible d obtenir, sans aucun melange de matieres ctrangeres, les cendres du corps soumis a la cremation. II ne se repandrait d ailleurs aucune odeur fetide, aucune fumee, car ces foyers sont essen- tiellement fumivores. On n aurait par suite aucun inconvenient a redouter pour la salubrite publique. Les conditions du programme presente au Conseil municipal pourront done etre facile- ment remplies, sauf peut-etre la condition d e conomie, car, avec ces foyers, la cremation ne deviendrait economique qu a 1 epoque probablement encore eloignee oii un four pourrait fonctionner d une maniere continue. II. La cremation presenterait des avantages sur le mode d inhurnation dans la fosse commune oi i un espace insufljsant est reserv^ a chaque corps. II peut, en effet, en resulter des emanations fetides et 1 alteration des eaux souterraines lorsque laterre setrouve saturee de matieres organiques en decompositinn et que I air ne pent arriver en quanlite suflisante pour determiner une combustion complete. Mais les plus graves inconvements des cimetieres actuels disparaitraient le jour oii la fosse commune, etablie dans des terrains convenable- ment permeables, ne contiendrait qu un nombre limite de corps suffisamment espaces et pourrait etre retidue a 1 agriculturd apres avoir etc fermee pendant un certain nombre d annees : car, les corps inhumes dans un sol permeable sont, en definitive, livres a une sorte de combustion lente et indirecte qui ne preseute aucun inconvenient, tant que les produits intermediaires et dangereux n arrivent pas a la surface du sol. HI. L inhumation presenle pour la societe des garanlies que Ton ne trouve pas dans 44 CREMATION. ger, duraut ces vingt dcrnicrcs annces, nous nous sommes abstenus de donner le detail dcs arguments invoques par les partisans de la reforme dans^ les diffcrents pays oil elle tenle de s etablir, c est que nous n avons pas voulu nous condam- ner d avance a d inevitables et fastidieuses repetitions. On concoil, en effet, que p;iH<mt les memes raisons aient ete invoquees, les memes objections faites au mode actuel d inhumation et que partout on ail repondu de meme a ceux qui conteslaicnt 1 utililc ct la possibilite de la cremation. Mais ces arguments, ces objections, ces reponses, nous devons maintenant les exposer tels qu ils ont ete presentes par leurs auteurs dans les nombreux travaux auquels la question a donne lieu. La liste est longue des memoires et des brochures qui ont paru dcpuis quclques annees sur la cremation, et 1 Italie, comme de juste, y tient la place la plus considerable. Mais a cote d elle, nous aumns egalement a tenir compte des ecrits que lardforme a susciles* tant en Allemagne et en Suisse qu en France et en Anglctenv. Nous pi eveuons nos lecteurs que dans cet expose, nous allons nous effacer, disparaitre, pour ainsi dire, pour donner la parole aux auteurs. Plustard, nous entrerons a notre tour dans la discussion et lerons valoir nos objections. Les novateurs ont dirige leurs efforts sur deux points : En premier lieu, ils ont cherche a demon trer que 1 inhumation etail un precede la cremation, si Ton considere la question au point de vue de la recliorche et de la consta- tation des poisons, dont 1 existence n est souvent soupQonrie e que longtemps apres le deces. En efl el, les poisons peuvent, au point de vue qui nous occupe, etre divises en deux classes : 1 Los poisons que la cremation ferait disparaitre; 2 Les poisons qu elle ne detruirait. pas compltHt-ment. lians la premiere classe se rangent loutfs les substanci. S toxiquesd origine organique et de plus, 1 arsenic, lephosphore et le sublime corrosif, c est-a-dire les poisons qui sont le plus frequemment employes. Dans tous les cas d empoisonnement par 1 une de ces subtances, la cremation ferait disparaitre toute trace du crime, elle en assurerait 1 impunite, et, par suite, en ericouragerait le renouvellement. Dans la seconde classe des poisons se rangent les sels de cuivre et ceux de plomb. Le metal pourrait etre retrouve dans les cenclres, mais il est bien evident que les interesses auraient toujours la ressource de disperser ces cendres ou de les remplacer par d autres; de sorte que dans le second cas les traces d un crime seraient gencralement aussi fyciles a t aire disparaitre que dans le premier. I ar suite, les criminels pourraient trouver dans la cremation une se curite qu ils ne ren- contrent pas dans les proci des actuels d iuliumalion, et qu il importe de ne pas leur assurer, car elle serait pour les populations une source de dangers plus graves que I iusalubrite reprochec aux cimetieres. Les objections que Ton pent faire a la cremation seraient levees si la loi exigeait qu avant toute cremation il f ut precede a 1 autopsie du cadavre et a 1 expertise cliimique de ses organes essentiels, pour y constater la presence ou 1 absence de lout poison. Mais ces expertises, qui n ont de valeur qu alors qu elles sont conduites comme une expe rience vraiment scientifique, sont toujours delicates, meme lorsque le champ des recberches a e!e limite par une instruction jucliciaire; ellcs deviendraierit extremement longues et peuibles, en labsencede toute indication preliminaire. Aussi, en admettant qu elles puissent etre pratiquees avec la prudence et le talent qu elles exigent de la part de 1 opei ateur, tant qu il n y aura qu un petit nombre de cremations, il est bien difn cile d aflirmer qu elles seraient encore serieusement realisables le jour ou les demandes d incineration se multi- plieraient. En resume, monsieur le Prel et, la Commission a constate la possibilite d obtenir 1 incine- ration des corps sans degagement de gaz insalubres ; elle a reconnu 1 avanta^e de cette incineration sur 1 inliumation dans la losse commune, au point de vue de Fhvgiene mais elle a trouve dans la cremation de tres-serieux inconvenients au point de vue de la medecine legale, et par suite, au point de vue de la se curite publique. La Commission a d ailleurs complelement reserve toutes les questions de sentiment et de morale. CREMATION. 45 de plus en plus insuflisant et dangereux, dout Ics lois de 1 liygiene re clamaient energiquement la suppression. En second lieu, ils se sont offerees de repondrc aux objections d ordres divers que soulevait le precede par lequel ils pretendaient remplacer 1 inhumation. Nous aliens Ics suivre pas a pas sur ces deux terrains. Que fait la nature du cadavre humain? deinande le professeur Polli, dans une des brochures qui out eu en Italie et a 1 etranger le plus de retentissement. Et il repond : L organisme humain, quand il a cesse de vivre, subil, si on 1 abandonne a lui-meme, les lois physiques et chiniiques qui rameiini! ses < om- posants aux combinaisons plus simples, telles que I eau, les gaz acidcs earboni- ques, hydrogene carbone, ammoniaque, et quelques sels mineraux, dans lesijuels entrent principalement la chaux, la magnesie, la potasse, la soude, 1 oxyde de fer, salifies par 1 acide phosphorique et 1 acidc carbonique. II y a des gaz et des cendres. Tous ces produits, la vegetation les utilise. Lorsque le ca davre humain, compose de 75 parties environ d eau et de 25 parlies de matieres solides, chair etos, a cede a 1 air toute sou eau a 1 elal d<> vapeur ainsi que tous ces principes gazeu.v, il ne restc plus que de la terre et des cen dres. La partie materielle de 1 honmio retourne ainsi a la masse du jjlobe, et ajoutant an sol des couches fecondes, va servir a 1 alimentation de \i i;elaii\ ou d animaux d ordre inferieur, r.Ysl-a-dire qu il va vivrc sous d aulres formes. La mtitempsy chose, dans le sens chimique, cst une loi nalmelle, drimmlivr ji la derniere evidence : elle est bicnfaisante et hygienique. Voici ce que fait la nature; mais que fait 1 homme? Pousse par de louables motifs d afl eclion, ou par de respectables religieux, ou meme par le souci d une hygiene mal comprise, il tenle de sou>- traire sa depouille a ces lois provideutielles, il retarde autant qu il peut celle desagregation necessaire; il prolongs indefiniment ce deperissement et cettc pu trefaction avec tous les inconvenients qu ils entrainent, et fait de son cadavre une inepuisable source de maux pour les vivants. D immenses emplacements inulilement sacrifies, de pestilenlielJes cffluves repandues dans 1 air, les eaux potables alterees jusque dans leur source, tels sont en effet les funestes et ordi- naires resultats de 1 inhumation. II u est plus aujourd hui une capitale, ou meme une ville de quelque impor tance, diseut d autres auteuis, devaut qui ne se pose d une maniere prcssante le difficile probleme de savoir ou elle va bicnlot enterrer ses morts. C est en vain que les administrateurs, qui out cree les grandes necropoles actuelles, out cru J aire assez largement leschoses pourf]ue les vasles emplacements qu ils avaient choisis servissent a une suite presque indefinie de generations. Les villes grandissent, les populations s accumulent et les niorts se pressent de plus en plus dans des espaces trop etroits. On a beau reprendre, apres un nombre d annecs aussi court que pos sible, les terrains concedes et demander au sol de nouveaux et continuels efforts ; non-seulement, au bout de peu de temps, le sol refuse peremptoirement d ac- complir 1 oeuvre de destruction, mais ces moyens dilatoires eux-memes sont insuf- fisants et servent tout au plus a retarder de quelques annees une solution neces saire. Une ville de 1,000,000 d habitants, qui fournit en moyenne 52,000 cada- vres par an, dont chacun n occupe pas moins de 2 metres carres de superficie, si Ton tient compte de la place prise par les routes, par les degagements, par les batiments d administration, etc., reclamerait, en supposant qu elle ne prit pas d accroissement ct qu on laissat reposer les corps au moins huit annees 46 CREMATION. dans leur fosse, un terrain de 500,000 metres carres. Nous mettons huit annees, car les cinq que Ton accorde dans les cimetieres parisiens sont tellement insuf- fisantes que lorsqu on rouvre la fosse pour la troisieme ibis, on est presque tou- jours sur d y retrouver les corps entiers. Remarquons, en outre, que nous ne tenons pas compte ici de 1 espace occupe par les concessions a perpetuite, ni par les concessions temporaires renouvelables, et que nous stipposons que lous les raorts sont enterres en concession gratuitc, ce qui n a lieu que pour les deux tiers. M;ds nous faisons ici une hypothese irrealisable : quelle capitale, quelle ville ne va pas s agrandissant tons les jours et ne voit augmenter la population qui vit dans ses murs? Si large qu aulrefois ait pu paraitre son enceinte, un jour vient ou elle etreint ses habitants. A ses portes d inmienses faubourgs se creent et s etendent, et les cimetieres, que de sages precautions avaient eloignes des villes, se trouvent devenus autant de centres d agglomerations non moins populeux que les villes elles-memes. Entoures de tous cotes par les habitations, ils sont con- damnes a demeurer ce qu on les a fails d abord, et ne peuvent s accroitre a me- sure que les besoins augmentent. Bientot 1 unique ressource des municipaliles anxieuses est de rechercher des emplacements nouveaux : mais aux abords des cites tout est pris, tout est occupe ; la cherte des loyers y a chasse la population pauvre, la cherte des matieres premieres y a chasse 1 industrie. De plus, per- sonnc n est desireux d accucillir uii cimetierc dans son voisinage et trouve mille raisons pour econduire les enqueteurs. Alors on en vient, faute probablement de trouver mieux, au projet de deporter les morts. Les cites, n ayant plus la possi- bilite de conserver aupres d ellas ces cheres depouilles, iront acheter au loin des terrains immenses, et, non sans frais considerables, non sans porter atteinte au plus general et au plus respectable de tous les cultes, elles transporteront au loin les corps de ceux qui ne sont plus. C est ainsi que Londres a vu creer, il v a quelques annees, son London-Necropolis. G est ainsi que 1 administration de la ville de Paris est sur le point d etablir une vaste necropole a 28 kilomefres de ses murs, sur le plateau de Mery-sur-Oise ; c est ainsi que toutes les grandes viiles de rAllemagne et de 1 Italie chercbent, depuislongtempsdoja, des emplacements convenables pour y fixer leurs champs de morts ; que Genes se voit contrainte d abandonner son Staglieno, parce que les principes minero-salins du sol, a force de se combiner avec ceux des parties molles des cadavres, ont acheve de se saturer et sont devenus incapables de poursuivre leur travail destructeur ; que Florence cherche, sans les pouvoir ti euver, les quelques hectares do.;t elle a besoin pour etablir son nouveau cimetiere ; que Carrare se trouve oblioee d a bandonner celui de Terrano ; que Brescia et Bologne se trouvent acculees dans la meine impasse. Ce qui complique ici la difficulte deja trop reelle de trouver de nouveaux em placements convenables, lorsque les anciens sont devenus insuffisants, c est, comme nous 1 avons dit, que personne ne se soucie d un voisinage, qui , a tort ou a raison, passe pour etre dangereux. Les cimetieres, grace a 1 autorite de quelques savants dune competence irre cusable, ont acquis, depuis un certain nombre d annees, la plus detestable renommee. Chimistes, geologues, physiciens, biologistes ont uni leurs efforts pour les miner dans I opinion. Ils les accusent d etre la source de maladies innombrables, soil par les pestilentielles exhalaisons et les miasmes deleteres qu ils repandent dans 1 air, soil par les proprietes nocives qu ils communiquent CREMATION. 47 aux eaux de pluie qui les Iravcrsent pour aller former dans le sein de la terre les nappes dont s alinicntent nos puits. Ce sont la de bien terribles accusations. Voyons sur quels documents scienti- ilques tout cet echafaudage a ete construit. Eu premier lieu, il faut demontrer quo les gaz produits par la decomposition des corps peuvent traverser la couche dc terre (jui les recouvre pour veiiir se repandre dans I atmospherc. C est un point que M. Ambr. Tardieu a mis en lumiere dans une these domenree classique : L inhumation d un corps dans une fosse ou il est reconvert de plusieurs pieds de terre n empeche pas les gaz, engendres par la decomposition, et les matieres pulrides qu ils tiennent en suspension, dc penctrer le sol environnant et de s echapper dans Fair qui est au-dessus ou dans 1 eau qui est au-dessous. L hydrogene carbone, par exemple, arrive rapidement a la surface a travers une couche de sable de plusieurs pieds d epaisseur, le sol paraissant a peine opposer quelque resistance a son passage. Ce fait domine la question de la salubrile des eimetieres. Lorsque les gaz proviennent de foyers considerables, comme d une fosse commune, ils s epandent dans tous les sens, mais surlout de bas eu baul, et ne paraissent qu en tres-faible parlie absorbcs par le sol. Kt telle esl l.i len- dance de ccs gaz a gagner la surface, qn il ne parait pas possible de s y opposei . Si Ton enterrait les corps, dit M. Leigh, ehimiste de Manchester, qni |i;n-,iil avoir etudie tres-particulieremcnt ce sujet, a une profondeur dc huit ou dix pieds, dans un sol sablonneux, je suis convaincu que Ton n y gagnerail pas grand chose ; les gaz trouveraient une issue facile a presque toutes les profondeurs praticables. Et il est probable qu ils ne s echapperaient que plus facilement encore a travers les fissures si communes des tcrres argi- leuses. 11 y a des gaz, en particulier, qui semblent resister plus specialement a cette absorption du sol : 1 acide carbonique, par exemple. Le docteur Reid a vu dans des cimetieres la terre impregnee d acide carbonique, comme elle pourrait etre imbibee d eau. Lorsqu on y avait creuse une fosse, au bout de peu d heures elle etait devenue comme un veritable puits d acide carbonique, oil les fossoyeurs ne pouvaicnt plus descendre sans danger. Le docteur Playfair evalue la quantite de gaz produits annuellement par la decomposition de 1117 cadavres par acre de terre, a 55,261 pieds cubes; or comme on inhume annuellement 52,000 cadavres dans la ville de Londres, cela eleve a 2,572,580 pieds cubes la totalile des gaz, qui, independamment de ce qui est absorbe par le sol, passent dans 1 eau inferieurement ou dans 1 atmo- sphere. 11 est done entendu que les gaz produits par la decomposition arrivent a la surface du sol et se repandent dans 1 air. Mais quelle sera leur influence sur les etres organises, a quels phenomenes pathologiques donneront-ils lieu? C est ce que vont nous faire connaitre les experiences des chimistes et la pratique des medecins : Le professeur A. Selmi, de Mantoue, affirme, ecrit le docteur Gaetano Pini, dans le feuilleton scientifique d un journal italien, que la putrefaction des cadavres n est pas seulement une source d ammoniaque, d acide sulf- hydrique et carbonique, ct d hydrocarbures gazeux, comme le pretendent le plus grand nombre des chimistes, mais d aulre chose encore. Tous ces produits ae ri- formes figurent bien pour une part dans les effets de la putrefaction ; mais Ton 48 CHE NATION. n a pas note line matiere speeiale, volatile, qui se rencontre dans 1 air, lorsque cet air a traverse un lambeau de chair en voie de fermentation putride, comme il s en trouve dans la terre des cimetieres. Cette substance, qui a beaucoup d aaalogie parses effets avecle septo-pnewna, selon le chimiste mantuan, serait capable de determiner dans le glucose dissous la fermentation pulridc et la nais- sance d une innombrable quantite de bacteiies, semblables a celles qui se mani- festent dans la fermentation bulyrique. II est facile de 1 isoler, en faisant passer de 1 air a travers une legere coucbe de terre de cimeticre, et de la a travers quelques tubes d cpreuve, remplis d une solution de glucose dans la proportion de 9 pour 100. Si Ton injecte celle substance avec une seringue sous la peau d un pigeon, an bout de vingt-quatre heures, 1 animal cesse de se nourrir, il est en proie a une diarrhee epouvantable, il rend par la boucbe une e norme quan tite d eau mucilagineuse et meurt dans les trois jours. Le professeur Selmi ajoute qu il a obtenu les memes resullats, quoique a un moinclre degre, avec de la terre de cimetiere abandonnee depuis dix ans et prise a une profondeur de O m ,50 a O m ,60 seulement. Les mcmes affirmations se sont produites a Paris, lors de la remarquable dis cussion que la question des cimetieres a suscitee au sein du conseil municipal de la grande ville. Le docteur Clemenceau s en est fait 1 organe. Ce qui est vrai de la decomposition a 1 air libre, a-t-il dit, est encore vrai lorsque la decompo sition s opcre sous la terre ; les lois de la nature ne sont pas suspendues par 1 inhumation. Les gaz produits par la decomposition se degagent au sein de la terre qui est impregnee d air et la penetrent En admettant que cinq ans- suffisent pour amener la destruction complete des corps confit s aux cimelieres parisiens, c est une masse de 250,000 cadavrcs environ qui est en decomposi tion, a 1 etat permanent, a proximite des liabitations, et cette masse exhale ne- cessairement des gaz mephitiques. Quand une ville comme Paris presente deja de nombreuses causes d insalubrite, telles que les egouts, les vidanges, les loge- ments insalubres, sou conseil municipal n a-t-il pas le devoir d eloigner, lors- qu il le peut, une aussi puissante cause d infection? Mais en outre de ces gaz mephitiques, qui causent cbez les vidangeurs et les egoutiers des maladies commes, le plomb, par exemple, il y a des miasmes auxquels la vapeur d eau sert de vehicule. Ces miasmes peuvent provenir de detritus vegetaux et, dans un cas, M. De- paul 1 en convient, ils sont dangereux et engendrent des maladies, ou bien de detritus organiques, et M. Depanl nie que ceux-ci soient nuisibles. Cependant, M. Depaul reconnalt le danger des agglomerations d etres vivants, d ou naissent le typhus et les fievres typhoides ; comment peut-il done soutenir que les agglo merations de cadavres en decomposition n offrent aucun danger ? Aux embou chures du Mississipi, du Gauge, du Nil et de la plupart des grands fleuves, 1 ac- cumulation des detritus de vegetaux et, d animaux cause des maladies locales ou des epidemies. L endemie de fievre typhoide a Paris n est pas due a un autre motif. Dira-t-on que M. Bouchardat, dans un recent article de la Revue scienti- fique, apres avoir reconnu que les cimetieres out ete accuses par beaucoup d hy- gienistes, nie lormellement que les emanations des cimetieres se repandant a 1 air libre presentent des dangers pour la salubrite publique? Mais quelques CREMATION. 49 hgnes plus bas, il rappelle lc chiffre enorme des viclimes de 1 epidemie de (icvre typhoide, qui a regne pendant le siege de Paris, ct Ton est naturellement con duit a considerer comme cause de cclte epidemic, le nombre considerable des inhumations faites a cette epoque dans les anciens cimetieres de 1 interieur de la ville.... Remarquons en passant que M. Clemenceau, pas plus d ailleurs que M. Auibr. Tardieu, n est partisan de la cremation; du moins il nc s est pas declare tel. II demande le transfert des cimetieres loin de la capitale et rien de plus. Ccpen- dant on nous permettra de les introduire 1 un et 1 aulre dans le debat, car s ils ne comptent point parmi les partisans de la cremation, c est a Icur argumenta tion que ceux-ci out fait le plus d emprunt. Jusqu ici nous n avons offert a nos lecteurs que des raisonnements a priori sur I infiuence des emanations produites par les cimelieres. II ressort de ces theories que ces emanations doivent etre nuisibles ; mais nous ne possedons en core, en dehors des quelques faits gene raux cites par M. Clemenceau, aiir.une preuve bien constatee de danger. Yoici, d ailleurs, sans commentaire, tout ce que nous trouvons a ce sujet relate dans les auteurs. Lc premier fait est emprunle a Cliadwick : Dans lc cours des reclicrclics que je laisais de concert avec M. le prol esseur Owen, nous eumes a examiner la sante d un boucbcr qui nous mil sur la trace d un ordiv dc Tails assrz curienx. (let homme avait habile Bear-Yard, pres de Clare-.Markii, on il rlait expose ; i deux influences egalcment redoutables, car sa maison etait situee entre une boucherie et 1 etalage d une tripiere. Amateur passionue d oiseaux, il ne put jamais en conserver tant qu il logea en cet endroit. Ceux qu il prenait 1 ete ne vivaient pas plus de huit jours dans leur cage. Entre autres odeurs malfaisantes, celle qui leur nuisait le plus etait la vapeur de suif qui s exhale des tripes pendant 1 operatioii du degraissage. II nous disait : Vous pouvez suspendre une cage a n importe quelle fenetre des greniers qui entourent Bear- Yard, et pas un oiseau n y restera vivant plus d une semaine. Quelque temps auparavant, il habitait une chambre dans Portugal-Street, au-dessus d un cimetiere tres-peuple. II voyait souvent le matin s elever du sol un brouillard epais, dont 1 odeur offensait 1 odorat. Les oiscaux y mouraient vite ; href il ne put les conserver qu en transportant son domicile dans Vere-Street, Clare-Market, au dela des limites dans lesquelles agissent les emanations dont nous parlous. Nous tirons le second fait de la these deja citee de M. Tardieu : Le passage suivant, emprunte au docteur Reid, dit-il, donnera encore une idee des consequences auxquelles est expose lc voisinage d un cimetiere, surtout lorsque ce dernier se trouve au milieu d une population condense e, et lorsque le drainage pent s y trouver obstrue a certaines epoques ; c est ce qui arrive pour la chambre des communes, voisine du cimetiere de 1 eglise Saint-Margaret, dont tous les tuyaux de drainage sont periodiquement fermes a la haute maree. Les emanations desagreables y ont ete observees a toutes les heures du matin et de la nuit, et, rneme dans la journee, on en a constate 1 existence dans les ca- vcaux de la chambre des communes et dans les egouts du voisinage. Lorsque le barometre est bas, la surface du sol legerement humide, la maree plcine et la temperature elevee, c est alors que la viciation de 1 air parait le plus prononce e. Plus d une ibis, dans les maisoiis particulieres ct a la chambre des communes, le docteur Reid a du faire usage d appareils de ventilation ou de preparations chlorurees pour combattre ces emanations desagreables et deleteres, dont les net. ENC. XX111. 4 50 CREMATION. individns ont paru egalement, dans plusieurs circonstances, ressentir assez vi- vement les facheux effets. En dehors de ces deux cas ou il semble que les cimetieres ont parfois une certaine influence sur 1 atmosphere qui les entoure, nous ne trouvons plus que des faits tendant a prouver leur influence passagere et, pour mienx dire, exceptionnelle. G est ainsi que Ton cite quelques exemples d accidents survenus a la suite de travaux de terrassement executes dans des cimetieres abandonnes, ou pendant des exhumations, ou dans des descentes a i interieur de caveaux long- temps renfermi s. On rapporte, entre autres, le cas de cet ouvrier subitement suffoque, lors des inhumations provisoires qui eurent lieu en 1830, sur 1 em- placement de 1 ancien cimetiere des Innocents ; on rappelle egalement le fait de trois fossoyeurs, qui, le 27 septembre 1852, procedant a une exhumation, creve- rent d un coup de pioche un caveau voisin et tomberent morts foudroyes ; on raconte encore que des boutiques ayant ete construites sur I ernplacement d un ex-couvent de filles de Sainte-Genevieve, ceux qui les habiterent les premiers, surtout les plus jeunes, furent pris d accidenls que Ton attribua aux exbalai- sons des cadavres enterres dans le terrain. En fin Ton cite 1 epidemie qui survint a Riom, aux environs d un lieu de sepulture qu on dc blayait, et les cas analo gues que Ton observa soil en France, dans la petite ville d Ambert, soit en An- gleterre dans les villcs de Londres, de Manchester et de Glascow. Tels sont les faits que 1 on a apportes an debat pour soutenir 1 existence et le danger des emanations produites par les cimetieres ; nous les abandonnons pour le moment a 1 appreciation de nos lecteurs et arrivons tout de suite a 1 accusation qui a certainement jete leplus de trouble dans 1 esprit public: nous parlous de la souillure que conlractent les eaux potables dans leur passage a travers une tcrre profondement empoisonnee. La pluie qui tombe sur la surface des cimetieres, dit Maxime Du Camp, pe- netrc le sol, rencontre les corps, aide a leur desagregation, se charge de mole cules innombrables, glisse sur les couches d argile ou de marne et va empoi- sonner les puits. Bien plus, parfois elle se fraye une route invisible et aboutit subitement au jour. C est une source, on y goute ; elle a une saveur sinnliere qui rappelle le soufre ; si on 1 analyse, on y rencontre le sulfure de calcium, invariablement produit par la decomposition des matieres organiqucs. II y en ;i plus de dix actuellement a Paris, qui proviennent tout simplement de 1 ecoule- ment des eaux pluviales filtrees a travers les cimetieres. Une de ces sources esl exploitee; j en ai le prospectus sous les yeux : Eau sullhydratec ; Indrosulfu- rique calcaire. Elle guerit toutes sortes de maladies ; a deux sousle verre, on peut aller boire cette putrefaction liquide : c est pour rien. Geci n est que le tres-exact resume de ce que des ingenieurs, des chimistes des hygieuistes, tous savants en renom, n ont cesse d ecrire depuis un certain nombre d annees. A tort ou a raison, le public s est justement emu des fait-^ qu on lui a places sous les yeux. Les nappes souterraines recevant les infiltrations de Montparnasse et du Pere-Lachaise, disaient MM. Belgrand, Hennez etA.Delems, ingenieurs de la ville de Paris, dans un rapport souvent cite, s ecoulent direclement sous Paris pour se rcndre dans la Seine. Pour Montparnasse elles se dirigent en "rande partie vers le nord, tandis que pour le Pere-Lachaise elles descendent vers le sud un peu ouest ; dans les deux cas elles passent d ailleurs sous des quartiers popu- leux. Les puits de ces quartiers situes a 1 aval des nappes passant sous les cime- CREMATION. 51 tieres ne recoivenl done que des eaux completement souillees, et cette circon- stance est d autant plus regrettable que dans les families pauvres leurs eaux sont employees a divers usages domcstiques. II est bien vrai qu en filtrant a travers le sol, 1 eau se debarrasse assez ra- pidcmenl des matieres salines et surtout des malieres organiques qu elle lienl en dissolution ; 1 argile et. la marne qu elle rencontre heureusement dans le sous- sol de Paris en retient immedialemenl une grande partie ; toulefois les puits qui sont voisins de Montparnasse et du Pere-Lachaise donnent souvent une eau ayant une saveur douceatre et repandanl une odcur infecte, surtout pendant les grandes chaleurs de 1 ete. Ajoutons que dans les travaux de consolidalion exe cutes sous le cimctiere Montparnasse, on a rencontre des eaux corrompues par des matieres organiques en decomposition qui provenaient de leur infiltration a travers les cadavres. II en est de meme sous le Pere-Lachaisc, dans le sou terra in du chemin de fer de ceinture rive droite ; et les eaux corrompues sont parlien- lierement abondantes depuis qu on a fait le drainage de ce dernier cimc tiere. . Nombre d observateurs sont venus depuis soutenir de leur aulorite M. Bel- grand et ses collaborateurs. Dans son livre sur 1 hygiene et rassainisscninii des villes, M. Fonssagrives rappelle qu en 1840 et 1846, les eaux des (mils de Me- nilmontant furent alte rees par des infiltrations provenant du voisina^e ilu IV-re- Lachaise, etilajoute qu il lui est arrive de constater en un village de rileraiill un fait semblable, egalemenl cause par lemauvais dial du cimetierede la localite. Dans un article remarque du Moniteur scientifique, de juin 1872, un memhre de 1 Academie de medecine, M. Jules Lefort, racontait qu une eau, tiree par tin d une source eloigneede 50 metres d un cimetiere, avail une saveur douceatre n nausoeuse ; qu evaporee elle laissait au fond du vase une masse dense, grist ? itre, qui a la chaleur se colorait d un brun noiratre ; qu une partie de ce resiiln, liailc par 1 acide chlorhydrique dilue, donnait lieu a de 1 acide carbonique et n ; |i;in dait une vive odeur de colle-forte; qu une autre parlie, melep a de riiydr.-iic de chaux, donnait une quantite considerable de sels ammoniacaux. M. j.e- fort ayant soumis ces fails au cure de la paroisse Saint-Didier, dont le puits avail fourni 1 eau analysee, celui-ci se ressouvint que son predecesseur avail cesse de faire usage de cette eau, apres lui avoir trouve plusieurs fois une odeur rebutante. Lui-meme avail constate que, durant les chaleurs de 1 ete et en certains temps, cette eau devenait trouble, prenait une legere odeur putride et une saveur loule particuliere. Des fails semblables, empruntes a 1 etranger, sont rapporles par la Gazette medicale du 25 mai 1 874 : Dans les Annales de la faculte de medecine de Saxe, Reinhard raconte que neuf pieces de gros belail el quelques-unes de pelit, toutes victimes de la peste bovine, ayant ete enlerre es pres de Dresde, a une profondeur de 10 a 12 pieds, on constata 1 annee suivante que 1 eau d un puits, eloigne de 100 pieds de la fosse, avail une odeur fetide et accusait la pre sence du butyrate de chaux ; qu a 20 pieds seulement elle avail le goul repous- sant d acide butyrique et contenait jusqu a 2 grammes de cette substance par litre. On se decida a deterrer les cadavres et a les bruler pour empeclier 1 eau de se corrompre davantage. Dans un ordre d idees tout voisin, Forster raconte que pen de temps apres 1 etablissement d une usine a gaz a Sondersbausen, 1 eau de puils, a 562 pas (plus de 2000 pieds), avail le gout el 1 odeur du gaz, et cela jusqu a ce qu on eut repare le gazomelre el evile les fuiles dans la mesure du 52 CREMATION. possible. De meme Petteakofer a trouve de 1 ammoniaque dans 1 eau souterraine a unc distance de 40 pieds de 1 usine qui 1 avait produite. La ville de Chalons, au temps de 1 occupation prussienne, ecrit M. Robinet, dans le Journal de phannacie, aimce 1873, recut un nombre considerable de malades alteints du typbus. Pour arreter les progres croissants de 1 epidemie, les morls furent ensevelis dans une portion isolee du cimetiere de la villc et re- couverts d une quantite considerable de chaux vive. Au bout de quelques se- maines, et a la suite de pluies abondantes, dans ces terrains si permeables de la Champagne, les eaux potables presenterent a la vue et au gout des signes manifestes d alteration, et 1 auteur constata par 1 analyse chimique la presence anormale du chlorure de chaux. Nous pouirions sans doute decouvrir encore ca et la, soit dans les traites, soil dans les revues periodiques ou les brochures, une certaine quantite de fails analogues, qui ingenieusement groupes et presentes par les partisans de la cre mation, Icur out permis d attaquer 1 inhumation conime la coutume la plus funeste, la plus nuisible, la plus contraire aux lois de I hygiene que les hommes aient inventee. En somme, ils 1 accusent, nous venous de le voir, de presenter trois inconve- nients excessivement graves : 1 Le premier, c est d enlever a 1 agriculture et a 1 industrie des emplace ments considerables, qui, dans les villes de quelque importance, deviennent, au bout d un temps relativement court, tout a fait insuffisants, ce qui necessite cette odieuse deportation des morts, si contraire au culte qui leur est du ; 2 Non contents de tenir trop de place, les cadavres, en se decomposanl, re- pandent des miasmes pestilentiels, source de maladies endemiques et epide- miqucs pour les populations environnantes ; 5 Entln ces memes cadavres, alterant les eaux de pluie qui traversent les cimetieres, vont empoisonner tons les puits du voisinage et compromettre au plus haul degre la sante publique. Pour toutes ces raisons, disent ses adversaires, 1 inhumation doit etre deti- nitivement repoussee de nos moeurs et remplacee par un usage qui n offre aucun des inconvenients que nousavons cites, c est-a-dire par la cremation. On voit, pour le dire en passant, que les partisans actuels de la cremation sont mus par des motifs tout a fait semblalii^s a ceux qui ont pousse les homines a introduire la meme coutume dans 1 antiquite . C est avant tout une question d hygiene; c est avant tout la difficulte d enterrer les morts d une fagon satis- faisante, soit qne les morts se trouvent en quantite trop considerable, comme cela a lieu apres une bataille, soit que 1 emplacement dont on dispose pour les enterrer soit insui lisant, comme cela a lieu de plus en plus duns beaucoup de villes importantes. Nous admettrons pour le moment, si on le veut bien, que les partisans de la cremation ont gain de cause sur la question hygienique; et sans nous permettre aucune crit-que, nous les suivrons dans la seconde partiedeleur discussion, qui consiste a vefuter les objections qu on a faites a la pratique qu ils ont proposee. Ces objections ont porte sur trois points : l c On leur a dil : La cremation, en ne laissant subsister de 1 individu que les parties que le feu ne pent atteindre , va faire disparaitre a jamais toutes traces d empoisonnement possible. C est l impunite que vous assurez aux crimi- nels. Les crimes vont se multiplier. CREMATION. 53 A cetle objection les partisans de la cremation out repondu : Sans doutc, le feu detruira certains poisons, tels que 1 arsenic, le phosphore, le sublime corrosif, ainsi que toutes les substances toxiques d origine orga- nique , mais il convient de remarquer que si nombreux que puissent etre les empoisonnements, ce n est jamais que sur un nombre de cadavres inlimc, rcla- tivement au nombre des morts, que portent les recherches de la justice. Si prompt que soit le soupcon, le nombre des cas suspects sera toujours rxlreme- ment limiie. Dans la plnpart des cas, au moms dans toules les villes ou le ser vice medical est convenablement etabli, il est facile de determiner les causes dc la mortet, par consequent, d acquerir une certitude qui exclut lout de suite toute idee d empoisonnement. Le medecin qui a suivi le maladc depuis les drbuls de la maladie jusqu a sa terminaison, est la pour affirmer que rindividu a succombe a une pneumonie, a un cancer, a un ramollissement cerebral, etc..., et il suffirait, si Ton ne peut ou si Ton ne veut accorder une confiance enliere au medecin trait ant, de rendre moins illusoire qu elle ne Test aujourd hui la visite du medecin de 1 otat civil, charge de la constatation des deces. Dans les cas douteux, celui-ci pourrait appeler a son aide un medecin inspecteur qui, apres une contre-visite, retarderait les obseques, s il y avait lieu. Une regie pourrait etre e tablie qui ordonncrait la conservation dans un local a ce destine, des visceres utiles de tout individu dont la moil aurait prcseulr des circon- stances mysterieuses, ou qui aurait peri subitement ou sans aucuns soins nii ; - dicaux, ou encore cntre les mains d un empirique. Vouloir, comme le de- mandent les savants auteurs du rapport presente au prefet de police sur les pretendus inconvenients de la cremation, que tout cadavre soit soumis a une autopsie judiciaire, c est evidemment empecher le nouvel usage de s etablir; car outre qu on multiplierait par la singulierement les frais de toute cremation, c est a peine si Ton rencontrerait assez dc medecins disponibles pour proceder a 1 ouverture des cadavres que fournit chaque jour une ville commc Paris. Ajoutons qu il y aurait une injustice et une inconvenance graves a faire ainsi planer le soupcon sur 1 universalite des hommes, et il vaudrait mieux dans ce cas, comme le dit un savant medecin legiste italien, laisser ca et la echapper un coupable que de suspecter I liumanite tout entiere. 2 La seconde objection est celle-ci : Yous allez par la cremation allerer la piete envers les morts. Les partisans repondent : Non-seulement nous comptons bien ne pas alterer cette piete, mais nous esperons la fortifier, 1 epurer, 1 agrandir. Qui oserait pretendre que le culte des morts n a pas ete aussi developpe, aussi repandu qu il puisse etre, a 1 epoque ou les hommes avaient lacoutume de bruler leurs morts? Qui oserait pretendre que les Grecs et les Romains, qui elevaient au sein meme de leurs demeures un autel aux manes des ancetres, n ont pas offert 1 exemple le plus remarquable de cette piete salutaire? Etaient-ils peu respectueux des morts ces Atheniens qui condamnaient a la peine capitale les generaux coupables de n avoir pas rendu les derniers devoirs a leurs compatriotes tues aux iles Arginuses, ou ces Romains qui entouraient les convois de leurs proches de demonstrations si tou- chantes, ces Romains a qui Scipion croyait faire unesanglante injure lorsqu il or- donnait, avant de mourir, qu on ne rapportat point ses cendres dans son ingrate patrie, et qu on les laissat reposer aLiternum? Et de cette Inde, ou 1 onbrule en core, le culte des ancetres a-t-il done ete banni? Mais il n est pas de jour ou 1 Hindou ne remplisse quelque pieux devoir envers ceux qui 1 ont precede, et la 54 CREMATION. loi do Manou qui oblige ie brahmaue a oilYir quotidieunementun repas fum bre enl bonneur des manes, declare qu ilaura plus merite par cette offrande accnin- plie suivant les regies que par celle qu il doit aux dieux. On ne peut done que la cremation soil en elle-meme une cause d abandon du culte des morts, et rien ne demontre que nous soyons moins capables que nos predccesseurs on ce. tains de nos contemporains de garder a leur egard de pieux sentiments, par cela seul que nous brulerons leurs corps au lieu de les inhumer. Qu ou veuille done nous demontrer en quoi le second de ces precedes est plus capable que 1 autre d entretenir une memoire qui nous est chere et d exciter en nous les senliments eleves et desinteresses qui en decoulent. Est-ce que 1 urm. 1 toujours presente, contenant des cendres toujours visibles, ne sera point pour I homme une source autrement inepuisable de pre cieux souvenirs sans cesse rajeunis, que cette terre, qu il faut aller chercher loin, qui vous cache les restes iiiiues, et qui pour la plupart de ceux qui restent leur sera ravie an bout d un petit nombre d annees. JVous livrons au fossoyeur, dit le professeur Amati, les depouilles de nos moils, et lui, a son lour, les livre aux vers du cime- tiere, et apres un court moment donne aux larmes, on n y pense plus. Telle est, en general, cette religion si vantee des tombes, avec le systeme actuel de 1 in- humation. Cependant la piete envers de chers defunts est un devoir qui fait partie du culte domestique, et qui a essentiellement son rite dans le sancluaire de la famille. S il nous elait donne de tenir toujours pres de nous les urnr>s sepulcrales des personnes perdues et bien-aimees, que de fois tournerions- nous vers elles nos pensees, que de bonnes resolutions, que d ac ions louables, que d ceuvres genereuses naitraient de cette contemplation constante ! Et si, a leur tour, les adversaires de 1 inhumation s appliquaient a I incrimi- ner a ce meme point de vue du sentiment, que de choses n auraient-ils pas a dire? Kst-il rien de plus horrible a imaginer que la destinee du corps enfoui dans la terre; peut-on sans fremir se representer la lente decomposition de ce cadavre que se dispute l innombrable armee des vers? Combien oseraient sup porter le spectacle d une exhumation au bout de quelques mois et se con- damner a revoir face a face ceux qu ils ont le plus aimes? N y a-t-il pas la une idee bien autrement choquante que celle de I homme reduit en une poignee de cendres, sans avoir passe au prealable par cette epouvantable transforma tion ? Que vient-on parler de traitement irrespectueux, lorsqu il s agit de la cremation? Si Ton va au fond des choses, 1 inhumation n offre-t-elle point quel- que chose de bien autrement repoussant? En quoi, dit le professeur Fornari, se convertit finalement le cadavre enterre? En herbe, qui, haute et vigoureuse, croit dans les cimetieres. Que fait-on de cette herbe? Dans quelques eiidroits on la brule, mais dans beaucoup d autres elle sert a nourrir les bestiaux, elle se transforme en chair de boeuf, et de cetle chair nous faisons a notre tour notre nourriture. En fin de compte, nous mangeons de nous-memes A tout prendre, ajoute-t-on, il ne convient done pas d introduire ici une question de sentiment, qui, dirigee paries partisans de 1 inhumation centre leurs adversaires, pourrait egalement bien se tourner contre eux. Ce qu il importe, c est dc s habituer a ne considererquecomme une chose secondaire la destinee du corps humain apres la mod. La vraie, la seule sepulture qui interesse I homme, c est celle qui lui sera volontairement ouverte dans le souvenir des vivants; que son cadavre pourrisse sous la terre ou que ses cendres reposent dans 1 urne fune- raire, ce qu il doit desirer avant tout, c est de demeurer present dans 1 esprit CREMATION. 5-> de ceux avcc qui il a aime ct soufl ert, au milieu desquels il a vecu. En dehors dc cola tout est ignorance et rouliiie. On parle du culte des souvenirs, on dit qu une cite ne pent etre separee de son cimetiere, e crit le feuilletonniste (Tun grand journal parisien (la Republique franfaise), et Tonne comprend pas que si ces principes avaient toujours etc suivis, au lieu d etre uu foyer d activile et de travail, Paris ne seraitplus qu un vaste cliamp de repos et de silence Ah ! les generations auxquelles il faut, pour songer a leurs amis, un signe tangible de leur existence ! ah ! les fds qui ne revoient lour pere que devant la pierre de son tombeau! ah ! les pretres et les the osophes qui encouragent ces tendances, sont bien les pires materialistes, les memes qui ne voicnl d;uis les hommes <|ur des enfants auxquels est promis pour leurs fautcs un chatiment corporel p;ir un pedagogue colerique. 5 Nous arrivons a la troisieme et derniere objection. Nous disons la der niere, car nous ne tenons pas comple de certaines critiques qui out ete faites, soil au nom de la theologie, sous pretexle que les croyances monotheiques s >|>- posent formellement a la cremation, ce qu un venerable ccclesiastique italien. i abbe Bucellati, s est donnela peine de refuler, soil au nom de Fanthropologie, sous pre texte que, si nous brulions aujourd hui nos morts, nous ne laisserions pas a nos arriere-descendants le plus petit crane sur Icquel ils pussont dis- serter, ce qui, a tous les points de \uc, serait n>rl;iin< mml <l< ; |ilor;il)le. La derniere objection a trait aux moyons praliques. 11 va sans dire quo M les partisans actuels de la cremation n onl a ol l rir au public que le bucher pri- mitif des Grecs, des Remains ou des Hindous, il devient assez inutile de discu- ter les avantages et les inconvenients de la cremation, car dans un e tat de civi lisation ou plus des deux tiers des morts sont enterres en concession gratuite, on ne voit pas, en dehors de quehjues millionnaircs fanatiques, qui pourrait se permettre le luxe d une operation aussi couteuse, sans com pier qu il y aurait grandement a reprendre au point de vue hygienlque. C est ce qu ont parfaitement compris los novateurs, et, il faut leur rendre cette justice, ils n ont commence a mener una campagne active en laveur de la cremation que lorsqu ils out tenu entre leurs mains des moyens a peu pres sul- fisants pour 1 effectuer. VI. APPAREILS MODEBNES EMPLOYES POUR LA CREMATION. Les conditions a rem- plir etaient nombreuses et difficiles : si Ton tient compte de la composition du corps humain, on comprendra sans peine combien il est malaise de reduire une masse ou il entre 75 parties d eau sur 10 J. II fallait cependant faire en sorte que la combustion fut rapide et conqjlete. Par complete nous entendons que non-seu- lement il n y eut plus qu un residu de cendres a la fin de 1 operation, mais que pendant son cours tous les gaz produits par elle fussent egalement consumos, afin de ne repandre aucune mauvaise odour dans 1 atmosphere environnante. En somme les savants contemporains ont realise ce vcau que nous avons trouve si naivement enonce dans le projet Gambry : ils ont invente et construit des appareils disposes ingenieusement par la chimie moderne. Depuis assez longtemps, 1 idee etait venue a plusieurs que Ton pouvait dis tiller les corps comme on distille un objet quelconque compose de principes vo- latils et de principes fixes. 11 y a plus de trente ans que M. Xavier Rudler propo- sait a son ami le docteur Gaffe, comme etant le moyen le plus simple, le plus economique et le moins repoussant a la vue de bruler les corps, celui qui con- 50 CREMATION. siste a les placer dans une cornue a gaz et a les distiller jusqu a reduction en cendres. Nous allons voir que, plus on moins modifie dans 1 application, ce principe a prevalu dans la construction de plusieurs des appareils que nous allons maintenant decrire. On ne compte pas sans doute que nous exposions ici tout ce que 1 esprit des inventeurs a produit d appareils crematoires depuis tin petit nombre d an- necs. La liste en serait aussi longue que la description fastidieuse. Nous nous contenterons de signaler ceux que 1 o.pinion des gens competents a le plus par- ticulierement dislingues, etf|ui, dans la pratique, ontdonne jusqu ici lesresultats les plus satisfaisants. Sans nier aucuneinent la valeur des inventions de MM. Ter- ruzzi, Belli, Dujardin, Musatti, Calucci, lionelli, Carati et tultl quanti, nous bornerons cette revue des appareils et precedes deja proposes a ceux de MM. Polli et Glericetti (de Milan), de M. Gorini (de Lodi), de M. Brunetti (de Padoue), de M. Siemens (de Dresde) et de M. Kiiborn (de Bruxelles). M. le docteur Polli, pensaut que Ton pouvait avantageusement remplacer, dans 1 incin.eration des corps, le bois par le gaz d eclairage, fit, il y a dc ja quelques amires, plusieurs experiences dans ce but au gazometre de Milan. La premiere consista a incinerer le cadavre d un ehirn barbel du poids de 1 kilogrammes dans une cornue d argile refractaire de forme cylindrique, servant a la distillation du cbarbon de terrc, oh la combustion du gaz d eclairage, amene a I liiterieur par un lube circulaire perfore, etait active par le melange d unc certaine quan- tite d air pur. L operation ne reussit qu a moitie ; car, outre qu elle dura plu sieurs beures, elle produisil une fume e e paisse et donna lieu a une ibrtc odeur de viande rotie. Cependant il etait demon! re que Ton pourrait produire la cremation avec 1 aide du gaz d eclairage, et 1 auteur, apres de nouvelles expe rience?, couronne es de succes, put, en ces derniers temps, construire, avec 1 aide de 1 ingenieur Clericetti, le monument et 1 appareil crematoire que pos- sede aujourd bui le cimetiere de Milan. Nous empruntons au journal la Nature du 13 mai 1876 1 excellente descrip tion qu il a donnee dc 1 appareil Polli-Clericetti. L urne crematoire, avec les diverses annexes que comporte son fonctionne- ment, a ete etablie dans un elegant edicule eleve dans le cimetiere, et que re- pre senle la figure 1 . L appareil lui-meme, dont on voit les details sur la figure 2, offre exterieure- ment 1 apparence d un sarcopbage antique, dissimulant la chambre ou s operc [ incineration. Cette chambre, ou se trouve le foyer ou cendrier, sous forme d une caisse rectangulaire, est rccouverte d un dome semi-circulaire consistant en une mince plaque de fer (a, b, c, d, e, / , g, k) revetue inte rieurenient d une matiere refractaire. Separe e de ce premier dome par une distance de O m ,10, s eleve une voute semi-cylindrique, construite en briques ordinaires, convenablemcnt consolidee par une armature en fer. La chambre a air ainsi formee empecbe toute deperdi- tion de calorique, tout en maintenant a une basse temperature 1 exterieur de 1 urne pendant que la combustion s eflectue dans I interieur. L appareil est complement clos a Tune de ses extremites ; a 1 autre il pre- sente une ouverture qui donne dans la chambre a cremation. Get orifice est muni d un systeme de fermeture qui se compose de deux parties : 1 une, infe- rieui-e, sorte de guichet forme d une plaque de fer correspondant au foyer ou cendrier (b, (j, f, m), et 1 autre supcricure, qui ferme 1 ouverture du four; celle- CREMATION. ci, en materiaux refractaires, porte en son milieu un petit tube tronconiquc en I cr, permettant de surveiller de 1 exterieur la niarche de 1 operation. La partie inierieure du four, son plancher, se compose de deux grilles de fer concaves, concentriques, placees 1 une sur 1 autre et elevees a une certaine dis tance au-dessus de la plaque du cendrier. La grille inferieure D est fixe et porte 217 flammes de gaz, dont la moitie sont des flammes ordinaires en eventail, et les autres de petites flammes minces, destinees a remplir les vides laisses par les ;premieres, ce qui permet d obtenir une surface de combustion continue, comme un veritable lit de feu. La grille superieure AB est mobile et susceptible de glisser facilement sur 58 CREMATION. deux guides lateraux en fer, au moyen de roulettes installees ad hoc ; cllc aiusi sortir de la bouche du four, et est destince a recevoir le cadavre. Formee de barres de fer, cette grille presente lateralement, et sur -toute sa longueur, deux appendices, mobiles a 1 aide de charnieres, qui se relevent et servent a ra- niener vers le centre les parties du corps qui pourraient accidentellement s isoler pendant la cremation. Une lame da fer (m, f), a rebords saillants et facile a extraire par la bouche -du four, une fois 1 operation terminee, est destinee a recevoir les cendres tines Fig. 2. et les"matieres grasses enflammees qui peuvent tomber de la grille superieure, a travers le lit de flammes. Par 1 extremite opposee a la bouche du four penetre le conduit qui amene le gaz a la grille inferieure, et trois jets de gaz et d air, de 5 centimetres de dia- metre, pousses a une certaine pression au moyen d un ventilateur. Dans la voute superieure de 1 appareil est pratiquee, au milieu, une ouver- ture C, qui donne entree dans le conduit H, en matiere refractaire; ce dernier passe sous le sol et ahoutit a une cheminee, munie interieurement d une cou- ronne de flamme de gaz. servant a appeler dans les canaux du four le courant CREMATION. 59 d air exlcrieur qui afflue par les ouvortures Z, reglees par des guichets speciaux disposes au niveau de ces orifices. Tel est I appareil Polli-Clericetti. Au moment de 1 operation, on apporte, dans sa biere, le corps a incinerer, enveloppe de son linceul et reconvert d un voile. On lire liors du lour la grille superieure, sur laquelle on depose le cadavre, que Ton inlroduit rapidemenl dans I appareil. On ouvre 1 acces au gaz, on ferme 1 ouverlure du lour, et alors commence la combustion, qui devient plus active et plus efficace, grace aux bees VY, que Ton dirige sur les parties du corps les plus dil ticilos a delruire. On observe la marche de 1 operation a travers le petit tube tronconique place dans la porte du I our, et par les ouvertures Z. Uu long lube branche sur la clic- minee, porte a son extremite supcrieiue une flamme de gaz grace a laquelle on peut oonstater a tout instant s il s echappe ou non des produits gazeux com bustibles. La cremation du corps de M. Keller, pratiques a 1 aide de cet appareil, dura une beure et deinie, temps certainement un peu trop long, mais qui serai I di ;j;i notablement reduit si, au lieu de pratiquer une cremation isolee, on brulail plusieurs cadavres successivement dans un appareil de plus en plus erliinillr. Le corps, qui pesait 55 kil ,30, donna 2 kil ,92 de cendres, c esl-a-dire environ j/17,2 du poids du cadavre. Depuis la cremation de M. Keller, operee le 22 Janvier 1870, une nouvelle experience a etc faite de I appareil de MM. Polli et Clericetli le 24 avril dr la meme amiee. Ce jour-la y fut brulee la depouille mortelle de Mine Pozzi-Loca- telli. L operation, modifiee dans quelques details, ecrit le docieur G. Pini, a dure deux heures, et de meme que pour la premiere experience, il n est sorti de la haute cherninee ou venaient aboutir les produits de la distillation du cliar- bon fossile et de 1 urne crematoire, qu une vapeur aqueuse melangce a un peu de fumee ne repandant a 1 entour aucune odeur desagreable. L incindration a < l : complete, et malgre le volume exageree des os du bassin, tout a etc reduit en poussiere (amas de principes mineraux el carbones, inalterables a 1 air), reli- gieusement recueillie dans une urne funeraire. Le corps pesait environ 50 ki logrammes, le poids du residu obtenu par la calcination n etait que de 5 k ,60. En ce qui concerne !e prix de revient d une cremation, dans cet appareil, les auteurs ont etabli qu il etait d environ 85 francs, ce qui est une somme 1 orl elevee pour une seule cremation. Mais il convienl de la ire icrnarquer que la plus grande partie de cette somme est employee a amener le four a la tempera ture voulue, ce qui demande soixante-douze heures, une masse enorme de charbon et une surveillance assidue. MM. Polli et Clericetli estiment que le jour ou les cremations seraient nombreuses, les frais qu une seule entraine se trou- vant repartis sur plusieurs, le cout de chacune ne depasserait pas de beaucoup le prix du gaz d eclairaee employe, c est-a-dire une vingtaine de francs. Pendant que M. Polli et son collaboi ateur se livraient a ces experiences et construisaient I appareil que nous venous de decrire, un chimiste italien fort connu, M. Paolo Gorini, auteur des Vulcani sperimentali, trouvait un precede, qui, s il n a pas eu comme le precedent riionneur d enlrer encore dans la pra tique, merite a tous egards d etre connu. Nous laissons la parole au docteur Gaetano Pini, qui a assiste aux premieres experiences faites par 1 auteur dans son laboratoire de Lodi : Au moment ou je penelrai, Paolo Gorini etait tout attentif a liquefier une certaine matiere contenue dans deux petits creusets. A quelque dislance de lui 60 CREMATION. gisoient des teles, des pieds, dcs mains et des jambes de cadavres humains. line compagnie choisie, compreuanl des medecins, au milieu desquels je dis- tinguai Agostino Bertani, et quclques dames, representant le sexe aimable, que n avait point epouvantees 1 horrcur d un lei spectacle, faisait cercle autour de 1 illustre prolesseur. Apres un moment d anxieuse attente, Gorini annonca a ses invites que le liquide avail atteint le degre d ebullition necessaire pour dissoudre en peu de temps les tissus organiques les plus durs -, il prit successivement une jambe, un pied, une main, une cuisse et finalement unc tele, et a peine avait-il plonge dans le liquide incandescent chacune de ces parties qu immediatement elle etait entourec d une flammc brillante qui en un instant la reduisait a rien. L oBuvre de destruction fut rapide et silencieuse. Aucune crepitation ne IVappa les oreilles, aucune odeur n offensa 1 odorat des assistants ; la fumee qui sortit du creuset s eleva versles nues, et les gaz se repandirent dans i air envi- ronnant pour feconder d autres etres et 1 aire partie de nouvelles substances. Lc precede de Gorini est des plus simples. La matiere employee entre en fusion a une haute temperature, et parvenue au point d echauffement voulu, elle detruit completement en vingt minutes le cadavre qu on y a plonge, le decomposant en ses principes organiques pour la majeure partie volatils, et en ses principes fixes qui demeurent dans le liquide pour constituer les cendres, que Ton peut ensuite recueillir, en les extrayant du liquide au moyen d une toile metallique que Ton a eu soin de placer sous le cadavre, ou mieux en ver- sant dans 1 eau la matiere qui a servi a 1 operation, pour les obtenir dans un etat de purete parfait, deposees au fond du vase. Le systeme Gorini demande, lorsqu il ne s agit que d uii seul cadavre, un prix assez eleve a cause de la graude quantite de combustible necessaire pour porter a 1 etat de fusion la matiere destinee a accomplir la cremation ; mais une ibis eel etat obtenu, la matiere fondue peut servir a consumer une quantite considerable de cadavres, de maniere que le prix irait. toujours en diminuant a mesure que leur nombre augmenterait. D apres un compte fait avec beaucoup d exactitude, 1 auteur des Vulcani sperimenlali croit pouvoir affirmer que 60 a 70 francs seraient suffisants pour la cremation d un seul cadavre; mais conmie on pourrait aussi bien en bruler dix ou douze dans le meme temps, le prix ne depasserait pas 8 francs pour chacun. Tel est le precede au moins curieux dont nous avons cru devoir placer la description sous les yeux de nos lecteurs et qui probablement 1 aurait emporte sur tons les autres, si son auteur, M. Paolo Gorini, avait consenti a livrer le secret de la mysterieuse substance qu il emploie, et que le docteur Brunetli croit etre simplement de 1 acide chromique. Gc precede reunit en effet la plus grande parlie, sinon la totalite des conditions desirables, a savoir la rapidite, la simplicite, 1 absence de toute odeur desagreable, et enfm la mediocrite du prix de revient, dans le cas ou la cremation penetrerait dans les moeurs. Le docteur Brunetti, professeur d anatomie pathologique a 1 universite de Padoue, a expose a Vienne, en 1 annee 1875, un appareil a cremation qui a recu 1 approbation de plusieurs hommes competents. La partie la plus importante de 1 appareil est un vaste four rectangulaire, construit en briques, ouvert a la partie superieure et perce a la partie infe- rieure d ouvcrtures laterales qui permettent d entretenir et de regler la com bustion. Peu de bois suffit, dit 1 auteur, mais il faut qu il soil dispose de maniere CREMATION. 61 a s enflammer facilement. L ignition oLtenue, on introduil par Ic haul Ic cadavre que Ton a pris soin d assujettir au raoyen de fils de fer sur unc plaque de metal assez mince pour nc point entraver 1 action du feu ct Ton fait jouer sur le tout des volets reflecteurs, en forme de couvercle, qui, en se refermant, repercutent la flamme et concentrent la chaleur. (Is sont munis du systeme que M. Bru- netti appelle regulateurs, et qui servent a les ouvrir ou a les fermer a volonte . Dans la premiere periode de 1 operation, la chaleur degagee est consacree presque en entier a evaporer le liquide contcnu dans le cadavre. II se degage uue masse considerable de vapeurs et de gaz, ct ilest utile a ce moment de fa ire jouer les reflecteurs. Mais bientot le cadavre ayant atteint un etat convenable dc dessiccation et le calorique continuant a s accumuler, la combustion spontanee se produit, et deux heures suffisent pour que la carbonisation soil complete. Cependant 1 operation n est pas terminee, car si les parties molles sont mluites, les os ne le sont pas encore. On renouvelle alors le combustible, on reunit au moyeu d un crochet la masse carbonisee sur laquelle on abaisse une plaque de fonte afin de concentrer la chaleur, et Ton precede a une nouvelle incineration. Celle-ci achevee et le feu eteint, on recueille les cendres. 70 a 80 kilogrammes de bois sont necessaires pour cette double operation. Sans vouloir porter un jugement absolument defavorable sur le systeme de M. Brunelti, nous croyons qu il est infcrieur en beaucoup de points a ceux de MM. Polli et Gorini. 11 manque de simplicite; il ne semble pas devoir eliv exempt de toute emanation desagreable ; de plus, il est coutcux, ct le prix de revient ne semble pas pouvoir baisser en raison du nombre des cremations. L appareil qui nous parait remplir le plus exactement les differentes condi tions voulues est assurement celui de M. F. Siemens, de Dresde. La description qne nous allons en donner est empruntee au journal la Nature (27 mars 1875), qui deja nous a fourni celle de 1 appareil Polli-Clericetti : Ce nouveau four comprend trois parties : 1 La cliambre de combustion C; 2 Le cendrier D ; 3 Le regenerateur B. La cliambre de combustion est amenee prealablement au degre de tempera ture exige pour une combustion complete, au moyen de la cbaleur fournie par le regenerateur. A la pai tie inferieure de celui-ci, deux canaux distincts, dont Tun est repre- sente en A, amenent Tun, du gaz combuslible, 1 autre de 1 air atmospheri- que. Le gaz, brulant au milieu de 1 air, produit une flamme qui echauffe les divers eUiges de briques refractaires superposees dans le regenerateur, en pas sant a travers tous les passages qui s y trouvent menages. La llamme qui sort a la partie superieure penetre dans la chambre de com bustion C par un conduit lateral, les produits sont ensuite expulses par la clie- minee E. Lorsque les briques refractaires sont assez echauffees (apres un intervalle de quatre heures environ, on obtient le rouge brillant), on intercepte 1 arrivee du gaz ; le fourneau est pret pour 1 operation de la cremation. Le corps a bruler, place dans une biere, glisse a 1 aide de rouleaux repre - sentes a la droite de notre gravure, dans la chambre de combustion C. La porte est refermee, les briques etant au degre voulu de temperature pour que la cre mation commence, 1 air arrive seul sous le generateur, s echauffe en passant a 62 CREMATION. travers les carreaux iucandescents, met immediatement en ignition le corps et entrelient si puissamment la combustion que, dans 1 espace d une heure ou de cinq quarts d heure, toutes les parties combustibles sont consumees ; il ne reste que les cendres et les os calcines. Ceux-ci sont retires par une porte pratiquee dans le cendrier, dont les dimensions sont assez grandes pour determiner une diminution locale dans le tirage, et empecher ainsi rentrainement des cendres dans la cheminee. Pendant cette operation, la chaleur developpee par la combustion du corps sert a maintenir la temperature dans la chambre de combustion. Si la cremation s applique a un corps de petite dimension developpant moins de chaleur, celui d un enfant, par exemple, on a la faculte de laisser entrer une certaine quantite de gaz dans la chambre, par le tube F. Cette precaution est Fig. 5. aussi employee avec succes, lorsque la chambre n a pas ete convenablement chauffee des le commencement. Pour operer la cremation d un second corps, il suffit de recourir a 1 emploi du gaz combustible au debut de 1 operation, afin de ramener le regenerateur et la chambre de combustion au degre primitif. La temperature de la chambre de combustion ne doit pas s elever au-dessus de 750 degres centesimaux, sinon les cendres seraient en parlie reduites en fusion. Au lieu d employer ungaz combustible, on peut placer une grille ordinaire sous le regenerateur et bruler du charbon de bois, ou tout autre corps combustible. Suivant les donnees de 1 expe rience poursuivie jusqu ici, il semble qu il y ait quelque difference pour le temps de la combustion des corps de differents ayes et de diverses natures ; il est a presumer que la combustion est facilitee par 1 a- bondance de la matiere grasse. La quantite de charbon necessaire pour echauffer le regenerateur et effectuer la cremation complete d un seul corps est d environ neuf quint aux dans le fouiv neau a gaz. Pour une seconde operation, suivant immediatement la premiere, une quantite beaucoup moindre est suffisante. CREMATION. 6^ Le systeme Siemens est jusqu ici le plus parfait qu on ait iuvpule. ct c eet sur son modeleque vont se construire sans doute lesappareils crematoires qu on parle d eriger en plusieurs villes. Mais a cote de ces monuments qui doivent etre places dans un endroit fixe, an voisinage des villes, ct ou seront portes les morts pour y subir 1 epreuve du feu, on s est egalement occupe d inventer des appareils capables d etre trans ported facilement et destines a etre utilises en cas de guerre on d epidemie. La recente exposition de Bruxelles, an milieu de systemes crematoires de tout genre, contenait plusieurs appareils de cette espece, et bien que les moyens employes par M. Creteur, et que nous avons decrits plus haul, nous semblent avoir suffisamment rempli le but propose, nous nc pouvons re pendant passer- sous silence ce qui a etc fait dans cette voie. Nous dirons done quelques mots de 1 appareil invente par le docteur Hyacintlie Kiiborn, de I Academie royale de Bruxelles. Toutes les parties en sont comprises dans une grande caisse metallique, laquelle est portee sur un chassis a deux essieux; a ceux-ci s adaptent a volonle deux jeux de roues, semblables a celles des wagons de chemin de fer, ou deux jcux de roues a jantes planes pour le roulement sur les routes et dans les cam- pagnes. Les details de construction ont etc etudies de telle sorte que toute dele- rioration puisse etre aisement et immediatement reparee, memo p;ir des mains pen experimentees. Le nombre, le poids des pieces ont ete reduits dans la limite du possible, de maniere a faciliter le transport rapide et de rammer le coul de construction an minimum. L appareil complet offre exte rieurement 1 aspect d un wagon de chemin d< fer, avec cette addition qu il pent rouler sur voies charretieres et y etre remor- qnd par thevaux ou mulcts. L espace clos, destine a recevoir les cadavres, est une chambre dont les parois sont impermeables a la chaleur ; le fond de cette chambre est forme par deux soles refractaires inclinees, dont le bord inferieur vient plonger dans un bassin qui fait fermeture. Sous ces soles sont places deux foyers conjugues qui, en vertu de leur agencement, peuvent etre alimentes soil par de la houille, soit par du bois, soit memo par du goudron ou du petrole. Les flammes du premier foyer, apres avoir chauffe la premiere sole, viennent enflammer les gaz degages par les cadavres, puis les graisses liquefiees qui s ecoulent du bassin de fermeture, et melanges aux produits dc combustion des re sidus, vont passer sur le second foyer, qui acheve 1 ceuvre de drsl ruction. Do (a tout s e coule par une cheminee vers 1 air exterieur. L operation suit done la marche suivante : une dizaine de cadavres sont otalrV sur les soles; on abaisse le couvercle de la caisse qui s engage dans sa fermeture ctancbe. On a Hume et Ton entretient le feu des foyers. La chaleur traversaul la sole liquefic d abord les graisses qui s ecoulent en suivant la pente de la sole, se rendent an bassin de fermeture, et n en sortent qu en debordant et pour se repandre sur un petit plan incline, ou elles sont saisies par les llammes du pre mier foyer, comme il vient d etre dit. Les gaz qui se degagent des cadavres sont forces de suivre un chemin iden- tique ; ils viennent barbotter dans les graisses du bassin de fermeture qui fait office de barillet et empeche les explosions ; de la ils sont conduits au premier foyer qui Jes combure completement. Les produits de cette combustion passenl en sus, pour plus de security, sur le second foyer. 04 CREMATION. L opcration se continue ainsi durant un laps de temps qui va de 75 a 90 mi nutes, an bout duquel la cremation est complete. La tache des ouvriers, une ibis les cadavres places sur les soles et le couvercle referme, consiste simple- inent a entrctcnir le feu. (Test unc besogne qui peut etre confiee aux manosuvres les plus inexperimentes. L appareil dc M. Kiiborn est certainenient fort ingenieux, et autant que Ton peut porter un jugement sur une invention non encore eprouvee, il est permis de croire qu il a resolu aussi completement que possible le probleme propose. Nous bornerons la ce que nous avioiis a dire des differents appareils inventes par les partisans dc la cremation. On leur avait objecte que la cremation etait d une pratique difficile sinon impossible, tant a cause de la longueur inevitable de 1 operation, que des emanations nuisibles qu elle engendrerait et des somm&s considerables qu elle couterait. 11s ont repondu en inventant des appareils oil la cremation se fait rapidement, a peu dc frais, et sans que rien vienne blesser 1 odorat ou la vue des assistants. Sur cc point done les partisans de la cremation peuvent triompber, et s ils avaient aussi completemeut resolu les autres objections qui leur ont ete faites, 1 avenir de la cremation ne serait evidemment pas douteux et de beaux jours auraient lui pour les ciseleurs d urnes cineraires, les constructeurs de co lumbaria et les fabricants de gaz d eclairage ou d acide chromique. Mais pour le malheur de ces corporations interessantes, il ne nous semble pas que les par tisans de la cremation aient apporte contre les objections d ordre moral ou meme hygienique des raisons aussi convaincantes que contre les objections d ordre purement pratique. III. Avonir de la crt-mation. Nous voici arrives au chapitre des conclu- clusions. Apres avoir montre la cremation dans le passe et dans le present, il nous reste a rechercber ce que semble lui reserver 1 avenir et jusqu a quel point elle a quelque chance de s introduire dans nos moeurs. Si, dans le chapitre precedent, nous nous sommes abstenus de toute critique en developpant, avec toute 1 impartialite dont nous etions capablcs, les argu ments des partisans de la cremation, ce n est pas, on le sait deja, que tous ces arguments nous ont paru irrefutables, mais c est qu il nous a semble favorable au bon ordre de cette discussion de presenter dans son ensemble la these des novateurs avant d introduire nous-memes aucun des motifs qui nous portent a la rejeter. Le moment est venu de dire a notre tour ce que nous pensoiis des argu ments invo,jues,de separer les propositions qui nous semblent justes et demon- trees de celles qui nous semblent temeraires et aventureuses, de faire voir ce qu il v a d utileetd acceptable dans ces projets, mais aussi cequ ils conlieunent degermes dangereux que 1 interet bien entendu de la societe est de combattre et d etouffer. VII DISCUSSION DES ARGUMENTS PRESENTES PAR LES PARTISANS DE LA CREMATION. Toute la these des partisans de la cremation se resume en ceci : Le systeme de 1 inhumation devient chaque jour plus menacant pour les vivants ; et il n est pas aujourd hui une ville tant soit peu importantc qui dans 1 air qu elle respire et dans 1 eau qu elle boit nc trouve un poison qui lui est verse par les morts : il n est que temps d abandonner une pratique aussi deplorable. Mais d autre part nous n avons pas le choix, et, en dehors de rinhumation, la cremation est le seul precede possible. CREMATION. 65 II n est pas douteux, nous en convenons, que si 1 etat de choscs actuel etait a ce point dangereux et menacant qu une solution aussi radicale que la cremation s imposat d elle-meme, a defaut d autres moyens plus convenables, il faudrait bien s incliner devant la necessite imperieuse et faire taire tout autre sentiment que celui du salut public. Mais voici precisement ce qui ne semble pas encore absolument demontre aux adversaires de la cremation: ils ne sont pas convain- cus, malgre le nombre et 1 importance des arguments dont on les a accablcs, que 1 inlmmation fasse courir d aussi grands perils qu on le pretend a la societe ; et, alors meme que ces perils existeraienl, ils croient, non sans apparcnce de raison, que les moyens d y parer sont aussi efficaces que nombreux. Si Ton joint a cela la persuasion ou ils sont que la mesure proposee pourrait gravement compro- mettre desinterets de 1 ordre le plus eleve, on concoit qu ils n acccptent qu avcc repugnance un projet qni leur parait a la fois inutile et dangereux. En ce qui nous concerne personnellement, nous sommes prets a accepter la cremation dans tous les cas ou il nous sera prouve que 1 inhumation ne peut s effectuer dans les conditions qui la rendent inoffensive, et, sans aller plus loin, nous n hesiterons pas a declarer qu elle nous semble appelee a rendre de veritables services sur les champs de bataille et dans les temps d epidemie gnive. Ce n est pas seulement dans 1 antiquite, c cst aussi dans les temps moderncs que le probleme de la sepulture a donner aux vie times de la guerre s impose a I attention et aux soins de 1 hygieniste. Nos batailles ne sont pas moins meurtrieres que celles des Remains ou des Grecs, et, comme on a pu le voir dans des luttes vecentes, il n est guere plus facile de proccder aujourd hui a une inhumation convenable qu au temps d Annibal et de Marcellus. En Italic et en Boheme, comme a Sedan, Metz ou Paris, partout il a fallu au bout de quelques mois, sur les plaintes legitimes des populations, exhumer ce que Ton avail en- terre a la hate sans precaution et sans ordre, et soil inhnmer de nouveau, comme les Allemands 1 ont fait a Metz et comme nous 1 avons fait a Paris, soil ruler les restes deja decomposes, comme M. Creteur 1 a fait a Sedan. 11 est cer tain que dans des cas semblables il y aurait tout avantage a employer tout de suite la cremation, ci laquelle il faut avoir recours tot ou tard, si Ton ne veut se servir de moyens a la fois tres-penibles et tres-couteux. De plus il faut bien re- connaitre que les graves objections d ordre moral qui sont iaites a la cremation perdent beaucoup de leur puissance, quand il s agit de 1 appliquer en temps de guerre; car si, comme nous le verrons, il faut tenir compte par-dessus tout, dans cette importante question des modes de sepultures, du sentiment des vivants, du sentiment de ceux qui restent, on avouera que la chose dcvient presque indiffe- rente quand il s agit d hommes, morts pour la plupart tres-loin du foyer domes- tique, enfouis immediatement, pele-mele, sans honneur, sans que rien vienne indiquer 1 endroit ou ils reposent a ceux qui vouclraient plus tard visiter leur torn be. II en est de meme pour certains cas d epidemie. Si nous n avons pas depuis longtemps ete visiles par un de ces fleaux comme Tantiquite en a connus aux temps de Pericles et d Anloniu, ou comme eu a vus le monde moderne, lors- qu au quatorzieme siecle le tiers de la population d Europe, au dire de Froissart, mourut de la peste noire, rien ne nous assure que 1 avenir ne nous reserve point d epreuves semblables, et alors meme que les scenes epouvantables dont furent temoins certaines grandes villes comme Florence, Londres, Paris, Marseille ettant d autres, ne seraient pas a redouter, il n est pas douteux que la cremation serait DICT. ENC. XXIII. 5 66 CREMATION. la a sa place, non-seulement parce que 1 inhumation deviendrait presque impos sible faute des moyens convenables, niais encore parce qu il y aurait utilite, ne- cessite meme, a se dc barrasser de la maniere la plus prompte et la plus radicale de lant de depouilles empoisonnees, aliment le plus sur de la contagion. En ce qui est, du respect du aux pieux sentiments de ceux qui survivent, la, pas plus qu en temps de guerre, ils ne peuvent etre pris en serieuse consideration : d abord parce que les survivants eux-memes, dont le nombre dimitme d heure en \ieure, nc songent guere a reclamer centre le traitement qu on fait subir a leurs firoches, tant ils sont affoles de terreur et uniquement preoccnpes du soin de leur propre preservation, ensuite parce que 1 interet supreme du salut public doit dominer ici toute autre consideration et faire taire jusqu aux plus respec tables scrupules. Nous admettrons clone deux cas oil la cremation nous semble utile et desirable : ce sont ceux de guerre et d e pidemie grave. En dehors d eux, nous n apercevons nulle part cette necessite ineluctable dont nous entretiennent les partisans de la cremation, et, meme pour nos cites les plus populeuses, nous ne saisissons pas nettement la valeur des arguments au moyen desquels on voudrait nous amener a sup;jrimer 1 inhumation. Ces arguments, nous aliens les reprendre un a un et les discuter. Ils sont, on se le rappelle, au nombre de trois principaux : \ Les cimetieres sont une source d emanations dangereuses; 2 Les cimetieres empoisonnent les eaux de puits et de riviere ; 3 Les cimetieres occupent trop de place. ] . En ce qui conccrne les emanations soi-disant dangereuses dont on accuse les cimetieres, nous pouvons faire deux parts des arguments presentes par nos adversaires : la part des theories et la part des faits. Ces theories, plus ou moins appuyees d experiences de laboratoire, partent d un point essentiel- lement faux a notre avis. Prenant ce que Ton connait aujourd hui des pheno- menes qui accompagnent la decomposition des corps (ce qui est en verite peu de chose), et enumerant les differentes transformations cbimiques dont elle est la source, les auteurs raisonnent comme si cette decomposition avait lieu a 1 air libre, comme si une epaisse couche de terre n offrait pas, en meme temps qu une resistance tres-reelle a Fexpansion des matieres gazeuses, 1 occasion d une foule de combinaisons secondaires, capables d en fixer une portion consi derable au-dessous du sol. Le passage que nous avons cite de M. Tardieu, malgre les emprunts qu il fait a d eminents chimistes etrangers, contient plutot a cet egard une affirmation qu une demonstration. II est parfaitement certain et nous ne discutons pas que quelques gaz peuvent arriver jusqu a la surface ; tout le monde connait le phenomena des feux follets produits par la combustion spontanee de 1 hydrogene phosphore dans 1 oxygene de 1 air. Mais, d autrepart, on conviendra egalement que de tels gaz cessent d etre dangereux, justement parce qu il sont brules, et cela au moment meme ou ils arrivent a la surface du sol. Parmi les autres gaz produits par la decomposition cadaverique, ceux que Ton cite parmiles plus dangereux, comme 1 acide carbonique et 1 am- moniaque, ne paraissent arriver qu en tres-minime proportion jusqu a 1 air exterieur. Nous n en voulons pour preuve, en ce qui concerne 1 acide carbonique, que ce que nous dit le docteur Reid lui-meme, cite par M. Tardieu, que la terre qui environne les fosses est impregnee d acide carbonique, comme elle pourrait etre imbibee d eau. G est done que cet acide se fixe dans la terre. De CREMATION. 67 plus chacun salt que 1 ucide carbonique est plus pcsaut que 1 air atmospherique et en admettant meme qu il put s elever jusqu au ras du sol, tout cc qu il pourrait f;iire serait de s y maintenir. Nous ne voyons pas en quoi, dans une situation sciablable, il est susceptible de vicier gravement 1 air de nos cites. Quant a 1 ammoniaque, il nous semble que son odeur est assez caracteristique pour que rien soil plus facile a reconnaitre que sa diffusion dans 1 atmo- sphere, meme a une dose excessivement faible. Or il suffit vraimcnt de pene- trer dans un cimetiere pour reconnaitre qu aucune odeur ammoniacale manifesto ne vient frapper 1 odorat, tandis qu il n est pas un coin de rue ou nous nc soyons suffoques par des emanations dont cepondant la sante publique ne s alarme pas outre mesure. Peut-etre dira-t-on que si tous les produits gazeux de la de composition ne se repandent pas dans 1 air exterieur, il suffit qu un petit nombre, parmi les plus deleteres, soient dans ce cas. On se rejettera sur ce qu on ne connait encore qu imparfaitement les transformations, les combinaisons auxquelles donne lieu la putrefaction cadaverique, et se basant sur quelques experiences de laboratoire, tellcs que celles de Moscatti ou de Boussingault, on pre tendra que 1 air ticnt en suspension des particules organiques entrainc es avec les gaz a travers la terre, dont la constitution cbimique n a pu etre jusqu a present bien dcfinie, mais qui n en demeurent pas moins de tres-dangereux elements et la source d une foule de maladies. Cc sont les miasmes. Soit. Mais si ces miasmes sont aulre chose qu une pure conception de I esprit, s ils represented une realite ayant sa place marquee dans la nature, bien que difficile a montrer, qu on nous de couvre au moins les traces de leur existence, autrement dit leurs effets sur 1 orga- nisation humaine, les maladies qu ils sont censes susciter. Malheureuscment on ne nous montre pas beaucoup plus nettement les traces de cette existence que 1 existence elle-meme, les effets que leur pretendue cause, et ceux que n aurait pas pleinement satisfaits la theorie du miasme ne trouveront assurement pas leur compte avec 1 histoire des desastres qu il a causes. Bien ose celui qui dans la nomenclature que nous en avons donnee au precedent chapitre decouvrirait un seul fait vraiment decisif. Serait-ce le cas cite par Chadwick ? Mais il est plus question de vapeur de suit et de triperie que de cimetiere; en outre il s agit des effets produits sur des oiseaux en cage et non sur les hommes ; enfin on ne saurait accorder une confiance absolue a une observation aussi isolee dans 1 his- toire de la science. Le cas cite par M. Tardieu du cimetiere de 1 e glise Saint-Margaret est-il plus probant ? En aucune facon. Qu y remarquons-nous en effet ? G est que ce cimetiere est place dans des conditions exceptionnellement facheuses, et il n est jamais venu a 1 idee de personne de pretendre que le choix d un emplacement pour un cimetiere n exige pas certaines precautions. Et cependant les inconve- nients signales ne se produisent la que d une facon tres-intermittente : il faut que les tuyaux de drainage soient fermes par la haute mer, que le barometre soit has, la surface du sol legerement humide, la temperature elevee. Si la fer- meture des tuyaux de drainage se represente presque chaque jour, les autres conditions ne se rencontrent pas aussi frequemment, et comme, d ailleurs elles sont tout a fait accessoires, il suffirait de recommander a ceux qui choisissent une place pour y enterrer leurs morts de faire en sorte que les tuyaux de drai nage qu ils etabliront ne puissent etre facilement benches. Observons, en passant, que I insalubrite meme de ce cimetiere exceptionnel ne 68 CREMATION. sen Mi. 1 pas uvnir engendiv de bien grands mnlheurs : Tauteur lie parle que d emanatiuns de sagre ables qium a du ooinbattre en plusieurs endroits a 1 aide d appareils ventilateurs et do preparations chlorurees, et e est avec une sorte de timidite ipi il ajoute que en quelques circonstanees les individus out j9fl> - u en eprouver de laeheux el lets. Ouaiit aux autres fails que nous avons cites, fails partieuliers d epidemies, d aceidents -raves, d aspliyxies, soi-disant causes par les cimetieres. nous les tenons pour nuls et non avenus. Nous rappellerons meme que si Vicq d Azir, Haller, .\avier, Fodere out cite des cas d asplnxie mortelle a 1 ouverture de eer- cueils, on sait que Thouret. Fourcroy. Pai ent-Duchatelet. Orfila ont soutenu rinnoi uite iles emanations putrides. (in IK- saurait. en elfet, imputer aux cimetieres et a leur influence habituelle des accidents dus le plu> souvent a 1 imprudence de ceux qui ont e te les vie- tinies. Si nous croyons inoffeiishe la lente et iaible expansion des gazproduits par la decomposition des corps, nous ne pretendons pas qu il soil sans danger de boukver>er une terre qui a devore des cadavres. Les principes deleteres qu ellr a en majeure pailie tenus et eoniprimes dans son sein, vont. s ils n ont pas ete completement detruits, produhe subitement une masse e nornie de uaz. ilniit les diets pourronl t-tre graves sur les iudividus soumis a son influence. 11 y a la toute la distance qui separe une dose fractionnee d une dose ina>si\e. et nous n admeltons pas qu on puisse considerer comme une couse- ipiencf ordinaire et normale de 1 amenagement des cimetieres cequi est le fait de circonstanees etrangeres et de pratiques souvent inopportunes ou mal diriire es. Nous lejetons done comme n ayant rieu a faire dans ce debat les accidents causes sit par des exhumations, presque toujours accompliesen dehors des precautions ne cessaire-. ^oit par des de^cetites dans des caveaux mortuaires, ou les gaz con denses s accumulent an point de desceller quelqnetois la pierre qni les ferme, suit par des travaux de terrassement executes dans des cimetieres depuis long- temps abandonnes, et auxquels on vient toucher imprudemment. De mt?me on a cite le cas signale par Pettenkofer qui a trouve de 1 ammoniaque dans 1 eau souterraine a une distance de 40 pieds de 1 usine a gaz qui 1 avait produite ; celui de Fcerster idans son ttude sur le cholera a Sondershausen, en ISTo"), que nous avnns deja cite. 11 nous parait bien evident qu il est impossible de comparer la marche envahissante, suns le >1. de gaz s e chappant sous pression, et la lente diffusion de ceux qui proviennent d un corps en putrefaction. Kins tons ccs cas, c est a lui-meme que riiomme doit imputer le rual et non aux cimetieres. qui n en peuvent mais. Ce qu il faudrait prouver, et ce qu on lie prouve pas, c est que les individus qui [uir etat. qui par situation sent le plus exposes aux atteiutes de ces terril.des miasmes. comme les gens qui babitent dans le voisinai r L- des cimetieres ou ceux que leur profession y appelle. depuis le los- soyeur jusqu au medecin de la salubrite. sont plus frappes par la maladie que les individus qui demeurent au loin et qui ne viennent que rarement visiter les morts. Si la science a etabli. a dit M. Depaul au conseil municipal de Paris, 1 oxis- tence de certaines maladies speciales propres a certaines professions, s il est avere que les ouvriers qui travailleut le plomb et le phospbore sont quelquefois victirnes de leurs manipulations, personne n a demontre jusqu ici, personne n a cuiistate ijiie les fossoyeurs. non plus que les boyaudiers. les tauneurs les eqiiarisseurs, les garcons des amphitheatres de dissection, tons ceux, en un mot. CREMATION. 69 qui mellcnt en ccuvre des matieres en voie de decomposition, soionl sujcls a aucune maladie professionnelle. Est-il plus demontre que les exhidaisons pu- trides puissent engendrer le cholera, la fievre typbo ide, le typhus ou la pesle? M. Bouchardat, dont 1 autorite en ces malieres n est pas contestahlc, rappellea ce propos, dans Particle de la Revue scientifique que nous avous dcja cite, que 1 annee qui a suivi les funestes evenements de 1870-1871 est de heaucoup la moins chargee de deces par fievre typhoide, entre toutes celles qui ont precede ou suivi, et que cependant nos cimetieres ne furent jamais autant encombres. Pendant la periode la plus malheureuse, aucun cas de typhus fever ne s est de clare a Paris. La conclusion a tirer de tout ce qui precede est celle-ci : Si nous connaissons imparfaitement les phenomenes qui accompagnent la decomposition putride a 1 air libre, nous connaissons encore moins ceux qui resultent dc cette meme decomposition operee sous terre. Les fails recueillis, loin de demontrcr la libre expansion au dehors des produits gazeux, semblent prouver, an contraire, que la plupart ne parviennent pas a la surface, soit par suite de combinaisons avec les materiauxdu sol, soit en vertu de la compression qu ils subissent. La faible quantite de gaz dele tere qui serepand dans 1 air, apres avoir vaincu la resistance que le sol lui oppose, semble impuissantc a provoquer cbez les individus les plus exposes a son atteinte aucune maladie caracterisee, non plus qu aucunc susceptibilite speciale. A plus forte raison ne saurait-elle etrc la source de toutes sortes de maladies endemiques et epidemiques, comme on 1 a pretendu sans preuve et sous le me diocre pretexte qu on ne connaissait aucune autre cause a laquelleil tut possible de les attribuer. D ailleurs la variete meme des maladies attributes a cette cause montre qu elle ne donne pas naissance a un produit specifique et que ce ne sont pas la des maladies contagieuses. 11 ne faut pas oublier, selon notre classification etiologique, que dans toute maladie il y a deux facteurs : le facteur externe (parasites, ferments, semences) et le facteur interne, qui est 1 organisme. Celui- ci ne se borne pas exclusivement a un role de support ou de de pot, et souvent, au contraire, les conditions de reception et de reaction dans lesquelles il se trouve ont la plus grande importance. y. Si 1 accusationportee contre les cimetieres, en ce qui touche les emanations, ne semble pas reposer sur un fondement bien solide, celle qui concerne la souil- lure des eaux potables est-elle beaucoup plus serieuse? C est ce que nous aliens examiner. L eau du ciel tombant sur les cimetieres penetre dans un terrain sature de produits de decomposition ; elle s en impregne, et, continuant sa marche des- cendante jusqu aux couches impermeables, va empoisonner les rivieres et les puits, ou 1 analyse chimique denote la presence d ammoniaque, de sels azotes, de composes sulfureux. La theorie, comme on voit, est fort simple. Reste a savoir si elle est justifiee. Tout nous porte a croire que 1 on a ici encore incrimine les cimetieres avec autant de raison qu on leur reprochait tout a 1 heure de produire le cholera, la fievre typhoide et meme la peste. II n y a pas une des assertions precedentes qui n ait trouve des contradicteurs dans les hommes les plus competents, et en opposant les fails aux fails et les theories aux theories, on s apercoit que tout ce que Ton peut conclure pour le 70 CREMATION. moment est que la science est encore fort peu avance e sur ces questions et qu il serait au moins temeraire de baser sur des affirmations aussi peu prouvees des modifications sociales de i importance de celles que Ton propose. Un premier point, que Ton a tort, d apres nous, de faire intervenir dans la discussion, parce qu il ne nous semble nullement acquis, est celui de savoir si les eaux de pluie peuvent reellement penetrer assez profondement dans le sol pour y rencontrer les couches impermeables qui leur permettront de glisser jusqu aux rivieres ou aux puits. M. Depaul et ses colleguesMM. Leclercet Riant, dansle remarquable rapport qu ils oat presente au conseil municipal de Paris, ont elabli ce (jue recoit d eau du ciel cbaque metre carre de nos cimetieres : II resulte d experiences officielles, disent-ils, que I epaisseur d eau de pluie qui tombe par an et par metre carre dans notre region est de O m .v77, en moyenne. Chaque metre carre recoit done 577 li tres d eau. De nombreuses recherches ont ete faites pour determiner la quantite d eau absorbee dans le sol par Cbarnock, Delacroix, Dalton; les resultats de ces experiences ont montre que cette quantite etait d environun tiers. Dans bien des cas, elle etait inferieure. Les deux autres tiers coulent a la surface ou sont enleves par 1 evaporation. Ainsi, annuellement, pour une quantite de 577 litres, le sol ri absorbera que le tiers, soit 191 litres ou en nombres ronds 200 litres par metre carre, ou par bectare 2000 metres cubes par an. Mais nos cimetieres sont dans des conditions toutes speciales : un tiers de leur surface est occupee, par des chemins, allees, constructions qui ne laissent pas penetrer 1 eau dc pluie, et, dans les deux autres tiers, il y a encore une partie considerable occupee par des dalles et des monuments a travers lesquels 1 eau ne peut passer. II faut done divisor par deux le nombre ci-dessus et le reduire a 100 litres par metre carre et par an, ou 1000 metres cubes par hectare, c est-a-dire que la couche d eau qui traverse chaque metre carre par annee a une epaisseur de 10 centimetres seulement. C est la le volume d eau qui traverse les terrains remues pour le service des inhumations. Dix centimetres ! En verite, c est une quantite bien faible pour penetrer dans une lerre toujours avide d humidite et gagner une nappe d eau qui git le plus souvent a la profondeur de 20, 30 et 40 metres au-dessous du sol. Par quel miracle ces quelques gouttes d eau ne seront-elles pas absorbees avant d avoir franchi un si grand espace, et comment resisteront-elles aux sollicitations sans nombre qu elles vont rencontrer sur leur chemin? C est ce que ne nous expli- quent pas assez ceux qui pour toute demonstration se contentent de nous apporter les conclusions de leurs analyses. 11s devraient connaitre cependant ce fait, que personne n ignore, que meme apres une periode de pluies furieuses, la terre n est guere modifiee au dela d une epaisseur de 50 a 60 centimetres, et qu au dela tout est secheresse etdurete. C est ce qui se trouve constate d une fagon tout accidentelle, il est vrai, mais neanmoins bien remarquable, dans un rapport redige par le docteur Prat, medecin de la prefecture de la Seine, au sujet d une exhumation. Un travail lent, ecrit-il, mais continu, a ete favorise dans sa lenteur par le terrain particulier qui enveloppait les cadavres et les tenait a 1 abri de 1 humidite; car je n etonnerai personne en disant qu il y avail absence d eau dans le terrain ; malgre le temps si pluvieux du niois de mai de cette annee, les pluies torrentielles fines et continues n avaient pu faire pene trer 1 humidite au dela d un demi-metre, et les corps etaient a pres de 2 metres de profondeur, etc., etc. CREMATION. 71 On nous demandera peut-ctre d expliquer, s il en est ainsi, comment se forment les nappes d eau profondes, de quelle manic-re elles s alimentent, pour- quoi elles diminuent ou augmentent suivant 1 etat variable de 1 atmosphere ? Bien que nous n ayons pas a donner la clef d un mystere, dont 1 explication est reservee aux geologues, nous pouvons deja ciler, pour 1 instruction de nos lecteurs, le passage suivant d un auteur quo les savants actuels ne recuseront certainement pas : J ai remarque, dit Buffon, en examinant de gros monceaux tie terre de jardin de huit ou dix pieds d epaisseur, qui n avaient pas ete remues dcpuis quelques annees et dont le sommet etait a pcu pres de niveau, que 1 cau des pluies n a jamais penetre a plus de trois ou quatre pieds de profondeur; en soi te qu en remuant cette terre au printemps apres un hivei fort huniidc, j ai trouve la terre de I mterieur de ces monceaux aussi seche quo quand on 1 avait amon- cele e. J ai fait la meme observation sur des terres accumulees depuis pres de deux cents ans : au-dessous de trois ou quatre pieds de profondeur la terre etait aussi seche que la poussiere ; ainsi 1 eau ne sc communique ni ne s etcnd pas aussi loin qu on le croit par la seule filtration : cette voie n en fournit dans 1 in- terieur de la terre que la plus petite partie; mais depuis la surface jusqu a de grandes profondeurs, 1 eau descend par son propre poids, elle pe nelre par des onduits naturels ou par de petites routes qu elle s est ouverte elle-meme, ellc suit les racines des arbres, les fentes des rochers, les interstices des terres, it se divise on s etend de tous cotes en une infinite de petits rameaux et de filets toujours en descendant, jusqu a ce qu elle trouve une issue apres avoir rencontre la glaise ou un autre terrain solide, sur lequel elle s est rassemblee. If parait done au premier abord assez difficile que la petite masse d eau qui tombc sur nos cimetieres penetre aux profondeurs que Ton sait; mais en admet- tant meme qu il en soit ainsi, il faut encore supposer que les principes dele- teres dont elle se sera chargee en passant a travcrs une terre remplie de detritus cadaveriques 1 accompagneront jusqu au bout, et ne trouveront point dans le trajet mille occasions d abandonner leur vehicule pour s associer aux elements de rencontre que le terrain pourra leur fournir. G est ainsi que l un de ces prin cipes redoutes, 1 ammoniaque, s il faut en croire les experiences fa<U s en 1848 par MM. Huntable et Thompson, ne pourrait se maintenir a 1 etat soluble en presence de la terre. Celle-ci aurait la curieuse faculte de retenir a 1 e lat inso luble 1 alcali d une dissolution ammoniacale, et meme de solutions oil la base ne se trouverait pas a 1 etat libre, mais engagee dans des combinaisons telles que le chlorhydrate, le sulfate et le nitrate d ammoniaque. Ces experiences ont ete confirmees par M. Th. Way, en 1850. En reprenant les travaux de ces messieurs, il de terrnina en meme temps la capacite d absorption des terres ou de 1 argile. M. Way resta neanmoins convaincu qu il se formait une veritable combinaison chimique, avec un silicate double particulier existant duns le sol. DCS experiences de M. Hales, qui concordent avec les precedentes, etablissent qu une eau tres-chargee d ammoniaque ne traverse pas la terre comme si elle traversal un filtre ; 1 alcali est retenu, qu il soit a 1 etat libre ou a 1 etat de sel ; et meme, dans ce dernier cas, M. Hales a trouve que 1 absorption du sel ammo- niacal par les terres etait encore beaucoup plus elevee que lorsque 1 alcali etait a 1 etat libre. En presence de faits de cette nature, dit M. Gille, auquel nous empruntons la citation qui precede et a qui Ton doit un iirteressant travail sur la question, 72 CREMATION. que devient la thcoric de la lixiviation des tcrres de nos cimetieres par les eaux de pluie ! Si meme elle pouvait se produire, il y aurait a noter, ajoute-l-il, que le cimetiere Montparnasse (1 un des cimetieres parisiens), par exemple, offrirait conime resistance a la filtration verticale une couche de terrains de natures diverses, qui ont au moins vingt metres de profondeur avant de reneontrer cette fameuse couche de terre glaise. Et cc n est pas tout : apres avoir vaincu cette resistance dans le sens vertical, il restcrait encore a ces eaux une distance de pros de six kilometres a parcourir avant de rencontrer la Seine, et ce parcours devrait s effcctuer dans le sens horizontal, et toujours en contact avec des com poses mineraux, qui ont une grande tendance a fixer les sels ammoniacaux et a former avec eux des composes doubles insolubles. Toutes ces objections, toutes ces difficulte s n ont pas, il faut 1 avouer, vivo- ment embarrasse les adversaires de 1 inhumation, et toute leur argumentation a consiste a nous montrer la presence d elt-ments dangereux dans les eaux, sans nous prouver suffisammcnt qu il faille en accuser nos cimetieres. Or tout est la. Personne ne discute la sincerite et 1 excellence des analyses effectuees par des chimistes aussi competents que M. Belgrand et ses collabora- teurs; mais ce qu on soutient centre eux, c est que beaucoup d autres causes que les cimetieres, si tant est meme que ceux-ci soient coupables, peuvunt determiner dans les eaux la presence de ces elements pretendus dange reux. Pour I ammoniaque, par exemple, qui dans la plupart des puits de Paris ne se rencontre meme pas a la dose de 1 gramme par metre cube, il ressort des experiences faites en 1851 par M. Boussingault que 1 eau de pluie tombant a la campagne en renfcrme tout pres de 1 gramme par metre cube, et que cette quantite s eleve considcrablement quand les experiences ont lieu dans Paris. La moyenne de 1 annee 1851 donnepour cette dcrniere villeogr. 55 par metre cube; le maximum en clecembre est de 1 gr. 45 ; le minimum en octobre estde 1 gr. 08. Toujours d apres M. Boussingault, au mois d avril de 1 annee suivante, 1 eau de pluie contenait 4gr. 5-4 par metre cube d eau, ce qui etait juste 27 fois autant que la Seine a la meme epoque. L eau de pluie est done plus ammoniacale que celle des rivieres ou des puits; et Ton ne peut pretendre que les cimetieres, au moins pour 1 eau de pluie recueillie a la campagne, y soient pour quelque chose. Mais ce n est pas tout. Sept puits de Paris ont ete etudies au point de vue de la composition des eaux, et qu a-t-on trouve? C est que les deux puits les plus eloignes de tout cimetiere etaient les plus riches en ammomaque, et plus riches d une quantite extraordi naire. Tandis, en effet, que des puits tres-rapproches de la zone soi-disant dange- reuse, comme a Glignancourt, renfermaient une quantite d ammoniaque vrai- ment inappreciable (Ogr.51), des puits situes dans les quartiers les plus cen tra ux (Hotel de ville, quai de la Megisserie) en contenaient jusqu a 55 grammes et 54 grammes par metre cube. Ici encore peut-on incriminer les cimetieres? Evidemment non. M. Boussingault qui s est donne la peine de rechercher la source de cette quantite enorme d ammoniaque 1 a trouvee dans la presence de fosses d aisances non etanches, situees dans le voisinage des puits. Et en realite c est une cause semblable qui fait que 1 eau de pluie qui tombe dans les villes est plus chargee d ammoniaque que partout ailleurs. Elle rencontre dans nos cites une atmosphere plus ou moins viciee par les dejections de toute nature qui encombrcnt nos voies et salissent nos murs, par les gaz qui s echap- CREMATION. 75 pent des tuyaux dc ventilation de 60 000 on 80 000 fosses d aisanccs. Si Ton estimc, avec Parkes, qu une population de 1000 personnes produit par an 25 tonnes de matieres fecales et 14 646 pieds cubes d urine, il faudra multi plier ces chiffres par 2000 pour evalucr a pen prcs les excrements annuels de la population parisienne. Voila une source d ammoniaque autrement feconde quo celle que nous presentent les cimetieres, en admettant memo, ce que nous con- testons, que la filtration des eaux s y puisse accomplir. La presence des sels azotes doit-elle, plus que celle de 1 ammoniaque, etre attribute aux cimetieres? Gela est au moins douteux. On parle, dit M. Gille, dans un travail deja cite, de la production des nitrates comme d une source d acide azotique venant de la decomposition de 1 ammoniaque produite par les matieres azotees. Mais cela est-il prouve? Est-ce que les remblais autorises dc certains terrains, avec les materiaux et les platras provenant des demolitions, auxquels on joint des ordures de toute nature, ne constituent pas tons les elements necessaires pour faire une bonne nitriere? 11 serait difficile de trouver mieux. Est-ce que M. Boussingault n a pas signale dans son ouvrage de chiinie agricole que la craie de Meudon contenait environ 25 grammes de salpetre par metre cube? Cette source naturelle dc nitrate de potasse ne provient pas, je suppose, de la decomposition des matieres organiques des cimetieres. Est-ce qu on nc lit pas dans le memc ouvrage, a l articlc PLATRE DE MONT- MARTRE : Un echantlllon provenant de la carriere Saint-Denis dans sa coucbe inierieure, mouille par une infiltration, a donne 1 equivalent de 508 grammes de nitrate de potasse par metre cube. Un autre echantillon, cboisi dans 1 intc- rieur d un bloc, n a plus fourni par metre cube que 18 grammes. Ceci connu, y a-t-il quelque cbose d etrange a trouver, par 1 analyse, que 1 eau de Seine renferme a Paris, en moyenne, 1 1 grammes de nitrate par metre cubed eau, et, comme le dit M. Sainte-Claire-Deville, que la Seine porte a la mer, cbaquejour, 1 equivalent de 71000 kilogr. de potasse? Mais les eaux du Nil, comme le demon trent les analyses de M. liarral, portent a la mer cbaque jour plus de 1 million de kilogrammes de salpetre. De tout cela que conclure? C est t|iic la Seine, dans son parcours, traverse des terrains qui lui fournissent ces elements, et que les cimetieres de Paris ne sont pour rien on pour fort peu de chose dans celte composition de 1 eau. Enfin que faut-il penser de 1 existence de sources sulfureuses dans Paris, et doit-on en faire remonter 1 origine a 1 action des detritus organiques sur les eaux seleniteuses de la capitale? Cette doctrine, dit M. Depaul, pourrait etre admise si tous les puits etaient, dans un espace suffisamment grand, trans- formes en eaux cliargees d acide sulfhydrique ; mais comment expliquer la source sulfureuse de la rue Demours, n 19, aux Ternes ? Quel cimetiere a produit ce resultat?Pour tirer de ces di verses observations des conclusions rigou- reuses, il faudrait que des analyses faites de proche en proche et controlees par des rechercbes locales sur la nature des terrains vinssent donner un fondement serieux a la doctrine qui attribuc ces sources a 1 action reductive des eaux des cimetieres. II n est pas necessaire d aller chercher si loin pour expliquer 1 exis tence de ces sources, ct la presence de depots circonscrits de lignite sur le trajet des eaux seleniteuses suffit pour determiner la production d eaux sulfureuses. Les amas de lignite, comme toute matiere organique d origine animale ou vege- tale, donne lieu a des degagements d acide carbonique. Or 1 acide carbonique, 74 CREMATION. en presence d eaux chargees de sulfate de chaux,precipite le carbonate dechaux et degage 1 hydrogene sulfure. On s explique des lors facilement la presence d eaux sulfureuses dans le terrain de Paris, en dehors de toute action des cimetieres. Aiusi il n est pas un des elements incrimines auquel on n ait decouvert une origine non-seulement possible, mais probable, en dehors de Faction hypothe- tique des cimetieres. D ailleurs, comme on 1 a parfaitement bien fait remarquer, quelle que soit la cause de leur presence dans les eaux de riviere ou de pluie qui servent a notre alimentation, en quel cas la dose est-elle suffisante pour devenir un danger? Nous avons vu que 1 eau de pluie contenait plus d ammo- niaque que 1 eau de Seine et que celle du plus grand n ombre des puits de la capitale, et cependant personne n a jamais pretendu que 1 eau de pluie fut em- poisonnee. On ne soutiendra pas davantage que les sels azotes, a la dose ou on les ren contre d ordinaire, c est-a-dire \ a 2 grammes par litre, soient a redouter, lors- qju on se rappelle que les medecins ordonnent cbaque jour le salpetre comme dim-clique a la dose de 1 a 8 grammes par litre ; et, comme le faisait remar quer M. Depaul, si les 105 grammes d azote que 1 on rencontre dans un metre cube d eau suspecte sont un danger, quelle ne doit pas etre notre apprehension quand il s agit d avaler une tasse de bouillon qui en contient bien davantage. En ce qui concerne les sources sulfureuses, cette putrefaction liquide, comme les appellent quelques-uns, le peril qu elles font courir a la societe est chose si peu demontree, qu elles sont recommandees au public comme salutaires et bienfui- santes par les medecins memes que 1 administration charge de la surveillance de ces eaux. Dans cette discussion, il faut faire figurer un autre element que jusqu ici on a trop neglige. Nous voulons parler de la filtration des eaux d egout et de leur utilisation par le proce de agricole. Le savant Rapport sur la deuxieme ques tion du congres international d hygiene de Paris, re dige par MM. Schloesing, A. Durand-Claye et Proust nous fournira de nouvelles preuves, en demontrant que le sol est 1 e purateur le plus parfait des eaux charges de matieres orga- niques. Lorsque des eaux impurcs, celles des egouts par exemple, sont versees surun sol meuble, les matieres insolublcs sont d abord anetees par la surface comme par uu fillre : quelques particules, assez tenues pour franchir ce premier obstacle, sont bientot fixees un peu plus has. Tel est le premier cffet produit : c est un simple filtrage mecanique. L eau debarrassee des matieres insolubles descend plus avant; le sol s en imbibe; chaque particule de terre s enveloppe d une couche liquide exlremement mince; amsi divisee, 1 eau presente a 1 air confine dans le sol une surface enorme ; alors s opere le second effet de 1 irriga- tion, la combustion de la matiere organique dissoute dans 1 eau d egout. On dit que le feu purifie tout ; et, en efl et, il n y a pas de matiere organique si impure, bi malsaine, que le feu ne transforme, avec le concours de 1 oxygene de 1 uir, eu aodc carbonique, eau et azote, composes mine raux absolument inoffensifs. Dans 1 interieur du sol, se passe un phenomene de meme ordre, non plus violent et visible comme le feu, mais lent, sans aucun signe exterieur; ce n en est pas moins une combustion qui reduit toute impurete organique en acide carbonique, eau et azote; il lui arrive meme d etre plus pari aite que la combustion vive et d oxyder, de bruler 1 azote, ce que le feu ne sait pas faire. L azote est en elfet, beaucoup moins combustible que le carbone et 1 hydrogene, c est-a-dire qu il se CREMATION. 75 combine beaucoup plus difficilemcnt que ces corps avec 1 oxygene, c est pour- quoi la transformation dc 1 azote organique en acide nitrique est le signe d une parfaite combustion dans le sol. Quant aux matieres insolubles retcnues a la surface, elles n echappent pas davantage a la combustion lenle, surtout quand un labour les a incorpores dans le sol. Tout ce qui en reste est un sable extreme- ment fin qui comptera desormais parmi les elements mineraux de la terre. Les experiences recentes de MM. Scbloesing et Miintz ont montre que la terre vegetale avait la propriete de bruler les matieres organiquesetde nitriiier 1 azote. On peut arreter la nitrification en ajoutant de la vapeur de chloroforme, ce qui semblerait montrer que cette nitrification tient a la vie d organismes capables comme le mycoderma aceti ou autres vibrions de transporter 1 oxygene sur les matieres organiques. L epuration se fait par deux mouvements, celui de 1 eau, celuide 1 air; 1 un apporte le gaz comburant, 1 autre la matiere combustible, L action de 1 air agit d une maniere continue, et Ton pcut 1 aiJer par destranchees profondes ou 1 exci- ter par le drainage. Mais on n est pas encore parvenu a la mesurer el Ton n a aucune idee des quantite s d air qui s ecbappent entre 1 air et 1 atmosphere, dela respiration du sol. On peut an contrairc mesurer le pouvoir epuralcur du sol et, par consequent, regler la quantite des impuretes qu il peut consumer, comme on regie 1 apport du bois dans un foyer, quarid on sail combien celui-ci peut bru ler. D ailleurs 1 irrigation est neccssairement intermittente, el la filtralion et 1 evacuation le deviennent aussi. On determine ainsi le pouvoir epurateur du sol d apres la methode du docteur Frankland. On est arrive, en Angleterre, a faire epurer sur des surfaces limitees des quantiles considerables d eau d egout s ele- vant jusqu a 200 000 metres cubes par an et par bectare. Un hectare du sol de Gennevilliers pris sous une epaisseur ulile de 2 metres, peut epurer par an au moins 50 000 metres cubes d eau provenant des egouts dc Paris. Que Ion rapprocheces chiffresde laqunntite d eau que les pluies versent an- nuellement sur les cimetieres de Paris et que nous avous donne plus haul. Sans doute, les conditions du probleme ne sont pas les memes, et puur ceux-ci la matiere organique n est pas diluee et se trouve pour ainsi dire en bloc. Mais elle doit disparailre par le meme precede et se reduire en acide carbonique, eau et azote. Ge qui lui manque surtout pour arriver a ses fins, c est 1 apport de 1 oxygene. Le drainage des cimetieres n est pratique que quand il est imperieu- sement reclame par la nature du sol. 11 faut qu il soit fait d une maniere sys- tematique, et Ton doit meme perfectionner les precedes employes aujourd hui. Sans songer a des dispositions aussi grandioses que 1 admirable et immense reseau d egouts du Paris moderne, on concoit cependant qu il serait possible, pour le sejour des morts, de disposer dans le sol un systeme de canaux dans lequel la circulation de Fair se ferait par appel ou par propulsion. Ne serait-ce pas la 1 avenir des hypogees de noire epoque? Le second argument dirige coatre les cimetieres et centre 1 inhumation ne semble done pas beaucoup plus serieux que le premier et ne merite pas qu on s y arrete davautage. Reste le troisieme : 1 encombrement des cimetieres. 5. G est la, suivant nous, le plus serieux des arguments produits, ce qui ne veut pas dire qu il soit invincible. Autrefois, et pendant des siecles alors que i" inhumation en tranchees etait adoptive, on n avait pas a se preoccuper de 1 encembrement des cimetieres. Mais dans 1 etat de choses actuel, et sans autre raison que la maniere dont les conces- 70 CREMATION. sions sont accordees (il y eu a environ 70 000 concessions a perpetuite dans les anciens cimetieres de Paris), aucuii cimeliere, si vaste qu il soil, ne peut se flat ter de pouvoir eternellement suflirc aux besoins d une population, meme station- naire. Si, en effet, stir 100 inhumations, le dixieme environ d apres la statis- tique, se fait en concessions perpetuelles, c est un emplacement de plus en plus considerable qui va s immobilisaut tous les jours, et alors meme qu a Paris, par exemple, on aurait un espacc plus que suffisant pour fournir aux 46 000 inhu mations en moyenne qui ont lieu annuellement, en admettant qu on n accorde pas au dela de cinq annees aux corps ensevelis en concessions temporaires ou gratuites, il viendrait toujours un moment ou la plus grandc partie, la totalite meme du terrain sc trouverait prise par les concessions perpetuelles, et il fau- drait bien chercher ailleurs un lieu pour les autres. D autrepart, 1 experience a demontre que les cinq annees aujourd hui accordees aux inhumations tempo raires ou gratuites sont insuffisantes, et que la terre, lorsqu on en vient a la solliciter pour la troisieme fois, ne fait plus son oeuvre : nouveau motif d agran- dissement. Enfin, comme la population des villes a ete jusqu ici en augmentant a cause de Immigration des campagncs, il faut prevoir encore 1 accroissement du nombre des inhumations et rencombrement de plus en plus marque qui doit en resulter pour les cimetieres. Toutes ces causes reunies jettent dans un reel embarras les municipalites responsables du bien-etrc des administres, et beau- coup voient se dresser devant, elles ce dilemne desagreable : ou bruler les morts, ou les deporter. Bien que 1 idee de la deportation des morts n ait guere ete accueillie avec plus de faveur que la cremation, a laquelle elle semble meme inferieure a certains egards, c est pourtant a 1 un a ou 1 autre de ces deux precedes que nous serions fmalement forces d avoir recours s il etait nettement etabli que Ton ne peut apporter au mode actuel d inhumation des modifications telles que les inconve- nients signales disparaissent ou se trouvent notablement amoindris. C est ce qu il s agit d examiner. A commencer par le premier des inconvenienls que nous avons notes et qui est 1 habitude prise d accorder des concessions perpetuelles, il yaun moyen tres- simple de le detruire : c est de ne plus accorder dc semblables concessions. On satisfait a loutes les exigences et a tous les interets en accordant des concesr sions indefmiment renouvelables. Aller plus loin nous parait etre une erreur. La piete des descendants pourra conserver eternellement, si bon lui semble, la tombe de 1 ancetre, de meme que les cites et les etats pourront entretenir a per petuite celle des hommes qui les auront servis et lion ores. Par une telle mesure, le culte prive n est done pas moins sauvegarde que le culte public. La suppres sion des concessions perpetuelles restituerait dans un temps donne une masse de terrains considerable et aurait pour effet de rendre presque insensible la portion annuellement immobilisee. On oublie trop que nos cimetieres, nous parlous des cimetieres parisiens (car c est sur eux qu a porte principalement 1 argumentation des adversaires de 1 inhumation), ne sont que de date relativement recente et que beaucoup de gens actuellement vivants ont pu assister aux premieres inhu mations qui y ont ete effecluees. Cela explique qu il n y ait pas encore une grande quantite de concessions perpetuelles abandonnees ; pen de families ont eu le temps de s eteindre ou d oublier 1 aieul ou le pere qu elles ont mis au tombeau. Mais lorsqu un siecle se sera ecoule, que trois generations auront passe depuis la creation, combien seront encore entretenues de ces tombes pri- CREMATION. 77 mitives? G est une chose non douteuse que dans le plus grand nombre des families actuelles, la plupart des membres ignorent le lieu ou a ete enterre 1 aieul et, a plus forte raison, le bisa ieul. C est encore un fait pleinement de- montre quc la duree des families qui ont le plus de raisons pour se perpetuer ct se maintenir, c est-a-dirc des families nobles, ne depasse pas trois cents ans, ainsi que 1 a prouve Benoiston de Chateauneuf. On ne trouve plus au dela d heritier direct du nom. Pourquoi consacrer au souvenir d un individu que tout le monde oublie, et dont il ne reste plus rien, une terre qui serait si bien occupee par d autres? Une seconde amelioration, qu il serait possible, a notre avis, d apporter au present etat de choses, serait celle qu a propose recemment M. le docteur Dela- siauve, et qui consiste a renvoycr dans leur pays d origine la depouille de ceux qui sont venus mourir dans la capitale. On sait a quel point toutes les grandes villes, et Paris en particulier, sont pour les habitants de la province un centre puissant d attraction. Si Ton ne peut empecher personne de s etablir ou il veut, si, d autre part, rien ne doit gener el entraver dans la mesure du possible le culte des morts, rien non plus ne s oppose a ce qu avec le libre conscnlement des interesses, et il s agit la surtout des vivants, on ne renvoie a leur lieu d ori gine les restes de cette population nomade et flottante qui encombre, pour leur malheur souvent, la plupart des grandes villes, et prend dans leurs cimetieres la place reservee a leurs propres morls. Nous n ignorons pas qu il y a a la proposi tion de M. Delasiauve un grave obstacle, qui est la question d argent. Mais, ontre iju il n y a la rien d insurmontable, nous estimons que quand bien meme les villes interessees devraient contribucr |iour une partie ou meme pour la totalite aux frais du transport, il y aurait encore la pourellesun avantage considerable, si par ce moyen elles pouvaient conserver a leurs veritables habitants les cime tieres qu ils aiment et des habitudes qui leur sont precieuses. Dans le meme ordre d idees, c cst-a-dire en se contentant d ameliorer 1 etat actuel, sans le modifier profondement, n y aurait-il pas lieu de rechercher les moyens de faciliter a la terre son oeuvre de destruction ? Nous ne voyons pat qu on ait tente jusqu ici aucun effort serieux dans ce sens et assurement ce serait deja quelque chose que d assurer la reprise periodique des terrains pendant un temps illimite : on aurait ainsi fait disparaitre 1 une des principales causes de l encombremont. Si, comme 1 assurent ceux qui ont le mieux etudie la question, la prodigieuse quantite d eau que renferme le corps humain determine du meme coup la lenteur et le danger que presente sa destruction, ce serait, ce nous semble, simplifier deja le problems que de ne livrer aucun corps a la terre sans 1 avoir au prealahle depouille de la plus grande partie de 1 eau qu il contient. La terre n aurait plus, des lors, qu a completer 1 ceuvre de dessiccation deja com- mencee, etune sortcde pulverisation plus ou moins rapide remplacerait la putre faction. C est, en realite, ce qui se passe dans tous les pays 011 une atmosphere tres-seche et tres-chaude debarrasse le cadavre de sa masse enorme de liquide par une prompte evaporation : on ne retrouve bientot qu un pen de poussiere, produit d une combustion naturelle l . \. D apres Fieck, le corps liumain est, en moyenne, compose des parties suivantes : Eaii 58,5 Substances combustibles 52,5 Matiire miuerale 9,0 100,0 C est en tenant compte de ces differents elements qu on est arrive a trouver, pour leur combustion complete dans lefour de M. Siemens, une temperature de 750 centigrades. 78 CREMATION. Sans croire quc toutes difficultes seraient a jainais aplanies, si 1 on adoptait les moyens que nous proposons ou d autres de meme ordre, nous croyons cepen- dant que de telles mesures aideraient deja puissaramcnt a triompher des obstacles qu on a rencontres et rendraient probablemcnt inutile une reforme plus radicale, une modification plus proforide dans 1 organisation et 1 amenagement de nos cimetieres. Dans le cas contraire, notre conviction est que Ton trouverait encore les moyens convenables pour echapper a la deportation des morts aussi bien qu a leur cremation. Nous n en voulons pour preuve que cequi a ete produit et pro pose dans ce sens de systemes nouveaux, depuis que ces graves questions sont en jeu. Sans prendre ici parti pour aucun d eux, nous pouvons citer le projet presenle par M. de Guny, qui, s il ne remplit pas a notre avis toutes les condi tions desirables, indique cepenclant une voie dans laquelle il serait possible d entrer si une nccessite superieure nous y obligeait. Ce qtii le recommande plus particulierement a nos yeux, c est qu il fonctionne depuis longtemps deja dans plusieurs \illes d ltalie, a Naples en particulier, ou les habitants, parait-il, s en trouvcnt bien. Ce projet consiste en tin systeme de galeries souterraines a deux e tages de profondeur, de chaque cote desquelles des cases en maconnerie, perpendiculaires aux galeries et disposees sur plusieurs rangs, recoivent les cercueils et sont ensuite fermees au moyen d une plaque de pierre scellee. Les galeries out une largeur de S^SO, suffisante pour permettre une circulation tres-facile; celles du premier etage sont eclairees par des ouvertures circulaires de i m ,60 de diametre, percees dans la premiere voule, en nombre assez grand pour eclairer parfaitement, et recouvertes d un toil vilre, qui, en empchant la pluie de pene- trer a 1 interieur, laisse librement circuler 1 air. Les galeries de 1 etage inferieur recoivent le jour de meme par des ouvertures percees dans la deuxieme voute et recouvertes d une grille qui laisse passer une lumiere suffisante. Ces galeries sont coupees a leurs extremites par des allees transversales sans tombes, aux- quelles donnent acces de larges escaliers, de sorte que la circulation est aussi commode que possible. Sans entrer dans les nombreux details de construction et d amenagement ou est entre 1 auleur, disons seulement qu il ne demande, eu egard au cbiffre des deces annuels dans Paris, qu une surface de 35 hectares pour suffire a toutes les necessites presentes. Si 1 on considerequeles cimetieres actuels occupent 1 40 hec tares environ, on voit que Paris peut encore se developper avant d avoir epuise les ressources que lui offre le projet de M. de Guny. M. Gratry a presente un systeme non sans analogic avec le precedent, mais qui presents cependant cette difference importaute que les constructions sont au- dessus du sol au lieu d etre souterraines. De plus, il propose 1 emploi de bieres en ciment qui, sans avoir peut-etre tous les avantages qu il leur accorde, et sans etre depourvues d inconvcnients dont il ne parle pas, meritent neanmoins d etre otudiees et meme experimentees, s il y a lieu. Un ingenieur du gouvernement bresilien, M. Louis Cruls, a invente egalement un systeme dans lequel il rem- place la biere par une pierre arlificielle ou le corps se trouve comme incruste. D autres, comme MM. Gannal et Sucquet ont propose divers modes d embaume- ment, dont quelques-uns, par leur simplicite, sont appeles a rendre des services considerables, en permettant d ensevelir les morts autrement que dans les pro- Ibndeurs de la terre. CREMATION. 79 Nous rappelons aussi que le charbon reduit en poudre fine produit des eflets semblables a ceux de la terre seche. MM. Pichot et Malapert (do Poitiers) out utilise ces proprietes absorbantes du charbon dans la fabrication de suaires des tines a cnveloper les cadavres et a empecher toute odeur putride jusqu au mo ment de I inhumation. Des cadavres ensevelis dans de la poudre de charbon seraient assez rapidement momines. C est d ailleurs ce qu a propose M. llorne- mann, sous le nom de traitement des cadavres par le charbon de hois pile. Le charbon aurait la propriete d absorber les matieres liquides et gazeuses, et de reduire et diminuer la masse des corps par une force chimique, dont Pellet est comparable a celui d une combustion ou calcination lente mais complete. Le charbon, d apres M. Hornemann, brulerait les corps lentement grace aux pro prietes ozoniferes qu il possede comme le platine spongieux, tons les corps poreux et reduits en poudre, le sable fin et sec, les substances terreuses, etc. Les disinfectants pourraient etre utilises. Les experiences faitcs a cet egard par M. Devergie a la Morgue sont inte ressantes : il a suffi d une eau pheniquee au 4000 e environ pour obtenir, pendant les fortes chaleurs, la disinfection de la salle des morts sans 1 aide d aucun fo urn eau d appel, alors que six ou sept cadavres sejournaient dans cette salle. II faut dire aussi quelques mots de 1 utilite des plantations dans les cime- tieres. Contrairement aux opinions de Maret et de JNavier, il faut admettre avec Priestley, Pellieux, Sutherland, Tardieu que c est un puissant moyen d assainis- sement. Les plantations ne doivent pas etre trop serrees, de maniere a conserver au sol toute son humidite. II faut choisirdes arbres droits et elances, comme le peuplier d ltalie, le cypres, des plantes qui consomment pour leur accroi^sement unegrande quantite d azote (trefie, avoine) celles qui absorbent beaucoup d eau (eucalyptus, soleil on helianthus annuus). Toules ces plantes laissent dans le solou a sa surface des restes de leur vegetation qni augmentent 1 humus, le ter- reau, dont Faction est tout aussi importante, ainsi que nous 1 avons montre. Qu on se tranquillise done, on peut etre assure qu il depend des homines de garder auprcs d eux leurs morts : pour atteindre un tel but, les moyens ne font pas defaut. II serait au moins etrange que dans un etat de civilisation aussi flo- rissant, dans un siecle ou les sciences physico-chimiques et biologiques ont fait de si grands progres, nous fussions inferieurs en un point semblable a toutes les the ocraties antiques, et qu a Paris, a Londres ou a Florence, on n arrival pas a constituer quelque chose d approchant des hypogees de Memphis. Pour resumer ce qui precede, nous dirons : Des trois reproches que Von adresse auxcimetieres, I infection de I air, I em- poisonnement des eaux potables et I encombrement, les deux premiers reposent sur des fails trop insuffisamment de montre s pour qu on les puisse prendre en se rieuse consideration. Quant au troisieme,s ilest, nousle reconnaissons , plus fonde que les deux autres,, il faut aussi ne pas ignorer quil nous suffit de vou- loir pour trouver un remede au mal, sans avoir recours a un expedient plus redoutable peul-etre que le mal lui-meme. Ainsi aucune necessite sociale plus ou moins urgente, aucune loi plus ou moins imperieuse d hygiene publique n exige, comme le pretendent un pen hativement les partisans de la cremation, que nous reprenions 1 antique usage de bruler nos morts. Et ici nous nous permettons de signaler a nos adversaires une inconsequence qu ils commettent et dont ils ne semblent pas comprendre toute la porte e. A les en croire,yles dangers que I inhumation fait courir a nos 80 CREMATION. cites sont si graves et si pressants qu il n y a plus une minute a perdre pour recourir a la cremation. C est au nom dn peril social qu ils reclament son retablissement. Et en meme temps, par une contradiction flagraute, ils out soin de declarer que la cremation ne saurait etre obligatoire, mais simplement facul tative. II faudrait ccpendant raisonner. S il y a danger et que ce danger, la cre mation seule soil capable de le conjurer, il n y a pas a hesiter : brulons nos morts, car personne ne conteste que les interets des particuliers doivent s ef- facer devant 1 interet de tous, et qu il ne peut y avoir de faculte laissee a 1 in- dividu qu autant que cette faculte ne compromet pas la chose sociale. Pourquoi cette faiblesse de la part des cremateurs, pourquoi n ont-ils pas eu la hardiesse d aller jusqu au bout et de demander, au nom du salut public, que Ton brulat les recalcitrants ? II nous semble qu il etait tout a fait inutile, aux partisans de la cremation, du moment qu ils la voulaient seulement facultative, de donner taut de mau- vaises raisons pour justifier son emploi, et qu il aurait ete plus simple de leur part et peut-etre meme plus habile de ne la reclamer qu au nom de la liberte qui doit etre laissee a chacun de faire de sa propre depouilletel usage qu il juge convenable, a la condition de u attenter ni a la saute publique ni aux bonnes moeurs. Au fond, c est a ces termes tres-simples que se reduit toute la question : Doit-on admettre la cremation comme un mode de sepulture quelconque, et a ce point de vue faut-il r encourage r ou la combattre, dans les limites ou Vfitat et la socie te peuvent le gitimement intervenir? YIII. DOIT-ON AUTORISER LA CREMATION? Sur le premier point, nous avouons que, quelle que soit notre antipathie motivee pour ce genre de funerailles, il nous est impossible de ne pas repondre affirmativement. C est en effet a chacun de voir ici ce qu il a a faire : que celui qui vetit etre brule soit brule ! Toute inter diction a cc sujet n aurai t pour effet que de rendre plus nombreux les partisans de la cremation : grace a ce besoin de contredire et de s opposer qui est au fond de la nature humaine, des gens qui n auraient jamais songe autrement aux merveilleux avantages que presente la combustion artificielle sur la putre faction souterraine, n auront plus d autre ambition que d etre reduits en cendres au moyen des appareils perfectionnes de MM. Polli ou Siemens. Si, au contraire, on autorise la cremation, nous ne craignons pas de dire que le public dans sa masse restera indifferent aux seductions qui lui sont offertes et qu il gardera sa fidelite a des coutumes que nous estimons mieux appropriees a ses senti ments et a ses besoins. Nous envisagcons done a ce point de vue 1 avenir sans inquietude, et nous ne redoutons pas d abus. Toutefois, en autorisant la cremation, 1 Etat devra exiger de ceux qui en feront emploi qu ils se soumettent aux mesures de police que dicte la plus elementaire prudence. II ne faut pas, en effet, que la cremation puisse jamais devenir une sauvegarde ou meme un encouragement pour le criminel; et pour cela on doit necessairement proceder dans tons les cas, ou bien a 1 autopsie judiciaire qui sera plus ou moins minutieuse suivant les renseignements recueillis, ou bien a la mise en lieu sur des organes susceptible? de receler des poisons. Les cremateurs ont dit que ce serait vouloir mettre a la cremation un obstacle a peu pres invincible que de reclamer rigoureusement 1 une ou 1 autre de ces deux mesures; car, outre que 1 application en serait herissee de difii- cultes (a Paris, par exemple, ouil nieurt de 120 a 150 personnes par jour), leur CREMATION. 81 caractere de suspicion les rendrait infiniment desagreables pour Ics personncs qui en seraient 1 objet. Nous ferons observer cependant que la mesure moins generale que proposent les cremateurs, et qni consiste a ne prendre dc precautions que dans les cas reellement suspects, est peut-etre plus injurieuse encore que les precedentes, si elle presente moins d obstacles dans { application. Com me il n y aurait jamais qu un tres-petit nombre de cas suspects qui devien- draient des cas criminels, on aurait fait planer sur heaucoup d innocents nn soupcon d autant plus odieux et plus grave qu il serait plus restraint, tandis que personne ne pent s offenser legitimement d une rnesure qui est generale. C est done pour 1 honneur mcme des personnes interessees que nous demandons que les memes prescriptions s appliquent a tous indistinctement, et la preci- sement se presente la difficulte, non insurmontable peut-etre, mais actuellement tres-reelle, de savoir comment le personnel medical pourra suffire a de tels travaux. Sous les reserves etdans les limitesque nous venons d enoncer, nous croyons done que Ton peut sans danger autoriser la cremation. Mais faut-il aller plus loin et y a-t-il lieu pour la societe et 1 Etat de mettre leur inlliience a son ser vice, de preter les mains a son introduction dans nos mosurs, de 1 encourager par les rnoyens qui sont en leur pouvoir ? 11 y aurait encouragement et appui de la part del Etat, remarquons-le bien, non-seulement s il imposait sans neces- sitela cremation, ce qui serait simplement monstrueux, ou si par la promesse de certains avantages il pesait sur la determination des individus, mais encore s il n appliquait pas tous ses efforts a conserver 1 inhumation, a rendre son emploi facile, a en attenuer les inconvenients ou les effets nuisibles, s ils existent. IX. FAUT-IL EISCOURAGER LA CREMATION? Surce point, nous repondrons sans he- siter: non. 11 existe, a notre avis, un interet superieur a conserver 1 inhumation, qui, plus que tout autre precede quelconque, repond aux exigences de ce culte des morts, dont la conservation et le developpement n importent pas moins, comme nous 1 allons voir, aux particuliers qu aux Etats. Ce culte des morts, si Ton se rappelle ce que nous avons dit dans la premiere partie de notve travail, s est rencontre partout a peu pres le meme dans rimma- nite. En quelque lieu, a quelque epoque qu on la considere, on relrouve tou- jours, non pas les memes modes de sepulture, qui, eux, ont vane, mais les memes manifestations pieuses autour des restes du mort, qu ou 1 expose a Fair libre, comme en Perse, qu on 1 embaume, comme en Egypte, qu on le brule comme a Athenes ou a Benares, ou qu on 1 inhume, comme en Chine. Ces mani festations, ces pratiques, nous avons montre qu elles avaient leur point de depart, leur raison d etre dans les sentiments et les opinions des premiers hommes, opinions et sentiments qui, quoi qu on fasse, form en t 1 eternel fonds de la nature humaine et ne sont jamais qu assoupis quand on les croit disparus. Nous en avons donne un remarquable exemple dans ces rites funeraires de Rome et de 1 Inde, ou des peuples qui brulent leurs morts et n en gardent qu un peu de ccndres, se conduisent a leur egard, suivant les vieilles coutumes de la pre miere periode humaine, comme si ces morts continuaient a vivre d une vie materielle, comme s ils pouvaient encore sentir, aimer et vouloir : contradiction elonnante sans doute, mais qui montre bien jusqu ou va la puissance de cette tendance spontanee. Nous avons en outre developpe cette idee que si, sous la pression de certaines necessites climateriques et sociales, les hommes out a DICT. ENC. XXIII. 6 82 CREMATION. diverses reprises partiellement abandonne les rites primitifs, ils se sont em presses d y revenir aussitot que ces necessites ont disparu ; et nous avons ajoute qu en tout cela, mediocre a etc 1 influence qu ont eue sur la masse les philo sophies et les religions. Sur la masse, disons-nous, car nous ne pouvons pretendre qu il en ait ete tout a fait ainsi sur ce petit nombre d hommes qui, dans toutes les societes, s aite, pense, inventeet travaille pour I lmmense majorite. Chez ceux-la certaine- ment l influence philosophique et religieuse, sans etre absolue, a toujours ete (irande et capable de re agir avec force centre les impulsions spontanees. Lepoly- theisme d abord, le monotheisme ensuite, sans parler de toutes les theories des philosophes ecloses a leur ombre, ont ete puissants sur cette minorite con- vaincue ; et Ton pent croire que si elle n a pas fait davantage en beaucoup de circonstances pour reformer tant de pratiques evidemment contraires a ses croyances, c est qu elle s est heurtee aux antiques et inalterables sentiments de la multitude. Mais, d autre part, les dogmes theologiques, pas plus qne les conceptions de la metaphysique, ne sont eternels, et un jour vient oil chez cette elite meme les tendances spontanees, toujours vivantes quoique silencieuses, reparaissent avec une force dont on ne leseutpas crues capahles. Delivre d une compression secu- laire, le natural reparait, avec des exigences quelque peu differentes peut-etre, mais non moins energiques que chez cette foule, qui, elle, n ajamais varie. C est la le phenomena que nous observons aujourd hui. Assurement ce n est pas faire une decouverte que de constater 1 abaissement qui va grandissant d annee en annee des croyances surnaturelles : il suffit de prcter 1 oreille aux clameurs des interesses pour etre persuade qu on n avance la rien d inexact et de suggere par une pensee haineuse et parliale. Mais en meme temps on peut noter com- bien par compensation revivent de pures tendances fetichiques et combicn I homme, apres avoir pendant tant de siecles adresse son culte a des etres si difiiciles a concevoir, se reprend tout bonnement a aimer et a adorer tout ce qui 1 entoure. II y a plus d un siecle aujourd hui, comme 1 a fait justement remarquer M. Pierre Laffitte, que ce mouvement de relour s est particulierement prononce, et ce sont ceux-la memes qui avaient le plus detruit qui ont le plus contribne a le faire naitre. Les hommes se consolerent de ne plus rien adorer en dehors de la nature en adorant la nature elle-meme ; ils commcncerent a trouver des beautes inconnues a des choses aupres desquelles ils passaient depuis des siecles sans apprecier leur valeur. Ils decouvrirent un charme particulier dans 1 eau des lacs, dans la verdure des forets, dans la grace fragile de la fleur, et ils proclamerent toutes ces nouveaule s. Rousseau et Diderot furent les grands promoteurs de cette renaissance. Les hommes de la Revolution, qui avaient recu d eux cet amour de la nature, ne cesserent de la celebrer, et il ne serait pas difficile deretrouver au milieu de discours sur des objels terribles des phrases emues en I honneur des champs. Les reines elles-memes subissant cette influence n eurent-elles pas leur Trianon? Presque au meme instant commence avec Chateaubriand cette nouvelle ecole litleraire qui s appela plus tard le romantisme, et dont le merite fut de continuer en le developpant ce que le xvin e siecle avait commence. Poetes ct romanciers nous ramenerent a 1 amour des choses de la terre, et pendant qu ils nous inlroduisaient dans 1 intimite des forets et des lacs, les peintres, eux, s adonnant au paysage, nous representerent ce que les poetes avaient CREMATION. 83 chante. On en vint a se prendre de passion pour ce qu il y a de plus humble dans la nature, pour le brin d herbe et pour la fleur, et il y eut des artistes qui se consacrerent a les peindre comme des romanciers a les celebrer. Nous avons vu de notre temps une litterature qu on pourrait appeler la litterature bota- nique. Dans un autre ordre d idees on s eprit jusqu aux moindres traces laissees sur la terre par les generations passees. On commenca de professer un culte reel pour tout ce qui subsistail des monuments dont elles avaient couvert le monde ; on entoura de respect ce qui restait de leurs temples et de leurs forteresses ; on s empressa de restaurer ce qui menacail ruine, on reslitua meme en entier ce dont il ne demeurait qu un vestige. Et cet amour du passe ne se borna pas a cc qui avail un caracterc de grandeur et de puissance : on s attacha a lout ce que 1 art des ancetres avait produit, on recueillit, on rechercha avec passion lesmille ustensiles qui etaient a leur usage, depuis 1 arme dont ils se servaient a la guerre jusqu aux plus futiles objets dont ils decoraient leurs tables. Aucun temps ne vit naitre autant de collectionneur?. aucun temps n a vu fonder autant de musees. En quoi cet esprit nouveau, ou, si 1 on prefere, ce retour vers 1 ancien esprit se montre-t-il dans le culte des morts, qui nous interesse ici particulierement? Eh bien ! il apparait en ce que le culte rendu aujourd bui aux njorts ressemble deplus en plus a ce que nous 1 avons rencontre chez les populations primitives ou a ce que nous le trouvons actuellement chez les populations les moins avance es. Ecoutons ce que dit a ce sujet un homme qui n a d autre pretention que celle de bien observer, M. Maxime Du Camp : Les pauvres gens, ceux de la tranchee gratuite, soignent cux-memes les quelques pieds de terrain eutoure d uue bacriere ou dorment leurs morts. Ils viennent le dimanche apportant des fleurs achelees a bas prix, tenant en main un petit arrosoir rempli a la borne-fontaine, et ils restent des heures entieres a cultiver le jardinet funebrc. Parfois, au pied de la croix debois, ils mettent des choses etranges : des statuettes de platre qui n onl aucune signification alle- gorique, de gros coquillages, des fragments de pierre meuliere qui figurent un rochcr factice; dirai-je que j ai vu une pipe enveloppee d un bouquet d immor- telles? C est aux tombes des enfauts qu il faut surtout aller regarder. La, c est presque du fetichisme. Aupres du heros scandinave on enterrait son cbeval et ses armes, afm qu il put faire bonne figure en entrant chez Odin ; dans le sarco- phage des jeunes filles grecques on jetait leurs bijoux favoris ; ces vieilles coutumes des peuples encore jeunes ont traverse les ages, les religions, les philosophies, et sont restees parmi nous. A la place ou repose la lete du pauvre petit, on a installe une cage vitre c qui se ferme a clef. Dans cette sorte d armoire, on reunit les joujoux qu il aimait : des sold.its de plomb, des poupe es, des bilboquets, un jeu de quilles, des petits souliers comme celui que la sachet le baisait dans le iron aux rats. Sur la tombe d un enfant de quatorze mois au cimetiere du Sud, j ai apercu une gravure de modes representant deux femmes et une fillette jouant avec un perroquel. Sans doule on en amusait 1 enfant lorsque la maladie 1 accablait dans son berceau... Un jour, dit le meme auteur, il y a longtemps, au cimetiere Montmartre, j ai etc Ires-emu. A quelque distance d une tombe que j allais visiter, je vis une jeune femme agenouillee, les deux mains posees sur une dalle sepulcrale et la tete appuyee sur les mains. Elle chantait d une voix Ires-pure el mouillee de 8 4 CREMATION. larmes 1 air de la Casta diva. Je m arretai, croyant etre en presence d une folle et ne devinant guere ce qu une invocation a la lune signifiait en pareil lieu. La femme se releva, essuya ses paupieres, m apercut... Alors elle me montra d uji sine de tcte la tombe ou elle s etait inclinee, me dit : C est maman, elle aimait cet air-la, et s eloigna en sanglotant. Dans un autre passage, nous recueillons cet aveu : La croyance a 1 im- mortalile de Fame se materialise singulierement. C est le corps, la depouille desaqreqee, dispame qui dement Cobjet du culle reel; deposer sa carte sur un Sombeau, la corner pour bien indiquer que le visiteur est venu lui- meme et n a trouve personne, c est faire un acte etrange et passablement ridi- eule. M. Du Camp est-il bien sur que cet acle soit aussi etrange qu il veut bien le dire? Pour nous, il nous semble on ne peut plus naturel et facile a expliquer : il est la consequence meme du phenomene que nous signalons et qui consiste en une recrudescence croissante de toutes les tendances fetichiques a mesure que les populations s emancipent davantage des croyances surnaturelles. Et cela est si vrai que ce que nous raconte M. Du Camp du culte des morts n est que ce qu il a observe a Paris : c est la ce qui se passe dans la capitals et quelijues grandes villes, la ou le peuple est le plus sceptique et le plus indifferent aux choses religieuses ; mais il faudrait chercher longtemps avant de rencontrer un cimetiere de village qui repondit a une semblable description. L auteur appelle cela une contradiction singuliere ; nous ne voyons la, pour notre part., qu une conduite parfaitement logique et comprehensible. Mais, dira-t-on, n y a-t-il pas quelque chose d effrayant dans 11:1 id ":(.(o:uf Peut-on sans fremir imaginer que Ton revient aux ages barbares, a 1 igiiorarice primitive; qu on est sur le point de rejeter les immenses resultats de 1 evolution intellecluelle accomplie? (jue veut-on dire en pretendant que nous recommen- gons a penser et a sentir comme nos premiers ancetres ? Le fetichisme actuel n a que quelques points de contact avec le fetichisme antique; c est un fetichisme civilise, si nous pouvons nous exprimer ainsi, un fetichisme limite et jusqu a un certain point volontaire. Tout le monde admet, a quelque parti philosophique que Ton appartienne, cette division du moral humain en deux elements distincts : 1 intelligence et le sentiment . Si ces deux elements se rencontrent chez 1 homme a tous les ages de son histoire, comme on peut e galement les rencontrer chez 1 animal, il ne s ensuit pas de lii que leur rapport n aitpas varie et que 1 mtelligence se trouve aujourd hui vis-a- vis du sentiment dans la situation ou elle etait au debut de I liumanite. Si Ton admet, avec toute la science contemporaine, que ces fonctions superieures soient localisees dans des organes materiels, dont 1 ensemble forme le cerveau, il va de soi que ces fonctions out pu sc developper ou decrottre par 1 exer- cice, par 1 habitude, par 1 heredite, et qu il peut exister aujourd hui., physiologi- quement parlant, une difference cerebrale considerable entre nous et nos pre miers peres. S imagine-t-on bien ce qu etait le cerveau d un de ces bommes de 1 age feti- chique? Une preponderance immense, colossale, prise par le, sentiment sur 1 intelligence reduite a un role infime; des passions grossieres et irresistibles se donnant carriere et ne demandant a la raison que les moyens de se satisfaire, sans jamais la consulter sur 1 opportunite de leur action ; d unc part 1 autorite du despoUsme le plus absolu, de 1 autre la soumission de 1 esclavage le plus vil, CREMATION. telle est, en peu de mots, la situation morale dans laquelle ont vecu nos premiers ancetres et dans laquelle vivent encore tant d hommes nos con tempo- rains. C est de ce point que I humanite est partie, et Ton peut dire que 1 effort de 1 immense revolution qui s est accomplie dans son etat a consists surtout a fortifier I" intelligence, a I elcver du role d esdave a celui de ministre dn coeur. Que le-resuHat ait etc considerable, c est ce qu on ne saurait croire sans tomber dans une illusion grave, si Ton considers la masse des hommes; mais c est cc qu on peut affirmer sans crainte, si Ton ne tient compte que de cette phalange d elite qui, apres tout, constitue I humanite. Chez elle, 1 ancien etat cerebral s est trouve en certains cas si profondement modifie qu on a pu craindre 1 exces contraire et redouter de voir les actes dmges uniquement par 1 intelligence, ce qui n eut pcut-etre pas ete un momdre mal que celui auquel on venait d echapper. II n est pas douteux que la civilisation grecque a engendre de ces types extraordinaires, comme les Aristote et les Archimede, chez qui 1 intelligence avait pris un tel empire qu ils semblaient n obe ir qu a des besoins intellectuels. Mais ce sont la des exceptions exces- sivement rares ; dans le plus grand nombre des cas le rcsultat obtenu, et il est suffisant, a ete de rendre 1 mtelligence assez forte pour diriger d une ma- niere convenable les impulsions naturelles du coeur. Disons, en passant, que la meilleure part, sinon la totalile d un tel succes, est due aux religions diverses qui se sont tour a tour succede sur la planete. Elles y ont contribue dc deux i acons : d une part en surexcitant les fonctions intellectuelles qu elles obligeaient a produire des systemes et a les defendre ; d autre part, en comprimant par leur influence morale ce qu il y a de plus tyrannique dans le sentiment, c est-a-dire la portion ego iste, 1 autre ayant comme 1 intelligence plus besoin d excitation que de refoulement. Dans sa moderne renaissance, fait d atavisme social, - qu on nous passe 1 expression, le fetichisme a done surpris 1 homme dans un etat cerebral tres-diffcrent de 1 etat primitif. De la, son caractere nouveau. II entre bien dans ses manifestations quelque chose de la spontaneite premiere; mais il y entre surtout beaucoup de raison et de volonte. L homme aujourd hui ne s abandonne a cette tendance qu autant que cela lui plait : il sail lui resister toutes les fois qu il le jugc necessaire. Sans doute il pourra mettre son plaisir a oublier un instant les lois uaturelles decouvertes par la science, il pourra dans ses vers adresser des invocations pathetiques aux elements, parler aux fleuves et a la mer et tutoyer les montagnes ; mais si le fleuve vient a deborder, il n est pas a craindre qu il se contente, comme autrefois, de s agenouiller sur ses bords en tendant des mains suppliantes. En ce qui concerne nos morts, puisque c est la finalement qu il nous faut en venir, ce qu il y a de profondement reel dans la renaissance felichique que nous constatons ne doit pas nous empecher de reconnaitre combien 1 etat nouveau est different de 1 etat ancien. Tout ce qu il y a de fctichique dans notre conduite envers les morts consiste en ceci, que devant le cadavre d un etre aime nous imposons momentanement silence a notre raison et donnons libre carriere a nos sentiments. Nous nous plaisons a croire que celui que nousperdons n apas cesse de vivre au point de ne plus nous entendre, de ne plus recevoir avec gratitude les temoignages de notre amour, de ne plus nous aimer lui-meme. Tel nous le met- tons dans la tombe, tel il va demeurer eternellemcnt present a nos yeux; et lorsque nous viendrons visitcr les quelques pieds de terre sous lesquels 86 CREMATION. il repose, nous ne nous demanderons jamais, dans nos manifestations pieuses, si la terre et le temps out fait leur oeuvre, et si nos prieres ne vont pas a un etre dont la depouille meme a disparu. Mais, remarquons-le bien, c est la perte d un etre aime qui peut porter notre coeur a reprcndre momentanement un tel empire. Toute autre nous laisse indif- ferents. Or, c est la ce qui differe notre fetichisme du fetichisme .antique, pour lequel un cadavre quelconque etait quelque chose d anime et de vivant. Si nous nous decouvrons en signe de respect devant le convoi d un etranger, c est pour honorer la douleur de ceux qui 1 accompagnent, et non pour rendre hommage a une depouille qui ne nous est de rien et dont nous ne nous occupons que pour 1 empecher, autant que le permet le culte saere des morts, d etre nuisible aux vivants. Notre fetichisme est done limite, et si dans les cas de douleur extreme il est veritablement spontane et involontaire, il depend au moins de nous de 1 exciter, de 1 cntretcnir, et de prolonger avec la complicite de 1 intelligence un etat mental qui n a ete engendre d abord que par un mouvement d exaltation passa- ger. Le tout, dans la question qui nous occupe, est de savoir si nous devons consacrer nos elTorts a developper cette tendance chaquejour croissante, comme le constatent les plus impartiaux des observateurs, et s il est un autre proce de que 1 inlmmation pour remplir le but propose. Quant a nous, nous estimons qu il est d un interet de premier ordre d appuyer par tous les moyens en notre pouvoir cette renaissance fetichique dans ses manifestations quelconques, et en parliculicr dans celles qui concernent le culte des morts. Aucun culte, en effet, ne peut eveiller et soulenir au meme degre dans 1 homme les sentiments desin- teresses, ceux qui de tous ont le plus de mal a poindre, et dont cependant la preponderance n importe pas moins au bonheur individuel qu au bonheur domes- tique et social. Celui que Ton va visiter dans sa tombe ne peut plus rien pour vous, et toute la peine que vous vous donnez pour lui etre agreable ne sera pas payee deretour. Votreseule recompense sera dans la satisfaction que vous aurezdonnee a vos penchants sympathiques en les exercant. Mais, a la ve rite, cet exercice ne sera pas perdu ; par lui vous vous serez ame liore, et s il est vrai, comme 1 a dit quelqu un, que la vertu soil un effort en faveur des autres, quelle source de moralite que des efforts accomplis en faveur des morts, c est-a-dire envers des etres incapables de reconnaissance ! Si Ton convient avec nous qu une societe serait coupable si elle entravait ou meme si elle n encourageait pas de toutes les manieres 1 essor de tels sentiments, dont depend sa felicile, on ne tar- dera pas a convenir egalement que 1 inhumation seule est apte a remplir les conditions voulues et qu a aucun degre elle ne peut etre suppleee par la cre mation. Nous le demandons a tous les cremateurs de bonne foi : croient-ils vraiment que le culte des morts tel qu il existe et tel qu il a sa raison d etre d apres les motifs que nous avons exposes, croient-ils que ce culte puisse se maintenir loisque les corps seront consumes par le feu au lieu d etre mis en terre? Quelque vif et puissant que soit le sentiment qui agitera 1 homme, quelle autre idee que celle d un aneantissement absolu pourra-t-il conserver lorsqu il tiendra entre ses mains 1 urne cineraire? S il y a une part de subjectif dansle sentiment qui accompagne 1 inhumation, on ne peut douterau moins que la part objective ne soit considerable : car, en fin de compte, on a vu descendre le corns dans la fosse, on sail qu il y reside, et tout 1 effort mental consiste a se representer I imafe du CREMATION. 87 moil non telle qu il peut etre devenu au moment ou Ton y pcnsc, mais tel qu il elait an moment ou on 1 a perdu. Dans la cremation, au contraire, vous assisted a la destruction menie de ce corps, dont la conservation, supposee sinon reelle, est le point de depart, la raison d etre du culte rendu. L operation achevee, on tient entre les mains, avec les quelqucs grammes de poussiere intbrme que renferme I urne cineraire, la preuve ineme de cette destruclion, et si forte, qu aucune puissance morale n est capable de 1 ecarter. II est certain qu autant vaudrait ne rien tenir dn tout et no, laisser au mort pour toute sepul ture que le souvenir des vivants. N est-ce pas, d ailleurs, ce que proposait un journaliste que nous avons cite ? Malheur aux hommes, malheur aux nations, disait-il, qui out besoin d un signe materiel pour honorer leurs morts ! Com- bien, helas ! nous differons d avis avec eel homme libre de prejuges, et combien nous souhaiterions d avoir sa confiance dans la force mentale et morale de 1 humanite! Nous ne croyons malheureusement pas que jamais elle puisse se passer de ce signe materiel dont il parle avec mepris, et atteindre a cet etat de subjectivite parfaite et pure de toute excitation etrangere, dont il la croit capa ble et qui n a jamais ete que le privilege exclusil d un Ires-petit nomine. D ailleurs une telle subjectivite, si elle pouvait etre universelle, ne nous rendrait encore qu imparfaitement tous les services que nous attendons des cimetieres. On serait 1 efl ort sur soi-meme dans celte contemplation interieure d une image que le moindre caprice suffirait a laire naitre et que la distraction la plus legere pourrail effacer? on seraient les devoirs pieux / ou serait le culte? Que d efticacite, au contraire, au point de vue du developpement de nos penchants les plus eleves, dans ces visites aux morts, qui, cbaque fois qu elles se renou- vellent, et a Paris chacun sait combien elles sont frequentes, demandent a 1 in- dividu, quelle que soit saclasse, un sacrifice materiel parfois considerable et une fatigue morale toujours penible, bien que recherchee. Vous repondez a cela que vous construirez des colombaires, que vous eleverez des mausolees, ou les urnes cote a cote seront exposees a la piete des vivants. Mais vos colombaires remplaceront-ils la tombe? Ge recueillement, cette solitude indispensables que le parent et Tami trouvent aujourd bui aupres des cypres et des saules, ou les rencontreront-ils dans vos grandes salles communes, lorsque s y bousculeront les quarante mille visiteurs que le dimanche ramene dans les cimetieres pari- siens, les deux cent mille qui s y pressenl nujour des Morts. Autant le culte des morts nous semble rendu facile par rinbumation, autant il nous est impossi ble d imaginer quelles formes il pourra revetir lorsque les corps auront ete incineres. Les urnes seront-elles donnees aux families? Et les restes sacre s des parents seront-ils obliges de suivre leurs de cendants dans tous les demena- gements qu entraine la vie moderne? Si la vanite humaine vient a creer un luxe special pour les urnes funeraires, on peut etre certain de les voir ligurer bientot a I liotel des ventes ou a 1 etalage des brocanteurs. Direz- vous que les Grecs et les Romains brulaient leurs morts et que cependant ils n ont jamais passe pour negliger de leur rendre bonneur? Nous vous rappelle- rons qu il n y eut pendant longtemps parmi eux qu unc minorite patricienne qui fit usage du bucher, et que lorsque la mode en penetra dans les autres classes, ce fut precisement a 1 epoque ou se prononca la decadence et ou les Romains commencerent d abandonner les traditions qui avaient fait leur gran deur. Serait-ce une raison de les imitcr? Quant aux Hindous, que Ton peut citer egalement, et qni eux gardent, cela n est pas douteux, un culte pieux pour leurs 88 CREMATION.] morts, nous ferons observer que chez eux une religion antique et toujours scrupu- leusement obeie n a pas laisse a 1 arbitraire de chacun le soin de regler la somme des devoirs envers cenx qui ne sont plus. Elle a ordonne elle-meme ce qu elle a juge convenable a cetegard, et par la a garde vifs et profonds dans le cceur de son peuple des sentiments que les precedes employes pour se delivrer des morts n auraient point tarde peut-etre a assoupir et a eteindre. Mais quel est 1 homme emancipe de notre Occident qui voudrait s astreindre aux offrandes journa- licres que la loi de Manou impose an brahnie en 1 honneur des manes et qu elle declare plus utiles et plus meritoires que les offrandes rnemes destinees aux dieux ? Nous adresserons a nos adversaires une derniere question : la plupart ont proteste avec e nergie centre toute idee d iudustrialisme introduit dans la cre mation et ont declare tres-baut que la premiere condition que devait remplir lout appareil crematoire etait de bruler jusqu au dernier atonie des gaz et des vapeurs degages. Nous demanderons simplement si ces dispositions qu on ne saurait trop louer doivent persister et si ceux qui les montrent sont decides a repousser sans merci les propositions qui ne tarderont pas a les assaillir. Nous avons, eneffet, tout lieu de croire que les avis sur la question sont fortpartages, et que les resolutions precedentes ont du paraitre a beaucoup de gens un veri table crime de lese-industrie : comment admettre sans fremir que Ton perde ainsi de gaiete de coaur des mate riaux si precieux, des gaz que Ton peut utiliser de mille manieres, des graisses et des liquides dont 1 emploi est tout trouve, des cendres qui feraient de si beaux engrais. Car les cendres memes, est-il bien indispensable de les remettre en entier a la famille ct ne pourrait-on pas en gar- derlameilleurepart? Du moment que le corps est reduit a quelques jiarcelles, qu importe que la reduction soit plus ou moins considerable? qui empeche de supposer que 1 ceuvre du feu a ete plus parfaite?... On va croire que nous exagerons : helas non ! tout cela a ete dit et propose. M. Xavier Rudler, dans une lettre au docteur Gaffe, dont nous avons deja eu 1 occasion de parler, ecrivait ceci : Je n ai rien trouve de plus simple que de placer les corps dans une cornue a gaz et de les distiller jusqu a reduction en cendres, et j ai ajoute que le gazprovenant de cette distillation pouvait servir a V eclairaye . sauf a avoir des appareils de lavage tres-puissants. Ainsi, pour M. Rudler, la question n estpas de savoir s il pourra sembler dur a un fils de voir transformer son pere en gaz d eclairage ; non, c est tout sim plement une affaire d appareils de lavage a inventer. Dans une courte brochure (Brulons nos morts!), qui bien qu anonyme n est peut-etre pas la moins habilement faite en faveur de la cremation, nous trouvons la phrase suivante : Cette combustion degage des vapeurs qu il s agit de rendre aussi pen miisibles que possible, si Ton ne peut les absorber entierement, en attendant quon les utilise, comme la science ne manquera pas sans doute de le faire unjour. L auteur trouve la chose toute naturelle. Quant a 1 idee de garder pour 1 industrie agricole la plus grande partie des cendres obtenues, nous la devons au celebre M. Thompson, le propagateur de la cremation en Angleterre. 11 fait observer que son pays es. tributaire de 1 etran- ger pour une quantited os qui s eleve aujourd hui a 800 OOOlivres environ, et en supputant ce que peuvent produire les quatre-vingt mille quatre cent trente deces que Ton constate annuellement a Londres, il se demande s il ne serait pas desastreux, devant la necessite de faire rendre au sol le maximum de produits CREMATIOiN. 89 possible pour nourrir une population aussi compacte que la population britan- nique, de perdre chaque annee plus dc !200 000 livres d un engrais aussi precieux. C est en presence de semblables propositions que nous demandons aux crema- teurs s ils se croient assez sues de leurs adherents pour nous affirmer qu ils resteront eternellement sourds a d aussi puissantes raisons. Jamais les arguments ne manqueront, qu on le croie bien, pour justifier de tels precedes. On invo- quera 1 interet social, les lois economiques, au besoin meme 1 interet dc la famille, qui recevra peut-etre une legere retribution en echange du service rendu, et toutes ces considerations sont trop emouvantes pour qu on ne se decide pas a francbir le dernier pas et a se precipiter dans 1 industrie. Ge jour-la, le culte des morts aura vecu. X. RESUME : Dans 1 etude que nous venous de faire de la cremation, nous avons cherche a montrer le point de vue humain, nous voulons dire le cote social de cetle question. 11 nous a ete facile de prouver qu en quelqur pays que ce soit les bommes n ont point commence par brfiler leurs morts. Esquissant alors la suite des actes funeraires, nous avons nettemenl distingue les ceremonies qui ont accompagne la sepulture ou le rituel funeraire de la sepulture elle-meme. Pour ce qui regarde les ceremonies i unebrcs proprement dites, il y a eu entre tous les peuples de la terre la plus complete unilbrmite , tandisque pour ce qui concernela sepulture elle-meme, il y a eu de nombreuses variations, d apres les climats et les moyens que les populations rencontrerent a leur portee. Les hommes furent pousses a employer la cremation pour deux raisons : le desir de se soustraire au danger que tout amoncellement de matiere organique entraine apres lui, le besoin de rapatrier les restes des morts. Ainsi 1 usage de bruler les corps ne s est introduit que cbez les peuples dont le caractere militaire est incontestable : les Grecs, les Ilomains, les Mexicains, ou chez les Hindous qui avaient a lutter contre I epidemicite du chole ra ou les rigueurs d un climat meurtrier. La guerre ou la peste ont conduit I liomme a 1 emploi de memes moyens. De ces differents centres principaux, la cremation s cst repandue dans les pays voisins par les conquetes militaires ou les efforts des mission- naircs. ISous avons montre ensuite de quelle maniere la cremation fut mise en pra tique et fait remarquer qu elle ne fut jamais adoptee que par une tres-faible minorite. Disparue de 1 Occident depuis le commencement de 1 ere chretienne, elle a tente de s y introduire de nouveau, au debut de notre siecle,a la faveur de 1 engouement que suscitaient alors Rome et la Grece. Peu prisee par les gouver- nements, mais defendue avec conviction par quelques ecrivains francais et etrangers, elle a fmi, apres plus de soixante ans d efforls, a se creer de chauds partisans en Italie, en Suisse, en Allemagne, ou on a commence a la pratiquer. La France s est tenue jusqu ici sur la reserve. Apres avoir reproduit avec impartialite les arguments des partisans de la cremation, et reconnu la perfection de leurs appareils, nous avons fait voirque les arguments invoques contre les cimetieres se reduisent a trois principaux : on les^accuse d etre une source d emanations dangereuses, d empoisonner les eaux de puits et de riviere, d occuper trop de place. Nous avons montre ce qu il y a de peu fonde dans ces opinions et cherche a reliabiliter les cimetieres 90 CREMATION. Nous estimons cependant qu il y a lieu d autoriser la cremation pour ceux qui la desirent, car, commc 1 a dit Frochot : Les derniers soins a rendre aux de- pouilles humaines sont unacte religieux, dont la puissance publique ne pourrait prescrire le mode sans violer le principe de la liberte des opinions. Toutefois en 1 autorisant, 1 Etat devra exiger 1 execution de certaines me-ures de police. Les pouvoirs publics ne peuvent songer a rendre la cremation obligatoire que dans les conditions memes qui 1 ont fait naitre, c est-a-dire sur les champs de bataillc ou on temps d epidemie grave. Sauf ces deux cas speciaux, il n y a pas lieu d encourager Tadoption d une mesure aussi perturbatrice de nos habitudes. L inhumation favorise, entretient et developpe le culte des morts, qui est une source puissante de moralite. La tombe, a dit justement Vico, est une institu tion caracteristique de 1 espece humaine. Dans notre societe moderne, il faut que toule cite possede son cimctiere. Comme les individus, les societes ont leurs habitudes, instinctives ou acquises, et il n est permis de les modifier qu apres en avoir murement approfondi la nature, le caractere et le but. Ce serait une erreur de croire que les ameliorations sociales dependent exclusive- ment de mesures d ordre purement materiel ; la science doit aujourd hui cher- cher a expliquer tous les phenomenes, et trouver leurs veritables causes. C esta ce point de vue que nous nous sommes places dans cette etude d hygiene sociale. A. LACASSAGNE et P. DDBUISSON. INDEX. Apergu general. Division et delimitation du sujel, p. 5. I. Des precedes fu- neraires qui precederont la cremation, p. 5. II. Chez quels peuples et pour quels motifs la cremation prit naissance, p. 12. III. De quelle maniere la cremation fut pratiquee, p. 24. IV. Renaissance de la cremation au dix-neuvieme siecle, p. 32. V. Arguments invoques par les partisans de la cremation, p. 43. VI. Appareils modernes employes pour la cremation, p. 56. VII. Discussion des arguments presentes par les partisans de la cremation, p. 05. VIII. Doit-on autoriserla cremation? p. 81. IX. Faut-il encourager a cremation? p. 82. X. Resume, p. 89. 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On donne ce nom a la couche jaunatre et demi-fluide qui se ras- serable a la surface du lait pur, abandonne au repos dans uri lieu irais. La preparation de la creme est fort simple; elle precede celle du beurre, et a etc decrite a cet article dans le present Dictionnaire. La creme est un melange variable de beurre, de caseine et de serum. Elle se forme par suite de la legerele des globules butyreux qui, en raison de leur densile moindre que celle du liquide ambiant, gagnent la surface. C est done une separation mecanique. On concoit tres-bien que ces globules ainsi se- pares se tassent de plus en plus a la partie superieure du liquide ; aussi observe- t-on que la consistance de la creme varie, et augmente avec le temps. A cette premiere cause vient bientot s cn joindre une secondc ; la caseine contenue dans le lait interpose se coagule, et diminue encore la liquidite du produit, au point que le vase qui le contient peut etre retourne sans qu il s ecoule. La composition d un pareil melange est necessairement variable, en raison des circonstances au milieu desquelles il se forme, et des differentes especes de lait qui lui donncnt nai>sance. D apres M. Jeannier (voy. article LAIT, page 150), la creme contient en moyenne 372 parties de beurre pour 1000, et sa densite est 1020. Le dosage de la creme s effectue au moyen du cremometre, invente par Banks 92 CREME DE TAKTRE. en Angleterre, usite d abord en Amerique, et introduit en France par Valcourt. Get instrument, dont le scul merite est le has prix (8 francs la douzaine), est in- lidele. Ses indications sont faussees par 1 ebullition du lait, et 1 addition de 1 eau. II a etc decrit a 1 article LAIT. La qualile de la crcme depend surtout de la quantite de beurre qu elle con- tient. C est done ce dernier corps qui doit etre dose. On y arrive facilement soit a 1 aide du lacto-butyrometre, de M. Marcband (art. LAIT, page 149), soit, ce qui vaut mieux, par 1 analyse complete suivant la methode decrite page 143 (Joe. cit.}. II est aussi essentiel que la creme soit fraiche et que le depart ait eu lieu a une temperature de 13 a 14 degres. Elle a, dans ce cas, im gout d une grande finesse, qu elle perd au fur a mesure que le lait qu elle contient s aci- difie, s aigrit et se coagnle, et que le beurre rancit. Tout en que nous venous de dire se rapporte a la creme normale, mais non a ce qui est vendu sous ce nom dans le commerce. La creme proprement ditc ou creme a cafe des lai tiers de Paris n est autre chose que du lait pur, quelquefois audilionne d un peu de creme veritable, ou plus simplement d eau. Elle se vend 60 centimes le litre, et doit marqucr de 18 a 25 degres au cremometre. La veritable creme prend le nom de creme double, elle n est vendue qu en petite quantite. Pour la masse des consommateurs, on reconnait la veritable creme a deux ca- racteres : sa consistance et sa couleur jaune, rappelant celle du beurre qu elle doit contenir. La consistance cremeuse s obtient facilement en provoquant la coagulation partielle de la caseine, an moyen d une quantite convenable d une substance coagulant le lait. On donne au tout la couleur voulue a 1 aide de 1 un des precedes employes pour le lait (caramel, extrait de cbicoree torrefiee, rocou, carottes cuites au four, oignons brules, petales de souci prepares pour teindre le beurre, etc.). Ces pratiques constituent une tromperie sur la qualite de la chose vendue, mais elles sont sans influence immediate sur la sante du con- sommateur. P. C. < ui:m: E TARTRE. Tartrate acide de potasse, bitartrate de potasse, surtartrate de potasse. KO,HO,C 8 H 4 10 . On donne le nom de tartre, de tartre brut, a la croute saline qui se forme centre la paroi interne des tonneaux dans lesquels on conserve le vin. Ce tartre est compose surtout de creme de tartre, d un peu de lie, de matiere colorante et d une petite quantite de tartrate de chaux. II est rouge ou blanc, selon le vin qui Fafourni; il a une saveur agreable et vineuse, et bride sur les charbons ardents en repandant une odeur qui lui est propre. Le tartre est employe dans cet etat pour preparer les boules de Mara ou de Nancy. Le tartre est purifie en grand a Montpellier. Pour cela, on le fait dissoudre dans 1 eau bouillante ; on y delaie quatre ou cinq pour cent d une argile pure qui ne tarde pas a s emparer de la matiere colorante et a la precipiter ; on passe, on evapore a pellicule et on laisse cristalliser ; les cristaux seches portent le nom de creme de tartre. II sont constitutes par du bitartrate de potasse assez pur, a cela pres du tartrate de chaux qu ils contiennent. La creme de tartre ou tartrate acide de potasse se pre sente sous la forme de cristaux qui sont des prismes rhombo idaux droits, qui se roupent entre eux et forment des agregats confus. Ces cristaux sont incolores et inodores ; leur saveur CREME DE TARTRE. 93 est aigre ; ils craquent sous la dent. La creme de tartre est inalterable a 1 air ; elle est peu soluble dans 1 eau froide : une partie de sel exige pour se dissoudre 240 parties d eau a -+- 15; elle est soluble dans 15 parties d eau bouillante et insoluble dans 1 alcool. La creme de tartre qui est un produit commercial, doit etre cboisie en cris- taux bien prononces, blancs et d une saveur acide assez marquee. II faut la con- server dans un endroit sec, car elle s altere a I humidite et acquiert alors une odeur d acide acetique. Quelquelbis elle est falsifiee au moyen du sable : la fraude se reconnait facilement en traitant la creme de tartre par 1 eau bouillante, qvii laisse le sable indissous. II faut aussi s assurer qu elle ne renferme ni sul- fates, ni cblorures, ni sels metalliques. Une solution etendue de creme de tartre additionnee d un leger exces d acide azotique ne doit etre precipitee ni par le chlorure de baryum (sul fates), ni par 1 azotate d argent (chlorures), ni par Tacide sulfhydrique (sels metalliques). la presence du tartrate de cliaux se reconnait dans la dissolution de ce sel a 1 acide de 1 oxalate d ammo- niaque. La creme de tartre est employee en poudre comme purgative a la dose de 8 a 50 grammes. Elle fait partie de la poudre cornachine ou tie Tribus, de plu- sieurs poudres et opiats dentifrices. Elle sert a pre parer 1 acide tarlrique et la plupart des tartrates. On s en sert surtout pour obtenir la creme de tartre soluble dont nous parlerons tout a 1 heure. Poudre de creme de tartre. On pulverise la creme de tartre dans un mortier de porcelaine, et on la passe au tamis de soie. (Codex.) Poudre de cornachine ou de Tribus. Creme de tartre, scammonee, antimoine diaphoretique, de cbaque, parties egales. Cette poudre doit etre preparce a mesure du besoin, car si 1 antimoine diapbo retique retenait du protoxyde d antimoine, elle deviendrait eme tique; il se ferait dans ce cas de 1 emetique ou tartre stibie. La poudre cornachine s cmploie a la dose d un gramme, comme purgative. Poudre dentifrice acide. Creme de tartre pulverisee 200 grammes; sucro de lait 200 grammes; laque carminee 20 grammes; buile essentielle de mentlie poivree 1 gramme. On broie soigneusement sur un porphyre la laque carminee avec une partie du sucre de lait ; on ajoute le restant du Sucre et la creme de tartre ; on repasse par parties le melange sur le porphyre, et, apres 1 avoir aromatise avec 1 huile essentielle de menthe, on le conserve a 1 abri de la lumiere dans un vase bouchc (Codex.) Electuaire dentifrice. Creme de tartre 60 grammes ; corail rouge prepare 120 grammes; os de seche porphyrises 50 grammes; cochenille 50 grammes; alun 2 grammes ; miel de Narbonne 520 grammes. On re duit en une poudre line separenicnt, sur un porphyre, le corail, les os de seche, la creme de tartre, la cochenille et 1 alun. On broie d abord 1 alun et la cochenille dans un mortier de marbre avec une petite quantite d eau, jusqu a ce que la couleur rouge soit bien developpee; on ajoute successivement le miel et les autres poudres, et on triture pour avoir un melange exact que Ton parfume a volonte avec une essence appropriee. Limouade tartro-borate e (WAHU). Creme de tartre en poudre 25 grammes; borate de soude en poudre 7 grammes. On melange avec soin les deux sels dans un mortier de porcelaine. On prend ensuite 40 grammes d eau bouillante ; on 94 CREME DE TARTRE. en verse un quart dans le mortier sur les sels ; on triture pendant quelques ins tants et Ton decante avec precaution ; on ajoute un second quart de 1 eau bouil- lante sur la partie des sels non dissoute ; on triture et Ton decante. En repe- tant deux ibis encore la meme operation, on parvicnt a dissoudre la totalite des sels. On ajoute alors a la solution le sue d un fort citron, et 50 grammes de sucre en morceaux que Ton a au prealable rudement frotte sur le zeste du citron, afin d absorber une partie de son huile essentielle. On aide a la solution du sucre en agitant pendant quelques instants, et 1 on frltre au papier. On obtient de cette maniere une veritable limonade du gout le plus agreable. L effet purgatif a lieu en moyenne au bout de deux a trois heures, et le malade ne ressent aucune colique. Les doses ci-dessus couviennent pour un bomme adulte; on les variera done en raison de 1 age et du sexe du malade, et par con sequent, lorsque Ton aura affaire a des enfants, on pourra diminuer la quantite relative de 1 eau. La creme de tartre a ete pendant longtemps considered comme le purgatif le plus convenable dans les maladies inflammatoires ; elle etait administree a la dose de 8 grammes comme laxatif leger, et de 30 grammes comme purgatif. On la don- nait dissoute dans du bouillon d herbe ou de veau. Elle constituait un medica ment infidele, qui aujourd bui est a peu pres completement abandonne. Quand on veut recourir a un purgatif acidule, on lui substitue avec beaucoup d a van tage la creme de tartre soluble ou tartrate borico-potassique. Creme de tartre soluble, tartrate borico-potassique, tartrate boro-potas- sique. KO,B,,0 5 ,C 8 H 10 . La creme de tartre etait, comme nous 1 avons deja dit, tres-employee au siecle dernier comme purgatif acidule, mais son peu de solubilite dans 1 eau nuisait beaucoup a son emploi. Depuis longtemps, les chimistes se sont occupe s du moyen de la rendre plus soluble. Us ont d abord employe, a cet effet, le borate de soude; mais ce set detruisant prcsque cntierement 1 acidite de la creme de tartre, ils lui ont substitue 1 acide borique, qui est encore employe aujourd hui pour cet usage. Voici le precede indique par le codex de 1866 pour pre parer la creme de tartre soluble : bitartrate de potasse pulverise 1000 grammes; acide borique cristallise 250 grammes ; eau 2,500 grammes. On met ces substances dans une bassine d argent ; on porte a 1 ebullition ; on e vapore en agitant continuellement et en ayant soin de menager le feu a la fin jusqu a ce que le melange soit reduit en une masse tres-epaisse. On detacbe cette masse, on la divise, et on la fait secher a 1 etuve, sur des assiettes. On concasse le produit sec, et on le conserve dans des tlacons bien bouches. Gette forme a 1 avantage d etre favorable a la conservation du produit et de ne pas permettre la fraude. La creme de tartre soluble se presente alors en fragments amorplies, trans- parents, non susceptibles de cristalliser. Elle doit etre douee d une forte saveur acide et se dissoudre dans 1 eau en grande proportion. On peut obtenir la creme de tartre soluble sous la forme de lamelles brillantes et entierement solubles dans Teau. Dans ce cas, il est indispensable de ne pas se servir d acide borique prepare au moyen d une solution de borate de soude clarifie par le blanc d ceuf. La creme de tarlre soluble passe pour etre un laxatif doux et sur, a la dose de 15 a 30 grammes; seulement, pour rendre sa saveur tolerable, il est ne cessaire de corriger son extreme acidite par une forte proportion de sucre. On 1 emploie CREME DE TARTRE. 95 egalement a 1 exterieur tie la meme facon que le sue de citron, a la dose de 60 grammes par litre d eau, en lotions sur les ulceres fongueux et atoniques. La combinaison de 1 acide borique avec la creme de tartre s effectue difficile- ment. Pour la rendre aussi rapide que possible, il convient de presenter les ele ments de la reaction dans un etat de division convenable, et de facilikT cclle-ci par une elevation de temperature soutenue et un contact trcs-prolonge . On remplit ces conditions en employant une quantite d eau suffisante pour que les matieres soient tenues en dissolution pendant 1 evaporation qui dure longtcmps. La creme de tartre soluble medicinale n est pas constitute par du lartratc borico-potassique pur; elle contient de 1 acide borique libre. Tout 1 acide boriqnc que Ton introduit dans la formule ne se retrouvc pas dans le. produit, ce qui tient a ce que la vapeur d eau entrame une portion de cet acide ; bien qu il soit des plus fixes quand il est anhydre, il se volatilise au contraire facilement en presence de 1 eau lorsqu il est en dissolution. Soubeiran, qui a etudie avec beaucoup de soin la creme de tartre soluble, et qui, le premier, en a e tabli la veritable composition chimique, a observe que cette substance devient quelquefois completement insoluble dans 1 eau froide ; il attribue ce fait a une transformation isomerique de la combinaison. Lorsque ce phenomcne se produit, il importe de delayer le sel dans deux fois son poids d eau, de porter le melange a 1 ebullition et d evaporer la dissolution. Le plus souvent 1 etat moleculaire special de la creme de tartre soluble se detruit sous I mfluence de 1 action prolongee de 1 eau bouillante. M. Pedro de la Calle a donne pour la preparation du tartrate borico-potassique parfaitement soluble un precede qui reussit bien. Considerant que la creme de tartre du commerce est souvent rendue impure par la presence de tartrate de chaux et de differents composes metalliques, il propose de la faire de tonics pieces par la reaction de 1 acide tartrique sur le bicarbonate de potasse, tel qu on le trouve dans le commerce a 1 etat de purete. Mais il determine la reaction en presence de 1 acide borique, de telle fagon que les elements se trouvent dans 1 etat le plus favorable a la formation du compose. Voici la proportion indiquee par M. Pedro de la Calle : Bicarbonate de potasse cristallisc 100 Acide tartrique crislallise 100 Acide borique 50 Eau 600 On fait dissoudre le bicarbonate de potasse dans 1 eau bouillante et Ton pro- jettepeu a peu 1 acide tartrique pulverise dans la liqueur ; 75 grammes suffisent pour neutraliser 1 alcali, une trace d acide ajoutee en plus determinerait imme- diatement un depot de tartrate acide. A. ce moment, on introduit 1 acide boti- que dans la solution, ou il ne tarde pas a se dissoudre ; le reste de 1 acide tartri que est ajoute et ne produit pas la moindre separation de tartrate acide de potasse. Apres la filtration, on evapore la liqueur, en menageant le feu et en agitant continuellement, jusqu a ce que la masse soit devenue tres-epaisse. Elle est ensuite detachee et sechee sur des assiettes, on la concasse des qu elle est solide, et on la conserve dans des flacons bien bouches. On peut encore evaporer au bain-marie le produit en consistence sirupeuse, 1 etendre en couche mince sur des assiettes et terminer la dissiccation a 1 etuve. Avec la quantite indiquee ci-dessus, M. de la Calle a obtenu environ 220 gram mes de tartrate borico-potassique. 96 CREMES MEDICAMENTEUSES. La creme de tartre soluble obtenue par ce precede est completement mcolore; elle se dissout toujours et tres-fucilement dans 1 eau; elle est naturellement privee des sels etrangers que la creme de tartre du commerce introduit souvent dans le tartrate borico-potassique du Codex. M. Pedro de la Calle a constate que la creme de tartre soluble preparee selon la formule du Codex, chauffee entre 200 et 220, commence par fondre et qu apres avoir ete soumise pendant une heure environ a cette temperature, elle devient opaque et perd entierement sa solubilite. Celle obtenue par le precede qu il a indiquee, placee dans les memes conditions, fond, reste transparente et vitreuse, et conserve la propriete de se dissoudre dansl eau. Le mode operatoire indique par M. Pedro do la Calle doit done etre prefere aux moyens indiqucs jusqu ici. T. GOBLEY. MEDIC AMENTEUSES. La composition des cremes medica- menteuses est extremement varie e. Nous allons en indiquer les principales. Creme pectorale de Tronchin. Beurre de cacao 30 grammes ; sucre 15 gram mes, sirop de capillaire 30 grammes, sirop de tolu 30 grammes. On racle le beurre ; on le triture avec le sucre, et Ton incorpore le melange aux sirops. Ce medicament se prend par cuillerees dans la bronchite aigue. C est un bon pectoral. Creme pectorale de Pierquin. Sucre blanc, sirop de tolu et sirop de capil laire, de chaque, parties egales. On mele. A prendre par cuillerees a cafe dans les bronchites. Creme pectorale de Jeannet. Beurre de cacao 100 grammes ; huile d amande douce 10 grammes; sirop de coquelicot 40 grammes; eau de fleur d oranger 20 grammes. Pour bronchite chronique. Creme pectorale de Hue. Beurre de cacao, sirop delimatjons, sirop de violettes, sucre, de chaque 50 grammes. Par cuillerees dans la toux seche et opiniatre des enfants. Creme de chaux. Les chimistes donnaient autrefois ce nom au carbonate de chaux qui s amasse sous forme de pellicules a la surface de 1 eau de chaux exposee au contact de 1 air, dont elle attire, comme on le sait, 1 acide carbonique. Creme de bismuth (D r QUESNEVILLE). Sorte de pate ou de bouillie forme e par du sous-nitrate de bismuth precipite, lave, et retenant une proportion d eau fixe. Cette preparation a 1 avantage d offrir une cohesion moins grande que le sel soumis a la dessiccation. Creme de camphre (KRAUSS). Savon blanc rape 45 grammes, camphre 60 grammes, carbonate d ammoniaque 60 grammes; eau 1900 grammes; teinture d opium k 24 grammes ; essence d origan 24 grammes ; alcool et essence de terebenthine aa Q. S. On prepare une creme qui, etant privee de matiere grasse est facilement absorbee par la peau. Un morceau de flanelle enduit de ce melange est maintenu applique sur le thorax des enfants dans les affections inflammatoires de la gorge et des bronches. Creme pour le teint. Cire blanche 1 grammes ; blanc de baleine 1 grammes, huile d amande douce 150 grammes; eau de rose 120 grammes. On fait une pommade qui a la consistance de la creme. Creme de tartre. (Voy. ce mot.) Creme de tartre soluble. (Voy. CREME DE TARTRE.) A. DECHAMBEE et T. GOBLE\. CREOSOL. 07 CRi:\ioiiK (ACIDE) et CREMATES. L acide crcniquo a ( le decouvert par Bera lius (Poggendorffs Annalen, Bd. XIII, p. 84, et Annal. de chim. et de phys., t. LIV, p. 219) dans les eaux minerales de Porla, en Suede, en meme temps que 1 acide apocrenique. Suivanl 1 illustre chimiste, ces deux acides existent dans le terreau et dans tous les depots ocreux des eaux ferrugineuses (voy. APOCRENIQUE [acide]). Pour preparer 1 acide erenique, on fait bouillir ces depots ocreux pendant une demie heure avec de la polasse caustique, on /litre et on traitc par 1 acide ace - tique en exces ; 1 addition d une solution d acetate de cuivre determine la forma tion d un precipite bran conlenant 1 acide apocrenique et qu on separe par filtration. On sature ensuite la liqueur par le carbonate d ammoaiaque et on ajoute de T acetate de cuivre tant qu il se forme un precipite blanc-verdatre ; on aclieve la precipitation a 80, puis on traile par Thydrogcne sulfure ; on obtient ainsi de Tacide erenique mele de crenates terreux ; pour isoler cet acide, on traite par 1 alcool qui dissout 1 acide erenique, et Lu sse les crenates intactes. L acide erenique est un corps amorphe, d un jaune pale, d une savour d abord acide, puis astringente. Mulder qui a egalement etudie ce corps (Annalen der Chem. u. Phann., Bd. XXXVI, p. 245), a fait voir qu cu s oxydaut I acide humique donne de I acide erenique et de I acide apocreniqiic. Les crenates alcalins sont amorphes, solubles dans I eau, mais insolubles dans 1 alcool ; ils se transforment en brunissant en apocrenates. Ces sels sont encore pen etudies. L acide erenique, comme 1 a fait voir Mulder, ne renferme pas d azote de con stitution ; cet auteur a propose, pour exprimersa composition, laformule empi- rique G 12 H 12 8 , qui a ete acccptee par Berzelius. L. UN. CREOSOL. C 8 H 2 . Le creosol est un liquide incolorc, ti es-refringent d une odeur agreable et d une saveur aromatique brulante ; il bout a 219", mais se decompose un peu par la distillation en presence de Fair. Sa densite est de 1,089 a 15. II n est pas soluble dans I eau et se mele en toutes proportions a 1 acool, Tether, I acide acetique eristallisable. Avec 1 ammoniaque aqueuse con- centree il donne une bouillie de cristaux qui se decomposent facilement. L hy- drate de potasse s y dissout, et le melange se prend par le refroidissement en une masse cristalline de creosolate de potassium. Avec I acide azotique, il donne de I acide oxalique; avec I acide sulfurique le creosol prend une belle couleur rouge-cerise on violette. II reduit a chaud les sels d argent en miroir; r addi- tionne d une solution alcoolique de perchlorure de fer, il se colore en vert, comme la creosote; sa solution aqueuse coagule I albumine. On prepare le creosol en traitant par I acide sulfurique etendu ou I acide oxalique le creosolate de potassium, obtenu par 1 action de la potasse sur la creosote de nitre. L huile qui se se pare est lavee a I eau, sechee par un courant d hydrogene, et rectifiee. Le brome altaque vivement le creosol en fournissant des cristaux insolubles dans I eau, tres-solubles dans 1 alcool et Tether, et qui ont pour composition C 16 H 15 Br 3 8 . L iode et le phosphore Tattaquent egalement. Le creosol peut donner naissance a des derives metalliques. Le creosolate nentre de potassium s obtient facilement lorsqu on melange une solution alcoo lique concentrce de potasse avec de la creosote dissoute dans moitie de son volume d ether. II se dissout dans Teau sans decomposition et cristallise de la DICT. EMC. XXIII. 7 98 CREOSOTE (CHIMIE). dissolution aqueuse en aiguilles feutrees (G 8 H 9 2 K, IPO). Le cre osolate de potassium acide s obtient par 1 action du potasium a 90 sur la creosote. Pour J obtenir cristallise, on le dissout dans 1 ether, mais en operant la dissolution en presence de 1 air, on perd beaucoup de matiere ; pour eviter cet inconvenient, on opere en vases clos. II est blanc, cristallise en belles aiguilles. Les creosolates de sodium sent incristallisables. II existe aussi des creosolates de baryum et de plomb. T. GOBLEY. CREOSOTE, UKI.OSOTI;. I. Chimic. La Creosote (de xplj, chair, et de ffeiijw, je conserve) est un liquide doue de proprietes antiseptiques, et que Rei- chenbach a retire, en 1852, du goudron de bois. Sous le nom de creosote on trouve aujourd hui dans le commerce differents liquides de nature et de composi tion variables, et n ayant de proprietes communes que leur solubilite dans les al- calis, leur point d ebullition fixe vers 200, et leurs proprietes antiseptiques. G est ainsi que beaucoup de creosotes ne renferment que de 1 acide phenique ou phenol; d aulres sont un melange de phenol et de cresylol (Voy. ce mot). Quant a la creosote decouverte et preparee par Reichenbach, elle n est pas un principe immediat dcfini, ainsi que 1 ont montre Hlasiwetz et Earth; aussi les tra- vaux d un grand nombre de chimistes qui se sont occupes de son etude, presen- tent-ils de nombreuses divergences, et les re sultats analytiques ne concordentpas entre eux. Hlasiwetz et Barth ont pu extraire de la creosote du goudron de hetre une substance definie, le creosol C 8 H 10 2 ; suivanteux, la creosote serait une combi- naison de creosol avec un hydrogene carbone; cependant elle ne presente pas les caracteres d une combinaison definie ; ce n est probablement qu un melange. Suivant Frisch, elle serait une combinaison phenylee de creosol. Des reactions propres a caracleriser les deux especes de creosole (du hetre et de la houille) seraient, d apres Rust et Mayer, les suivantes (Chem. Central- blatt, 1867); nous les relevons dans un article de M. Vidan, ancien agrege du Val-de-Grace. (Gas. hebd., 1877, p. 775) : Reactifs Creosote du hetre (creosol). Creosote de la houille (phenol et cresylol). Collodion Rien. Le melange se prend en gelee. Ammoniaque Insoluble a chaud et a froid. Insoluble a froid, soluble a chaud; liqueur limpide. Eau de bargte Dissolution imparfaite : le liquide Dissolution limpide; a peine si, se trouble au repos. a la longue, il se forme un le- ger dep6t. Potasse affaiblie Dissolution trouble, meme avec Dissolution limpide. un exces de reactif. Deuigoutles d ammoniaque.puis Coloration verte, puis brune. Coloration blcue. perchlorure de fer, quantite suffisante pour rcdissoudre le jirecipitd forme; 4 volumes d eau. M. \ 7 idan emet 1 avis que, pour 1 usage medical, on pourrait remplacer avec avantage la creosote, insoluble dans 1 eau, par le cre osoiate neiitre de potasse, que Ton obtient facilement en melangeant une solution alcoolique concentree de potasse avec de la creosote dissoute dans la moitie de son volume d ether. Quoiqu il en soil voici comment s extrait la creosote du goudron de bois e qnelles sont les proprietes qui lui sont assignees. CREOSOTE (CHIMIE). 99 Pour preparer la creosote, on distille le goudron de bois jusqu a ce que le re- sidu ait acquis une consistance poisseuse. On rectifie plusieurs fois le produit en ne recueillant que les parties plus lourdes que 1 eau ; on les fait dissoudre dans une solution de potasse caustique. La solution alcaline est chauffee a 1 air de maniere a resinifier une substance etrangere qui s est dissoute clans la potasse en meme temps que la creosote. On met celle-ci en liberte par 1 acide sulfurique etendu. Pour purifier la creosote ainsi obtenue, on la distille a plusieurs reprises avec de 1 eau legerement alcaline, on la dissout dans la potasse, on la precipite, on re pete ces operations jusqu a ce qu elle se dissolve dans la potasse sans laisser de matiere huileuse. Finalement on la desseche et on la rectifie. La creosote est huileuse, incolore, mais se colorant au soleil ; sa saveur est brulante et tres-caustique, son odeur forte et desagre able. Sa densite varie de 1,037 a 1,087 a 20. Elle bout 203; elle ne se solidifie pas par un froid de 27. Elle est peu soluble dans 1 cau, tres-soluble dans 1 alcool, 1 ether, le sulfure de carbone, 1 acide acetique, 1 ether acetique ; elle dissout le phosphore, le sou- fre, le selenium, les matieres colorantes, les matieres grasses, les acides oxaliques, tartrique, citrique, benzoi que, stearique. Elle dissout egalemcnt a chaud la ma tiere colorante de 1 indigo. qui s en precipite par 1 addition de Talcool et dc 1 eau. Elle dissout beaucoup de sels. M. H. Piust donne les caracteres suivants qui servent a distinguer le phenol de la creosote du goudron de hetre. 15 parlies de phenol et 10 de collodion don- nent une masse gelatineuse, tandis que la creosote se melange au collodion en une solution claire. En ajoutant de 1 ammoniaque a du perchlorure de fcr jusqu a ce que le pre ci- pite soit persistant, on obtient une liqueur qui donne avec le phenol une colo ration bleue ou violette, et avec la creosote du goudron de hetre une coloration d abord verte, puis brune. L acide sulfurique se mele a la creosote en donnant une liqueur pourpre ; avec 1 acide azotique, on obtient de 1 acide oxalique, de 1 acide binitrophenique et de 1 acide picrique. Traitee par la potasse, elle s y dissout et donne un sel cris- tallise d ou 1 on retire le creosol; pour obtenir ce sel cristalle, il est necessaire de prendre les precautions indiquees a la preparation du creosol. Le potassium en degage de 1 hydrogene et donne le creosotate acide de potassium. En chauffant la creosote avec un melange de soude caustique et d oxyde de manganese et reprenant la masse solide par 1 eau, on obtient durosolate de soudc d ou on precipite 1 acide rosolique par un acide. La creosote est un puissant antiseptique et un caustique ener^ique. Elle coagule 1 albumine du sang et celle du blanc d ceuf. Elle a joui en medecine lors de son apparition, d une vogue aussi grande que celle dont jouit actuelle- ment 1 acide phenique. 11 sera traite plus loin de 1 action physiologique de la creosote et de ses propriete s therapeutiques, soit comme remede externe, soit comme remede interne, en indiquant les diverses preparations qui conviennent specialement dans les divers etats morbides. Voici les formes pharmaceutiques sous lequelles la creosote est le plus ordi- nairement prescrite. Eau de creosote. On ajoute goutte a goutte une solution alcoolique de creo sote dans de 1 eau distillce jusqu a ce que le melange commence a perdre la trans parence apres avoir ete agite. 100 CREOSOTE (EJIPLOI MEDICAL). On 1 applique a 1 aide de plumeaux de charpie sur les surfaces saignantcs, les plaies, les ulceres. Eau de creosote (Laveran.). Creosote 5 grammes; eau 500 grammes. On mele. Appliquer des compresses imbibees sur le corps, dans les cas de fievre typhoide. Potion de creosote (Laveran). Creosote trois goutles ; essence de citron deux gouttes; sirop de fleur d oranger 50 grammes: eau 90 grammes. Employee par MM. Laveran et Recholier centre la fievre typhoide. Alcool creosote centre la curie denlaire. Creosote 1 partie; alcool a 60 16 parlies. On mele. On introduit dans la dent cariee de ce melange sur du colon. Pilules de creosote (PitschaiT). Creosote trois gouttes; extrait de cigue Oe r ,20; magnesie et mucilage q.s. Pour 9 pilules argenlees. On en prescrit trois par jour pour combaltre les vomissements des femmes enceintes. Pilules de creosote contre les dyspepsies liees a 1 existence des sarcines de 1 es- tomac (Budd). Creosote 1 gramme; mie de pain et mucilage q.s. pour 40 pi lules. Prendre une ou deux pilules apres chaque repas, contre les gaslralgies liees a 1 existance des sarcines. Yin creosote (Ch. Bouchard et Gimharl). Creosote pure du goudron de bois, 15 grammes; teinture de gentiane, 50 grammes; alcool de Montpellier, 250 grammes ; vin de Malaga, q. s. pour 1 aire un litre. De deux a quatre cuil- lerees en 24 heures (chaque cuilleree dans un verre d eau). Contre la phthisie. Solution huileuse de creosote. (Ch. Bouchard et Gimberl). Iluile de Ibie de morue, 150 grammes; creosote de goudron de bois, 2 grammes. Contre la phthisie. Solution alcoolique de creosote (Dujardin-Beaumetz). Creosote pure, 6 gram mes; alcool, 250 grammes; Bagnols, q. s. pour un litre. Contre la phthisie. Glycerine creosote e (Guihert). Glycerine 125 grammes; creosote 12 gouttes. Employee dans le pansement des plaies et des ulceres ; en imbiber de la charpie. Creosote pour conserver les pieces d anatomie (Pigne), Eau 1000 grammes, creosote 10 gouttes. Un cadavre ou une partie quelconque de cadavre, plonge dans cette solution, se conserve longtemps avec toutes les proprietes physiques. T. GOBLEY. 3 II. Emploi medical, ttistorique. C est a Reichenbach, de Blansko (Moravie), que revient le double merite de la decouverte de la cre osote et de son utilisation en medecine. II a raconle comment il fut conduit a rechercher los proprietes medicales de cette substance. C etait, dit-il, un jour qu il en prepa- rait une petite provision ; quelques gouttes du nouveau produit tombercnt sur ses doigts et lui enleverent 1 epidcrme aux points touches. 11 en conclut aussitot que la cre osote pouvait etre le principe momifiant de 1 acide pyroli- gneux, et il se mit ai oeuvre pour verifier son hypothese. L experimentation lui de monlra bientot qu il avait de couvert, en eifet, un antiputride de premier ordrc. Des lors, il concut 1 ide e de mettre a profit ces deux proprietes d astringent et d antiputride dans le traitement des plaies simples ou autres. puis, encourage par des succes evidents, il gene ralisa 1 emploi du remede nouveau et crut devoir le prescrire a 1 interieur a des phlhisiques qui crachaient du sang. CREOSOTE (EMPLOI MEDICAL). 101 La notpriete de Rciclienhach donna a. ces premiers cssais publics un grand retentissement dans toute 1 Europe. Partout on se mit a experimenter pour veri fier les assertions de 1 habile chiniiste, de sorte que la creosote devint le medi cament a la mode. II y cut, en effet, vers 1 853-1 855, au moment ou Reicbenbach annoncait les excellents resultats obtenus, un veritablement engouement a 1 egard de ce produit, en Allemagne principalement, en Angleterre et mcme un peu a Paris. Chimistes et cliniciens etudierent avec ardeur la creosote et furent en mesure de fournir en peu de temps des renseignements precis sur bien des points de son histoire. Necessairement, unc reaction assez vive snivit bientut; 1 enthousiasme des premiers jours disparut vite a la suite de quelques desil- lusions, puis peu a peu le remede heroique tomba dans un discredit absolu ct fut a peu prcs oublie des medecins. Seuls, les dentistes conlinucrent de s en servir pour calmer les douleurs de la carie dentaire. Cette reaction avait e videmment ete trop vive, car des rechercbes entreprises dans cos dernieres annees out demontre que la creosote peut etre employee avec profit dans bon nombre de circonstances. Si ce n est pas la panacee qu avait entrevue rimagina- tion ardente de Reichenbach, il faut admettre cependant que le medicament est serieux et doit figurer a une place honorable dans notrc matiere medirale. EFFETS PHVSIOLOGIQUES. La creosote n est pas un produit absolument de fini au point de vue chimique; sa formule est encore discutee, et ses proprietes gviir- rales different suivant la source qui la fo urnit, c est-a-dire suivant le goudron d ou on 1 extrait. On pourrait presque dire qu il existe autant de creosotes que de sortcs de goudron, de facon qu il faut necessairement fa ire des distinctions dans cette etude du genre creosote et bien specifier de quel produit on entend parler, quand on traite de ses applications. Or, dans ma description, j aurai exclusivement en vue la creosote du goudron de bois et plus particulierement du goudron de hetre, cells de Reichenbach, usitee le plus souvent en therapeutique, ct qu on ferait mieux d appeler offici- nale plutot que creosote vraie, cette derniere denomination n ayant pas de signification precise. Ceci pose, voioi quels sont les effets physiologiques de la substance qui nous occupe. A. Effets topiques. Appliquee sur la peau recouverte de son epidemic, elle donne lieu a une cuisson legerj et a de la rubefaction. L tjpiderme se fendille et tombe par squames furfuracees, suivant la remarque de Reichenbach. Sur les muqueuses ou sur la peau privee d epiderme, elle manifeste ses proprietes caustiques d une fagon beaucoup plus energique, elle attaque les tissus plus vivemcnt, les blanchissant un peu a la maniere du nitrate d argent, et deter mine une cuisson assez desagreable. Tous ceux qui ont essaye de la creosote pour calmer la douleur produile par la carie dentaire connaissent la sensation penible causee par ce liquide fusant sur la gencive, sensation fugace a la verite, et qui cesse par suite de la disorganisation des parties superficielles de la muqueuse buccale, lesquelles deviennent comme parcbeminees. En resume, la creosote a des effets topiques qui participent de ceux des astrin gents puissants et de ceux des caustiques superficiels. B. Unction diffuses est tres-interessante a etudier. Violente a faible dose sur les organismes inferieurs, elle n est puissante qu a dose assez forte chez les aiiimaux plus eleves dans rechelle et cbez riiomme. De faibles proportions de creosote tuent facilement les microzoaires et les 102 CREOSOTE (EMPLOI MEDICAL). microphytes, ou s opposent a leur developpemenl. C est parce que ces faibles proportions existent dans la fume e que les viandes dites fume es se conservent longtemps avec leurs qualiles nutritives, a I abri de la corruption. Une plante rie re siste pas a quelques arrosages avec de 1 eau creosolee; elle s etiole et meurt bienlol, comme 1 a vu Miguel, en experimentant surun rosier. Ce medecin a, 1 un des premiers, recherche 1 action toxique de la creosote chez les animaux. Quclques-unes de ses observations meritent d etre resumees. A dose faible, 1 action est nulle. Un jeune chien de deux mois a pu prendre impunemeiit, pendant huit jours, 4 goalies de eel hydrocarbure diluees dans 250 grammes d eau sans etre incommode. A dose forte, les accidents surviennent. 8 gouttes administrees de la meme facoii au meme chien onl determine les phenomenes suivants : marche leute et difficile, nausees frequentes, soubresauls de tendons, tremblement intermittent, amaigrissement notable. On suspend 1 ingestion du poison, le chien se retablit. A dose massive, 7s r ,80 dans 15 grammes d eau, 1 empoisonnement est violent et rapide chez le chien. L 1 ani mal tombe tres-vite dans un etat de prostration complete ; il a des vertiges, des etourdissements ct le regard fixe; ses sens paraissent engourdis; son haleine est chaude; sa respiration s embarrasse par suite d une production abondante de mucosites dans les voies respiratoires et de 1 obstruclion de celle-ci par ces mucosites. Malgre une loux violente, convulsive , le chien ne parvienl pas a debarrasser ses voies aeriennes. De temps en temps, on constate des eructations, des nausees, des vomissements de matieres analogues a du lail. Puis, on le comprend sans peine, la respiration s embarrasse de plus en plus el menace de se suspendre, les membres sonl agiles de fremissements, deviennent rigides, et la mort arrive dans un acces de suffocation. A I autopsie, on trouve lous les tissus impregnes d une forte odeur de creosote et des lesions assez accusees dans les principaux organes. La muqueuse des voies digestives presente des traces d irritation dans la plus grande partie de son etendue, de la bouche a 1 estomac, etjusque dans 1 intestin. De nombreuses laches rouges, comme ecchymoliques, parsement celle mu queuse. Les cavites cardiaques renfermenl des caillols assez denses. Le sang parait en general plus coagule que lorsqu il est abandonne a lui-meme. Les poumons sont gorges de sang brun. Le cerveau semble parfaitement sain. On pourrail croire, a priori, que 1 action topique irritante de la creosote sur 1 intestin et 1 estomac, a pu contribuer dans une large mesure a faire naitre la serie des accidenls que nous avons enumeres; il n en est rien, car si Ton fait une injection d eau creosotee dans la caroticle ou la jugulaire, la symptomatologie de l empoisonnement est la meme. En effet, d apres J. R. Cormack, la respiration s accelere vivement, il y a une ou deux attaques convulsives, 1 animal pousse des cris percants et meurt au bout de quel ques instants, par arret du coeur. Chez Yhomme, 1 action pharmacodynamique de la creosote est comparable a celle que nous venous d indiquer chez 1 animal. Les doses faibles diluees ne donnenl que des sensations passageres en traver- sant les premieres voies : saveur et odeur desagreables, chaleur plus ou moins accusee dans Tcesophage et 1 estomac. A dose forte, ces effels s accusenl davantage, et il s y ajoute les suivants : CREOSOTE (EMPLOI MEDICAL). 103 dyspepsie, nausees, vomissements, vertiges, mul de tele, bouffees de chaleur a la face, diarrhee, dysenterie meme, rapporte Cormack, frequence dc la miction, strangurie. L urine prend parfois une coloration brune, en meme temps qu elle devient plus abondante, particularity signalee pour la premiere fois par Maclend (London Med. Gaz., vol. XVI et XYH) et revue par d autres medecins anglais. Enfin on a accuse recemment la creosote de donner lieu a des erup tions ortiees. G est au moins cc que le doctcur Bernard, de Cannes, a vu cbez deux plilhisiques auxquels il administrait ce remede. Le medicament produisait a coup sur une eruption que ce praticien compare a 1 erytheme copahivique et a 1 urticaire. A dose massive, 1 action de la creosote est identique chez 1 homme a celle que nous connaissons chez 1 animal. I/observation snivante que je trouve resumee dans YAnnuaire de pharmacie de 1873, p. 217, sans indication bibliographique, va nous montrer cette identite . Une enfant de deux ans, avale de 20 a 50 gouttes de creosote. Bientot il perd connaissance, la deglutition devient impossible, il vomit ct rend une urine brune; puis 1 ecume lui sort de la bouclie, il etouffe. Sa respiration est sterto- reuse, il est dans un etat d angoisse excessive et crie constamment ; en fin survieiment des convulsions, et la mort arrive an bout de dix-sept heures. Le cadavre examine cinquunte et une heures apres le deces exhale une forte odeur de creosote. Les levres sont decolorces, seches, parcheminecs ; la muquense de la langue, du palais, de 1 oesophage est d un blanc sale. Le cerveau et les poumons sont gorges de sang et les ventricules cardiaques remplis de caillots. Faut-il maintenant considerer comme des cas d cmpoisonnement par la creosote, ces fails graves d intoxication par les viandes fumees observees surtout en Allemagne, et dans lesquels on signale de vives douleurs et la sensation de brulure a 1 epigastre, des coliques violentes avec constipation, des vomissements de matieres sanguinolentes, la respiration lente, raffaiblissement du pouls, la dilatation pupillaire? Merat et Dclens repondent aflirmativement sans produire d arguments en faveur de leur maniere de voir. Je me borne pour mon compte a dire que si le rapprochement tente par ces deux savants therapeutistes est a priori suffisamment justifie, il est regrettable qu il ne s appuie pas sur des preuves positives. Voies d elimination. Ce sont tres-probablement les poumons et les reins. Les sujets exhalent par 1 haleine 1 odeur de creosote, et leur urine prend une odeur particuliere et des caracteres speciaux : donnees assez caracteristiques. Ici encore les analyses chimiques rigoureuses font defaut malheureusement. En definitive, les fails que je viens de rapporter nous conduisent a resumer comme il suit 1 action pharmacodynamique de la creosote. A dose faible, elle n a que des effets topiques stimulants sur les voies digestives. A dose forte, elle atteint les grandes fonctions, qu elle trouble plus ou moins profondement. Son action topique sur les premieres et secondes voies acquiert une intensite considerable, de sorte qu il peut en resulter des phenomenes de gastro-enterite avec leurs consequences obligees : douleur, vomissements, diar- rhe es, etc., etc. Puis, apparaissent bientot des accidents d un autre ordre : vertiges, faiblesse musculaire, troubles respiratoires et circulatoires, qui se developpent selon toute probabilite consecutivement a 1 absorption du poison, plutot que sympathiquement, en raison de 1 irritation des voies digestives. 104 CREOSOTE (EMPLOI MEDICAL). Enfm surviennent les efiets topiques dus a 1 elimination de la creosote, ou tout au moins c est la une interpretation plausible dcs accidents que voici : 1 excitation bronchique, la polyurie, la dysurie et meme la strangurie, la colo ration noire de 1 urine. S agit-il d une dose massive, on voit s ,\jouter aux symptomes precedents des troubles nervo-musculaires graves : atfaiblissement des muscles, troubles pro- fonds des orgaues des sens et de rintelligence, tremblements generalises, con- tracture, convulsions, coma; des modifications profondes de la circulation et de la respiration, caracterisees par du ralentissen.ent du coeur, par de la dyspnee, de la suffocation, la cessation des mouvements circulatoires, 1 asphyxie due a la supersecrction bronchique et enfin 1 arret du coeur. Si nous chcrclions maintenant a interpreter le mode faction de la creosote sur le conomie, nous sommes forcement amene a dire qu elle atleint surtout le systeme ncrveux cerebro-spinal. II faut bien admettre, en effet, qu elle frappe 1 encephale et la moelle epiniere, quand on voit chez les animaux intoxiques la connaissance disparaitre, les organes des sens cesser de fonctionner, la resolu tion musculaire ou la paralysie du mouvcmcnt se produire, et puis encore le tremblement, la contracture, les convulsions, le ralentissement du coeur s ajouter a ces symptomes deja si caractcristiques de troubles cerebraux et medullaires. En definitive, outre ses proprietes irritantes qui s accusent sur tous les tissus qu elle touche, la creosote est encore un agent pcrturbateur des fonctions de 1 encephale et de la moelle epiniere, que je rapprocherais volontiers de 1 acide phenique sous le rapport de la toxicite. Est-ce en raison de la propriete qu elle possede a un tres-haut degre de coagu- ler 1 albumine qu elle desorganise le systeme nerveux et altere le sang, conditions desastreuses pour Porganisme, c est ce que je ne saurais dire; je risque nean- moins cette hypothese qui me parait assez plausible et satisfaisante. II reste dans cette etude de 1 action pharmacodynamique de la creosote beau- coup de lacunes a combler. Nous savons peu de chose sur les modifications qu elle imprime a la temperature, si ce n est qu elle ne 1 affecte pas a dose faible ; enfin nous sommes mal fixes sur les voies d elimination et les meta morphoses que cet hydrocarbure peut subir en traversant 1 economie. APPLICATIONS THERAPEUTIQUES. On pent les diviser en deux groupes princi- paux : les applications rationnelles, c est-a-dire derivees de ses proprietes physiologiques, et les applications empiriques. Les premieres se subdivisent en deux categories. Elles compreiment : 1 celles qui sont basees sur les vertus astringentes, caustiques, parasiticides, styptiques et vulneraires de la creosote ; 2 celles qui derivent de ses effets antiseptiques. externes. Etudions les applications rangees dans la premiere cate- gorie, qui comprennent tous ses usages externes. Je mentionnerai d abord que parmi les proprietes de la creosote qui interesserent le plus vivement les medecins, lors de la decouverte de cet hydrocarbure, il faut surtout citer son action hemostatique. Celle-ci sans etre d une puissance tres-grande est reelle, ainsi que 1 indique a priori son action coagulante de 1 albumine et du sang, mais comme le prouvent surtout les experiences physiologiques et les faits cliniques. Muller et Reiter out facilement arrete des hemorrhagies consecutives a une CREOSOTE (EMPLOI MEDICAL). 105 blessurc dc la veine cruralc cliez le chicn a 1 aide d un simple pkr.nasseau de charpie imbibee de creosote eufouce dans la plaic. S agissait-il d une plaie arterielle, le meme moyen reussissait encore, aide d une compression moderee. Les vaisscaux examines offraient des traces d in- ikmmation dans 1 etendue de quelques centimetres a partir de leur section ct a ce niveau un caillot obturateur. Chez riiomme, la creosote arrete avec la plus grande facilile les hemorrha- gies capillaires en nappe, 1 ecoulement du sang par les piqures de sangsues, 1 epistaxis et toutcs les pertcs de sang fournies par des vaisseanx arteriels ou veineux de petit calibre. J ai dit que la creosote fut pcu de temps apres sa decouverte appliquee par Pveichenbach au pansement des plaics. L habile cliimistc recoimul hienlot qu cn outrode ses vertus hemostatiques, cllejouissait encore de qualiles desinfeclantes et cicutrisantes et que par consequent, c elait un vulneraire de premier ordre. Le premier, il signala les excellents effets de 1 eau creosotce comme topique dans le pansement des plaies simples et surtout des plaies de mauvaise nature. A son exemple, des 1S35, un grand nombre de medecins, a Pans, utili- serent le nouveau topique et n eurent qu a s en loner ainsi qu on va voir. Ulceres simples, syphilitiques, gangreneux. On a bcaucoup -vault autrefois 1 efficacite de 1 cau creosotee pour stimuler ces sortcs d nlceres, leur enlever 1 odcur letide et la putridite, modifier leur aspect blafard, les deterger, les faire bourgeonner et marcher vers la cicatrisation. Reichenbach d abord, puis Kunc- kel, Berthclot, Miguet, Lesserre ont cite des observations concluantes d ulcera- tions de cct ordre rebelles a tous les traitements, durant depuis des mois et des annees, gueries rapidement apres plusieurs pansements a la creosote. Hasbach (1853) a vu, dans la gangrene de la bouche chcz 1 enfant, les applications de creosote donner les plus heureux resultuts, meme quand Inflection resultait d infection septique. Martin-Solon est moins enthousiaste que les obscrvateurs precedents. S il reconnait que cette substance agit bien centre les ulceres a bords calleux, proba- blement en activant le mouvement nutritif de la peau, il ne lui altribue aucune superiorite sur les plaques de plomb et les bandclcttes de diachylum. Yelpeau, d aulre part, ne 1 a pas vu reussir centre les ulcerations gan- greneuses. Personne n emploie plus guere aujourd hui la creosote commc topique des ulceres rebelles, de mauvaise nature ou speciiique. L acide pbcnique, 1 acide thymique, les salicylates, 1 alcool, etc., ont absolument supplante cette substance qui, cependant, ne me parait pas leur ceder sous le rapport de 1 energie anti- septique. Plaies simples on complique es de lesions osseuses. Bn dures. Abces. Bu- bons. Engorgements ganglionnaires. L eau cre osotee a ete utilise e avec avan- tage centre ces divers accidents. Elle a servi a arroser les plaies recentes pour tarir 1 ecoulement du sang et faciliter la cicatrisation; a injecter les trajets fistuleux simples ou compliques de lesions osseuses : earie ou necrose; a baler la guerison des bnilures (Reichenbach, Goupil, etc.), eta deterger les foyers pitru- lents consecutifs a des abces ou des phlegmons. Enfm, au dire de Miguet, des lotions creosotees ont pu faire avorler des abces, resoudre des adenites sup- purees et dissiper des engorgements ganglionnaires. Ce sont la des applications recommandables. Toutefois je pensc, avec Martin-Solon, que dans le cas de bru- 106 CREOSOTE (EMPLOI MEDICAL). lures, la creosote ne 1 emporte pas sur d autres repercussifs et cicatrisants souvent employes. Maladies de la peau. Alterations diverses de ce tegument. Les dermatoses jusliciables des applications de goudron ont ete souvent traitees par la creosote. G est ainsi cju on a present des lotions ou des pommades creosotees dans cer- taines affections squameuses, le psoriasis, I ecze ma sec de nature dartreuse (dartres lurfuracees) ; centre les dermites simples, V eczema humide, I impetigo, le prurigo. Martin-Solon (1836), conseillait centre les dartres furfuracees la pommade suivante : Axonge 50 grammes. Creosote v a vu gcultes. Elliotson (1858) recommandait, dans le cas d eczema humide ou d impetigo, de simples lotions avec de 1 eau creosotee : 1 goutte pour 2, 3, 4, 5 ou 6 onces d eau. Dans plusieurs cas de prurigo inve tere , Max Simon a obtenu des succes remarquables des onctions avec la pommade suivante : Axonge. 30 grammes. Creosote 1 Pour combatlre les engelures, qui ne sont autre chose qu une dermite a frigore, Devergie preconise la formule suivante, excellente d apres lui : Axonge 30 grammes. Sous-acetate de plomb liquide in goultes. EUrait theba ique "20 centigrammes. Creosote x gouttes. Elle me semble s adapter a tous les cas d engelures, ulcerees ou simplement erythemateuses. Des engelures je puis rapprocher Ve rysipele, autre cutite, parfois traite par les applications creosotees. Le docteur Fahnestock, de Pittsburg, est grand partisan de cette methode. Qu il s agisse d erysipele simple ou phlegmoneux, il badigeonne de creosote pure toutes les surfaces malades, depassant un peu les limiles du mal, ou bien les recouvre de compresses imbibees d eau creosotee, et voit la maladie avorter ou se resoudre. Simultanemeut, il prescrit les evacuants, de sorte qu il est difficile de faire la part exacte des deux medications. Cependant elle est assez large pour la creosote, si Ton en juge par 1 observation du docteur Delarue, de Bcrgerac, ou nous voyons un erysipele gueri en six jours exclusivement par 1 emploi d une pommade creosotee et de boissons fraiches. On etendait toutes les deux heures sur les parties affecte es, la pommade clont voici la composition : Axonge 60 grammes. Creosote 8 Enfin, parmi les dermatoses que la creosote a modifiees avantageusement, je citerai , d apres Brown , le lupus ; bonne application suivant moi ; et d apres Coster, la lepre leontine, traitement purement palliatif des manifestations cuta- nees de cette redoutable maladie. CREOSOTE (EMPLOI MKDICAL). 107 Dermatoses de nature parasitaire. Evidemmcnt la creosote doit triompher ici, grace a ses proprietes parasiticides bien connues et puissantes. On concoit sans peine qu elle puisse guerir la gale (Reichcnbacli, Coine- liani, etc.), en tuant le sarcopte qui la produit, et qu elle ait domic de bons resultats dans les teignes, en detruisant le tricophyton. AinsiHilt (1838) selouail beancoup dans le porrigo d une pommade composee comme il suit : Axonge 50 grammes. Oxyde de zinc 2 Creosote *L gouttes. E. Masse a vu guerir le sycosis parasitaire par les lotions creosotees : parties egales d eau, d alcool et de creosote, faites deux fois par jour pendant une semaine, et continuees la semaine suivante avec une dose double de creosote dans la solution precedente. L effet curatif re sulte ici, d apres ce medecin, de ce que les spores sont detruites par le medicament; le mycelium, lui, resiste. Nous possedons aujourd hui des agents parasiticides aussi puissants que la creosote, mais moins irritants : le soufre, le mercure, par cxcmplc, (mi entrent dans nombre de formules avantageusement applique es an traitement des dermatoses d origine parasilaire, c est pourquoi cette substance loxique est a peu pres inusitee maintenant contre ce genre d aiTections. Difformites de la peau. Les proprietes caustiques legeres de la creosote out ete parfois mises a profit contre les excroissances verrucjueuses. L application est rationnelle ; je la recommande volontiers avec le docteur llainey et le doc- teurOrd, deux de nos confreres anglais. En Angleterre egalement, les tumeurs erectiles chez les enfants out ete, dans certains cas, attaquees par la creosote pure ou la solution a parties egales d alcool et de cet hydrocarbure. Sous 1 influence de fomentations avec ces liquides les tumeurs s enflamment, s excorient, s ulcerent, se solidifient et finissent par disparaitre. C est la une methode qui pent avoir sa valeur et qu on aurait tort de negliger avant de recourir au traitement chirurgical. Affections ute rines. Urethrites. Les qualites astringentes des solutions creosotees trouvent leur application nalurelle contre les metrites simples du col, les ulcerations sanieuses du museau de tanclie et les affections blennorrhagiques de rhomme. Colombat (de 1 lsere) a traite avec succes les metrites idce reuses, par les attoucbcments avec la creosote. Le crayon de nitrate d argent me parait plus commode a rnanier et tout aussi efficace probablement. II est d ailleurs certain que les injections d eau creosote e peuvenl avoir leur avantage contre les ecoulements leucorrheiques et urethraux, comme tous le& medicaments astringents. Et j admets encore que dans les metrorrhagies la creosote peut egalement arreter recoulement du sang, grace a ses proprietes styptiques, ainsi que i a vu le doc teur Arendt, dans une perte apres Taccouchement et dans deux cas d implan- tation vicieuse du placenta ; mais ce sont la des proprietes communes a tous les agents astringents et styptiques, qui ne recommandent pas specialement la creo sote a 1 attention des praticiens. Dans le cas de flueurs blanches, Arendt formulait en injections une solution de 25 gouttes de creosote dans 950 d eau ; dans la blennon hagie une 1/2 goutte 108 CREOSOTE (EMPLOI MEDICAL). a 3 goultes pour 50 grammes d eau dislillee; dans la metrorrhagie, il injectait par le vagia, toutes les deux heures, line solution de 2 goultes dans 150 gram mes d eau. Ophthalmies. Le meme medecin russe appliquait 1 eau creosotee au traite- ment des conjonctivites, des ulceres corneens, des tales de la cornee et de rophthalmie variqueuse chronique. II faisait instiller dans 1 ceil chaque jour, un collyre coutenant de 1 a 5 gouttes de creosote pour 50 grammes d eau distillcc. Evidemment, tous les astringents facilement solubles dans 1 eau donneraient des resultats comparables. Carie dentaire. Voici, au contraire, une application therapeutique Lion speciale a la creosote, la derniere que nous ayons a signaler dans notre enume- lion de ses usages externcs. 11 est generalement admis que, si elle est douce de proprietes calmantes centre les douleurs de la carie dentaire, elle est impuissante a enrayer la marche de cette affection ou bien a la guerir. Toutefoisun medecin militaire, le docteur Fremangcr, qui a public en 1855, un travail sur cette application de la creosote, ad met que ce liquide est capable souvent d avoir des effets curatifs. II a obtenu des guerisons dans la moilie des cas qu il a traites. Voici quelle etait sa pratique. II commencait par bien nettoyer et secber la cavite de la dent cariee, puis il promenait un pinceau ou une boulette de coton impregnee dc creosote pure sur tous les points attaques; parfois, il laissait la boulelte en place. Pour lui, ce liquide agit cbimiquement et pas aulrement centre la carie des dents. II detruit la partie mortifiee, coagule 1 albumine du nerf dentaire et forme a la surface de celui-ci une pellicule qui le garantit de J action de 1 air et des corps etrangers. Buchner conseillait (1835), contre les douleurs de la carie dentaire, deremplir la cavite cariee d ouate imbibee de la solution suivante : Creosote .................. 1 partie. Alcool ................... 8 a 16 parties. On entasse mollcmcnt le coton et on le renouvelle tous les quarts d beure jusqu a ce qu on ait obtenu le soulagement. La creosote n est evidemment qu un palliatif contre les accidents douloureux de la carie dentaire. J ai vu cependant que si elle les fait disparaitre presque a coup sur et instantanement, ils ne tardent guere a se reproduirc dans nombre de cas et finissent par etre refractaires a 1 aclion du calmant. Quant a la guerison de la carie elle-memc, je n y crois que mediocrement, et mieux vaut quand cette lesion existe, la trailer par les moyens surs dont disposent actuellement les den- tistes, on evitera dc la sorte une perte de temps toujours prejudiciable. internes. AFFECTIO.XS DES VOTES DictsTiVEs. C est a titre d astrin- gent, de styptique et d antiemelique que la creosote est parfois encore prescrite dans ces aifeclions. Le docteur Arendt la recommande dans les cardialgles simples, a la dose de deux gouttes diluees dans un verre d eau sucrce ; Budd, contre certaines dyspep- sies symptomatiques de la presence des sarcines dans 1 estomac, en pilules de 0,025 a 0,05 apres le repas. On s explique tres-bien que ce remede astringent, CREOSOTE (EMPLOI MEDICAL). 109 toxique pour les microphytes, puisse rendrc des services dans les deux groupes de maladies que nous signalons, qui reconnaissent pour cause soit 1 alonie ou 1 irrilation de 1 estomac, soit la presence de I algue appelee sarcine dans sa cavite. Dans quelques maladies caracterisees par des lesions plus profondes des voies digestives, la creosote compte egalement des succcs. Plusieurs medccins 1 appli- quent au traitement de la diarrhee et de la dysenteric. Dans la premiere, la diarrhee simple, commune, Spinks et Kesteven ont donne avec succes de 2 a 5 gouttes de ce medicament toutes les trois, quatre ou six heures, suivant 1 in- tensite du rnal. Dans la dysenteric, des succes analogues ont ete rapportes par le docteur Elmer, medecin ame ricain, qui recommande la creosote a la dose d une goutte toutes les deux heures, diluee dansun \ehicule approprie. A la troisieme goutte en general, le soulagement est manifeste. Eu Anglcterre, le docteur Wilmot, s est montre partisan de 1 emploi de la creosote en lavement contre cette ma- ladie : 4 gouttes dans une decoction de gruau ; le professeur Gairdner egale ment conseille le lavement dans la dysenteric avec selles fetides, et il present pour cet usage 50 a 180 grammes de la mixture creosotce de la pharmacopee d Edimbourg (eau, 425 grammes; sirop, 50 grammes; creosote et acide ace- tique, aa xvi gouttes). Enfin chez une malade affectee d ente rorrhagie grave prohahlement supplr- mentaire, vomissant tout ce qu elle pa-nail et dans un ctat de collapsus inquietant, Ringland produisit une veritable resurrection avec la creosote associee au cognac; on en donnait 4 gouttes toutes les deux heures. Des les premieres doses les vomissements cesserent et 1 hemorrhagie s arreta; on diminua la dose du medicament jusqu a 2 gouttes toutes les six heures ; le quatorzieme jour la malade etait entitlement retablie. A deux reprises difie- rentes dans les six mois qui suivirent, cette femme offrit les monies accidents qui-furent conjures aussi heureusement par le meme moyen. La creosote a joui d une assez grande reputation comme antic metique. Le medecin anglais Elliotson revendiquela priorite de cette application (Med.- Chintrg. Trans., vol. XIX), et il considere qu elle peut rendre de grands services contre le symptome vomissement en general ; a la condition toulefois, je pense, qu il ne soit pas symptomatique d une affection maligne de 1 estomac oud nne maladie organique du coeur ei des reins (Martin-Solon). C est ainsi qu on a vu quelquefois la creosote faire cesser les vomissements hysieriques, les vomissements de la grossesse, de la phthisic, et du cholera. Ces derniers, rapporle M. C. Weber (Allgem. med. Centr.-Zeitimg, 1854), sont arretes net au debut du cholera par une ou deux gouttes de creosote don- nees toutes les deux heures. Tous ces faits, a 1 exception toutefois de ceux re- latil s a la phthisie aujourd hui generalement admis, auraient besoin d etre veri fies a nouvean. Pour enrayer les vomissements de la grossesse, le docteur Pitschafft preconise les pilules creosotees dont voici la formule : Creosote 15 centigrammes. Poudre de jusquiame inc Eau distillee J U- t>. pour 9 pilules de 0,10, nrgentees. Trois par jour : le matin, a midi et le soir. HO CREOSOTE (EMPLOI MEDICAL). Le moyen est assez inoffensif et pent etre essaye, prudcmment, par le praticien a bout de ressources centre cet accident penible. MALADIES INFECTIEUSES ET VIRULENTES. Dans ces grands groupes, deux especes morbides ont ete surtout 1 objet de recherches therapeutiques an point de vue de la valeur curative de la creosote, la fievre typhoide et le charbon. a. Fievre typhoide. Pecholier, de Montpellier, ale premier preconise 1 agent antiseptique que nous etudions, pour combattre cette maladie infectieuse. Ses premieres tentatives remontent a 1868, et depuis cette epoque les succes les plus evidents et les plus constants sont venus encourager ses efforts. Yoici 1 origine de ses essais : Profilant, dit-il, des travaux de M. Bechamp sur les effets de la creosote et de 1 acide phenique contrc le developpement des ferments organises, nous nous sommes dit que si la creosote et 1 acide phenique pou- vaient empecher 1 apparition ou la multiplication des ferments typho ides, ils deviendraient un puissant remede centre la dothienenterie. Considerant done celle-ci comme une fermentation et la creosote comme un antizymasique ener- gique, il pouvait rationnellement croire qu en opposant 1 anti-ferment au ferment 1 avantage resterait peut-etre au premier dans la lutte. Le raisonnement e tait bon, mais il cst passible d une objection grave, a savoir que le ferment echappe necessairement par ses elements multiples aux doses faibles du fermen- ticide que la plus vulgaire prudence commande d administrer aux patients. Cette objection M. Pecholier 1 a prevue et il y repond en disant qu il ne s agit pas pour lui de tuer le ferment, mais de s opposer a son apparition ou a sa prolife ration. Quoi qu il en soit de cette theorie, elle a conduit 1 auteur a une application heureuse de la creosote, puisque depuis qu il I admmistre aux typhoisants, et le nombre de ses observations depasse 150, il 1 a toujours trouvee des plus efficaces. Generalement il se borne a faire prendre a ses malades la potion que voici. Creosote in a v gouttes. Essence de citron in Potion gommeuse . . . 120 grammes. par cuilleree a soupe loute les deux heures. II donne encore chaque jour un lavement avec 5 a 5 gouttes de creosote et fait repandre ce liquide dans la chambre du malade. Le traitement doit commencer des qu on soupconne 1 inva- sion possible de la maladie et ne cesser qu a la defervescence. Cette medication antizymasique se concilie tres-bien avec le traitement hydro- therapique, quand celui-ci est indique par une hyperthermie considerable. Le docteur Morache experimentant la melhode de Pecholier a vu se confirmer sous ses yeux sa grande valeur therapeutique. Dans un travail presente en 1870 a 1 Academic des sciences, il indique les conclusions que nous allons resumer, tout a fait en faveur du medicament. Considerant que la fievre typhoide resulte de 1 introduction d un virus dans I organisme, dont le mode d actionest sans doute 1 evolution d un ferment , notre confrere est aussi d avis que la creosote agit sur cette fermentation pour la modifier ou 1 annuler. Toujours est-il qu elle diminue rintensite de la fievre et la dutee de la periode febrile, en meme temps qu elle attenue les symptomes locaux et generaux. L annee precedente, Gaube declarait devant l Academie des sciences egalement qu il avait vu la creosote guerir onze fois sur douze la fievre typhoide et sup- CREOSOTE (EMPLOI MEDICAL). 1H primer completement la convalescence. Cetle statistique n est pas precise ment remarquable; mais, comme on 1 a dit, les observations valent moins par le nombre que par la maniere dont on les apprecie. En somme, la methode therapeutique de Pecholier a donne entre les mains de ceux qui 1 ont bien appliquee de bons resultats ; aussi bien faut-il la prendre en serieuse consideration. b. Charbon. L administration de la creosote dans cette maladie virulente me semble parfaitement rationnelle, et je m etonne que ce mode de traitement ait ete neglige generalement. Yoici cependant une observation importante d Eulenberg (Pr. Ver.-Zeitung 1851), qui autorise de nouvelles tentatives thcrapeutiques, ainsi qu on va voir. Un individu contracta unc pustule char- bonneuse au-dessus du poignet. Peu de temps apres 1 apparition de cette pustule la main, 1 avant-bras et le bras gonflerent et se couvrirent de phlyctenes et de plaques de spbacele. Une cauterisation avec la potasse et le fer rouge, des inci sions longues et multiples sur le membre, 1 usage des toniques a 1 inte rieur restaient sans resultat. On cut 1 idee de donner a prendre de la creosote et de panser les plaies avec de 1 eau creosotee. Le succes fut rapide et complet a partir de cette substitution. Les excellents resultats qu a souvent donnes 1 acide phenique dans le traite ment de la pustule maligne, nous autorisent a supposer que la creosote, son succedane, aussi puissante centre les microzoaires, ne lui sera pas inferieure sous le rapport de I efficacite therapeutique. Je pense avec Morache que ce medicament pourrait etre essaye encore coutrc d autres maladies virulentes, la variole particulierement. Dans un cas de farcin chronique, Elliotson a vu son malade manifestement soulage par 1 usage a 1 interieur et a 1 exterieur des solutions creosolees. MALADIES DE L APPAREIL RESPIRATOIRE. a. Phthisie pulmonaire. La creosote fut, peu de temps apres sa decouverte, employee a titre de styptique contre les hemoptysies de la tuberculose pulmonaire. Reichenbach constata le premier les excellents eflets de ce medicament dans la phthisic pulmonaire, non-seulement pour arreter les crachements de sang, mais aussi pour combatlre leur cause, Inflection pulmonaire elle-meme. Dans son memoire de 1855, il rapportait deux cas de gue rison de tuberculose par 1 usage interne de sa creosote. Ces faits, comme bien on pense, eurent dans toute 1 Europe un grand retentissement et sur la foi des assertions produites par le chimiste allemand on essaya partout le remede qui venait de lui reussir si bien contre une maladie reputee incurable. II avait donne la creosote en nature, sur du Sucre, a ses malades ; mais il indiquait que les inhalations cre osotees allant droit au mal e taient prefe rables a Tingestion stomacale du medicament, c est pourquoi il conseilla ces inhalations aux medecins qui voudraient imiter sa pratique. Quelques-uns suivirent ce conseil, d autres se bornerent a donner des potions creosotees. Les resultats de cette experimentation furent tres-variables. Onpublia des observations favorables en assez grand nombre, mais en plus grand nombre encore des insucces. Parmi les premieres, je me borne a citer celles de Granjean (1854) et de Verbeeck (1852). Ces deux medecins, sans attribuer a la creosote une vertu curative dans la phthisie pulmonaire avancee, admirent son excellente influence sur la maladie et lui rapporterent la grande amelioration qu ils constaterent chez leurs malades. Cinq phthisiques au troisieme degre auxquels Verbeeck fit prendre pour tout traitement quelques gouttes de creosote par jour, furent tres- CREOSOTE (EMPLOI MEDICAL). ameliorcs par ce medicament; la toux se calma, 1 cxpecloration se modifia et diminua, puis 1 etat general devint meilleur. Tous succomberent plus lard ; mais, suivant le medecin beige, leur existence fut evidemment prolonged. Je reproduis la formule qu il recommande : Decoction de mousse Caraghaen 500 grammes. Creosole n a vi gouttes. Sirop de pavot 24 grammes. A prendre par cuillerees a soupe toutcs les deux heures. Parmi les autres partisans du traitement de Reichenbach je cilerai encore Miguel, en France (1854), et Rampold en Angleterre (1857). Ce dernier pensait avec raison que la creosote a ses indications et contre- indications dans la phthisic pulmonaire. Tandis qu il la croyait inutile ou dangereuse quand il existe de la toux seche, un etat d erethisme ou d inflammation ct de 1 hemoptysie active, il pensait au contraire qu il faut la prescrire quand on est en presence d un ramollisse- ment tuberculeux, sans etat inflammatoire, et que 1 atonie et la dissolution prcdomment. J arrive aux opposants. Parmi les plus ardents, je citerai surtout Martin-Solon et Koehler. Le premier essaya, peu de temps apres Reichenbach, chcz un assez grand nombre dc phthisiques au troisieme degre les inhalations, tantot en se servant d un appareil de Woulf charge d eau creosotee, tantot en faisant repandre dans la chambre des malades cette meme eau : creosote, 20 a 60 gouttes ; eau 240 grammes. Chez cinq malades qui firent des inhalations avec 1 appareil de Woulf, 1 honorable medecin de Beaujon n obtint aucun resultat encouragearit. Chez treize autres mis dans une chambre saturee de vapeurs creosotees, dans un seul cas le remede parut modifier favorablement la marche de la maladie, mais la remission fut de courte duree. Les treize malades mou- rurent. On conceit qu en presence d insucces aussi flagrants, Martin-Solon ait pu dire que la creosote n etait bonne tout au plus qu a conserver les pieces anatomiques. Koehler, de Berlin, va plus loin. Pour lui, la creosote est non-seulement inutile, mais encore dangereuse dans le traitement de la phthisic pulmonaire. Elle est febrigene ; elle augmente la tendance a 1 hemoptysie, trouble les fonc- tions digestives, produit parfois des vomissements opiniatres et des sueurs colliquatives, diminue les forces au point que des malades, pendant son usage, furent pris d un affaiblissement excessif et moururent subitement. L auteur n a pas vu chez les sujets qu il a traites, au nombre de douze, le plus petit effet curatil ou meme palliatif de ce medicament. Et, dans un cas de phthisic laryngee, 1 usage de la creosote lui parut activerles progres de la maladie. Ala meme epoque (1855), Petrequin, de Lyon, experimentant comparative- ment 1 eau de goudron et la creosote dans le traitement du catarrhfe pulmonaire et de la phihisie a divers degres, concluait que la premiere 1 emporte de beau- sur la seconde sous le rapport de l efficaci(e th&apeutique. Si, a la verile , la creosote facilile 1 expectoration, diminue quelquefois la toux et 1 oppression, avec moins d evidence cependant que 1 eau du goudron, son usage entraine de graves inconvenients. Elle favorisc I liemoplysie, determine de 1 ardeur du cote CREOSOTE (EMPLOI MEDICAL). 115 des voies digestives, donne des bonffees de chaleur a la face, fait vomir, inspire du degout et aggrave 1 etat general. A partir de 1836, la creosote ainsi condamnee allait pendant longtemps et presque partout rester sous le coup du jugement grave que nous venons de voir prononce par Martin-Solon, Koehler et Petrequin, medecins et jnges des plus autorises. En 1877, cependant, Gimbert et Bouchard entreprirent la revision de ce jugeraent deja infirme manifestemeiit par les observations de Verbeecken 1852. Ils reconnurent bientot que si la sentence avail ete produite de bonne foi elle ne laissait pas que d etre absolument inique parce que les experiences defavorables avaient ele mal faites. Par exemple, les inhalations de creosote sont absolument illusoires, pour cette raison que 1 hydrocarbure n est que difficilement volatil, meme a 100 degres. Done les malades de Martin-Solon, soumis a ces inhalations, n absorbaient pas de creosote. D autre part, beaucoup de praticiens se sont bornes a donner le medi cament qitelques jours seulement et a des doses beaucoup trop faibles : deux ou trois gouttes constituent evidemment une dose tout a fait insignifiante. Enfin on a souvent fait, prendre une creosote impure, mal preparee ; ou bien etait-elle pure, on la prescrivait pcu diluee, partant sous une forme capable d irri- ter les voies digestives. Evidemment, dans de pareilles conditions, I experimenla- tion ne pouvait donner que des resultats mauvais, et il n y a plus lieu de s e- tonner du silence profond qui s etait fait autour du medicament de Reichenbach, accuse d etre plus nuisible qu utile, a ce point qu on ne croyait plus devoir le preparer. On vendait, en effet, sous le nom de creosote, au moment ou Gimbert et Bouchard entreprirent Jeurs experiences, un liquide renfermant surtout de 1 acide phenique ; la veritable creosote de Reichenbach n existait plus dans le commerce. Nous allons voir qu avec un produit pur bien administre, les meilleurs resultals therapeutiques ont ete obtenus dans le traitement de la phthisie pulmonaire. Sur 93 malades traites a Paris et a Cannes, appartenant aux conditions sociales les plus diverses, phthisiques a tousles degres, on compta 25 guerisons apparentes, 29 ameliorations, 18 insucces et 21 morts. Par guerison apparente les auteurs entendent dire : disparition de la toux et de 1 expectoration, cessation de la fievre et de la consomption, retour dc 1 em- bonpoint, suppression des rales bullaires, signes physiques faisant place a 1 etat normal ou a 1 induration cicatricielle. L amelioration s est traduite pour eux par le retour de 1 embonpoint, la suppression de la consomption, la diminution de la toux et de 1 expectoration, la diminution ou lemaintien dans le slatuquo des signes physiques. Au premier degre tous les phthisiques ont beneficie du traitement; au deuxieme, la moitie s en sont bien trouves ; au troisieme, le tiers a ete ameliore. Enfin, aucun phtliisique au premier degre n est mort; aucun de ceux qui etaient au troisieme degre n a gueri. \ oici maintenant la succession des effets therapeutiques observes : Au bout de huit a quinze jours, avec des doses quotidiennes variant de 0,40 a 0,GO centigrammes, 1 expectoration diminue, la toux devient moins frequente, 1 appetit renait ou augmente, les vomissements cessent, la fievre disparait, les forces se relevent, les sueurs nocturnes se suppriment, la consomption s arrete DICT. ENC. XXIII. 8 114 CREOSOTE (EMPLOI MEDICAL). c est-a-dirc quc 1 amaigrissement est moins sensible, Fembonpoint revient, et parfois meme on voit un engraissement veritable. Puis, a 1 auscultation, les rale& se montrent moins nombreux, et Ton constate des signes d induration ou de condensation dti tissu pulmonaire. Assez rarement la maladie fait un relour offensif, mais alors elle cede facile- ment si Ton maintient le traitement. L interpretation du mode d action de la creosote dans la phthisie pulmonaire est la suivante, d apres Gimbert et Bouchard. Le medicament n agit que sur la se cretion bronchique, qu il diminue ou tarit et modifie singuliereraent. Secon- dairement il fait disparaitre la toux; puis, en ameliorant 1 etat local, il agit par contre-coup sur 1 etat general. La creosote a sur le poumon et les bronches une action topique, analogue a celle qu elle peut produire sur une plaie, et c est grace a cette action que les malades voient leur situation devenir meilleure. Elle ne modiiie d aucune fagon la nutrition, car chez 1 homme sain, une dose jour- naliere de 0,40 n a pas eu la moindre influence sur la temperature, le pouls, la respiration, la quantite d urine, la densite ou la composition de cette humeur. Quelles sont les limites de 1 emploi theVapeutique de la creosote dans la tuberculose pulmonaire? A cette question Bouchard et Gimbert font la re ponse nette que voici : Nous voyons 1 indication partout et la centre-indication nulle part. Le medicament est applicable a tous les degres de la tuberculose, dans toutes ses formes, sauf la phthisie aigue. Deux circonstances seules peuvent faire renoncer a son administration : 1 intolerance de 1 estomac, 1 aggravation de la toux et de la dyspnee. Le docteur Ilugues (1877), chez vingt-sept malades soumisa son observation, offrant tous les degres de la phthisic pulmonaire, a vu egalement la creosote reussir dans des limites que nous venous de voir assigner a ses succes par Gimbert et Bouchard. L amelioration a ete en raison inverse des lesions : considerable au premier et au deuxieme degre, elle a ete faible ou nulle au troisieme. Les effets iherapeutiques se sont presentes a cet observateur dans 1 ordre que nous^ connaissons. Je puis encore ajouter d autres temoignages non moins probants a ceux qui precedent. Dans sa these inaugurale egalement (1878), H. Bravet etudiant les Effets de la creosote dans le traitement de la phthisie pulmonaire conclut que cette substance rend d eminents services aux phthisiques. Chez 19 de ces malades qu il a pu traiter a 1 hopital Saint-Antoine, service du professeur Brouardel, par les preparations creosotees, souvent les resultats ont ete tres- satisfaisants. A coup sur cependant, le terrain n etait ici rien moins que favorable puisqu il s agissait de tuberculeux au deuxieme et au troisieme degre places dans un milieu hospitalier, si desastreux d ordinaire pour ces pauvres gens. Quelques fails interessants ressortent plus particulierement de cette etude, utiles a faire connaitre. D une facon constante, les sueurs nocturnes ont diminue, puis disparu chez tous les sujets, ce que 1 auteur attribue a 1 effet diuretique de la creosote. Frequemment, la proportion relative des globules blancs par rapport aux globules rouges du sang a diminue sensiblement. Enfin, chez les phthisiques dont 1 etat s est ameliore, le chiffre de 1 uree dans 1 urine s est eleve notable- ment. Suivant Bravet, la creosote conviendrait surtout aux malades dont la tuber- CREOSOTE (EMPLOI MEDICAL). M5 culose est asthenique et Icnte ; en revanche, elle serait nuisible dans les formes aigue s, hyperemiques et congestives de cette affection. Cette meme annee 1878, le docteur Cadier a vu chez des malades de la ville affectes delaryngite tiiberculeuse, la creosote agir a merveille. Dans 16 cas oil les lesions laryngeeset pulmonaires etaient assez avancees, 1 usage dece medica ment, a rinterieur, a la dose quotidienne de 0,40 a 0,50, les attouchements du larynx avec la glycerine creosotee, ont le plus souvent modifie tres-avantageuse- ment 1 etat local comme 1 etat general. Les ulcerations du larynx disparurent surtout facilement et vite; toutefois, 1 aspect serratique des cordes vocales, I ffideme des aryteno ides, des bandes ventriculaires ou des cordes vocales supe- rieures fut plus tenace. 10 malades augmenterent de poids, dans la proportion de 1 kilogramme a 3 kil., 500 gram. La formule de glycerine creosotee recommandee par Cadier est la suivante : Glycerine 60 grammes. Alcool -10 Creosote pure 1 En presence de ces resultats satisfaisants, eu egard encore a quelques fails favorables a la creosote que j ai observe s moi-meme, je n he site pas a dire que cet agent tient un des premiers rangs parmi nos moyens medicamenteux appli- cables au traitement de la pbthisie pulmonaire. Les preparations auxquelles Gimbert et Boucbard ont donne la preference, et repondanta cette double indication : dissolution et dilution, formelle toutes les fois qu il s agit d administrer la creosote, sont le vin creosote et la solution de creosote dans 1 huile de foie de morue : VIN CREOSOTE Creosote pure du goudron de bois 135 ,50 Teinture de gentiane 30 grammes. Alcool de Montpellier 250 Vin de Malaga Q. S. pour i litre. SOLUTION HUfltEUSE Huile de foie de morue 150 grammes. Creosote pure, de 1 a 2 Une a quatre cuillerees dans les 2-i heures. Le vin s administre a la dose de 2 a 4 cuillerees a soupe dans les vingt-quatre heures, chaque cuilleree dans un verre cTeau. Quelques praticiens font prendre ce vin dans de 1 eau edulcoree avec du sirop de groseille au moment des repas ; il est ainsi mieux tolere. D autres adminis- trent la solution huileuse en capsules. b. Catarrhe bronchique. Tons les medecins qui ont prescrit la creosote aux phthisiques, en suivant a la lettre le mode d administration que nous venons d indiquer, sont unanimes a reconnaitre son efficacite pour diminuer 1 abondance de 1 expectoration et modifier sa nature. G est vraisemblablement en s eliminant pnrles voies respiratoires, c est-a-dire topiquement qu elle agit, a la maniere des balsamiques. On peut done penser que dans les catarrhes bronchiques cbroniques ou subaigus, avec bi oncborrbee, elle donnera de bons resultats. On n a pas publie. que je sache, d observations speciales a 1 appui de cette maniere de voir; on s est borne le plus souvent a 1 enonce de ce fait, qu elle reussit dans le catarrhe bronchique. 116 CREOSOTE (EMPLOI MEDICAL). APPLICATIONS EMPIKIQUES. Je range sous ce litre la serie des etats morbides qu on a essaye de modifier on de faire disparaitre a 1 aide de la creosote donne e d une maniere purement arbitraire, c est-a-dire en dehors detouteidee theorique reposant sur ses proprietes physiologiques. C est empiriquemcnt, evidemment, qu on 1 a prescrite centre les nevralgies rhiimatismales, le diabete ou la polydipsie (Corneliani), la surdile (Curtis) et la chylurie (Ryan). Ces usages sont aujourd hui absolument oublies, et a bon droit. La creosote est, je pense, d une efficacite plus que douteuse dans les nevralgies, et si on 1 a vu parfois diminuer la soif des diabetiques, reduire la quantite de leur urine et la proportion du sucre de cette urine, on a to uj ours assiste a des modifica tions passageres de la glycosurie. Quant a la surdite traitee par ce medicament, c est celle que Curtis attribue a une diminution dans la quantite du fluide secrete par les glandes cerumineuses. La creosote, d apres le medecin anglais, ferait reparaitre la secretion du cerumen en excitant 1 activite des glandes qui le produisent. Pour obtenir ce resultat, apres avoir nettoye parfaitement le conduit auditif, on yintroduira matin etsoir quelques gouttes de la solution suivante : Creosote 30 grammes. Uuilcs d amandes douces 120 L action que Curtis attribue a la creosote sur les glandes cerumineuses n est rien moins que demonlree, et il n est pas plus prouve que ce medicament ait pu rendre 1 ouie aux sourds. POSOLOGIE. La creosote destineeaux usages medicaux doit etre d une purete absolue. Une preparation defectueuse, dit Pveichenbach, peut laisser dans ce liquide un corps doue de proprietes emetiques effrayantes puisqu il suffit d en toucher le bout de la langue pour provoquer des vomissements avec collapsus grave. Je n ai pas a indiquer ici les caractercs chimiques qui permettent de recon- naitre cette purete (V. Bull, de therap., 50 octobre 1877); mais j insistesur la necessite absolue de cette condition pour toutes les applications medicales de la creosote. Aujourd hui, d ailleurs, le commerce la fournit le plus souvent de bonne qualite. Quand on present la creosote a 1 interieur, et je re pete que c est exclusive ment celle de goudron de bois et particulierement de goudron de hetre qui est la sorte officinale, dirais-je volontiers, il est egalement indispensable de la faire dissoudre dans un vehicule approprie et de la donner a prendre en dilution etendue, si 1 on veut qu elle soil bien toleree et n irrite pas les voies di*es- tives. Aussi bien la plupart des formules de pilules ou de potions cre osotees sont elles defectueuses. Je rappelle pour memoire quelques-unes de ces formules, sans les recommander Je moins du monde. Pour les usages externes, on fait usage de 1 eau creosote e, de glycerine cre o- sotee, d alcoolat de creosote, de baume creosote, de gargarismes creosotes, de creosote solidifiee, de pommade creosotee : EAU CREOSOTEE r6osote 1 a 4 grammes. Eau 1000 CREOSOTE (EMPLOI MEDICAL). . Centre brulures, ulceres putridcs, syphilitiqties et cancereux : GLYCERINE CREOSOTEE (cUIBERl) Glycerine .................. 125 grammes. Creosote .................. xti gouttcs. Memes usages que 1 eau creosotee. ALCOOLAT DE CREOSOTE (BUCHXER) Alcool .................... GO grammes. Creosote ................... II peut servir a preparer 1 eau creosotee ou bien coinme caustique super- ficiel. BAUME CREOSOTE Alcoolat de melisse compose .......... 10 grammes. Huile d amandes doucos ............ 20 Fiel de bccuf ................. 4 Creosote ................... * gouttes.| Cette preparation est clonnee par Bouchardat sous le nom de Baume acou- stique. GARGARISMR CREOSOTE (ll. GREEN) Creosote .................. ixiv gouttes. Teinlure de Myrrho ............. 12 grammes. Teinture de lavande composee ......... 12 Sirop simple ................. 24 Eau do fontaine .............. . 150 Gontre 1 angine folliculaire localisee a la muqueuse pharyngienne et les inflammations chroniques de la gorge. CREOSOTE SOLIDIFIEG (STAN. MARTIN) Creosote. . . . . .......... ... 15 grammes. Collodion ................... 10 Le melange aurait la consistance d une gelee. 11 peut etre facilement intro- duit dans la cavite d une dent cariee pour 1 obturer ; il a 1 avantage de ne pas fuser sur la gencive. L auteur a sans doute voulu dire qu il fallait se servir de creosote pheniquee, oudugoudron de houille, car la creosote de bois se distingue dc 1 acide phenique pre cisemeut en ne se solidifiant pas avec le collodion. POMMADE CREOSOTEE Creosote ................. Ia4 grammes. Axouge .................. 30 Contre les dartres, les ulceres, etc. Pour les usages a I interieur, on evitera autant que possible de prescrire les poudres et les pilules creosotees. Les doses quotidiennes sont de 0,40 a 0,80 pour un adulte ; de 0,05 a 0,40 centigrammes pour un enfant, suivant i age. L eau et le vin creosotes constituent de bonnes preparations auxquelles on aura le plus liabituellement recours; plus rarement on ordonnera les potions. vm CREOSOTE (FOUR.MER) Creosote ................. 6 grammes. Alcool de Montpellicr ........... - 125 Sirop de sucre ............... 400 Vin de Malaga ............... (J. S. pour faire 1 litre. CREOSOTE (EMPLOI MEDICAL). SIROP CREOSOTE (MAYEl) Creosote 5 grammes. Alcool a 80 125 Sp. de vin de quinquina au Malaga 575 POTION CREOSOTEE (EBEKs) Creosote n a iv gouttes. Mucilage dc gomme 50 grammes. Emulsion dc pavot blanc 150 Sucre 4 Une cuilleree a soupe toutes les deux heures dans la bronchite ou la phtliisie. PILULES DE CREOSOTE (pITSCHAFFl) Creosote v gouttes. Cigue 20 centigrammes. Magnesie et mucilage Q. S. En Irois pilules. A prendre contrc les vomissements de la grossesse. L eau de Binelli (Aqua arterialis balsamica Doct. Binelli), composee a Turin vers 1797 et qui jouissait d une grande vogue au commencement de ce siecle comme eau hemostatique, elait a base de creosote selon toute vraisemblance (Sweigger-Seidel). Les inhalations de creosote n ont aucune valeur a cause du faible degre de volatilite de ce liquide, aussi ne parlerai-je pas des divers precedes proposes, tous sans importance. Antidotes. Contre-poisons. Dans un cas d empoisonnement par la creosote, quclle serait la conduite a tenir? Avant tout et si Ton soupconnait la presence possible du poison dans 1 estomac, il faudrait recourir a un vomilif ou a la pompe stomacale pour debarrasser 1 organe. On pourrait encore faire ingerer de 1 eau albumineuse qui invisquerait le liquide toxique et 1 empe cherait de mani- fester son action irritante sur lamuqueuse gastro-intestinale. Les contre-poisons chimiques n existent pas et d ailleurs, a supposer qu on les connaisse, seraient- ils bien applicables? Quant aux antidotes ils sont egalemeut inconnus. On se bornera a combattre le collapsus par les stimulants generaux ; puis on traitera par des moyens appro- pries 1 irritation gastro-intestinale, consequence obligee du passage de lacre osote a travers les voies digestives. EBNEST LABBEE. BIBLIOGRAPHIE. REICHENBACH. J. fur Chem. u. Phys. von Sweigger, 1. LXVI et LXVII, 1832 Do MEME. (Memoire de -- traduit par Yallet). In J. de pharm. et de chimie, t. XIX, et Archiv. gen. de med., 2 e ser,, t. III. Bull, de mfrap., t. V, 1833. KUNCKEL. Bull, de the- rapeuiiqiw, t. V, 1833. SEMMOLA. De la creosote, de I aconit napel et de I" eau hcmosla- tique (en italien), 1833. MIGUET. These doct. en med. 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Les akenes sont mar ques de cotes longitudinales, au nombre de six a trente ; ils sont attenues au sommet, termines en bee et munis d une aigrette blanche, a soies, capillaires. e sont des plantes herbacees, laiteuses, a lleurs jaunes ou purpurines a la face extern e. Les especes qui out quelque interet sont : le Crepis fcetida L., plante indi gene, croissant abondamment dans les lieux steriles et sablonneux, dont les akenes de la circonference out le bee inoins allonge que ceux du centre : elle poiie sur son involucre des poils glanduliferes secretant des globules resineux, qui lui donnent une odeur forte et desagreable. : sa suveur est mauvaise. Malgre ces proprietes, qui semblent indiquer une certaine activite dans cette plante , elle est inusilee. Le Crepis placera Tenore, qui vient dans la Sicile et 1 Italie meridionale, serait, d apres Tenore, une espece dangereuse; mais lefait n est point suffisam- ment etabli. Enfin le Crepis sibirica qui, ainsi que son nom 1 indique, vient dans certains points de la Sibe rie, donne au printemps des tiges laiteuses que, d apres Pallas, mangent les Baskirs. Le nom de cette plante est Chakoe dans son pays d ori- PL. BIBLIOGRAPHIE. LINNEE. Genera. Species. DE CANIIOLLE. Prodrom. ENDLICHER. Genera. PALLAS. Voyage, II, 28. MERAT etDE LENS. Dictionnaire de matiere medicale, II, 483, et VII, 220. GUSSONE. Flora Sicula et Journal des Dcux-Siciles , 1828. PL. CREPITANT et SOUS-CREPITANT (Rale). I. Le RALE CREPITANT, aillSl appele par Laennec, donne a 1 oreille la sensation d une crepitation fine et rapide, eclatant par bouffees composees de petites bulles seches, egales entre elles, tres-nombreuses et per^ues exclusivement pendant 1 inspiration. Le rale 120 CREPITANT. erepitant, appele aussi rale ve siculaire par Andral et par Skoda, parce qu il parait sieger dans les vesicules pulmonaires, a ete compare par Laennec qui 1 a decouvert, au bruit que produit du sel que 1 oa fait decre piter a une chaleur douce dans une bassine, a celui que donne une vessie seehe qu on iusuffle ou un poumon sain et gonfle d air qu on presse entre les doigts. Ou 1 a compare encore, et avec plus de justesse, a la crepitation fine et seche que produit une meche de cheveux que Ton froisse au devant de la conque de 1 oreille. Du reste pour se faire une idee du rale crepitant, il faut 1 avoir entendu et des lors on ue 1 oublie plus. Le rale crepitant , nous 1 avons dit , s entend exclusivement pendant 1 inspiration. Quelquefois, il est percu pendant les deux ou trois premieres inspirations et il disparait ensuite ; souvent on ne 1 entend qu apres les fortes secousses de toux. Lenombre de ses bulles generalement ires-considerable est, dans certains cas, notablement reduit. Son caractere dominant est depersis- ter apres la toux et meme apres 1 expectoration. II siege generalement dans un seul cote et le plus souvent a la partie posterieure et inferieure de la poitrine. Le rale crepitant s observe surtout dans la pneumonie au premier degre (splenisation). Son apparition est precedee parfois pendant quelques jours soil d une diminution du bruit respiratoire (Grisolle), soit d une respiration puerile (Stokes). II disparait generalement lorsque la pneumonie passe du premier au deuxieme degre (hepatisation). 11 fait place alors an souffle tubaire et en se melant a ce dernier phenomene, il donne naissance parfois a cette varie te de bruit que Grisolle a appele bruit de taffetas dechire, qui ne s entend qu a 1 in- spiration ct qui parait se rattacher a une induration limitee de la surface pul- monaire. L apparition du souffle broncbique n exclue pas la persistance du rale crepitant dans certains points du poumon non encore atteints par 1 hepatisation. Lorsque s opere la resolution de la pneumonie, lorsque Fair penetre de nouveau dans les vesicules pulmonaires, leur permeabilite renaissante s annonce par 1 apparition d un rale a bulles moins fines et plus bumides que La en nee a appele rale crepitant de retour. Mele d abord au souffle bronchique, ce rale ss montre ensuite seul a 1 inspiration et a 1 expiration, puis il devient plus gros, n est plus percu qu a 1 expiralion et revet finalement les caracteres du rale muqueux ou sous-crepitant. D apres Graves le rale de retour serait produit par une secretion qui se fait a 1 interieur des vesicules et des petites bronches. Aussi ce rale ferait-il defaut dans les pneumonies qui ne s accompagnent pas d expectoratiou. On n observe pas toujours le rale crepitant avec les caracteres que nous lui avons assignes en le definissant. Parfois, il est compose de bulles moins nom- breuses, plus inegales entre elles, plus humides et plus volumineuses qui le font ressembler au rale sous-crepitant. II en est ainsi dans la pneumonie catar- rhale ou une crepitation plus humide, fugace et mobile, temoigne du peu de profondeur et du peu de tenacite de la lesion ; il en est de meme encore dans la pneumonie typhoide, dans la pneumonie des enfants et dans celle de beau- coup de vieillards. D apres Ilourmann et Decbambre, le gros volume des bulles tient chez les vieillards a 1 agrandissement des vesicules pulmonaires par suite de 1 absorption du tissu intervesiculaire. Durand-Fardel dit avoir constate un rale crepitant veritable dans la moitie des pneumonies des vieillards. D un autre cote, Earth ct Roger ont trouve parfois chez les enfants des bulles de rales crepitants d une finesse extreme qu ils attribuent a la petitesse des cellules pulmonaires chez les sujets peu ages; mais ce u est la qu une exception a la CKEPITANT. re^le generale el le rale crepitant vrai, s il pent exister dans la pneumonic de la seconde enfance, ne s entcnd du moins jamais dans celle des enfants a la mamelle (Bouchut). Le rale crepitant a bulles plus grosses el plus humidos qu on observe chez ces derniers parait sieger plutot dans les petites bronches que dans les vesicules pulmonaires. Le rale crepitant facile a distinguer du rale sous-crepitant moyen, don I il sera question plus loin, ne pourrait etre confondu qu avec Ic rale sous-crepi tant fin de la bronchite capillaire lequel parait se former a la fois dans les radi- cules bronchiqucs et dans les cellules pulmonaires ; mais ce dernier rale occupe les deux temps de la respiration et les deux bases de la poitriue et n est ni suivi ni accompagne de souffle bronchique. Certains frottements pleuretiques composes de pelits craquements successifs et plus ou moins egaux entre eux, simulent quelquelbis Ic rile crepitant de la pneu- monie, mais ils s en distinguent par la finesse et 1 egalite moindres des bulles, par leur coincidence avec les deux temps de la respiration, par leur rudesse et leur transformation rapide en un veritable bruit de frottement pleural. Cette crepitation qui a e te etudiee avec soin par Damoiseau et quo cot autcur regarde comme d origine constamment pleuretique, peut cependant etre parfois un ve ritable rale crepitant du a un engouement pulmonaire dc voisinagc, drier- mine par rinflammation de la plevre. Cette lluxion du poumon, comme 1 ap- pelle Trousseau, donne naissance a une crepitation fine et seche symptoma- tiquc d une exsudation sero-muqucuse des vesicules pulmonaires, exsudation qui debute avec la pleuresie et peut survivre a la resorption de I epanchement. Le rale crepitant peut encore prendre naissance, lorsque le poumon vient a subir une expansion subite et a se congestionner, apres avoir ete comprime par un epanchement pleuretique qui s est resorbe rapidement ou qui a ete evacue par la thoracentese. Dans ces cas,le rale crepitant est generalement mele a des bruits de frottement dont 1 oreille a souvent peine a le distinguer. Par quel mecanisme se produit le rale crepitant? L ampleur plus ou moins marquee des vesicules pulmonaires ne saurait etre regardee comme la cause unique de la forme et du volume presentes par le rale crepitant, car si cbez le vieillarcl la grosseur des bulles est en rapport avec le volume plus grand des vesicules, il n en est plus de meme dans 1 enfance ou la veritable crepitation est rare, malgre la disposition tout a fait inverse des alveoles. La crepitation pneumonique ne peut s expliquer non plus par la nature des liquides epanches dans les vesicules pulmonaires. D une serie d experiences faites sur des liquides plus ou moins denses traverses par des bulles d air, Rob. Spittal avail conclu que les fluides sereux etaient les seuls dont les bulles don- nent a 1 oreille la sensation du rale crepitant de la pneumonic ; mais c est la une erreur, car la clinique demontre que c est dans le premier degre de la pneumonie, alors que les crachats presentent le plus de viscosite et de tenacite que la crepitation est la plus fine et la plus seche, tandis qu elle perd cescarac- teres au moment de la resolution, lorsque les liquides redeviennent fluides et parfois sereux (Grisolle). Le rale crepitant est-il du au passage de 1 air a travers les mucosites con- tenues dans les cellules pulmonaires, comme 1 a enseigne Laennec et comme on 1 a generalement admis apres lui? Nous ne le pensons pas. En effet, si dans les grosses bronches et dans les cavernes pulmonaires il se forme des bulles qu . eclatent avec bruit aux deux temps de la respiration par le passage du courant 122 CREPITANT. acrien, il n en est plus de meme dans les bronchioles fines et dans les vesicules pulmonaires. Ici le courant d air n estplus assez intense et 1 espace qu il tra verse est trop etroit pour que les liquides y puissent etre souleves sous forme de bulles (Guttmann). Les rales paraissent etre dans ce cas le resultat de 1 ecar- tement des parois vesiculaires qui se separent bruyamment pendant 1 inspi- rationpour livrer passage a 1 air. Cette condition n existe plus pendant 1 expi ration et c est pour cette raison que le rale crepitant fait defaul au second temps de 1 acte respiratoire. DejaBeau avail regarde le rale crepitant comme le resultat du deplissement et du froissement des vesicules pulmonaires dessechees par 1 inflammation commengante et il avail montre que 1 insufflation d un poumon de mouton un peu desseche y produisait un bruit analogue au rale crepitant sec. Wintrich en determinant le meme bruit par 1 insufflation, sur le cadavre humain, des alveoles pulmonaires simplement affaissees et accolees apres la mort, a demontre que la secheres^e inflammatoire des vesicules pulmonaires n est pas necessaire pour que le rale crepitanl prenne naissance. II resulte de tout cela que les rales nes dans les alveoles pulmonaires et meme dans les bron chioles les plus fines, ne dependent pas ne cessairement des liquides qui y sont contenus et peuvent meme se produire en 1 absence de tout liquide, pourvu que pour une cause quelconque, les parois des vesicules viennenl a s accoler pendant [ expiration. Dans la pneumonic I accolement des parois alveolaires pendant 1 expiration est du a 1 exsudat visqueux qui les tapisse et il esl rationnel de sup- poser que le rale crepitanl esl le resultat du decollcment brusque el bruyanl pendant [ inspiration des parois alveolaires agglutinees. On obtient du reste des bruits qui rappellent la crepitation pneumonique, en separant brusquement 1 une de 1 autre les faces palmaires visqueuses de deux doigls ou en detachant la langue appliquee centre le palais. Telle est la theorie presque generalement admise aujourd hui pour expliquer la production du rale crepitant et cette theorie est confirmee en quelque sorte cliniquement par la secheresse extreme du rale crepitanl, par son absence constanle pendant 1 expiration el sa naissance Ire- quente lors de la seconde moitie de [ inspiration, enfin par sa persistance apres les secousses de toux et meme apres [ expectoration. Le rale crepitant ne manque jamais ou presque jamais dans la pneumonie et lorsque cette affection, dit Grisolle, se revele par quelque signe stheloscopique, la crepitation en est le phenomene le plus constant. C est dans la pneumonie qu on trouve d ailleurs le rale crepitant avec ses caracteres les plus tranches, et si cerale se montre dans d autres affeclions du poumon, on ne 1 y rencontre que modifie ou mele a d autres bruits et revetant rarement cette finesse et cette secheresse typiques qu imite si bien le froissement d une meche de cheveux au devant do 1 oreille. Ainsi dans la congestion active du poumon, on retrouve parfois le rale cre pitant, mais avec des bulles generalement plus grosses et plus humides qui le rapprochent du rale sous-crepitanl. II en est de meme dans la congestion pid- monaire passive ou d ailleurs, il occupe les parties declives des deux poumons et se fait remarquer par sa persistance, sans etre suivi de souffle tubaire, a moins qu une veritable pneumonie ne survienne. Le rale crepitant de Ycedeme pulmonaire est rarement caracteristique. H ressemble le plus souvent au rale sous-crepitant par la grosseur, 1 inegalite et 1 humidite des bulles, parce que 1 exsudat se reux occupe a la fois les alveoles pulmonaires et les petites bronches ; il siege aux parties declives des deux pou- CREPITANT. 123 mons et coincide ordinairement avec une hydropisie generale . II n existe du reste qu a condition que 1 infiltration screuse ne soit pas bornce a la Irame celluleuse intra-vasculaire (Earth et Roger). Dans I apopkxiepulmonaire, le rale crepitant s observe rarement a 1 etat sec et fin, il siege dans un on plusieurs points circonscrits du poumon, est rarement suivi de souffle bronchique et coincide habituellement avec une maladie du coeur et avec des crachements de sang. Dans les affections que nous venons de passer en revue, la grosseur, I humi- dite et 1 inegalite des bulles du rale crepitant paraissent tenir a ce que les liquides s epanchent a la fois dans les vesicules pulmonaires et dans les petites bronches. De la un melange de rales crepitants et sous-crepitants. Toutefois, le rale crepitant se retrouve a 1 etat sec et fin dans la congestion sanguine et ; dans 1 hypersecretion des radicules bronchiques qui se developpe autour des tubercules crus (Voy. CRAQUEMEKTS). 11 siege alors le plus souvent an sommet des poumons, persists longtemps au meme degre et est accompagne et suivi de phenomenes tout particuliers qui ne permettent pas de les confondre avec le ui; rale crepitant de la pneumonic. En resume , la rarete du rale crepilant vrai dans la congestion, dans 1 cedemc et dans 1 apoplexie pulmonaires et sa frequence extreme dans la pneumonic pen <en font le signe pathognomonique de la periode d engouement do cette der- ;life: mere affection. ita II. RALE SOUS-CREPITANT. Ce rale a etc decrit aussi sous le nom de rale i resk muqueux (Laennec) et sous celui de rale bronchique hutnide. Le mot muqueiijc usqua a le tort de prejuger la nature du liquide qui donne naissance au rale bron- le lack chique, car le sang, le pus, la matiere tuberculeuse peuvent le produire aussi bien que le mucus. Ces denominations diverges ont jete une certaine obscu- ritc dans les descriptions que donnent du rale sous-crepitant la plupart des ra e ji iivres classiques ou Ton trouve ranges sous la rubrique de sous-crepitants des al j >;[ iii bruits parcourant toute la gamme comprise entre le rale fin de la pneu- monie et le gargouillement des cavernes. II cut etc plus rationnel, de substi- tuer au mot sous-crepitant le nom generique de rale bronchiqne hunritle, puis- qu aussi bien cette denomination, sans prejuger en rien la composition des liquides secretes, embrasse dans sa signification deux des caracteres les plus tranches des rales dits sous-crepitants, a savoir leur siege constant dans les bronches et 1 humidite non moins constante dc leurs bulles. Les differents rales confondus sous le nom de sous-crepitants presentent les caracteres communs que voici : ils rappellent le bruit qu on produit en souf- ilant avec un chalumeau dans 1 eau de savon, bruit d autant plus intense que le le liquide est plus abondant et la force d insufflation plus, grande ; ils sont tou- I jours humides et s entendent a la fois a 1 inspiration et a 1 expiration, ce qui I les distingue d emblee du rale crepitant ; leur intensite est en rapport direct ( avec la quantite de liquides contenus dans les voies aeriennes et avec la force des inspirations ; le volume de leurs bulles est en raison directe du calibre des bronches ou elles prennent naissance; ils disparaissent ou sont modifies par la toux et par 1 expectoration ; ils siegent de preference a la partie inferieure et poste rieure des deux cotes dc la poitrine ; ils coincident frequemment avec des I rales sibilants et ronflants. Enfin tous les rales sous-crepitants reconnaissent un seul et meme me canisme, une seule cause physique, le passage de 1 air a travers les liquides accumules dans les broncbes, tels que la serosite, le mucus, le pus, 124 CREPITANT. le sang, etc. Ces liquides agites pendant les deux temps de la respiration par 1 air qui les traverse, donnent naissance a des bulles dont le volume est en rap port avec 1 intensile du courant aerien et avec le calibre des bronches ou elles se forment. On peut du reste reproduire artificiellement les rales humides en insufflant des poumons dans lesquels on a injecte prealablement une certaiae quantite de liquide. Etant donnes tous ces caracteres communs aux divers rales sous-crepitants, il ne reste plus pour distinguer ces derniers les uns des autres que le volume plus ou moins marque de lours bulles et leur siege dans tel ou tel point du thorax. Nous admetlrons en consequence, pour la clarte de la description, trois types de rales sous-crepitants : 1 un rale sous-crepitant fin; 2 un rale sous- crepitant moyen ; 3 un gros rale sous-crepitant. Chemin faisant nous indique- rons la valeur semeiotique de chacun de ces rales et de leurs varietes. 1 Le rale sous-crepitant fin ou rale sous-crepitant proprement dit siege dans les dernieres radicules bronchiques a peine differentes, par leur calibre, des alveoles pulmonaires. C est pour cette raison que ce rale se rapproche du rale crepitant de la pncumonie par la petitesse, la finesse, le grand nombre de ses bulles et parfois par leur siege exclusif a 1 inspiration. II en differe cepen- dant par son apparition possible aux deux temps de la respiration, par 1 hu- midite plus marquee de ses bulles, par son extension habituelle aux deux cotes de la poitrine et par ce fait qu il n est ni accompagne ni suivi de souffle tubaire. G est dans la bronchite capillaire que ce rale sc montre le plus frequemment et avec ses caracteres typiques. 11 occupe alors les parties inferieures du thorax tant en avant qu en arriere, et se fait remarquer par sa continuite et par 1 abon- dance extreme de ses bulles, resultat de 1 encombrement des petites bronches par une quantite enorme de liquides. Dans une epidemic de catarrhe suffocant dont nous avons rapporte 1 histoire en 1866 (Recueil des mem. de me decine militaire), nous avons observe constamment un rale sous-crepitant fin a bulles egales, comcidant avec les deux temps de la respiration, occupant leplus souvent les parties posterieures du thorax et s accompagnant parfois d une expiration rauque elprolonge e qui siegeait au sommet des poumons et qui etait due sans doute au retrait lent et penible des fibres bronchiques distendues par 1 exces des liquides secretes. Des rales sibilants et ronflants s entendaient du reste constamment dans les parties superieures. En somme, le sous-crepitant fin caracterise surtout la bronchite capillaire. On le trouve aussi, il est vrai, mais avec beaucoup moins d abondance, dans la congestion tant active que passive des poumons. Dans la congestion passive il occupe plus specialement les parties declives du thorax. Le rale sous-crepitant de la congestion recounait sans doute pour cause une secretion sero-mucjueuse ou sero-sanguinolente des petites bronches et des vesicules. Le rale sous-crepitant fin accompague parfois mais non constamment Ycedeme pulmonaire (voir rale crepitant). A lui seul il ne saurait caracteriser IWeme et il n acquiert de valeur qu autant qu il persiste longtemps sans fievre et qu il coincide avec une hydropisie ou avec une affection du coaur generatrice de 1 cedeme pulmonaire. 2 Le rale sous-crepitant moyen est celui qu on a designe plus specialement sous le nom de rale muqueux. Ne dans les bronches de calibre moyen mais variable, il se fait remarquer par la grosseur moyenne et par 1 humidite de ses bulles en meme temps que par leur volume inegal et variable. Si le sous-crept- CUEPITANT. 125 tant fin n offre que peu ou point de nuances et ne caracterisc en definitive qu une seule affection, la bronchite capillaire, le sous-crepitant moyen est au contraire tres-variable quant a son siege, son intcnsite et son elendue et quant au nombre et an volume de ses bulles et il peut etre symptomatique dc plu- sieurs affections de nature differcnte. Le sous-crepitant moyen ou muqueux s observe surlout dans 1 inflammation catarrhale des broncbes de moyen calibre. II succede dans cette affection aux rales sonores et sees et il devient de plus en plus abondant a mesure que le catarrhe bronchique fait dcs progres. Fai un mot, il est le signe de la bronchite aigue arrivee a la periode de coction, et dormant lieu a une expectoration plus facile, muqueuse ou muco-purulente. Tantot ses bulles sont peu abondantcs, tres-inegales, plus ou moins disseminc es dans la parti e posterieure de la poi- trine ou elles n eclatent qu isolement et surtout apres les fortes secousses de toux ; tantot elles s accumulent en grand nombre a la base des poumons en s enchainant etroitement les unes aux aulres et en produisant un bruit presque conlinu, coincidant avec les deux temps de la respiration. Dans la broncbite generalisc e, elles se font entendre dans la partie anterieure de la poitrine et jusque sous les clavicules; mais c est toujours en arriere et en bas qu elles sont les plus abondantes, parce que dans cette region, les bronches plus nombreuses et plus longues se debarrassentplus difficilement de leur contenu et parce que les liquides tendent d ailleurs a s accumuler dans les parties les plus declives. Ainsi le sous-crepitant moyen, suivant que ses bulles sont peu nombreuses et disseminees oubien abondantes et accumulees aux parties basses de la poitrine, kl indique 1 existencc d un catarrhe partiel ou d un catarrhe generalise des bronches de moyen calibre. Dans la bronchite chroniqne, le rale muqueux presente les memes caracleres et c est par les symptomes locaux et generaux concomitants qu on reconnait la mil ehronicite du catarrhe. Le sous-crepitant moyen ne se rapporte pas toujours a un catarrhe bron- i chique simple et primitif. II peut elre aussi le symptome du catarrhe secondaire qui survient dans la plupart des affections du parenchyme pulmonaire. Dans le , catarrhe brncohique simple et primitif les rales sont toujours perceptibles dans ,,; une grande partie d un poumon ou des deux a la fois; leurs bulles sont inegales r et accompagnes de rales sees, sibilants ou ronflants, ainsi que d une inspiration vesiculaire rude avec fremissement bronchique caracteristique. Tel se presente (I aussi le catarrhe bronchique qui accompagne 1 emphyseme vesiculaire, t.el encore le catarrhe hypostatique de la fievre typho ide et des affections adynamiques en , , general, catarrhe se revelant par un rale sous-crepitant moyen, humide et , M abondant occupant les deux temps de la respiration et siegeant dans les parties posterieures et declives des poumons. Quant aux rales sous-cre pitants moyens qui se rattachent a un catarrhe secon daire et compliquant une lesion pulmonaire, ils occupent au contraire des regions plus limitees et souvent tres-circonscrites. Leurs bulles sont plus fines parce que les fines bronches sont intercssees et elles s accompagnent plus rare- ment de rales sees et de fremissement broncbique (Guttmann). Un rale sous-crepitant moyen persistant et limite au sommet d un ou de deux poumons est done 1 indice d unc bronchite catarrhale determinee par une cause locale, par une epine inflammatoire consistant le plus souvent dans une induration tuberculeuse. (V. x 126 CREPUSCULAIRE. Le sous-crepitant moyen, a siege circonscrit, s observcaussi dans Yhe moptysie. Suivant qu il siege dans un point determine d un ou de deux poumons, 1 he- morrhagie s estfaite d un seul cote ou des deux a la fois. Ge rale n est pas per- sistant et disparait apres la resorption de I epanchement sanguin. En resume le rale sous-crepitant moyen, generalise ou etendu aux parties posterieures et inferieures d un ou de deux poumons, indique 1 existence d une bronchite catarrbale primitive. Limite a un point unique ou au sommet d un ou dedeux poumons, il est le signe d une lesion pulmonaire qui le plus sou- vent est de nature tuberculeuse. 5 Le gros sous-crepitant est remarquable par la grosseur et par 1 humidite de ses bulles, a tel point qu il rappelle le gargouillement des cavernes. 11 prend naissance toutes les fois qu un liquide assez fluide comme la serosite, le pus ou le sang fait irruption en grande quantite dans les voies aeriennes. Parmi les rales sous-crepitants a grosses bulles. nous rangerons le rale cavernuleux, le rale de la dilatation bronchique et le rale tracheal. o. Le rale cavernuleux, ainsi denomme par Hirtz qui 1 a decrit le premier, est un bruit de transition entre le sous-crepitant moyen et le gros sous- crepitant, entre le rale bronchique et le rale caverneux. II siege generalement au sommet d un ou de deux poumons, sous la clavicule ou dans la fosse sus- epineuse. Ses bulles sont grosses, abondantes, continues, persistantes, iso- chrones aux deux temps de la respiration, visqueuses et superficielles. Rare d abord et dissemine, tant qu il ne tient qu au catarrhe des bronches, le rale cavernuleux devient ensuite de plus en plus abondant, gros et humide pourse transformer finalement en un veritable gargouillement. Ce rale qui succede babituellement aux craquements bumides ne se passe pas exclusivement dans les bronches, comme ce dernier bruit; a un moment donne, il a aussi pour siege les cavernules que les tubercules ramollis ont laissees a leur suite, et c est alors qu il confine au gargouillement. II est le seul et veritable signe de la lique faction commenQante du tubercule, tandis que les craquements sees et humides n indiquent qu un catarrhe des petiles bronches developpe dans le voisinage d un tubercule cru (Voy. CRAQUEMENTS). b. Le rale de la dilatation bronchique est du a la broncliorrb.ee excessive qui accompagne toujours cette lesion. II simule a s y tromper le gargouillement d une caverne tuberculeuse et lorsqu il siege au sommet du poumon, il peut faire croire a 1 existence d une phthisic pulmonaire, d autant plus qu il s ac- compagne parfois de matite, de souffle caverneux et de pectoriloquie. Dans ces cas, la marche de la maladie et 1 absence des phenomenes generaux de la tuber- culose donnent la clef du diagnostic. c. Le rale tracheal est ce ronchus a bulles grosses et de volume variable, per- ceptibles aux deux temps de la respiration, extremement abondantes et tellement bruyantes qu on les entend a distance. C est le rale des agonisants du au passage bruyant de Fair a travers les mucosites accumulees dans la trachee et dans les grosses bronches et que le malade n a plus la force d expulser. V. WIDAL. On designe par cette denomination, depuis Latreille, une division des insectes Lepidopteres, intermediate entre les diurnes et les nocturnes. Gette division artificielle repond a la premiere partie des lepidopteres heteroceres, par opposition aux rhopaloceres ; ellc comprend les Sphynges de Linne (Voy. LETIDOPTERES). A. LABOULBENE. CRESOTIQDE (ACIDE). 127 CRESCENTIA (voy. CALEBASSIER). PL. CRESCENZI (PIETRO), naturalisle du moyen age, qui, a une epoque ou les ecrivains mettaient leur imagination a la place de 1 observalion, s attaoha avec un zele bicn digne d eloges a 1 etude scrupuleuse et attentive de la nature, re- cherchant toujours 1 application, soit dans un but economique, soit dans 1 interet de la medecine humaine ou veterinaire. 11 etait ne a Bologne vers 1240, ct apres avoir etudie la medecine et les sciences naturelles, il s etait adonne a la jurisprudence. Proscrit par suite de troubles politiques, il parcourut 1 ltalie, mettanta profit, pour vivrc, sa science dc legiste, et etudiant les questions economiques et agricoles. De retour enfin dans sa patrie en 1504, il coordonna les nombreux documents qu il avait recueillis et fit pa- raltre son ouvrage. Les historiens placent sa mort en 1320 (Henschel, Janus, 2 e ser., II, 380, et Renzi, La Slor. della med. in Italia, II, 192. Voici le titre de cet ouvrage: Opus ruralium commodorum. Lovani, 1474, in-fol. et Florentife, Ii81, in-fol. Dans les Rei rusticce scriptores de Gessner. Lipsise, 1735, in-4, 2 vol., (rad. fr.; Paris, I486, in-i ol. E. Ben. CRESCENZI ou CRESCENZO (NICOLAS) , en latin CRESCENTIUS, c lait ne a Naples dans la seconde moitie du dix-septieme siecle et professail d;uis cette meme villc au commencement du dix-lmitieme. II combaltit les idees de Syl vius sur les ferments, qui etaient encore en vogue de son temps, mais il s attacha surtout a preconiser 1 utilite des rafraichissants centre les fievres, qu il voulait combattre presque exclusivement par 1 eau froide et meme relroidie par la neige ou la glace. Voici les titres de ses ouvrages, sans parler de quelques poesies et d un eloge de son savant conlemporain, Leonard de Capoue : I. Tractatus physico-medicus, in quo morborum explicandorum, potissinnim febrhtm, nova exponitur ratio, etc. Neapoli, 1711, in-4. II. Ragyionamenti intorno alia nitova medicina dell acqua, coll aggiunta d un breve metodo di praticarsi I acqua, etc. Ibid., 1727, in-4, et trad. fr. Paris, 1750, in-12. E. BCD. CRESOTIQUE (Acide). C 8 H 8 3 . Get acide est 1 homologue superieur de 1 acide salicylique; il est moins soluble dans 1 eau que 1 acide salicylique, tres- soluble dans 1 alcool et Tether. II se separe en beaux prismes par le refroidisse- ment lent de sa solution aqueuse. II fond a 153 et se solidifie a lii". Avec le perclilorure de fer il se colore en violet comme 1 acide salicylique. Avec la baryte caustique, il se dedouble en acide carl)onique et en cresylol. Pour obtenir 1 acide crt sotique, on fait passer a travers le cresylol (C 7 II 8 0) doucement chauffe un courant de gaz carbonique, en meme temps qu on y pro- jette des morceaux de sodium; le metal se dissout et il se forme une masse so- lide composee de cresyl-carbonate, de cresotate de sodium, et de cresylol en exces. On traite par 1 eau, puis par 1 acide chlorhydrique ; le cresyl-carbonate se decompose avec formation de cresylol, et 1 acide cresotique, mis en liberte, se dissout en grande partie dans le cre sylol. Pour Fen extraire, on agite le tout avec une solution concentre e de carbonate d ammoniaque ; la solution ammonia- cale est concentree a 1 ebulition, filtree et decomposee par 1 acide chlorhydrique. L acide cre sotique se separe. T. GOBLEY. 128 CRESSON (BOTANIQUE). CRESPO (BENEDETTO), ou, son nom etant latinise suivant 1 usage du temps, CRISPUS (Benedictus), naquit aAmiternum (Aquila, dans les Abruzzes), vers 1 an 650, d une famille qui se vantait de descendre de 1 historien Crispus Sallustius. 11 1 ut preconise archeveque de Milan en 683 par le pape Sergius I, et mourut le 11 mars 725 ou 755 selon Renzi. II a, phis tard, etc canonise. Crespo n est pas seulement celebre par ses querelles avec 1 eveque de Pavie, et par la fondation d un convent de Benedictins a Milan, mais par un poeme intitule : Commentarium medicinale avec une preface en prose, et qu il composa alors qu il n etait que simple diacre. II decrit les differents moyens de traitement employes centre les maladies, et parait s etre inspire de Serenus Samonicus ; mais sa versification est bicn inferieure a ccllc du poc tc latin, et quant aux materiaux memes, ils sont empruntes a Dioscoride, a Pline, et aussi aux recettes populaires alors en usage. L ordre qu il suit est celui qu on appelle 1 ordre anatomique a capile ad pedes. Du reste ce livre est tres-court et ne contient que 241 vers. Yoici comme echantillon le commencement du poeme : Si caput inmtmeris agitatur pulsibits cegrum At circumflexo turbatur pondere quodam, Protinus ex hederw studeas redimire corona. Mas quoque cum diro libanum copulatur aceto. Myrrha etiam liguido pariter sociatur olivo, etc... On ne reprocbe pas seulement a Crespo la mediocrite de sa poesie, mais encore d avoir, en composant ses vers, consulte plus souvent son oreille que la mesure. (Choulant, Handb., et Renzi, Colled. Salernit., i. I). Le livre dont il s agit a ete publie sous le titre : S. Benedicti Crispi commentarium medicinale ad finem codicis vindobonensis. Kiringse, 1835, iu-8 (ed. J.-V. Ulrich). 11 avait ete publie anterteurement parmi les autres classiques d Angelo Mai, t. V. Roirue, 1835, in-8, et de Kenzi 1 a reedite dans la Collectio salernitana, t. I, p. 71; Napoli, 1852, in-8". E. BGD. et L. Hs. % I. Botaniqae. Ce nom a ete donne a un grand nombre de plantes, ordinairement donees deproprietes stimulantes, antiscorbutiqueset d une saveur piquante due an developpement d une essence particuliere. Les unes ap- partiennent a la famille des Cruciferes, et les autres a des families di verses, no- tamment a des Composees, Tropaeolees, etc. Le plus connu, comme le plus usite des Cressons est le C. de fontaine (Nas turtium offtcinale R. BR.), encore appele vulgairement C. d eau, de ruisseau, Cailli, Sanledu corps, et commun dans toute la France, ou il est souvent d ail- leurs cultive. Le genre Nasturtium appartient aux Cruciferes-Cheiranthees, groupe des Ara- bidinees, caracterise par des cotyledons generalement accombants. Les Nastur tium ont des fleurs hermaphrodites, a receptacle convexe, portant des sepales courts et etales, egaux ou un peu inegaux a la base. Les petales sont pourvus d un onglet court, quelquefois nul. Les etamines sont au nombre de six et tetra- dynames, ou en nombre moindre (5-1). Dans ce dernier cas, elles sont inegales. Le fruit est une silique courte ou plus ou moins allongee, arrondie, rarement didyme. Le style est court, assez epais, a sommet stigmatifere subcapite, simple ou bilobe. Les graines, en nombre indefini, sont 2-seriees ou tres-rarement l-serie.es, petites, gonflees, avec les funicules courts et libres. Les Nasturtium sont des herbesramiuees, a port Ires-variable, glabres ouchargeesde poils sim- CRESSON (BOTANIQUE). 129 pies. Ge sont assez souvent des plantes aquatiques. Leurs fcuilles sont entieres ou diversement lobees on pinnatisequees. Leurs fleurs, jaunes ou plus rarement blanches, sont disposees en grappes allongees, courtes ou corymbilormes, et par- fois accompagnees de bractees. On en compte une vingtainc d especes qui habi- tent le mondeentier, principalement les regions froides et temperees. Le N. officinale est une plantc haute d un ou 2 a 20 decimetres, ordinaire- ment glabre, d un vert luisant. Ses feuilles, un peu epaisses, sont pinnatisequees, a segments lateraux inequilateraux, plus ou moins sinues-creneles ou presqur entiers, avec des petioles qui embrassent la tige par deux oreillettes aigues. Les fleurs sont disposees en grappes terminales ou oppositifoliees ; elles ont des se- pales dresses, de moitie plus courts que la corolle et verts, des petales blancs. Les siliques sont subcylindriques-lineaires, legerement arque es, bosselees, etalees a angle droit ou plus ou moins reflechies, plus longues que les pedicelles. Les graines sont biseriees, brunes, arrondies et fortement alveolees. On a distingue plusieurs formes de cette plante, notamment celles qu on nomme parvifolium et sii folium. D autres Nasturtium indigenes ont e te employes comme Cresson et ont les memes propriete s que les pre ce dents, quoiqu a un moindre degre. Ce sont les N. sylvestre B. BR. et anceps DC. Le premier porte les noms vulgaires de Cresson de riviere et Cresson sauvage (Herba Sisymbrii sylvestris s. Erucce palustris ,1 off.). C est une espece commune partout dans les lieux humides, haute dc 2 a li: , 4 decimetres, a souche grele emettant des branches aeriennes anguleuses et ; ii flexueuses. Les feuilles sont toutes pinnatifides ou pinnalisequees. Les fleurs sont jaunes, et les siliques sont cylindriques-lineaires, etroites, arquees-asccn- dantes, plus longues que les pedicelles. Le N. anceps DC. (Sisymbrium anceps WAHL.) est tres-voisin du N. sylvestre, et ses usages sont absolument les memes; jfl a seulement des fleurs plus grandes, des fruits plus courts que les pedicelles et comprimes-ancipites. Le Nasturtium amphibium R. BR. est aussi une des especes employees comme antiscorbutiques. On mange dans les campagnes, au printemps, ses racines et ses jeunes feuilles, comme on fait de celles des autres Cressons. Aussi 1 appelle- t-on C. d eau et Raifort d eau. Les divers botanistes lui ont donne les noms latins de Sisymbrium amphibiumL., S. Roripa SCOP., Myagrum amphibium Lois., Ro- ripa amphibia BESS. C est une herbe commune au bord des eaux. Sa souche vivace, horizontale et tronquee, emet des branches couchees qui s enracinent in- ferieurement dans la vase, et aussi des stolons qui rampent. Les feuilles sont oblongues-lance olees, entieres, dentees ou pinnatifides. Ses fleurs sont jaunes, assez grandes, et ses fruits sont disposes en une grappe allongee, riche, avec des pedicelles de moitie plus courts que les fleurs. Le Cresson ale nois ou Cresson de jardin, Cresson desavane commun, espece annuelle tres-frequemment cultivee comme condiment, piquante, stimulants, antiscorbutique, depurative, est le Lepidium sativum L. (Voy. PASSERAGE). Le Cresson des pre s ou C. elegant, Petit C. aquatique, est le Cardamine pra- tensis L. (Voy. CARDAMINE). Le C. des mines ou C. des de combres est le Lepidium ruderale L. (Voy. PAS SERAGE). Le C. de savane est aussi le Lepidium didymum L. et un Pectis (Com- posee). Le Coronopus Ruellii DC. et le Sium angustifolium L. (Ombellifere) ont 0! recu aussi le nom Cresson sauvage. DICT. ENC. XXIII. y 130 CRESSON (EMPLOI MEDICAL). Les Barbarea sont aussi parfois appeles Cressons (Voy. BARBAREE). Le Ores- son des vignes est leB. prcecox; et le C. de terre, le #. officinalis. Le C. vivace est le Barbarea vulgaris et YErysimum proecox. Viennent ensuite des Cressons qui n appartiennent en aucune facon a la fa- mille des Cruciferes. Les Capucines ( Tropceolum) out souvent recu le nom de Cressons de 1 Inde, du Perou, du Mexique ; ce sont principalement les T. majus et minus. En Angle- terre on les nomme Indian Cress. Le Cresson de chien ou de cheval est une plante peu active de la famille des Scrofulariees, le Veronica Beccabunya L. Les Spilanthes, de la famille des Composees, ont aussi recu le nom de Cres sons. Le G. de l lnde, de Vile de France, etc. est le Spitanthes Alcmella L. Le C. du Bre sil, de Para (voy. ei-apres), o\idu Paraguay est le Spilanthes ole- racea L. (Voy. SPILANTHE). Les Chrysosplenium, de la famille des Saxifragacees se nomment Cresson dore, C. de roche, etc., notamment les C. alterni folium et oppositifolium. H. BN. II. Emploi medical. L huile volatile sulfuree quele cresson contienten sa qualite de crucifere (un peu plus abondante dans le cresson de fontaine que dansle cresson cultive) ; la richesse en azote dont il est doue ; 1 iode et le fer qu on y rencontre et qui, pres des sources iodureesou ferrugineuses, peuvent alteindre d assez grandes proportions (iode, 5 milligr. par botte ordinaire, suivant Cha- tin, au lieu de la proportion ordinaire de 1 milligr.; la presence d un extrait amer et de sels de potasse ; toute cette composition indique assez les usages therapeutiques de cette plante. C est avant tout un stimulant de la digestion et de la nutrition ; c est aussi un reconstituant et un alterant. A ce double titre, il tient un bon rang parmi les agents dits antiscorbutiques, soil comme aliment, soit sous ibrme de preparation medicinale ; il convient parfaitement dans les affections apyretiques caracterisees par une grande debilite ou liees au lym- phatisme et a la scrofule. On 1 a beaucoup vante centre la phthisic pulmonaire. Nous ne croyons pas qu il ait jamais gueri la tuberculose; mais il rend certai- nement des services dans le catarrbe chronique ou dans les etats congestifs cko- niques du poumon qui, chez les jeunes gens et surtout chez les jeunes filles rual reglees, simulent une granulation commencante. On 1 emploie aussi avec succes contre la dyspepsieatonique, avec flatulence gastro-intestinale. On range le cresson parmi les diuretiques et les diaphoretiques. Ce n est pas tout a fait sans raison. La diurese principalement s observe quelquefois a la suite de 1 usage abondant de la plante, dont la composition d ailleurs explique assez bien pareil effet. Pour que le cresson exerce ses proprietes therapeutiques et les exerce toutes, il faut d abord qu il soit pris en grande quantite ; puis qu il soit iuge re cru, la cuisson lui faisant perdre son huile volatile et sans doute aussi un peu de son iode. On en mange une ou plusieurs bottes par jour, soit entre les repas, soit aux repas, en hors-d oeuvre ou autour des viandes. Que si la plante en na ture n est pas bien supportee, le mieux est d en prendre le jus le matin a jeun, ou au commencement des repas. Eniin, si Ton ne veut utiliser que les elements fixes de la plante, on peut la manger cuite a la maniere des epinards, en faire des decoctions et recourir aux diverses preparations pharmaceutiques dans lesquelles il entre. CRESSON DE PARA. 131 Le cresson mache plusieurs fois par jour, soil qu on en avale le jus, soitqu on le rejette, est un remede populaire centre la turgescence sanguine des gencives. Avec le cresson pile, on fait des cataplasmes qu on applique sur les parties lu- mefiees, sur les engorgements froids de diverses natures. Voici quelques preparations utiles a connaitre : Sue de cresson de fontaine. On pile le cresson dans un mortier de marbre ; on exprime dans un linge et Ton nitre le sue a froid. Quelquefois on se borne a passer le sue a travers un linge fin. Une ou deux cuillerees le matin a jeun; il peut etre bon d y ajouter du sirop ou du vin de quinquina. Sirop de cresson. Sue non depure de cresson 100 Sucre Jjiaric 100 Chauffez au bain-marie couvert jusqu a dissolution du sucre ; faites refroidir t passez a travers uneetamine. Decoction ou infusion de cresson. Cresson de fontaine 50 grammes. Faites infuser pendant une heure ou faites bouillir pendant vingt minutes, en vase clos. On emploie rarement 1 huile essentielle de cresson ; mais elle entre dans Yeau de la Vrilliere, avec la cannelle, le girofle, le cochlearia. Le cresson de fontaine entre dans le sirop et le vin antiscorbutiques. A. DECIIAMBRE. t KFSSOX DE PARA. EMPLOI. Le spilanthe etant employe en medecine sous le nom de cresson de Para, c est a ce mot qu il doit etre question de ses proprietes therapeutiques. Ces proprietes sont dues principalement, suivant M. Lassaigne, a une huile volatile acre, tandis que, suivant d autres, 1 acrete de la plante appartiendrait a une matiere fixe, de nature resineuse, soluble dans 1 alcool et 1 ether. Le cresson de Para contient en outre de la gomme, de 1 ex- tractif, du sulfate de potasse et du chlorure de potassium. On peut dire que cette plante possede les principales proprietes du cresson de fontaine, mais a un plus liaut degre. Ellc a une saveur poivree, excite fortement la secretion salivaire, produit dans 1 estomac une sensation de chaleur comme le piment, excite 1 appelit et reveille les forces generalcs. Elle convient tout particulierement comme sialagogue, comme stimulant et comme antiscorbuti- que, mais ne possede pas les proprietes speciales que le cresson de fontaine doit a la presence du fer et de 1 iode. On 1 a administree comme vermifuge. Cependant, le cresson de Para, malgre les recommandations de Beral et de Rousseau, est peu employe en France, bien qu on y ait propose plusieurs for- mules pour sa preparation ; notamment pour un alcoolat, qui mele a beaucoup d eau, constitue un tres-bon collutoire; une alcoolat ure (un morceau d amadou impregne de cette liqueur et place dans la bouche amene une forte secretion salivaire) ; un sirop dont on prend plusieurs cuillerees par jour. Les fleurs de 132 CRETIN. cresson de Para entrent dans la preparation de la liqueur odontalgique connue sous le nom de Paraguay-Roux. CRESYLOL. Phenol cresylique, hydrate de eresyle, C"I1 8 0. Le Cl 6- sylol est contenu dans la creosote du goudron de houille; on 1 isole des portions distillant entre 200 et 210 par des distillations fractionnees dans un courant d hydrogene et Ton recueille le produit qui passe a 205. II existe aussi avec 1 acide pbenique dans le goudron de bois. La transformation du tolueme en cresylol a ete effectuee par M. Wurtz. Le cresylol consiste en un liquide incolore, refringent, d nne odeur de creosote; il bout a 205. II se dissout facilement dans rammoniaque aqueuse. L acide azo- tique 1 attaque vivement en donnant une substance brune incristallisable, mais on peut avec des precautions obtenir des derives nitres. Use dissout dans 1 acide sulfurique en se colorant en rouge, [et en produisant de Vacide sulfo-cresy- lique. A 60, la transformation est complete au bout de 24 beures. Les sulfo- cresylates de banjte et de plomb sont solubles et constituent des masses amorphes. Le potassium et le sodium se dissolvent dans le cresylol avec degagement d hydrogene. Si dans le cresylol doucement chauffe on fait passer un courant de gaz carbonique en meme temps qu oh ajoute du sodium, on obtient le sel de sodium d un nouvel acide, 1 acide cresotique (C 8 H S 3 ) bomologue de 1 acide sa licylique. (Voyez ACIDE CUESOTIQUE). On obtient le pbosphate et le chlorure de eresyle en faisant re agir le perchlo- rnre de pliosphore sur le cresylol. T. GOBLEY CRETE MARINE. Nom donne parfois a la Cristc marine (Chritkmitm ma- ritimum L.) . PL. CRETE DE COQ. VoiJ. CoNDYLOJIES, CRETIN. Le cretin est un etre physiquement et intellectuellement de<*e- nere, trapu, osseux, le plus souvent maigre, parfois bouffi, oedematic, et tou- jours difforme. Sa complexion chetive, lourde et epaisse, denote un developpe- ment general dans le sens de la largeur de la charpente. Son teint est ordinai- rement d un blanc livide, comme cretace; d autres fois, il a 1 aspect terne et brun rappelant celui des pellagreux, d ou le nom de marron qu on lui donne dans certaines conlrees. Chez les individus oadernaties, la peau est jaunatre et tachee ; elle est chez tous particulierement rugueuse, depourvue d elasticite et tres-peu sensible. Get aspect s accentue rapidement avec les annees, les transi tions de I age etant a peine marquees; le cretin parait passer en effet presque tout d un coup de 1 enfance a la vieillesse; des rides apparaissent premature- ment et donnent a 1 individu 1 aspect vieillot et decrepit longtemps avant I age. La decheance organique imprime a tous les cretins un sceau d uniformite par- ticuliere, et leur physionomie sans expression est loin de presenter les differences individuelles nettement marquees qui distinguent entre eux les hommes de de- veloppement normal. Nous allons examiner le cretin, au double point de vue anatomique et phy- siologique; apres la description des principaux organes, nous nous occuperons de leur fonction. A. DESCRIPTION ANATOMIQUE. I. Tete. La tetedu cretin, volumineuse proper- CRfiTIN. 133 tionnellement au corps et a la face, est de forme irreguliere et parait s etre de- veloppe surtout dans le sens de la largeur, le diametre transversal se rappro- chant tres-sensiblement du diametre antero-posterieur, landis qu a 1 etat normal ce dernier excede sensiblement le diametre transversal. Un tableau comparatif du a M. JNiepce donne des evaluations interessantes a ce sujet. II en resulte, en premier lieu, que la circonfcrence de la tele, et par consequent son volume, acquierent chez le cretin rapidement un cbilfre eleve des 1 enfance et que ce chiffre ne s accroit pas tres-sensiblement avecl agc. Le plus jcune de ce tableau est un enfant de trois ans dont la taille est de O m ,567 ; la circonference de sa tete mesure O m ,429. Le plus age du meme tableau est un individu de cinquante et un ans dont la taille est de l m ,536, tandis que la circonference de sa tete mesure seulement O m ,490. Le maximum de mesure de la circonference de la tete ne presente done entre ces deux individus que la minime difference d environ 6 centimetres, tandis que la hauteur respective de leur corps se trouve dans des rapports de developpement qui se rapprochent sensiblement de la normale. 11 est en effet Ires-frequent que chez le jeune cretin, la grosse tete pesanle, dispropor- tionnee, penche de cote , sur 1 une ou 1 autre epaule, ou bien sur le devant de la poitrine, le menton appuye sur le sternum comme si 1 individu ne pouvait la tenir en equilibrc. Le tableau de M. Niepce nous renseigne ensuite sur le genre dc developpement des diametres de la tete eu egard aux rapports qu ils affectent cntre cux. Le seul enfant de quatre ans de ce tableau, dont la taille est de O m ,562, presente une circonference de la tete de O n ,482, tandis que parmi les treizc individus du tableau, ages de trente-deux a cinquante et un ans, et. dont la taille excede le plus souvent un metre, il s en trouve onze chez lesquels le diametre transversal du crane est inferieur a celui de 1 enfant de quatre ans, et deux seulement chrz lesquels il est superieur. Cc defaut de proportion est meme tellement conside - rable, qu on pourrait se demander si un certain nombre d indivitlus ages du tableau de Niepce n etaient pas des idiots, ceux-ci se distinguaut des cretins sur tout par la petitesse de la tete. Et cependant 1 exces de developpement du crane dans le sens transversal serait, selon quelques observateurs, bien plus marque encore chez le cretin qu il neressort du tableau deM. Niepce. Sur cent cretins me- sures par Trombotto, le diametre antero-posterieur du crane, entre la racine du nez et la protuberance occipitale a donne des chiffres qui varient entre 28 et 52 centimetres, tandis que le diametre transversal entre le trou auditif d une oreille et 1 autre a varie de 32 a 36 centimetres. Ces chiffres denotent une disproportion des divers diametres de la tete notablement plus accusee que celle du tableau <lu D r Niepce, mais ces differences peuvent tenir a ce que les deux auteurs n ont pas releve leurs observations dans les memes contrees. Les cretins sont certainement differents selon leur provenance, 1 individu degenere empnmtant necessairement certains caracteres particuliers a sa race et au lieu de sa naissance, malgre rumformile des caracteres pathognomoniques de la degenerescence. Nous avons dit que la tete du cretin, invariablement ecrase e d avant en arriere est large a la base, retrecie vers le sommet; ajoutons que le front est bas et convert, fuyant en arriere, particulierement deprime au-dessous des arcades sourcilieres et dans la region occipitale. Les deux moities de la tete sont souvent asymetriques, ce qui, joint a la conformation des regions frontalc et occipitale, impnme au crane du cretin un type uniforme, paraissant se rapprocher de la figure d un cone irregulier dont la suture sagittale conslituerait le sommet. 134 CRETIN. L occiput est comme efface, le plan posterieur du cone tombe verticalement en faisant presque une ligne droite avec la nuque. Fig. 1. Aspect generul d un cretin-type age de 39 ans, non pubere, premiere dentition conserved (cas sporadique releve dans la Gironde par le docteur Desmaisons). II. Cheveux et systems pileux en general. La plupart des cretins ont dcs cheveux epais, tres-fournis et enchevetres : chez les cretines, on les trouve sou- vent disposees par meches epaisses a intervalles clairsemes ; il sont courts dans les deux sexes. Leur couleur est presque toujours d un chatain sale plus ou moins fence suivant les pays. La calvitie ne se produit guere chez les cretins, et leurs cheveux ne blanchissent jamais. Le cuir chevelu est bossele, reconvert de croutes, ce qui temoigne a la fois de la malproprete des cretins et de 1 aban- don dans lequel ils vivent; beaucoup d entre eux exhalent du reste une odeur fetide. Ils sont presque completement imberbes, mais un leger duvet clair seme de la face se rencontre sou vent dans les deux sexes. Le corps est nu CRETIN. r,:, et glabre commc celui de 1 enfant; il n y a point ou tres-pen de polls dans 1 ais- selle et au pubis; a ce point de vue par consequent, comme a tous les autres, 1 age n imprime que pen de traces sur 1 individu degenere, el n y cut-il pas la de crepitude senile precoce dans 1 aspect general, le cretin age se distinguerait fort peu du cretin dans 1 cnfance. III. La /aceporte 1 empreinte de la stupidite et de 1 indolence; elle est comme le crane, developpee en largeur. Les pommettcs sont saillantes, le nez epate> Fig. 2. Goitreux et son fils cretin. large a la base, les narines beantes; les cartilages du nez sont rudimentaires, ou manquent meme completement. Les levres sont epaisses, la levre inferieure pen- dante, la langue tres-volumineuse, comme gonflee et gluante, souvent sortie de la bouche qui est demesurement large, presque toujours entr ouverte, laissant echapper une salive visqueuse. La machoire inferieure grosse et lourde, deborde la machoire superieure et imprime a la figure un caractere bestial. Les oreillos ecartees de la tete sont tres-volumineuses et epaisses ; les dents tres-espacees, mal implante es, cariees; celles de la premiere dentition une fois torn bees, sont 136 CRETIN. rarement remplacees. Le vrai cretin mache d ailleurs a peine ses aliments ct la dentition est toujours tres-tardive. Les yeux tres-ecarles et souvent devies pardu strabisme simple ou double, sont ternes et sans expression. Le globe oculaire lui-meme ne presentc ge ne ralement rien d anormal (1 iris a la couleur ties cheveux) , mais les paupieres sont presque tou jours cedematiees. La ble pharite est habituelle; elle atteint surtout la paupiere superieure qui est bordee d un lisere rouge et granuleux, d ou un etat larmoyant qui ajoutc une expression de tristesse a la stupidite du regard. Les cils et sour- cils sont clairsemes. La plupart des cretins fuient la lumiere, a moms cepen- dant que I insensiblite retinienne cbez quelques-uns les fassent recbercher le soleil, qu ils regardent alors constamment en face, sans en paraitre incommodes. Mais, en general, le cretin ne fixe pas les objets ; il regarde sans voir ou voit sans comprendre ; sa physionomie toujours immobile, sauf lorsqu elle est contracture e par une souffrance physique, denote 1 indifference et 1 apatbie; la decheance est empreinte sur son visage. IV. Col. La nnque et le cou sont tres-gros et tres-courts ; la region du cou ne presente pas la concavite qui la caracterise a 1 etat normal et nous avons de ja dit que la lete volumineuse penclie sur 1 epaule ou la poitrine. L hypei tropliie plus ou nioins accusee de la glande thyroi de augmente la difformite du cou. Le cretin complet est rarement atteint de goitre, ce qui a fait dire qu il y a propor- tionnalite inverse enlre le degre dc developpement du cretinisme et du degre de de veloppement de la glande thyroide ; mais chez le cretineux, le goitre existe a peu pres constamment et prend parfois un volume enorme. Nous aurons a etu- dier plus loin (voy. CHETINISME) les rapports entre cette difformite et le creti nisme, en meme temps que sa signification au point de vue de 1 endemie en ge neral. Nous verrons que le developpement du goitre coincide avec la pubertequi chez le cretin complet ne se produit jamais, ce qui explique chez celui-ci la ra- rete de 1 hypertrophie de la glande thyroi de. Ici nous nous bornerons a la des cription exterieur du goitre. II affecte des volumes t res-variables. Apparaissant dans la premiere enfance par un noyau unique, il prend rapidement des proportions considerables en en- vahissant peu a peu le cou tout entier. 11 s accroit quelquefois au point de pendre sur la poitrine en la recouvrant presque en entier. Le goitre est unique, bilobe ou multilobe formant parfois une masse compacte et dure, et d autresfois un appendice flottant, extremement mobile. Au toucher, il est tantot mou et d une consistance pateuse, tanlot au contraire, elastique, dur, bossele et comme parseme de noyaux cartilagineux ou mcme osseux. C est au moment de la pu- berte que le goitre prend le plus de developpement, et il s accroit fort peu au- dela de cette epoque; mais il parait durcir avec 1 age. Chez les cretines, nous verrons que la gestation n a lieu que quand la dcgenerescence n est pas complete, et alors elle influence sensiblement 1 accroissement de la tumeur qui, du reste, est plus frequente dans le sexe feminin. II arrive aussi que le goitre du cretin s ulcere,mais des accidents plus frequents sont causes par levolumede la tumeur. En effet, la compression qu elle exerce sur le cou amene des troubles divers qui sont d abord 1 aphonie, quelquefois 1 oppression, surtout dans les monvements precipites. Le cretin court difficilemenl ; ce n est pas sans gene respiratoire et un certain degre de cyanose qu il parvient a gravir les montagncs, ou a porter des fardeaux. Lorsque le goitre proprement dit n existe pas, le cou est encore gros et court, CRETIN. 157 ce qui ajoutc un signe aux caracteres distinclifs entre le crelin et 1 idiot, chez ce dernier le cou etant ordinairement gracile et allonge. IV. Le thorax du cretin est deforme et asymetrique. Demesurement large et court chez cerlains individus, ou bien au contraire etroit et comprime; il est souvent enibncc d un cole et saillant de 1 autre, ce qui tient non-seulement a F "g- A 3- Gallon de 20 ans.Taille: 93; poids:2"2kil. Fig. 4. Fille de 27 ans. Observation in Bulletin Tele : grande circonference, 0,53; deini-circon- de V Academic de mcdccinc, 18o9. ference, antcro-posterieure, 0,31 ; demi-circon- ference transverse, 0,51 ; diaraeireantcro-postc- rieure, 0,18; diamelre transverse, 0,14. leur deformation propre, mais aussi a la vicieuse implantation des cotes. La co- lonne vej-tebrale est rarement voutee, mais les apopliyses epineuses sont sail- orltf ^ antes 5 e ^ e s sont quelquefois deformees par des gibbosites, et les espaces inter- costaux sont irregulierement defences, surtout lateralement, ce qui fait paraitre la region sternale comme bombee en avant. Les seins de la cretine sont petits, 138 CRETIN. flasques et les mamelons rudimentaires; chez la semi-crctine, les mamelles sont au contraire grosses et pendantes. V. Abdomen. L aplatissement de la region sous-sternale fait particulierement ressortir 1 abdomen, qui est tres-gros et ballonne par 1 ingestion journaliere de grandes quantites d aliments grossiers avales avec gloutonnerie. Le bas-ventre est distendu et pendant ; 1 ombilic tres-rapproche du pubis. Le bassin participe au developpement vicieux ; il est souvent deforme, et il est chez la cretine ordi- nairement aussi etroit que chez le cretin. VI. Les parties ge nitales sont rudimentaires chez les vrais cretins ; la verge, cylindrique, se termine par un gland a peine forme et les testicules subissent a leur tour un arret de developpement. Chez les semi-cretins, ces memes organes sont au contraire souvent tres-developpes et d un volume enorme. Les organes genitaux de la cretine sont fletris et rudimentaires, les levres flasques etlavulve entr ouverte, meme chez les vierges ; 1 hymen est normal. Nous avons dit que le pubis est depourvu de poils dans les deux sexes. VII. E.i tre mites. Les membres superieurs et inferieurs du cretin sont dis- proportionnes eu egard au tronc ; extremement courts on au contraire tres- long, ils sont presque toujours decharnes, parfois enfles et de formes au niveau des articulations. L inaction du cretin a pour consequence de faire a peine saillir les masses musculaires dej;\ fort peu developpees par elles- iiiOines , et les membres sont greles et cylindriques. L inaptitude de 1 indi- vidu a la marche se revele par une implantation et une direction yicieuses des membres inferieurs , tres-souvent devies par le rachitisme ; les genoux, gros el e pais, ploient en avant , et les talons en arriere. Les mains larges, sont garnies de doigts courts et epais (surtout le pouce) ; les ongles sont rudi mentaires ou lorsqu ils existent, durs et tres-larges. Les pieds volumineux et plats sont tournes en dehors au point que les malleoles internes se rapprochent du sol, les doigts du pied sont deformes, chevauchant les uns sur les autres et les ongles des pieds ressemblent a ceux des mains. En somme, la dilformite de chaque organe pris isole ment, le defaut de pro portion des organes entre eux, pris dans leur ensemble, voila ce qui constitue comme un type de degenerescence uniforme nettement accuse : Aucune trace de beaute, conclut la Commission du Piemont, a la description de laquelle nous avons fait et nous aurons encore a faire de larges empruuts, aucune harmonie de formes ne revele chez le cretin, la main sublime du Createur, et sa vue ferait presque naitre le doute s il appartient reellement a la race humaine. B. Fo^iCTiONS. Toutes les fonctions d un etre aussi completement disgracie doivent reveler la decheance organique, mais celle-ci est d autant plus caracte- ristique que la fonction est plus elevee, et c est ainsi que le cretinisme im- plique avant tout la degradation intellectuelle. Nous allons done etudier chez les cretins d abord : I. Les Facultes intellectuelles. Nous savons deja que le caractere le plus saillant du cretin est la degradation intellectuelle. La sphere de 1 activite morale est excessiment limitee chez tous, mais il y a cependant des degres a etablir. Tandis que le cretin le plus complet, chez lequel tous les sens sont obtus, et qui est meme assez frequemment prive de 1 un d eux (1 ouie), manifesto a peine les instincts les plus rudimentaires de 1 etre vivant, le cretin moins dechu, le semi-cretin et le cretineux gardeut encore certaines aptitudes d uu ordre peu eleve. CRETIN. 159 L individu completement degenere possede a peine le sentiment des besoins les plus imperieux, et se laisserait mourir de faim et de soif si on ne prenait soin de lui ; il est absolument incapable d aflection et ne temoigne meme pas ce senti ment rudimentaire d attachement que 1 animal manifeste envers celui qui le soigne. Le semi-cretin, moins indifferent au point de vtie moral, possede au contraire a un Ires-haul point 1 instinct de ses besoins et le temoigne avec brutalite et sans mesure. L e ducation a peu de prise surlui; incapable d e motion morale, de dis tinction enlre le bien et le mal, la beaute et la laideur, il est inconscient de ses actes, etl age ne fait naitrechez lui aucune aptitude nouvelle. Les moins inintel- ligents des semi-cretins sont capables de contracter certaines habitudes automa- tiques, mais aucun ne sait comparer les fails et tirer un parti quelque pen rai- sonne d une experience acquise. Toute responsabilite doit done etre denie e au cretin et au semi-cretin ; ce dernier peut, dans une mesure restreinte, com- prendre la portee de certains actes, au moins dans lenr consequence materielle immediate, mais il est toujours inapte a en apprecier la portee morale. De toutes les functions intellectuelles c est la memoire des faits qui parait la moins abolie. Les semi-cretins gardent le souvenir des objets et des personnes qu ils ont eus souvent sous les yeux et ils savent associer certaines notions de bien-etre ou de malaise aux circonstances qui les ont fait naitre, d oii il re sulte qu ils fuient tout ce qui leur a deja cause la souffrance une prece dente fois, et qu ils vont volontiers au-devant des bons traitements, en temoignant leur joie par des gestes et des cris excessifs. Ils savent e viler les punitions et se sou- viennent de 1 accueil qu on leur a fait. G est ainsi qu ils prennent souvent 1 ha- bitude de mendier, s adressant plutot aux etrangers facilement emus par la nouveaute du spectacle, qu aux habitants du pays qui les traitent avec moins d amenite. A ce degre de semi-cretinisme les individus sont capables de com- prendre des ordres et les paroles designant des objets materiels ; ils savent obeir a des injunctions simples , tiouvent leur domicile et parviennent meme a imiter certains actes. On peut leur confier des travaux domestiques simples, commele balayage des maisons, la garde des animaux ; aux moins degrades, la garde des enfants et les travaux des champs. Cependant le semi-cretin meme, des qu il rencontre un obstacle, s arrete et se trouve dansl impossibilite de prendre une initiative. II est du reste, paresseux, indolent, mais en general tres- doux. Le mauvais traitement lui suggere parfois une colere aveugle, instantan- nee, mais assez facilement apaisee. Quelques semi-cretins proferent des mots qui sont ordinairement des substantifs, le reste de la phrase e tant exprime par des vociferations et des grimaces. Quant an cretineux, qui est 1 individu le moins degenere, il est susceptible d une certaine education, capable d apprendre a lire, a ecnre et a compter; il sait formuler des phrases mais il ne se sert de la pa role que pour exprimer des besoins materiels. Bon nombre savent distinguer les pieces de monnaie, mais il est rare qu ils appre cient judicieusement leur valeur intrinseque. La cretine a tous les degres, est, toute chose egale d ailleurs, plus inintel- ligente encore que le cretin. Dans le crelinisme incomplet la puberte amene dans les deux sexes Teclosion de certaines aptitudes d ordre intellectuel ; c est ainsi que mu par le desir de sa- tisfaire ses propensions sexuelles, 1 individu sait employer certaines ruses, et nous verrons plus loin que ses appetits sous ce rapport sont parfois tres-impe- tueux. 140 CRETIN. En general, un milieu favorable, un Iraitement doux et bienveillant, de bonnes conditions hygieniques, peuvent ameliorer 1 etat intellectuel du semi- cretin et du cretineux, mais aucune influence exterieure n a de prises sur le cretin complet. A quelque degre qu ils appartiennent ils sont tous solitaires, ils ne s aiment pas enire eux, et ne vont jamais au secours les uns des autres ; ils s evitent en general et seprennent facilement de querelle, tandis que les moins inintelligents d entre eux temoignent un certain degre d attachement aux individus sains de leur entourage qui les traitent avec bienveillance. La cretine est capable d amour maternel ; il est vrai que celle qui est apte a engendrcr n appartient jamais au dernier degre, celui-ci impliquant la sterilite. Tous les observateurs ont remarque la tendance a la somnolence chez le cretin complet, mais c est Maffei qui a particulierement decrit un etat de stupeur periodique et transitoire. L individu se tient alors immobile, blotti au couche, les yeux grands ouverts, fut-il en face du soleil, le regard inanime, insensible a tout bruit et a tout mouvement du dehors, la bouche beante, respirant a peine, et sans presque donner signe de vie. Get etat, qui ressemble a la stupeur exta- tique des lypemaniaques, dure plusieurs beures. II. Voix et langage. Le cretin complet est frappe de mutisme, tout au plus manifeste-t-il par des grognements inarticules la douleur ou la faim. Chez 1 individu moins degrade la voix pent prendra certaines inflexions et temoigner diverses impressions ; c est ainsi que parmi les semi-cretins qui sont encore incapables de proferer des paroles, il en est qui se servent d interjections rudi- mentaires par Jesquelles il est a peu pres possible .de reconnaitre la nature des sentiments qui les a inspirees. Meme le cretineux est mal equilibre, depourvu du sentiment des mesures,apathiqueou excite. Le semi-cretin, capable d articuler des mots et des lambeaux de phrases, les emet cependant avec monotonie com plete, a moins qu il ne subisse une vive impression physique, auquel cas il s exprime avec une vehemence excessive, suppleant a 1 insuflisance du langage articule, par des cris et des gestes passionnes. Lorsque rien ne le surexcite, il est plonge dans son indifference slupide, ne paraissant nullement eprouver le besoin de communiquer avec son entourage ; mais une cause exterieure vient- elle a agir sur lui, il rompt le silence pour proferer sans transition des paroles mal liees et violentes. III. Organes des sens. Nous avons deja signale en parlant de la peau, le peu de sensibilite du cretin, ce qui explique son indifference a la temperature ambiante et aux injures materielles de tous genres. 11 s expose, sans paraitre s en apercevoir, aux rigueurs de 1 hiver, a peine vetu, de meme qu il subit la chaleur d un foyer jusqu a se faire des brulures, ou les rayons d un soleil ar dent, sans rechercher 1 ombrage. Le cretin ne transpire guere ; il n e prouve pas le besoin d approprier a la saison ses vetements toujours encrasses; de meme il supporte la morsure des insectes dont le plus souvent il est convert sans pa raitre s en apercevoir. Le sens du tact proprement dit est aussi obtus que la sensibilite generale; bon nombre ne paraissent pas pouvoir distinguer, les yeux fermes, les objels qu ils manient journellement. De tout les sens le plus obtus et le plus frequemment atteint est [ oiiie. En viron un tiers des cretins sont sourds et muets ou entendent tres-difficilement. Lors meme que 1 ouie est normale, le cretin ne parait pas saisir certaines CRETIN. 141 inflexions de voix, fussent-elles assez caracteristiques pour etre comprises meme par les animaux domestiques. Parmi les cretineux il cxiste, il est vrai, des indi- vidus paraissant doues d une certaine sensibilite de 1 oui e et qui recherchent avec avidite le son des instruments de musique. La vue est le plus souvent normale, a moins que les yeux n aient souffert, par quelqu affection iuflammatoire ou scromleuse qui est tres-frequente chez les cretins. Nous avous deja signale certains cas de strabisme et d insensibilite retinienne. 11 n est pas aisc d apprecier, chez des etres aussi peu capables de communiquer leurs impressions, le degre de sensibilite du sens de Yodorat, qui cependant doit etre obtus, si Ton peut en juger sur leur indifference aux mauvaises odeurs et leur insensibilite aux parfums, soil des fleurs, soit des substances odorantes de tout autre nature. Les cretins sejournent tres-souvent dans des lieux infects, voire meme sous les fumiers des maisons, et ils se vautrent, sans en paraitre incommodes, dans leurs propres ordures. La gloutonnerie babituelle du semi-cretin pour tout aliment, si grossier et meme si repoussant qu il soit, ferait supposer qu il est dcpourvu, plusou moins completement, du sentiment du gout, s il ne recbercbait pas, d autrc part, ;I\<T, avidite , des friandises de toute nature. En these generale, tandis que chez le cretin du dernier degre tons les sens sont obtus (sauf la vue) chez 1 individu moins degenere, les impressions senso- rielles persistent, tout en manquant de finesse et de delicatesse. IV. Mouvement volontaire. La description que nous avons deja donnee de 1 aspect geneml du cretin explique suffisamment sa faiblesse musculaire. Sauf quelques exemples de semi-cretins vivant au grand air et employes aux tra- vaux des champs, le plus grand nombre sont debiles et chetifs ; aussi nc sortent- ils de leur inaction que contraints soit par des besoins impe rieux, soit par des excitations venantdu dehors; ils sont ordinairement alVaisscs sur eux-memes, "ar- daut le plus souvent les yeux entr ouverts, la tete penchee sur la poitrine, les bras et les jambes pendants, et se tiennent dans unc espece de resolution ana logue a celle d un semi-paralytique. Leur aspect total exprime 1 inertie et 1 im- puissance. Les cretins complets sont incapables d el ibrt musculaire quelconque, leur demarche est lourde, titubante, incertaine; ils se buttent au moindre obstacle, trebuchent en marchant, et se blessent souvent dans les chutes dont ils ne savent amortir la gravite pur un mouvement de protection. II existe des cretins (notamment dans la vallee d Aoste), a peu pres comple tement. prives de la faculte de se mouvoir ; on les tient attache s sur un sic ^e, et on les nourrit comme des malades atteints du dernier degre de la demence paralytique. V. Respiration, circulation et temperature du corps. Le nombre et 1 am- plitudedesmouvements respiratoires paraissentetre sensiblement moindre chez le cretin que chez Findividu sain, toute chose egale d ailleurs. Selon M. Sa- voyen, qui s est livre a des etudes comparatives a ce sujet, le nombre de res pirations du cretin serait moindi e d environ trois par minute, et 1 amplitude de chaque inspiration serait dyns la proportion 0,0527 a 0,0593. II re sulterait de cette insuffisance de respiration une diminution d absorption d oxygene dont le chiffre approximatif en vingt-quatre heures est evalue a 160 grammes. La temperature du cretin est d une appreciation plus facile et d apres le meme observateur clle serait de 55 a\36 degres, par consequent sensiblement au- 142 CRETIN, dessous de la normale. Le nombre des pulsations parait etre moindre aussi, mais on concoit que sous ce rapport iln estguere aise d obtenir des appreciations precises, de grandes varietes individuelles existant meme a 1 etat normal. II est generalement admis toutefbis que 1 impulsion cardiaque est faible et que le nombre des pulsations ralentit chez le cretin. VI. Le sommeil, lourd et calme, ne presente rieii d anormal ; reveille, le cretin parait rester longtemps dans un etat de demi-somnolence. VII. Fonctions digestives. Nous avons deja signale a deux reprises differentes 1 absence des instincts de conservation chez les cretins complets, et 1 exalta- tion de ces instincts chez les semi-cretins; ajoutons ici que les digestions sont en general bonnes et les evacuations normales, chez les cretineux, mais le cretin complet est an contraire souvent atleint d indigestion et notamment de dysenteric. VIII. Secretions. Certaines secretions sont particulierement abondantes; il en est ainsi des larmes et de la salive. La secretion des urines ne parait pre senter rien d anormal. IX. Reproduction. Nous avons deja dit que le vrai cretin des deux sexes est frappe de sterilite; 1 individu male est impuissant et prive de tous desirs vene- riens, la vraie cretine est infeconde. Nous avons signale aussi 1 atrophie des or^anes genitaux chez les cretins complets et leur developpement demesure chez bon nombre de semi-cretins et de cretines. Ceux-ci en effet, loin d etre impuis- sants, paraissent etre i requemment stimules par des desirs excessifs ; aussi les voit-on se jeter avec brutalite sur 1 objet qui a eveille leur ardeur, n hesitant point a la satisfaire, meme en public. La semi-cretine est lascive, et comple- tement depourvue de pudeur. L onanisme qui n est pas observe chez le cretin complet, est tres-frequent chez le semi-cretin des deux sexes. La puberte est toujours tardive, cependant les desirs veneriens se revelent chez 1 individu male vers la vingtieme annee ; les menstrues de la cretine apparaissent vers la dix-huitieme annee ; elles sont toujours peu abon dantes et irregulieres. La conception est, meme chez la semi-cretine , loin d etre frequente, et la gestation ordinairement laborieuse, ce qui fait que le foetus n arrivepas souvent completement a terme. L etroitesse du bassin est une des causes de grossesse anormale; quant aux organes genitaux internes, ils n ont pas ete suffisamment etudies pour bien determiner les causes nombreuses de la rarete des grossesses a terme, chez la semi-cretine. X. Habitudes. Le cretineux seul merite une mention sous ce rapport, 1 in dividu completement degenere ne participant a aucun degre a la vie sociale. Le cretin capable de se livrer a une occupation quelconque et, qui, nous 1 avons deja dit, peut etre utilise par des travaux n exigeant qu une tres-minime somrae de vigilance oude forces me caniques, apporte meme dans ces occupations si insi- gnifiantes, une uniformite automatique et un complet defaut de discernement. Toujours pret a se rebuter au moindre incident imprevu, il est facilement pris de lassitude que ni les menaces ni les chatiments ni les exhortations affectueuses ne peuvent vaincre. Nous avons dit que les semi-cretins et surtout les cretineux se livrent habi- tuellement a la mendicite; nous ajouterons que les moins inintellio-ents d entre eux sont capables de quelques tours d adresse et de jongleries, executes avec une certaine aptitude a 1 imitation. Dans la plupart des contrees infestees, les cretins appartenant a des families CRETIN, 143 pauvres sont a peine vetus, et portent les memes haillons par loutes Ics saisons; meme les cretins des families aise es temoignent dans leur mise d un abandon et d un delabrement extremes qui tient en grande partie a leur incorrigible mal- proprete. On signale cependant quelques exceptions pour cerlaines cretineuses qui paraissent aimer les vetements recherches et coquets, se couvrant volontiers d e"toffes de couleurs eclatantes ; mais en general la cretine, a egal degre de degenerescence, est aussi indifferente au sujet des vetements que le cretin, et dans les contrees assez nombreuses, ou la mise pour le crelin est la meme dans les deux sexes, il est assez dilficile de les distinguer avant Tage de la puberte. XL Dure e de la vie. Maladies ye ne rales. La mortalile chcz le cretin est tres- grande a tout age, mais surtout dans les premieres annees de 1 enfance. Parmi les individus completement dechus, un tres-petit nombre parviennent a [ adolescence. Les conditions de vitalite sont plus favorables cliez les cretins incomplets. Nous savons deja que ceux-ci sont capablcs de reproduction, mais lorsqu ils se marient entre eux, ils engendrent des etres steriles ou memenon viables, et la ligne e s e teint. Malbeureusemcnt il se produit des in;i- riages entre goitreux et cre tineux, ou bien entre ceux-ci et des individus sains, et les unions de cette espece produisent assez souvent des enfants viables, mais presque toujours degeneres. On ne signale pas cependant 1 existence de l;unillcs qui se soit propagee jusqu a la cinquieme gene ration sans melanges de gene- rateurs pris dans la population saine. Cette observation esl d un enseignementdc la plus haute portee et nous aurons a y revenir en nous occupant de 1 endrniH du cretinisme (voyez ce mot). L observateur qui parcourt les contrees habitees par des cretins aura bientot fait la remarque que I immense majorite appartienncnt a 1 enfance, et un tres- petit nombre seulement a 1 age viril ; le cretin atteint rarement la cinquantaine, et on ne cite que des exemples tout a fait isoles de cretins arrives a soixante ans ou au-dela. Les maladies les plus frequentes auxquelles ils succombent sont ceux de 1 enfance, parmi lesquelles il faut nommer, le rachitisme, la scrofule, la dysen teric, la meningite, 1 hydrocephalie, les affections convulsives et notamment 1 epilepsie. On a signale chez le cretin des acces de maladies aigues avec fureurs qui se rattachent probablement a 1 epilepsie. Plus tard ils sont. sujets aux congestions et a 1 apoplexie cerebrales, a la tuber- culose sous toutes les formes, a la gastro-enterite et aux maladies du coeur. Les hernies sont frequemment observees chez les cretins. Certains observateurs pretendent qu en cas d epidemie la population de ge- neree d une contree est plus frequemment atteinte que la population saine ; il en serait ainsi surtout pour la fievre typho ideet le typhus. En admettant quecelte observation soit exacte, on doit sans doute attribuer aux mauvaises conditions dans lesquelles vivent les cretins, a la misere et au delabrement qui sont leur partage habituel, une large part dans leur plus grande receptivite morbide. Les maladies endemiques, la fievre intermittente par exemple, sevissent aussi frequemment sur eux. Le grand nombre de maladies et d infirarites compliquant si souvent le cre tinisme, n exclut nullement 1 existence de cretins, de semi-cretins et de cre- tineux qui jouissent d une bonne sante, mais ces exemples sont d autant moins frequents que la degenerescence est plus pronoucee, le nombre et les compli cations etant en raison directe de 1 intensite de la degenerescence. 144 CRETIN. Les cretins arrives a la fin de 1 existence ont une agonie lente, mais en appa- rence peu penible ; malades ou moribonds, ils ne proferent guere de plaintes, ils sont plonges dans une profonde apathie dont rien ne pent les tircr et ils s etei- gnent doncement. On trouve dans les contrees eprouvees par 1 endemie du cre tinisme, plus souvent que paitout ailleurs, des sujets atteints d idiotie et d imbecillite, qu il importe de ne pas confondre avec les cretins, dont ils se distinguent par des caracteres physiques nettement tranchees. Le lecteur connait apres ce qui vient d etre dit, 1 aspect trapu, ramasse, massif, lourd et epais du cretin; les imbe ciles et les idiots sont au contraire en general freles, grands, elances, a cou long, a tete petite, le plus souvent vifs d allure, agites, quelquefois mediants, le plus souvent difficiles, hargneux ou bicn emporte s. Tous ces traits sont bien difterents de ceux que nous venons de reconnaitre chez le cretin. II est utile aussi de signaler la frequence dans les contrees endemiques, ou toutes les formes de degenerescence se rencontrent, de certains arrets de de ve- loppement, et de cette varie te teYatologique particuliere que 1 un d entre nous, M. Baillarger, adecritsousle nom d astlienogenie. L arret de developpementn est autre chose que 1 enfance perpetuel, physiquement etintellectuellement, mais ne constitue nullement une degene rescence, appellation ne convenant qu au cretin, etre qui porte les caracteres physiques d une decheance nettement caracterisee. Examen post mortem. Un assez grand nombre d observateurs signalent des autopsies de cretins, mais malgre 1 incontestable autorite de la plupart d entre eux, nous ne pouvons accepter sans un veritable sentiment de defiance les faits enonces. On a souvent confondu les cretins avec les imbeciles et les idiots, cequi ote singulierement deja a la valeur des resultats. L examen necroscopique du cretin nous parait encore entierement a refaire. La plupart des indications n ont certainement qu une apparcnce de precision, mais comme il ne nous a pas ete donne personnellement d en etablir le controle, nous allons indiquer sommairement les resultats des autopsies faites par les auteurs (Malacarne, Autenrieth,Ackermann,Serres, Racquet, Niepce, Iphofen, Fodere, Wunderlich). La conformation du crane, la consistance, la configuration et la quantite de la masse cere brale ont surtout attire 1 attention des observateurs. Les parois du crane sont presque toujours fort epaisses ; notamment du cote de la base, le diploe manque parfois completement ; les os sont massifs et lourds et meme eburnes; d autres fois, mais plus rarement, les tablettes lais- sent, au contraire, entre elles un tres-grand interstice rempli de diploe et de sang. L apopbyse basilaire est courte, effacee, presque horizon tale (Niepce). Le trou occipital est retreci, legerement vertical ; la gouttiere basilaire est si peu marquee, que le bulbe rachidien peut a peine s y loger. Tous les orifices du crane sont plus etroits qu a 1 elat normal et notamment les trous ante rieurs et posterieurs. Les trous occipital et frontal manquent de profondeur et la cavite cranienne ne correspond pas au volume du crane. Les depressions formees par les anfractuosites dc la surface cerebrale, ainsi que les gouttieres qui recoivent les sinus, sont tres-superficielles, effacees et par fois meme a peine visibles, et cependant les sinus eux-memes ont ete plusieurs fois trouves gorges de sang noir. Virchow a constate sur deux nouveau-nes qu il supposait etre des cretins, 1 ossification prematuree de la suture spheno-basilaire . 11 resulte cependant de CRETIN. 145 la plupart des autopsies que I ossification des sutures du crane sc fait tres-tar- divement chez Ics cretins. La grande quantite de serosite rcmplissant les ventricules et Ics cavites tic la choro ide a etc tres-frequemmcnt signalee, et ily a lieu detenircette constatation pour exacte. Les enveloppes du cerveau sont fort epaisses, injectees, particulierement la dure-mere qui esl le plus souvent adhe rente aux os du crane. Le cerveau est tres-frequemmeut asymetriquc, un cote ayant ete reconnu par- fois d un tiers moins pesant que le cote oppose. La substance cerebrale a ete trouvee par les uns tres-dense et par d autres au contraire rarnollic, et injcctee de sang et de serosites. On a signale aussi une difference de consistance entre la substance blanche et la substance grise. Le volume des masses opto-striees est rarement en relation avec celui de la totalite du cerveau ; ces organes serai en t ou tres-developpes ou atrophies. Une lesion frequemment signalee consiste dans 1 atrophie des nerfs acousti- tiques ; les bandelettes optiques et le chiasma ont egalement ete trouves alteres dans plusicurs autopsies. Chacune des diverses parties du cerveau prise isolement est le plus souvent atrophiee mais quelques-unes cependant seraient parfois hyper trophiees. I armi Ics premieres se trouvent cites le tuber cinereum, la tige pituitaire, le corps calleux, les corps genouilles, les cordons qui constituent la voute a trois piliers, les pe- doncules cerebraux, 1 infundibulum, le pied d hippocampe, et le corps frange. Au nombre des seconds figurent le corps pituitaire (Niepce) les eminences ma- millaires, le conarium. La cloison transparentc parait etre plus cpaissc qn a 1 etat normal; le septum lucidum a ete plusieurs fois vu remuli de serosites. On a constate sur le trajet des nerfs craniens 1 existence de nevromes dont la coupe est rouge et molle. Serres decrit des renftements ou des ganglions trouves par lui sur les divisions des cinquieme, sixieme et dixieme paires craniens. Authenrieth signale une grosse tuberosite situee pres des tubercules quadriju- meaux. Le cervelet du cretin presente des lesions qui d apres les auteurs ne seraient ni moins nombreuses ni moins accentuees que celle du cerveau. II est ordinai- rement tres-petit, irregulier, asymetriquc ; ses lobes sont applatis et les scissures inter-lamellaires sont sans profondeur. Malacarne a particulierement etudie le nombre des lamelles cerebelleuses chez le cretin. Suivant cet au- teur elles seraient de presque moitie inferieures en nombre acelles de Thomme sain. Niepce a trouve la substance blanche et grise du cervelet tres-molle, lascis- sure mediune superficielle, le vermis inferieur tres-petit, la valvule de Yieus- sens plus dense qu a 1 etat normal, les pedoncules du cervelet tres-petits. Une fois sur cinq la substance, cerebelleuse paraissait dense et le lobe median du cervelet plus developpe qu a 1 etat normal. La protuberance a ete trouvee molle, petite, le sillon qui limite le pont de varole du cote du cerveau, peu marque ; il en a ete de meme du sillon de la protuberance. Celle-ci loge des arteres de tres-petit calibre. Le bulbe rachidien a paru comme comprime par 1 horizontalite de 1 apophyse basilaire; il est etrangle dans le trou occipital, qui est presque vertical; les corps restiformes ont ete vus delies. Niepce a remarque que 1 entrelacement d un grand nombre de filets nerveux, si complique a 1 etat normal, existe a peine chez le cretin. DICT. ENC. XXIII. 10 146 CRETINISME. La moelle n a pas ete soigneusement examinee, elle parait aussi etre tres- molle et baignee dans une serosite plus ou moins abondante. La surdi-mutite e tant une infirmite frequente chez les cretins, 1 examen de I appareil auditifz ete fait assez frequemment. On a trouve dans ce cas des le sions des osselets. Us etaient mal conformes, la membrane du tympan etait seche et epaisse, la caisse du tympan etroite, la trompe d Eustache tres-petite, les canaux semi-circulaires, le limaeon et le vestibule plus ou moins obliteres, a peine indiques. Nous avons deja signale les alterations du nerf acoustique. L autopsie n a eu rien de particulier a reveler pour la face; nous mentionne- rons seulement en passant la saillie considerable des apophyses zygomatiques, reconnu deja du vivant des individus, et la carie dentaire. On constate presque toujours la chute prematuree des dents dont on ne trouve qu un tiers ou un quart du nombre normal sur les individus entre vingt et treiite ans. Le cou des cretins et surtout des semi-cretins est souvent deforme par un goitre qui affecte toutes les formes du goitre non endemique dont la des cription anatomique fait le sujet d un article special de cet ouvrage (Voy. GOITRE). Le coeur est ordinairement mou et petit ; partout du reste les masses muscu- laires sout peu abondantes et d une llaccidite marquee ; 1 estomac et les intes- tins sont tres-distendus ; les autres organes thoraciques et abdominaux ne pre- sentent rien de bien caracterislique, sinon qu ils portent tous, plus ou moins le stigmate d un organisme arrete dans son developpement, ou dechu, toutes les fonctions ayant ete plus ou moins entravees pendant la vie. La colonne vertebrate et les membres portent souvent le caractere du rachi- tisme ; nous avons deja signale la grosseur des articulations. M. Niepce a fait 1 analyse du sang du cretin pendant la vie et arrive a la con clusion que les globules du sang sont en quantite moindre et que, d uue autre part, 1 albumine et la fibrine ont sensiblement diminue dans le sang du cretin. B.ULLARGER et KRISHABER. CRETIXISME ET GOITRE EXDEMIQUE. On designe sous le nom de cretinisme l une forme particuliere de degenerescence organique et intellectuelle liee aux conditions exterieures de certaines contrees dans lesquelles elle constitue unemaladie endemique. Nous ajouterons immediatement que 1 endemiedu creti nisme n existe pas en dehors de Tendemie du goitre, et que ces deux manifes tations morbides constituent, a des degres divers, deux termes d une meme affec tion ; le goitre est le degre initial d une degenerescence dont le cretinisme com- plet constitue le dernier echelon. L histoire du developpement de ces deux 1 Parmi le grand nombre d appelations sous lesquelles les auteurs ont decrit cctte dege nerescence, c est celle de cretinisme qui a prevalue, mais on est loin d etre d accord sur To- rigine du mot. Les uns font deriver cretin du latin Creta, a cause du teint creiace des indi vidus, les autres, avec Fodere, croient a une simple corruption du mot chre tien, c est-a-dire bienheureux, cette derniere appelation servant en effet a designer les cretins dans certaines contrees. Dans les anciens ouvrag-es latins ils sont le plus souvent designes sous le nom de christiani. Dans diverses parties du midi de la France, les populations leur donnent aussi le nom de cagots, de capots ou de cafl os. Les Allemands les appellent Kretinen ou Blodsinige ; en Autriche, les designations les plus repandues sont : Trotteln, Gacken. En Italic, on les appelle gavas, cristianei, totola, en Suisse, Trissel, etc.; en Amerique, bovos, tontos. C est a dessein que nous passons sous silence un ires-grand nombre de synonymies moins populaires. CRETINISMS. phenomenes morbides etant identique, nous sommcs amenes a les ranger ici sous le meme titre, tout en nous reservant de trailer dans une autre partie de eel ouvrage, les questions afferentcs a 1 histoire du goitre au point de vue puremen 1 , anatomique et chirurgical (Voij. GoiinE). Le goitre endemique avail ete signale par les auteurs anciens, et meme le cre tinisme leur etait connu ; mais 1 etude approfondie de cette endemic sur unc base reellement scientifique ne commence que vers la fin du siecle dernier, a la fois en France, en Italie, en Allemagne eten Angleterre avec Fodere, Malaearne, Ackermann et Clayton. Depuis cette epoque, un nombrc considerable de mono- graphics, d articles de journaux, d ouvrages complets, de revues, de rapports, d ecrits de tous genres en un mot, ont mis cette grave question au grand jour. Des societes savantes de plusieurs pays en ont i ait 1 objet de discussions se- rieuses, et les gouvernements eux-memes ont temoigne leur sollicitude pour les populations frappees en ordonnant des enquetcs qui ont etc failcs sur les lieux par des commissions specialcs et competentes. Ces commissions onl dis pose de moyens d examen les plus larges, tous les hommes les plus eclaires dc chaque contree s etant mis volontiers a leur disposition pour fournir les ren- seignements pi*opres a eclairer leur jugcment. Nous aurons souvent a citer deux rapports importants provenant de commissions specialcs; la premiere, dite du Piemont, a ete institute par le roi de Sardaigne en 1848, la seconde, connue sous le nom de Commission franfaise, a publie son rapport, du a la plume de Tun de nous, en 1873. A cote de ces deux ouvrages, nous citerons comme nous ayant fourni des renseignements particulicrement precieux le livre de M. Saint-Lager publie en 1867 et les monographies plus anciennes de Fodere, Seguin, Foville, Jlarchand, Savoyen etNiepce. Un grand nombre d indications isolees nous ont ete fournies par des monographies irangaises et etrangeres, et nous avons mis a contribution tous ceux qu il nous a ete possible de consulter direclcraent, nous rapportant pour les autres aux auteurs consciencieux que nous avons cites plus haul. L historique de la question a ete faite avec beaucoup de soins par M. Saint-La^er a qui nous avons emprunte la plupart des renseignements qui nous onl scrvi pour la redaction de la partie bibliographique de cet article. G est encore M. Sainl- Lager qui nous parait avoir le mieux explique les veritables cause de 1 endemie comprise deja avant lui : cet auteur a en effet apporle un contingent de faitg nouveaux tres-bien observes qui ont entraine la conviction dans presque tous les esprits. La commission francaise, a son tour, aajoute des fails tres-nombreux A ceux deja connus ; grace a des efforts venant de divers cote s et inspires par les memes convictions, 1 etiologie du cretinisme parait aujourd hui bien elucidee et c est la un point capital si Ton considere que la prophylaxie de cet etat morbide ne peut etre utilement appliquee que lorsqu on possede des notions etiolo- giques d une valeur incontestable. De toutes les races humaines du globe entier il n en existe pas une seule qui soit completement indemne de goitre et de cretinisme. Mieux etudiee en Europe, 1 affection parait au premier abord y etre plus frequente que dans les autres contrees de la terre; c est cependant le contraire qu il faudrait admeltre selon quelques observateurs modernes. Glavigero, Th. Gage ont vu des goitreux parmi les Indiens depuis le Mexique jusqu au dela du Perou. Je trouvai, dit Th. Gage dans sa relation de voyage, le prieur de Sacapula accompagne de plusieurs Indiens du pays ; ils avaient 148 CRETINISME. d enormes tumeurs au cou qu ils atlribuent a 1 usage de 1 eau de la riviere. An Bresil, suivant Aug. Sainl-llilaire et Luccock, le goitre n epargne ancune des trois races ; les Indiens, les negres et surtout les metis presenteraient ce- pendant plus souvent cette infirmite que les blancs. D apres Smith, au contraire, on voit plus de goitres, au Perou, parmi les blancs que parmi les Indiens. Brunei assure que dans la Republique Argentine, les gauchos, metis d Indiens et d Espagnols, presentent plus de cas de goitre que les blancs, les negres et les Indiens. Burton a vu des cretins parmi les In diens qui vivent pres de la baie Sandushy, vers la partie meridionale du lac Erie ; Praslow parmi les Indiens de la Californie ; Richardson parmi ceux des montagnes Rochcuses et du fort Edmonton. Le goitre ct le cretinisme sont endemiques a Borneo, Sumatra, Java, Ceylan; chez les peuples de race mongolique, dans le Kashgar, le Butan, 1 Assam, le Tipperah, le Nepal; en Chine, dans les montagnes du Kwang-Tong; chez les Bumates de la conlree a Test de Nertschinsk et au nord du lac Baikal ; chez les Tongouses, enlrc la Lena et le fleuvc Amour; enfin parmi ces peuples melanges d elements mongoliques et iinnois, des deux versants des monts Ourals. Le goitre et le cretinisme sont endemiques chez les Marocains de 1 Errif, les Berbers de quclques parties de 1 Atlas et des monts Aures, chez les Arabes des oasis; parmi les races negres, chez les Mandingues du Bambaur, et sur les deux versants des monts Kong. La dissemination de I enclemie goitreuse parmi les divers rameaux de la souche aryenne depuis 1 Inde en deca du Gauge jus- qn aux rivages occidentaux de 1 Europe est bien connue. Plusieurs auteurs sont d accord sur ce point, que parmi les habitants de 1 An- cien monde, ce sont les populations negres de certaines contre es de 1 Afrique qut fournissent le plus grand contingent a I endemie. En ce.qui concerne la race rouge Ilumboldt avail d abord emis 1 idee qu elle etait indemne de goitre et de cretinisme, mais il reconnut bientot son erreur et signala lui-meme 1 existencc frequente de 1 endemie dans les races indiennes de 1 Amcrique et notamment dans celles qui habitent les hauts plateaux de Quito, Le cretinisme a ete constate aussi chez les Indiens du Nicaragua (Bernhart), Dans la Nouvelle-Grenade, Mollien pretend que les indigenes sont plus fre- quemment atteints que les habitants de race blanche. On a constate de nom- breux cas de cretinisme parmi les Indiens de la Californie et du nord de 1 Amerique. Selon Aug. Saint-Hilaire et Luccock, le goitre serait plus frequent chez les metis des Indiens et des negres que dans les races pures non me- langees. En somme, les medecins americains et les savants en mission ont donne de tour cotes des descriptions suffisamment detaillees du goitre et du cretinisme pour qu on puisse en conclure qu aucune race n est a 1 abri du fleau, mais il nous parait insuffisamment prouvc que la race blanche soil plusepargnee que les au- tres. II est du reste a remarquer que les auteurs et les voyageurs se sont efforces d innocenter le plus possible la race ou la nation a laquelle ils appartenaient; cette tendance apparait non-seulement dans les vastes contrees du Nouveau monde, telles que I Amerique, ou Ion se trouve en face de grandes divisions d es- peces humaines, et en Europe lorsqu il s agit de nationalite s tres-diverses, mais encore dans un milieu plus restraint ou surgit la question des haines et des jalousies locales : Tel ecrivain anglais a voulu voir la cause dela degeneres- cence des blancs du Canada dans I lmmigration des Frangais ; tel auteur slave a CRETINISME. pretendu qu en StyriecesontlesAllemands qui ont propage I lnfirmite; un mcde- cin suisse affirme quo parmi les riverains des bords du lac des Quatre-Cantons, les descendants des Cimbrcs ont seuls resiste a 1 endemie. Dansle Tyrol, Allc- mands et Italiens se sont mutuellement accuses d etre les initiateurs du mal, et c est ainsi presque partout ou les habitants sont d origincs diverses. Mais la verite n est pas la. Les conditions organiques de 1 etre vivant sont etroitement liees a son milieu ambiant dont il subit I influence selon des lois qui ne peuvent encore etre rigoureusement definies, mais dont les elements commencent a nous etre connus. C est dans cette direction qu il faut porter nos investigations, et tous nos efforts doivent tendre, lorsqu il s agit de 1 etude d unc degenerescence ende- mique, a determiner le plus etroitement possible les relations entre les conditions physiques du monde exterieur et les modifications organiques de 1 etre qui les subit. Dans les contrees ou regne 1 endemie du cretinisme les animaux et quelque- fois les plantes meme degenerent, et par consequent subissent, en tant quVHiv organises, les influences nuisibles de leur milieu. Nous possedous sur le goitre des animaux un grand nombrc de documents Aristole, Columelle, Pline, Galien, Aetius, avaient remarque que les cochons sont sujets a rengorgement des glandes du cou. Galien s cxprime ainsi : Graeci strumas appellant (yotyarJss) a porcis (xoiyo?) in quoram gutture adc- nosi quidam tumores reperiuntur. D apres Paul d Egine le mot x ot ?5 vient en effet de ce que les strumes sout fumiliercs aux pores. Le goilre des cbiens et des pores a e te observe dans differentes contrees. Keys- sler 1 a vu dans le pays d Aoste, Goxe dans le Valais, Fodereen Maurienne, Ray mond et Rey dans le Lyonnais, Tallard dans la Meurthe, Delafond dans les en virons de Paris, Verdeil dans le canton de Vaud ; Garro, Prevost et Vicat 1 ont observe dans le canton de Geneve, Mac-Clelhmd a vu des cbiens et des chats goilreux sur les rives du Gange et de ses affluents. Dans 1 espece bovine le goitre a ele signale par Vieillard, Moretin, Prevost et Guerdan. Les medecins autrichiens, piemontais et russes, en ont egalement pu blic de nombreuses observations. Gustave Radde a observe des antilopes goitreuses en Siberie, pres des fron- tieres de la Chine, vers le Dalai-Nor, sur les rives affluents du fleuve Amour. Cet autcur a era meme pouvoir decrire une espece nouvelle sous le nom d*an- tilope (jidturosa, Campbell a vu pres de Behar et de Tirvat, 25 chevres et agneaux affec- tes de goitres, Bramley rapporte qu on observa, en 1821, cctte tumeur sur les chameaux, a Purneah. M. Saint-Lager, a qui nous empruntons ces details historiques, ajoute que les medecins russes ont vu des chevaux goitreux dans la con tree dont il vient d etre question et dans le gouvernement d Oloneiz. Les medecins ont egalement con state le goitre chez les chevaux dans le Guatemala et dans I Ainerique cen- trale. D aulres, aux Etats-Unis, au Bresil, dans la Republique argentine; Duchesne en Carinthie, Keyssler dans le pays d Aoste, Tallard et Rougieux dans le departement de la Meurthe, Mayor et Vicat dans le canton de Geneve. Vicat a rencontre dans 1 espace de six ans, 25 chevaux goitreux. L un de nous (M. Baillarger) a vu dans plusieurs localites de la Maurienne, a Aiguebelle, Saint-Jean, Saint-Michel, Modane, des mulcts goitreux ; dans une ccurie de Modane, sur 20 mulcts, 19 etaient goitreux. Peronnet et Lecoq ont 150 CRETINISME. trouve en Savoie, sur 60 mulets, 28 goitreux; sur 45 chevaux, 15 goitreux; Pellat, a 1 tisine d Allevart a trouve 47 mulets goitreux sur 55. En ce qui concerne le cretinisme, on a fait peu d observations sur les animaux. Raymond a vu des chiens goitreux dans un etat de stupidite comparable a 1 idiotisme. La meme degradation a ete observee sur des cbiens et des chevaux. M. Saint-Lager a interroge quelques individus ayant vu ou possede des. animaux goitreux en Savoie, en Suisse et en Piemont, et il a constate que ces animaux prennent le poil rude et terne, la voix rauque, Tome obliteree; i]s deviennent indolents, et quelqucs-uns arrivent a un etat de torpeur qu on ne peut s empecher de comparer au cretinisme. C est un sujet peu connu et digne de fixer 1 attention des veterinaires. Tout dernierement nous avons fait (M. Krishaber) 1 autopsie d un chien atteint d un enorme goitre endemique multilobe. Comme on le voit les observa tions .d animaux goitreux ne sont pas rares et on en trouvera un certain nombre dans les recueils de medecine veterinaire. En verite, la beaute de formes, la puissance et 1 activite vitales sont conside- rablement amoindries sur tout ce qui vit dans les contrees endemiques; tous les produits de la nature portent pour ainsi dire le signe de la decheance. 11 n est pas jusqu aux O3ufs des oiseaux de basse-cour, jusqu aux fruits et aux cereales qui ne soient degeneres. Rappelons seulement afm de borner notre etude a 1 espece bumaine, que tous les voyageurs ont pu remarquer que dans les contrees ou existent de nombreux cas de goitre, le type s amoindrit. La taille devicnt plus petite, le corps est trapu, epais, la tete volumineuse, les pommetles saillantes, les yeux eloignes 1 un de 1 autre, et tout 1 exterieur des habitants rappelle a un degre quelconque la description que nous avons donnee du type du cretin (voy. ce mot). Cette degenerescence signalee par plusieurs auteurs, est decrite de la maniere suivante par le rapporteur de la Commission du Piemont : Les habitants des lieux ou les causes d insalubrite sont en plus grand nombre et ou elles sevissent avec plus d intensite, ont presque tous un aspect cachectique ; les ecrouelles et le rachitisme y sont assez frequents. La plupartont 1 ossature enorme, une tete volumineuse, les articulations des extremites infe- rieures d une grosseur extraordinaire, ce qui peut dependre de leur exercice continuel a la montee et a la descente. lls ne parviennent point a une taiile elevee. Un bon nombre d entreeux ont le goitre, et ceux qui en sont exempts ont le cou gros et empate.Leur figure presente quelque chose de grossier et d aplati; ils ont les zygomes saillants et les yeux ecartes, de telle sorte que leur physio- nomie presente plus ou moins un aspect stupide. Ferrus, apres avoir cite un passage de la Commission du Piemont ajoute : Qui, dans ce tableau peut meconnaitre une idiosyncrasie bien tranchee? Qui n y reconnai trait au contraire les elements primitifs de la maladie, repandus dans la population tout entiere ? La commission se prononce pourtant avec une certaine timidite, ou plutot elle ne fait pas sentir suffisamment a quel point les racines profondes et les traits essentiels du cretinisme ressortent du tableau qu elle a trace. Qu est-ce done, pour une population, que Taplatissement de la figure, la saillie des pommettes, 1 etrange ecartement des yeux, et 1 aspect plus ou moins stupide des physionomies? Plus loin, Ferrus ajoute : Le cretinisme n est pas, on le voit, un fait accidentel, isole, sans correlation avec les disposi tions generales des populations. Les causes determinantes peuvent avoir, sans CRETINISME. doute, une certaine influence sur les cas qui se manifested ; mais la source du mal est plus profonde, plus enracinee. II n y a point seulemcnt la des cretins a trailer, mais une population entiere, d une maniere soutenue et par tous les modificateurs generaux. Ce fait constitutionnel de cretinisme, eparpillant en quelque sorte ses traits affaiblis et diffus sur 1 ensemble des habitants, la ou 1 endemie est active, et ou ses racines sont profondes, est digue de toute attention. M. le docte.ur Marchant, en meme temps qu il etudiait avec soin le goitre et le cretinisme dans les Pyrenees, n a pas manque de porter son attention sur les caraeteres que presentaient les populations. II les a divisees sous cc rapport, en deux categories. Ilclasse dans la premiere les habitants deshautes vallees qui se distinguent, dit-il, moins par leur stature elevee, que par les proportions parfaites qu ils presentent dans le corps et les membres. Dans la deuxieme categoric, il place les habitants des vallees inferieures ou regnent le goitre et le creti nisme. II s en faut de beaucoup, dit M. Marchant, que les Pyrencens de la seconde cate gorie pre sentent Jes avantages physiques que nous avons vus caracteriser les habitants des valle es superieures. Tout, au contraire, chez eux, annoiice une race d hommes dege neree. Leur tailleest generalement au-dessous dc la moycnne; et les membres disproporlionnes donncnt a leur personne uneapparencc commune et malpropre. Les jambes de ces montagnards sont courtes et grosses, tandis que leurs extremites thoraciques semblent avoir une longueur demesuree ; leurs pieds sont plats, larges et tres-gros, ils sont fortement debordes en arricre par le calcaneum qui, a en juger par la largeur du talon, serait en meme temps plus etendu transversalement chez ces individus que chez ceux de la premiere categoric. Leurs mains sont courtes et terminees par des doigts tres-gros et peu mobiles dont les extremites ungueales tres-larges semblent prcsque toutes finir au meme niveau ; quelquefois un, deux, ou plusieurs des doigts sont propor- tionnellementplus courts que les autres. Quant au visage de ces Pyreneens, il est large, court, tres-plat et surtout remarquable par la saillie des os malaiivs et la longueur des arcades zygomatiques ; leur bouche, entouree de levres epaisses et pendantes, est desagreablement ouverte entre un nez epate et un menton court et arrondi, fuyant en has eten arriere, et qui est ombrage par une barbe rare quoique grosse, et d une couleur le plus souvent rousse. Leur crane, moins volumineux que celui que nous avons observe chez les montagnards de la premiere categorie, manque toujours de symetrie et presente des degradations saillantes ; ainsi le front est has, deprime sur les cotes, la voute cranienne, sans hauteur, parait exclusivement constitue e par sa base. Une chevelure epaisse recouvre le couronriement de ces individus difformes; etce n est qu apres avoir pris 1 habitude de palper toutes les tetes que nous nous sommes bien rendu compte de leur irregularite. C est dans cette partie de la population, dont le temperament est generale ment lymphatique, que les goitreux et les cretins se trouvent presque exclusi vement; on pent meme ajouter que les individus qui sont epargnes de la premiere de ces affections ont tous, en general, le cou tres-gros et tres-court. C est encore parmi les Pyreneens de cette categorie, que Ton observe le grand nombre de sourds-muets et de scrofuleux, que nous retrouverons plus tard dan s lijs villages etles families de cretins. 152 CRETINISME. On peut alors observer, chez un grand nombre d individus, des signes isoles de cretinisme. Ces signes, bien que tres-divers, sont faciles a saisir ; chez 1 un, ce sont les traits du visage qui rappellent ceux des cretins; chez I autre, la pe- titesse de la taille; chez un troisieme, la conformation du corps, puis 1 imper- fection des sens ou de la parole, etc. On constate, en outre, dans les families, des fails de deux ordres tres-diffe- rents : dans lesunes, il y a tendance a la degenerescence dont les traits s accen- tuent de plus en plus ; dans les autres, au contraire, une tendance au retour vers 1 etat normal. Ces diilerents effets se produisent suivant les alliances et les conditions d ai- sance on de misere, etc. On rencontre souvent des individus dont le corps est svelte et bien conforme, mais qui conservent encore des caractercs de cretinisme dans les traits du visage et dans la conformation de la tete. Ces derniers carac- teres semblent, en general, ceux qui se transmettent le plus longtemps dans les families. Aux signes physiques de Ja degenerescence se trouve le plus souvent reuni 1 abaissemcnt du niveau intellcclucl, et il est inutile de s arreter longuement sur cette question qui a etc traitee par les auteurs et par nous-meme a 1 article Cretin. Rapports entre le goitre et le cretinisme. La coexistence du goitre et du cretinisme a du de tout temps frapper les observateurs, et, en effet, dans tous les ccrits sur ce sujet, on la trouve signalee. Mais c est a Fodere que revient I lionneur d avoir le premier compris la loi qui lie 1 une a I autre ces deux ma nifestations morbides et d avoir etabli cette loi que le goitre est le premier degre d une degenerescence dont le cretinisme est la dernierc expression (Fodere, Traite du goitre et du cretinisme, germinal an 8). Et cependant pros d un demi siecle plus tard, la Commission du Piemont arrive a des conclusions presque diametralement opposees a celles de Fodere . Cette Commission admet bien qu un bon tiers des cretins sont atteints de goitre, que des enfants, dont le developpemcnt revele le stigmatc du cretinisme, sont atteints frequemment d un rudiment de goitre des leur premier age ; mais elle ajoute que beaucoup de cretins sont depourvus de goitre, que le volume de celui-ci n est pas en relation directe avec le degre du cretinisme et que, d autre part, on rencontre des individus goitreux non cretins. Ces propositions sont parfaitement exactes, mais nous ne pouvons en dire autant de la conclusion qu en tire la Commission, lorsqu elle pretend que le goitre ne constitue pas un symptome essentiel de cre tinisme et que la coincidence de ces deux phenomenes morbides est purement accidentelle. A cette opinion se sont ranges cependant bon nombre d auteurs parmi lesquels nous citerons en France : Ferrus, Koeberle, Moretin et quel- ques autres. Nous allons examiner les arguments qui ont ete mis en avant par les par tisans de celte opinion, et plus particulierement par la Commission du Pie mont. Apres avoir rappele 1 opinion qui tend a rattacher le goitre au cretinisme par les liens etiologiques et pathologiques les plus etroits, le rapporteur de cette Commission s exprime ainsi : Si Ton considere qu il se trouve des cre tins entierement prives de goitre; que le degre du cretinisme n est pas toujours en raison directe du volume de la tumeur ; qu enfm on rencontre des individus portant un goitre volumineux sans presenter le moindre indice de cretinisme, CRETINISME. 155 il est permis de conclure que le goitre ne constituc pas un symplome essentiel, mais qu il forme une concomitance purement accidentelle de cette triste dege neration. Et plus loin il ajoute : Le goitre endemique dans les pays de montagncs existe par lui-meme ; il a des causes qui lui sont propres, il se de- veloppe et progresse sans etre ni la cause ni 1 efiet du cretinisme. II y a des regions dans lesquelles les habitants en sont presquc tous affectes sans qu il se trouve parmi eux des traces de cretinisme, et cette circonstance se rencontre surtout a 1 entree des vallees. Ges deux passages tendent a etablir entre le goitre et le cretinisme une sepa ration complete, et 1 auteur, comme on le voit, ne regarde la reunion frequent e des deux maladies que comme une simple coincidence. Ferrus semble avoir admis jusqu a un certain point une communaute d ori- gine entre le goitre et le cretinisme; neanmoins il doit etre range parmi les advcrsaires de la doctrine de Fodere. Apres avoir rappele que le goitre se trouve souvent chez des sujets d une sante parfaite et d un esprit developpe, il ajoute : Quelle que soil la distance que cette condition vraiment majeure mette entre le goitre etle cretinisme, il est convenable de se demander, si toutes les fois que la premiere affection existe, il y a, sinon commencement de cn -ii- nisme, du moins tendance a cette affection. En rcpondant nettement par 1 afh r- mative, je ne demens rien de ce que j ai avance sur la diversite des deux etals. Voici pourquoi : Suivant la definition que j ai proposee, le cretinisme consiste- rait dans une hydrocephalie diffuse ou dans un cedeme cerebral. Taut que cette maladie ne s est pas nettement dessinee, les individus atteints de goitre restent dans les conditions des habitants de la contree deja placee sous la dependance de la constitution generale qui predispose au cretinisme et peut y conduire. Le cre tinisme ne commence reellement que la ou le cerveau est modilie dans sa contexture ou tout au moius comprime par la serosite. C est a ces modifications organiques, qu il faut e galement rapporter, comme effets consecutifs, certains arrets de developpemcnt, les alterations osseuses elles-memes, 1 obtusion des sens, en un mot, tous les grands phenomenes de la maladie. Les goitreux, dans les localites endemiquement cretineuses, sont disposes, pour ainsi dire, au cretinisme, comme les temperaments sanguins le sont aux phlegmasies et les constitutions appauvries aux scrofules. Cette derniere phrase ne semble laisser aucun doute sur I opinion de Ferrus. II y a bieu loin, en effet, de la doctrine qui tendrait a faire admetlre que les goitreux sont disposes au cretinisme, comme les temperaments sanguins le sont aux phlegmasies, a celle qui tend a etablir ce fait capital, que le goitre et le cretinisme sont deux manifestations d une seule et meme cause spe cifique. M. Koeberle s est prononce sur cette question d une facon plus precise que Ferrus, et il separe completement, ainsi que la Commission du Piemont, le goitre du cretinisme. On a des longtemps remarque, dit-il, que le goitre tait tres-commun dans les pays ou le cretinisme est endemique, et que de nom- breux cretins etaient affectes d un goitre plus ou moins volumineux. Partout on a rattache le goitre au cretinisme, et on a conside re les etats morbides comme etant plus ou moins inseparables et comme derivant des memes causes. Or, pour prouver qu il n en est pas ainsi, 1 auteur cite les statistiques de la Commission sarde et de M. Billet. La premiere constate que pour 21841 goitreux il n y avait que 7084 cretins dont 5913 settlement etaient si- gnalcs comme affectes de goitre. D apres la seconde, dans le diocese de Mau- 154 CRETINISME. rienne, on aurait trouve 4010 goitreux n offrant aucune trace dc cretinisme, et 1577 cretins dont 296 n etaient point goitreux, d ou Ton pouvait conclure que le goitre existe tres-souvent sans le cretinisme et tres-souvent aussi le creti nisme sans goitre. Si Ton rencontre en general des goitreux dans les localites ou le cretinisme est endemique, ajouteM. Koeberle, I affection goitreuse, d autre part, est tres-repandue dans un grand nombre de localites ou le cretinisme est inconnu et ou elle atteint les individus les mieux conformes du reste, et les plus intelligents, sans que, depuisune longue serie de generations, les goitreux aient engendre des cretins. Enfin, ajoute-t-il encore, les simples idiots et les imbeciles sont parfois communs dans des localites ou Ton n observe ni cre tins, ni goitreux. Dans les pays ou regne le goitre, les imbeciles et les simples idiots peuvent en etre atteints sans que leur conformation corporelle presente alors les caracteres du cretinisme. Par consequent, le goitre n existaut que chez la moitie des cretins et se trouvant tres-repandu chez les individus intelligents et chez les idiots qui ne presentent pas les caracteres du cretinisme, il en re- suite que le goitre ne pent etre considore comme un attribut de cette degene- rescence, et que 1 idiotisme complique de goitre n est pas necessairement creti- nique; l idiotisme simple, le cretinisme, I affection goitreuse, sont des e tats morbides distincts, independants, mais qui peuvent se trouver associes. Moretin emet la meme opinion peut-etre meme plus energiqucment ; cet au- teur assure qu on voit dans certains villages le goitre se perpetuer depuis les temps les plus recules, sans avoir la moindre tendance a degenerer en creti nisme. Plus loin, il va meme jusqu a pretendre que les observateurs modernes, parmi ceux qui n ont pas fait seulement de la science dans le cabinet, mais qui ont explore les contrees a goitre et a cretinisme, sont unanimes pour se pa- rer ces deux affections. Parchappe s est moins nettement prononce que les auteurs qui viennent d etre cites. Neanmoins les passages qui suivent prouveront qu il etait bien pres de partager 1 opinion de la Commission du Piemonl : Sans contester, dit-il en aucune sortela realite et 1 importance des affinites qui existent entre le goitre et le cretinisme, j ai exprime 1 opinion que ces deux maladies different essen- tiellement par leur nature pathologique, et que pour parvenir a perfectionner la science, en ce qui concerne ces deux affections, il est indispensable de sou- mettre chacune d elles a une etude distincte non-seulement au point de vue pathologique, ce qui a ete deja fait, mais encore et surtout au point de vue etiologique, ce qui est a faire. Un peu plus loin, 1 auteur s exprime de la facon suivante. Des considerations pathologiques, dont la valeur ne saurait etre niee, ne permettent pasde confondre, en une meme maladie, le goitre qui se produit habituellement apres la naissance a la maniere d unc maladie et le cre tinisme, qui se presente essentieliement sous la forme d une infirmite conge- niale; entre ces deux affections, on- a pu admettre pour elles une sorte de com- munaute etiologique, il n en est pas moins vrai que les questions a resoudre pour chacune d elles presentent de tres-reelles differences, sous le triple point de vue statistique, etiologique et prophylactique a embrasser dans une enquete. Pour appuyer son opinion, Parchappe a surtout insiste sur ce fait qu il y a des contrees ou le goitre existe sous la forme endemique" dans des propor tions considerables et ou le cretinisme est inconnu ou ne se manifeste que ra- rement et tres-secondairement, tandis qu il y a d autres contrees, au contraire, ou le cretinisme se presente, au milieu de populations plus ou moins atteintes CRETINISME. par le goitre, comme un mal dominant par sa graviteet meme parsa frequence. Pour demontrer ce fait, Parchappe a reuni dans des tableaux, d une part, les localites on le goitre regnerait a 1 etat endemique sans qu on y obscrvat le cre- tinisme, et, d autre part, celles ou cette derniere maladie existerait sans qu il y eut de goitreux. Ces citations suffisent pour demontrer 1 existcnce de la doctrine qui tend a faire du goitre et du cretinisme deux affections tout a fait distinctes, en meme temps qu elles font connaitre les principaux arguments sur lesquels on s appuie pour la soutenir. Ainsi le goitre et le cretinisme seraient deux affections essen- ticllement distinctes par leur nature pathologiquc, et entre lesquelles il existe tout au plus une sorte de communaute etiologique. L opinion opposee ne manque pas non plus de partisans, et il faut mention- ner au premier rang Fodere, deja cite souvcnt, Tourdes, Morel, CUabrand et Fabre. D apres Fodere, le cretinisme ne se Irouve que la ou il y a du goitre; il marche de pair avec cette maladie : Je presume, dit-il, qu il n eu est que 1 effet immediat, ayant pour cause eloignee la mcme que le goitre. Ailleurs encore il ajoute que o la propagation du cretinisme suppose toujours des parents goitreux. Enfin le memo auteur assure que les parents, qui out un goilre un peu considerable, out loujours le malheur d avoir des enlants atli ints, a un degre quelconque, de cretinisme. D apres cet auteur le lien qui unit les deux m;i In dies serait done, comme on le voit, des plus etroits. M. le profcsseur Tourdes, adopte 1 opinion de Fodere; il pense que le goitre et le cretinisme sont dus a 1 influence des memes causes, ce qui lui parait sur- tout demontre par 1 influence de 1 heredite Gette heredite, dit-il, est une des preuves les plus evidentes dc la communaute d origine et de nature que pre- sentent ces deux affections. Morel admet a son tour que le goitre et le cretinisme sont unispar les liens etio- logiques et pathologiques les plus etroits : Tous les pays qui renferment des cretins, possedent, dit-il, des goitreux, et on ne pourrait alleguer aucunexemple a 1 encontre de ce fait. L observation attentive des faits prouve que le goitre est la premiere etape du cretinisme. Dans les contrees ou le goitre est endemique on peut deja distinguer sur la figure des individus les premiers lineaments du cretinisme: levres plus grosses, nez largement epate, arcades zygomatiquesplus saillantcs, marche alourdie, torpeur plus grande de 1 intelligence. 11 y a dans ces milieux, predominance du temperament lymphatique; il n est pas rare d y rencontrer des individus affliges de bernies, de surdile, elc., etc. Plus loin Morel ajoute : Gette maniere de considerer 1 evolution du cretinisme n est pas une simple notion speculative; si le cretinisme est 1 evolution a travers les generations d un element morbide dont les ascendants portaient le gcrme en eux et qui avait altere leur constitution, il est de toute evidence que ce n est pas centre le cretinisme qu il faudra dirigcr les moyens de traitement, mais centre le mal dont le cretinisme est le terme ullime. Or cemal, dit 1 auteur, est le goitre; non pas que les termes goitre et cretinisme soient synonymes, car on peut etre goitreux sans etre cretin, mais il y a entre ces deux etats un lien de parente qui nous fixe irrevocablement sur la direction a imprimer aux recherches etiologiques et aux applications therapeutiques. Gomme on le voit, Morel ne defend pas seulement ici, la doctrine de Fo dere, il en fait entrevoir les consequences au point de vue de la propbylaxie. 156 CRETINISME. Si on admet, en effet, que Ic cretinisme n est qne le degre le plus grave d une endemic dont le goitre marque le debut, c est evidemment contre cette premiere manifestation qu il faut s empresser de reagir. D apres M. Chabrant, dans les Hautes-Alpes, au moins, on pourrait mvo- quer 1 opinion populaire en faveur des rapports du goitre et du cretinisme. La relation qui unit entre elles ces deux affections est, dit-il, si evidente qu elle n echappe pas meme aux habitants de nos montagnes. Demandez-leur, par exemple, comment il se fait que, dans telle ou telle famille on trouve des enfants entaches de crelinisme, tandis que le pereet la mere paraissent bien conslilues et sains. Us ne manqueront pas de vous repondre que parmi les ascendants qu ils ont connus, il y avail des goitreux. Au nombre des auteurs francais qui ont professe les memes opinions sur ce point, on peut encore citer de Rambuleau, Esquirol, Boussingault, Bouchardat, Fabre de Meronne et Savoyen. II resulle, comme on le voit, de toutce qui precede, qu il cxiste bien reelle- ment deux opinions tres-differentes sur les rapports du goitre et du cretinisme, et que chacune d ellcs a ete et est encore soutenue par des auteurs dont 1 auto- rite ne saurait etre mcconnue. II est aise de comprendre combien il est important d elucider cette question alaquelle serattache si intimement 1 etiologie, la prophylaxie et meme le traite- ment de 1 endemie qui nous occupe. II est en effet certain qu il ne peut exister aucun moyen d action sur la degenerescence arrivee au dernier degre ; le creti nisme complet echappe necessairement a tout traitement curatif ; mais il n en est nullement ainsi de la premiere manifestation de 1 endemie du goitre, et il est de la plus haute importance de demontrer par des fails irrefragables si, comme le veut la Commission du Piemont, il n existe aucune relation entre ces deux etats morbides, ou bien si c est la theorie inverse qu il convient d adop- ter avec la plupart des auteurs modernes. La question est done de savoir si en rencontrant dans une contree le goitre, on agit indirectement sur le cretinisme en enrayant sa marche et sa frequence, et si Ton peut esperer, en faisant dispa- railre plus ou moins completemenl le goitre dans une contree, diminuer consi- derablement ou meme supprimer totalement la degenerescence cretinique. C est cette derniere opinion qui est la notre; elle a ete formulee et amplement motivee par Tun de nous, dans le rapport dc la Commission franc. aise que nous avons deja cite et sur lequel nous aurons frequemment a revenir. Ce long expose des diverses theories qui ont ete emises par nos predecesseurs, pour ou contre la theorie unitaire, nous permet maintenant de rechercher les causes d erreur qui ont pu se glisser dans les travaux des auteurs et surtout dans les recherches de la Commission du Piemont. Nous dirons d abord que cette Commission n avait ete inslituee que pour 1 etude du cretinisme ; elle a en effet donne une description du cretin qui peut- etre considere comme classique et la plus complete que nous ayons rencontree dans les auteurs ; mais cette Commission ne s etait occupee du goitre que d une facon incidente ; elle a fait bon marche des fails qui lui ont ete communique s au sujet du goitre et dont 1 etude attentive Taut-ait certainement conduite a des considerations diamelralement opposees a celles qu elle a formulees. Voici de quelle facon cette Commission a precede : Elle redigea d abord deux circulaires; 1 une, relative au cretinisme et formant une espece de questionnaire, fut adres- see aux cures de toutes les localites qui furent invites a se munir des rensei- CRETINISME. 157 gnements que pourraient leur fournir les syndics ; un autre releve fut envoye aux medccins des diverses provinces dont on attendait, avec plus de raison, des eclaicissemenls plus precis et plus etendus. Cette organisation eut pour resultat que les medecins cnvoyerent des memoires plus ou moins developpes, tandis que les ecclesiastiques, auquel pareil travail ne pouvait etre demande, se borne- rent a remplir les colonnes des tableaux qui leur avaient etc soumis. Or il se trouve qu il y a dans ces contrees, comme dans beaucoup d autres, une dispro portion considerable entre le nombre des medecins et celui des cures, chaque localite ayant un desservant tandis qu il est bien loin d en etre de meme pour les medecins. G est ainsi que de la province d Aoste, la Commission recut 84 tableaux rediges par les cures, tandis que les me decius n avaient envoye que onze memoires ; les proportions ctaient sensiblement les memes dans les autres provinces. Or il n est nullement necessaire d etre verse en medecine pour con- stater ce que tout le monde peut voir, un goitre saillant, il n en est pas de meme lorsqu il s agit de constater une tumefaction tres-peu prononcee de la glande thyroide, telle qu elle existe le plus souvent sur le vrai cretin. Nc doit-on ]ias admettre que les ecclesiastiques aient souvent neglige de remplir la colonne affectee a la designation du goitre, par cette indifference que Ton rencon tre chez les habitants, memes eclaires, d une contree ou 1 inlirmite du goitre est particulierement repandue. L enquete de la Commission franchise contient sur ce point des revelations irrefutablcs et de la plus haute importance. Pour onze communes dans lesquelles, d apres la Commission du Piemont, il y aurait eu sur 4957 habitants, 151 cretins, il ne se serait pas trouve un seul cas de goitre; or la Commission francaise a constate, vingt ans plus tard, que ces memes communes comptaient un nombre beaucoup plus considerable degoitreux que de cretins. Voici le tableau comparatif entre 1 enquete de la Commission du Piemont et cclle de la Commission frangaise. DEPARTEMEiNT DE LA SAVOIE NOMS DES COMMUNES. ENQUETE SARDE. POPULATION. ENQUfiTE FIUNCAISE (1864). CRETINS ^ Total. Goitreux. Cretins et idiots. avec goitre. sans goitre. 1 Detrie . ... . . 1 14 8 5 50 2 6 5 8 6 o 26 6 5 3 7 5 8 14 11 6 5 26 11 55 5 291 1325 1901 512 456 561 667 894 792 lOio 989 5 28 9 1-2 10 88 80 24 1 4 2 5 10 5 9 18 22 8 6 7. Notre-Dame-du-Pre 10 Pralognan 11 Saint-Bon 80 11 151 9451 257 87 158 CRETINISME. La Commission franchise, a ajoute le nombre d idiots aux cretins, ce qui a porte le chiffre total a 87 ; or le goitre est beaucoup moiiis frequent chez les idiots que chez les cretins, ce qui donne une valeur d autant plus grande au chiffre eleve de goitreux rencontres dans ces onze communes. Si une erreur materielle n avait etc introduite dans la science par 1 organisa- tion defectueuse de la Commission du Piemont, il ne se serait probablement jamais trouve un autcur serieux qui eut emis une opinion diametralement en opposition avec les faits. II nous parait par consequent inutile d insister da- vantage sur la refutation de la doctrine quc nous relatons ici, et qui avail ete soutenue par Parcliappe. Les arguments de cet auteur avaient ete empruntes au rcleve de la Commission du Piemont, et s appuyaient surtout sur la pretentlue non-existence de goitreux dans les onze communes du tableau ci-dessus qui comptait 151 individus atteints de crelinisme. Parcliappe avail en effel presents a la Commission francaise un tableau puise dans les travaux de la Commission sarde, et danslequcl il avail reuni un assez grand nombre de communes exemptes du goitre et ofi regnait le cretinisme. Ces communes sont au nombre de 42. Ce qui frappe tout d abord dans le tableau de Parcliappe, c est que dans les 42 communes indiquees, il y en a 17 qui ne renfermenl que 1 ou 2 cretins sett lement, et 10 qui en out moins de 5. II semble qu il n y ait pas lieu de tenir compte de ces 27 communes situees dans les contrees ou le goitre et le creti nisme sont endemiques. On comprend, en et fet, que ces cas isoles de creliniMiic peuvcnt etre ici expliques soil par le deplacement de quelques families, soil par 1 influence de 1 heredite, et plus encore par la confusion qui peut s etre fait entre 1 idiotismc et le cretinisme. II n y a done en realite dans le tableau de Parcliappe que 15 communes appartenant aux departements de la Savoie et dela Haute-Savoie, dont le recensement tiendrait a prouver que le cretinisme peut exister isole ment a 1 etat endemique. Ces communes sont celles de Detrier, Saint-Gervais, Servoz, Mont-Rond, le Bourget, Hauteville, Notre-Dame-du-Pre, Thorens, La Cote d Aime, la Saulce, Ilautecour, Pralognan, Montmelian Saint- Bon et Mongirod. L enquete de 1864 n ayant fourni aucun reuseignement et, par consequent, aucun moyen tie controle sur les communes de la Saulce, Thorens, Servoz et Saint-Gervais, il ne reste en realite que 1 1 communes, lesquelles, d apres l en- quete sarde, conliendraient, nous 1 avons deja dit, 151 cretins sur 9457 habi tants, c est-a-dire une proportion de plus de 1 1/2 pour 100, et cela sans qu il y cut un seul cas de goitre. Ce fait assurement aurait une grande importance au point de vue de la solution de la question; mais 1 enquete de 1864 ade- montre qu il n est point exact. II resulte, en effet, du tableau que nous venons de reproduire et qui pre sente reunis les resultats de 1 enquete sarde et ceux de 1 enquete francaise de 1864, que les 11 communes citees plus haul au lieu de 151 cretins sans un seul goitreux, conliendraienl aucontraire 257 goitreux et87 cretins seulement. La loi de Fodere se confirme done d une maniere absolue : 1 endemic de cre tinisme n existe jamais en dehors de rendemie goitreuse el cette existence con- stante conslitue un des arguments les plus puissants en faveur de la theorie unilaire que nous soutenons ici. Un autre argument non moins important est a tirer des rapports de 1 here- dile entre le goitre et le cretinisme. C est encore Fodere qui avail le premier formule cette observation que les parents goitreux transmettaient a leurs CRETINISME. 159 enfants la predisposition du goitre et du cretinisme et que dcs parents at- teints de goitre wlumineux engendrent des enfants cretins a differents degres. Fodere ajoute meme ^u il n existe pas de cretins chez les ascendants desquels on ne puisse constater 1 existence du goitre. D excellents observateurs, comme Marchant, Clmbrot, et plusieurs autres que nous aurons 1 occasion de citcr plus loin out continue les explications de Fodere en les precisant par des chifires. M. Marchant qui s est beaucoup occupe de I heredite admet comme parfaite- ment demontree la transmission du cretinisme par des parents goitreux. Apres avoir rappele 1 opinion de Fodere et cite un assez grand nombre de families dans lesquelles la transmission du cretinisme a eu lieu d une maniere directe, il fait remarquer que dans les cas ou rheredite directe n a pu etre conslatee, les enfants cretins etaient nes de parents goitreux. Plus loin encore il ajoute : Nous aurions pu appuyer les observations faites par Fodere par de nombreux exemples, si nous avions eu lout autre but que celui de prouver que le cretinisme etait une affection hereditaire. M. Chabrot, assure que dans les Hautes-Alpcs cette transmission par les parents goitreux est une opinion populaire. Get auteur ajoute (pie, quand le pere ou la mere d un enfant cretin sont excmj)ts de goitre, on ne manque pas de rappeler, pour expliquer sa maladie, qu il a eu des goitreux parmi ses anceties. Ainsi non-seulement les cretins naitraient directement de pere et de mere goitreux, mais il suffmiit, comme cela a lieu dans les maladies heredi- taires en general, que les grands-parents aient etc atteints de goitre. II convient d ailleurs de faire remarquer que la propagation du cre tinisme par les manages des goitreux offre en realite un tres grand interet. Le nombre ties cas de goitre en France etant de plus de 500,000, on est autorise a cher- cher dans cette cause la source, nonseulement d un tres grand nombre de cas de cretinisme, mais aussi d idiotie, d arret de developpemeut, de begaie- ment, de surdite, de surdi-mutite, etc. A tous ces points de vue cette ques tion merite done d etre etudiee avec soiri. Pour la resoudre definitivement il importe de rechercher quelle est la pro portion des cretins dans les families atteintes de goitre et dans celJes qui en sont exemptes. On comprend en el fet que si la doctrine de Fodere est exacte, il devra arriver comme consequence que les cas de cretinisme dans les families goitreuses se presenteront en proportion considerable et tout a fait exception- nelle, comparativement a la population generate. G est en effet ce que dernontrent les fails. La Commission du Piemont elle-meme a contribue a etablir 1 influence de I heredite sur le cretinisme. Le tableau de cette commission contenait une co- lonne dans laquelle avail ete inscrit 1 etat de sante des peres et meres des cre"- tins; il s agissait d indiquer specialement, si les parents avaient ete cretins ou goitreux. II resulte dece tableau, bien insuffisant cependant, que chez la moitie des cretins les ascendants directs etaient goitreux, et cette proportion si infe- rieure qu elle soil a la realite, aurait pu suffire pour amener la commission a reconnaitre la realile. Bien que cette proportion soit deja forte, il y a deux raisons qui doivent la faire considerer comme au-dessous de la verite. La premiere, c est que la slatistique ne comprend ici que le pere ou la mere; on n a done point tenu compte des cas assez nombreux dans lesquels les grand- 160 CRETINISME. peres el grand-meres des cretins etaienl goitreux. Or, ainsi qu il a ete dit plus haul, il en esl de cette affection hereditaire comme des autres , elle doit sou vent epargner une generation. M. Marchanl, sur 58 cas de crelinisme, a trouve que la maladie avail ete transmise 42 fois directeraent par les pere et mere et que 16 fois elle avail passe des aieux aux pelits enfants. 11 n est pas besoin de faire remarquer que la proportion de 16 a 42 esl consi derable. Une seconde raison pour laquelle la proportion indiquee dans 1 enquete sarde doit etre regardee comme Irop faible, c est qu on n a poinl separe, comme dans 1 enquete francaise, les idiols des crelins. M. Broc, dans son rapport sur la llaule-Savoie, a menlionne dans chacune des communes qu il a visitees, un certain nombre de cas de cretinisme, et il a donne le plus souvent des i*enseignernenls sur la sanle des parents. Dans 25 cas sur 26, le pere ou la mere des cretins etaient atleints de goitre. M. Auzouy a observe dans les Basses-Pyrenees 20 cretins, dont 14 etaient issus de parenls goitreux. Sur 75 cretins examines par M. Roque dans la Cor- reze, 52 sont nes de parents goitreux. Les 4 cretins , donl les pholographies onl ele reproduces dans 1 allas de Morel, etaient tous les 4 nes du meres goi- treuscs. Dans le document communique par Mgr Billet, et que nous avons deja cite plus baul, sur la commune de Planaise, on trouve des renseignements sur 7 families de cretins et dans les 7 cas ces families elaienl atteintes de goitre. Sur les 12 enfants crelins traites a 1 hospice de la Charlie, 9 avaient des parents goitreux. II resulte d un document communique a M. Fabre, par le docleur Boeri, et qui a aussi ete cite plus haut, que dans 4 communes de la vallee de Stora, sur 161 crelins, 147 etaient nes de parenls goitreux. En resumant ces observations, on trouve que sur 593 crelins, 315 sonl nes dans les families atleintes de goilre, ce qui donnerail, comme on voit, au lieu d une proportion de 50 pour 100 environ, qui resulle des documenls publie s par la Commission du Piemonl, le chiffre beaucoup plus eleve de 80 pour 100. Le plus grand nombre des cretins se trouve done dans des families alteintes de goitre; on ne peul nier que ce ne soil la un excellent argumenl pourprou- ver que les enfanls des goitreux apportent en naissanl une predisposilion au cre- linisme. II n est assurement pas douleux que la cause endemique seule, agissant pen dant les premiers mois ou les premieres annees de la v vie, peut produire un cerlain nombre de cas de cretinisme, malgre 1 absence de loute predisposition heredilaire. Cependant, si on considere que la population de loul un village esl e^alcment soumise a 1 action de cetle meme cause endemique, on ne peul manquer d ad- mettre que la proportion si forte des enfanls cretins dans les families des goi- Ireux esl le resultat d une predisposilion hereditaire. Si cette predisposition n exislait pas, commenl pourrait-on expliquer, en effel, celle espece de concen tration dans certaines families et non la dissemination, dans des proportions a peu pres egales au milieu de loule la population? La populalion si forte des crelins dans les families alleintes de goitre suffit done pour demontrer qu une predisposilion heredilaire au crelinisme esl trans mise par les parenls goilreux a leurs enfanls. CRETINISME. 161 II y a d ailleurs des observations particulieres, malheureusement rccueillies jusqu ici en petit nombre, et qui ne paraissent laisser aucun doute sur le fait d une predisposition hereditaire au cretinisme chez les enfants des goitreux. On comprend que si on rencontre dans une localite un cas isole de cretinisme, et que cc cas s observe precisement dans une famillc atteinte de goitre, il acquiert, au point de vue des rapports des deux maladies, une importance toute speciale. On ne peut, en effet, indiquer ici une cause endemique plus ou moins generale, on ne peut pas davantage attribuer a une rencontre purement fortuite ces cas dc cretinisme isole et se presentant precisement dans des families de goitreux. Les portraits et figures que nous avons reproduits a 1 article CUETIN se rap- portaient tous a des individus ayant eu des parents goitreux. Dans 80 observa tions de cretinisme ou d idiotie reconnue dans la Maurienne, par l un de nous, rapporteur de la Commission francaise, des renseigncments sur la famille out pu etre recueillis dans 65 cas, sur lesquels 52 fois le goitre avait existe cbezles pa rents, et 15 Ibis ceux-ci avaient etc eux-memcs atteints de cretinisme. II est important d ajouter que tres-rarement il a ete possible de signaler IVlat de sante des ai eux, et cependant les lois generates de 1 beredite existent aussi pour le goitre etle cretinisme, et le germe dela degenerescence qui nous occupe peut certainemcnt etre transmis aux descendants en epargnant une generation, et peut-etre merne plus d une. Le rapporteur de la Commission franchise a con state que dans les contrees oil le cretinisme n existe qu a 1 etat sporadique, on ne le rencontre que dans les families de goitreux. C est ainsi que dans une loca lite du departement de la Gironde, a Mortagne, presque sur le bord de la mcr, a ete recueillie 1 observation du cretin que represente une de nos figures (Voij. CRETIJX, fig. 1). Or le goitre, de memc que le cretinisme, est tres-rare dans ce depar tement, mais il se trouve que ce cretin etait ne d une mere goitreuse. Son his- toire a ete relevec par M. Desmaisons, a la complaisance duqnel nous devons aussi ce portrait; il etait age de 59 ans lorsque nous 1 observames ; il n etait pas devenu pubere et avait conserve ses premieres dents. La forme de la tete, les traits du visage, la taille courte et ramassee, et le minime developpement de 1 intelligence nous permettent de considerer cet individu comme un beau specimen de la degenerescence cretineuse. M. Fabre, a son tour, fait remarquer, qne dans les villages les plus eleves des Alpes, ou le goitre etle cretinisme n existent plus a 1 etat endemique, on trouve quelques cretins isole s constamment issus de parents goitreux. Nous citerons encore une observation devenue celebre et eminemment demonstrative, de Ferrus : Une cretine goitreuse de 2G ans se trouvait en 1842 dans le service de M. Falret, a la Salpetriere. Elle etait nee a Charonnepres Paris et avait une sceur etun frcre atteints de la meme degenerescence. Or, il resultait d une enquete mi- nutieuse faite par Ferrus qu il n existait pas dans le village de Charonne d autrcs mf fails analogues, mais que le pere et la grand mere paternelle de ces trois goitrenx offraient des signes indubitables de cretinisme. Ici, la loi d lieredite s est mani- lestee dans une direction inverse, des cretineux ayant engendre des goitreux. On pourrait rapprocher de ce fail une observation citee par M. Yingtrinier. 11 s agit d une famille dans laquelle sont nes cinq idiots goitreux, bien que cetle famille habitat une localite ou le goitre n etait en aucune fucon endemique. Sur ;# pres de 1000 habitants, 1 enquete, en effet, n a revele qu un seul cas de goitre chez une femme. DICT. ENC. XXIII. 1 1 162 CRETINISME. II est impossible de contester 1 importance de ces foils de cretinisme ou> d idiotie accompagnes de goitre chez plusieurs enfants de la meme famille, dans des localites ou ni le goitre ni le cretinisme ne sont ende miques, Ges exemples pourraient etre aisement multiplies; nous n en avons choisi que quelques-uns qui nous paraissent tres-rigoureusement elablis; mais, si des fails isoles nous passons aux observations prises en masse, les resultats ne sont pas moins probants. Voici ce qu il resulte des releves de I enquete generale faite en France ct etablie sur des chiffres considerables ; sur les 63 departements au su- jet desquels on a obtenu des renseignements, on a trouve que pour les localites dans lesquelles existait 1 endemic et qui comptait 1 250 000 families, 58 000 en viron renfermaient des goitreux, ce qui donnc la proportion de 1 a 52. L en- quele a fait connaitre la repartition d environ 7000 cretins, d une part dans les 38000 families atteintes de goitre, et, d autre part, dans les 1 212000 qui en sont exemptes. Or voici a quels resultats on est arrive. II se trouve que dans la population goitreuse il y a une famille sur 15 reniermant un ou plusieurs cre tins, tandis qu on ne trouve dans la population non goitreuse qu uiie famille alteinte sur 367. II est tres-probable que cette derniere proportion est encore trop forte, attendu que nulle difference n a etc elablie entre le crelinisme et 1 idiotisme, et, comme cette derniere n a que des rapports beaucoup plus eloi- gues avec le goitre, on scrait ccrtainement oblige d augmenter considerablement ce chiffre de 567, si Ton eliminait tous les idiots qui figurent a tort sur celte lisle. Dans les contrees atteintes par 1 endemie goitreuse, les cas dissemines de cre tinisme, compares jusqu ici a la population generale, ont ete considered, a juste raison, comme ne formant qu une proportion tres-faible; mais ils doivent surtout etre compares a la population goitreuse, dans laquelle ils se trouvent, an contraire, dans une proportion tres-forte. Les adversaires de la doctrine unilaire, pour prouver que le goitre et le cre tinisme appartiennent a deux endemics distinctes, ne se sont pas bornes a re u- nir des fails tendanl a prouver qu une endemic grave de goitre peul exister sans un seul cas de cretinisme ; ils ont, en outre, comme Parcbappe, par exemple. ajoute que dans des contrees beaucoup plus nombreuses on n observe au milieu de 1 endemie du goitre que des cas rares, dissemines de cretinisme, lesquels compares au chiffre de la population generale n ontverilablenient qu une impor tance tout a fait secondaire. Celle objection ne nous semble en realite rcposerque sur une erreur d interpretalion ; on comprend qu il fallait avanl loul recherchei si ces cas de crelinisme se produisaient dans les families exemptes de goitre, aussi bien que dans celles qui en sont atteintes. Dans ce dernier cas, 1 objectioii conservait toute sa force, la proportion par rapport a la populalion generale devenant verilablemeut insignifiante. 11 en serail tout differemment si les cas dissemines de cretinisme se trouvaieut presque exclusivement dans les families atteintes de goitre. Si peu nombreux qu ils soient, ces cas forment alors une proportion tres-forte et ce fait, au lieu d etre une objection centre la doctrine unitaire, devient le meilleur argument en faveur de cette doctrine. Un exemple suffira pour montrer la difference des resultats, suivant qu on compare les cas dissemines de cretinisme a la population generale ou a la popu lation atleinte de goitre. Nous avons releve dans I enquete dc 1864, pour les 40 departements les plus fortement atteints, les communes dans lesquelles il y a endemie croitreuse sans CRETINISME. 165 endemie du cretinisme, mais qui neanmoins contenaieat dos cas dissemines de cette degenerescence. Ces communes ramies forment une population d environ 820000ames contenant 27 000 goitreux et 1400 cretins. Si on compare les cas de crelinisme a la population, on trouve ime proportion extremement faible, qui n est pas meme de 2 pour 1000; mais si, au contrairc, on recherche le rapport des cas de eretinisme a la population goilreuse,on trouve, en ne preaant que les trois quarts deces cas, une proportion de 40 pour 1000, d ou Ton pourrait conclure quo si, dans ces contrecs, les cas de cretinisme com pares a la population gcnerale sont rares et dissemines, ils sont, au contrairc, relativement nombreux dans les families atteiutes de goitre. La proportion de 40 pour 1000 serait suffisanle pour prouver que Irs den\ maladies ne sont point, comme onl a dit, essentiellemcnt distinctes; mais qu au conlraire, elles sont unies par des liens etiologiques et pathologiques tres- etroits. Nous rappelons en outre, pour memoire, ce que nous avons deja signale plus haut, que les cretins naissent de parents goitveux dans la proportion de 80 pour 100. II y a d ailleurs un fait d une autre nature, resultant do lVm|iirlr stalistiqnc et dont Ja vaJeur ne saurait etre contestee. Nous avons deja dit que sur une population de 820000 ames contenant 27000 goitreux, on avail trouve environ 1400 cas de cretinisme, dissemines. Or, suv ces 1400 cretins, la moitie etaicnt atteints de goitre. De quelque manierc qu on envisage ce fait, il parait difficile de n y pas trou- ver la preuve d une predisposition hereditaire ou d un lien etiologique des plus etroits entre le goitre et le cretinisme; autrement, comment expliquer que, sur une population qui ne compte que 5 pour 100 de goitreux, les cretins soient atteints de goitre dans la proportion de 50 pour 100? L extreme frequence du goitre chez les cretins constitue done un fait d un tres-grand interet pour la solution de la question. En resume, s il est vrai que les cas dissemines de cretinisme ne forment qu unc proportion tres-faible quand on les compare, comme on 1 a fait jusqu ici a la po pulation generale, la proportion devient au contraire Ires forte si on les compare surtout a la population goitreuse, ce qui non-seulement detruit 1 objection op- posee a la doctrine unitaire, mais en outre fournit un argument excellent en faveur de cette doctrine. Nous avons deja dit que le goitre n apparait qu entre la sixieme et la dixieme annee de 1 enfance, et qu il se developpe surtout au moment dela puberte, tandis que le cretinisme se manifeste toujours beaucoup plus tot. Les cretins peuvent done devenir goitreux, mais 1 inverse n a guere lieu. 11 s ensuit que, dans un releve statistique qui implique necessairement les jeunes sujets, la relation entre les deux manifestations morbides n est pas rigoureusement etablie, et comme il y a beaucoup plus de jeunes cretins que de cretins ages, le nombre de goitres si- gnales chez les cretins est constamment inferieur a la verite. Mais en ne tenant meme pas compte de cette circonstance, les statistiques bien etablies prouvent surabondamment, on 1 a vu plus haut, 1 identite de nature des deux etats morbides. Si maintenant des tails generaux, nous revenons a 1 examen des releves isoles, voici ce que nous constatons : Dans les cantons de la Marche, M. Me nes- trel a trouve qiie, sur 35 cretins, 30 etaient issus de parents goitreux; dans la 164 CRETINISME. Haute-Savoie, cette proportion etait de 15 sur 46: dans la Correze, M. Rocques, nous ditqu elle etait de 52 sur 75 ; dans les Basses-Pyrenees, M. Auzouy a con state 14 sur 20, dans la commune de Planaise, Mgr Billet a trouve 7 lamilles de cretins, toutes atteintes de goitre. Admettons en taveur de notre opinion la statistique qui lui serait la raoins favorable ; il en resultera toujours que plus de la moitie des cretins sont atteinis d hypertrophie de la glande thyroide; des lors rargument qui consiste a invo- quer en faveur de la theorie dualiste ce fait qu il existe des contrees dans les- quelles les cas de cretinisme ne sont pas frequents, tandis que les cas de goitre le sont au contraire, cet argument, disons-nous, peut etre employe contre ceux memes qui le font valoir ; car dans ces contrees le cretinisme n existe pour ainsi dire pas dans la population saine, tandis qu ii frappe dans une tres-forte pro portion les in.lividus atteints de goitre. 11 nous parait rationnel d admettre que les causes de 1 endemie peuvent exister a des degres divers, et il est tres-carac- teristique que dans les contre es oil elle ne produit en majeure partie que des goitreux, c est parmi ceux-la que le crelinisme se produit. 11 n y a aucune con tradiction avec ce que nous vcnons de dire dans ce fait que le goitre ne se pro duit pas frequcmment chez le vrai cretin, ce qui serait du a ce que la puberte, dont 1 intime relation avec la formation du goitre est incontestable, n a pas lieu cbez le vrai cretin. M. Cerise, qui avail une conviction tres-arretee sur 1 unite morbide des deux phenomenes qui nous occupcnt, a cependant emis 1 opinion, tres-justc si Ton ne considere que 1 individu en lui-meme, que le volume du goi tre se trouve etre en raison inverse du degre de cretinisme. Cette formule, sans etre d une application rigoureuse, se verifie cependant dans un grand nombre de cas et nous avons deja dit nous-memes (voy. CRETIN) que lorsque 1 endemie atteint son plus baut degre d intensite sur un individu, le goitre ne se produit pas. Dans les pays ravages par 1 endemie qui nous occupe, la degene rescence prend quelquetois d autres formes que nous avons deja signalees (voy. CRETLN). et parmi lesquelles figment surtout 1 idiotie, 1 asthenogetiie et la surdi-mutite; nous n avons pas a revenir sur le diagnostic differentiel entre le cretinisme et 1 idiotie; disons settlement qu il existe des idiots et des astbenogenes atteints de goitre, sans que cependant la relation entre ces di verses formes de decbeance soit aussi nettement accusce que pour le cretinisme. Les rapports entre 1 idiotie et le goitre n ont jamais ete rigoureusement eta- blis, et on conceit que cette etude nc puisse etre faite que par des liommes par- ticulierement competents, qui ne sont pas exposes a confondre les idiots avec les cretins; la meme remarque s appliquea plus forte raison a 1 astbenogenie; mais il n en est pas de meme de la surdi-mutite que tout le nionde peut constater, et pour le releve de laquelle il suifit de consulter les registres des conseils de revision. Le tableau public par la Commission francaise donne la proportion comparee des cas de surdi-mutite dans les 89 departements de France. 11 resulte de ce tableau que la Savoie et les Hautes-Alpes, dans lesquelles endemic goitro-cretmeuse est la plus intense fournissent en meme temps la plus haute proportion de sourds-muets ; mais il faut ajouter qu au quatrieme et au sixieme rang viennent les departements d Indre-et-Loire et du Pas-de-Calais tandis que ces deux derniers departements ne presentent que des proportions tres-faibles de goitreux. 11 existe par consequent des causes de surdite comple- CRETINISME. KIT. tement independantes de 1 endemie cretino-goitreuse, celle-ci devant etre con- sideree comme 1 une d entre elles, peut-etrc la plus puissanlc. En ce qui concerne le begayement, on constate que cette degenerescence se trouve dans des rapports beaucoup plus eloignes avec 1 cndemie qui nous occupe. Troxler, Roch, Maffei, Erlenmeyer et plusieurs autrcs ont cependant signale le begayement comme un symptome de la diathese cretineuse en Suisse, en Styrie et dans le Wurtemberg. M.de Rambuteau, qui avait etudie cette question avec soin alors qu il etait prefetduSimplon, disait : Le begayement du pereannonce le cretinisme des enfants. II est vrai que la Commission sardc n a accovde aucune importance a ce symptomedela diatliese cretineuse, et qu elle dit qu un seul cas de begayement a ete signale par Laissus de Montiers; mais il faut remar- querque cette penurie de renseignements depend de la Commission elle-meme, puisque, sur les trente-cinq questions auxquelles les correspond ants devaient repondre, celles du begayement et de la surdite n etaient pas posees. Comme nous manquons de renseignements precis sur le begayement, nous ne le signa- lons que pour memoire, renvoyant au rapport de la Commission francaise et a 1 ouvrage de M. Saint-Lager pour les renseignements a ce sujet. Nous savons deja d aiileurs que toutes les formes de degradation organique se rattaclient a 1 endemie cretino-goitreuse, et en parlaut du cirtin nous avons enumere les complications de ce triste etat. On pourrait meme dire que la population presque tout entiere en subit 1 inHuence a un degre quelconque. Etioloyie. Nous arrivons aun point de notre sujet qui, pour les opinions di- verscs auxquelles il a donne lieu, me rite une attention toute particuliere. En outre? des donnees pratiques de la plus bautc portee se rattaclient a 1 etude des causes qui font naitre les endemies. En effet, on ne sera conduit aappliquer une metbode prophylactique et meme un traitement curatif, au moins dans une certaine me- sure, qu en arrivant a determiner les sources du mal. Pour assainir une contree, pour combattre le terrible fleau que nous etudions, c est a sa premiere manifesta tion, pour ainsi dire prodromique, qu il faut s attaquer ; c est le goitre qu il faut combattre pour enrayer le cretinisme, et, comme nous possedons contre cette manifestation une puissance d action incontestable, il est de la derniere impor tance d en connaitre les causes directes, afin de mettre, non-seulement les indivi- dus,mais encore les generations a 1 abri du mal. Nous aurons ensuitea indiquer les moyens directs de combattre les premieres manifestations de 1 endemie, alors qu elles existent deja. Certains auteurs, pour eviter Tembarras d une solution parmi les causes assi- gnees au cretinisme, ont cherchea expliquer 1 etiologie de l endemie par un en semble de conditions mauvaises, d habitudes, de genre de vie et d influences exterieures : c est la theorie, dite des causes multiples. Cette doctrine a ete soutenue par un assez grand nombred observateurs, parmi lesquels il convient de citer tout d abord le rapporteur de la Commission du Piemont. Apres avoir de clare que 1 endemie doit etre produite par le concours simultane d un grand nombre de causes, il les divise en trois categories : La premiere renferme les causes generales inherentes aux localites infectees. Sous ce litre se trouve compris tout ce qui a trait a la situation et a la figu ration du pays, a 1 elevation des villages, aux qualites de l air,a la temperature, a la lumiere, a 1 electricite, aux eaux considerees d une maniere generale, aux eaux potables, a 1 etat de la vegetation et meme des animaux domestiques. Dans la deuxieme categoric sont reunies les causes qui tiennent a la maniere 166 CRETINISME. de vivre ties populations, ct 1 auteur passe successivement en revue 1 expositiou des villages, l etat des habitations, ralimentation, les vetements, le degre d ai- sance de la population, ses occupations, 1 absence de commerce et d industrie, le degre d instruction, les maladies predominantes, enfin la constitution physique des habitants. Dans la troisieme division sont etudiees les causes dites individuelles, celles qui se rapportent aux manages, a 1 etat sanitaire des parents, a certaines condi tions speciales dans lesquelles a lieu souvent la conception, aux accidents de la grossesse et a 1 education des enfants. On voil que 1 etiologie ainsi comprise renferme en realite 1 ensemble des conditions dans lesquelles vivent les populations. On avait a chercher les causes d une maladie, et on a rassemble en un faisceau toutes les influences nuisibles qu on trouvait le plus souvent reunies dans les localites atteintes, et qui pouvaient, a des degres divers, alterer la sante generale et contribuer a la degenerescence de la race. Cependant ces causes si diverscs et si nombreuses etaient loin d avoir la memc importance, ce qui a conduit a les diviser en deux classes : les causes pnncipales ct les causes accessoires. Les premieres sont au nombre de trois, ce sont : 1 1 air humide ou autre- ment vicie, soil par la situation du pays, soil par la mauvaise construction des maisons, mal aerees et malpropres, soit par le manque dc lumiere solaire; 2 la mauvaise qualite des eaux et la trop grande ou la trop faible quantite de tel ou tel principe constituant; 5 1 insuffisance ou la mauvaise qualite des aliments. L action de ces trois causes serait favorisee par un ensemble d autres condi tions tres-nombreuses, mais auxquelles il ne faudrait accorder qu une influence secondaire. Les mariages consanguins ont ete considered comme un des elements etiolo- giques les plus importants du goitre et du cretinisme. Loin de nier 1 influence considerable de 1 heredite, nous aurons bientot a insister au contraire sur la part qui lui incombe dans le cretinisme ; mais il est impossible de ne pas faire remarquer des maintenant que les mariages consan guins dans les pays ou 1 endemie n existe pas, n engendrent ni cretins ni goitieux. Cette reserve faite, ajoutons que les habitants degeneres d une contree contractent frequemment mariage entre consanguins, ce qui s explique par la repugnance qui existe dans une certaine partie saine de la population a s allier aux families atteintes; il nous parait done incontestable qu a ce titre, c est- a-dire lorsqu il s agit d individus deja atteints par 1 endemie, les mariages consanguins prennent une part directe et considerable dans 1 intensite et 1 extension du mal. Parmi les auteurs qui ont attribue 1 endemie au concours de plusieurs causes reunies, on peut aussi citer MM. Marchant et Niepce. Le premier declare de la maniere la plus explicite qu il s inscrit contre la prevention de ceux qui veu- lent assigner au goitre et au cretinisme une cause constante et toujours neces- saire. Quant a M. Niepce, les causes de 1 endemie sont pour lui au nombre de quinze, et il les a successivement etudie es avec details dans son ouvrage. 11 est inutile d en faire ici une nouvelle enumeration, elles sont a peu pres les memes que celles indiquees plus haul et qui ont ete admises pai- le rapporteur de la Commission du Piemont. CRETLNISME. 167 Telle est la doctrine clos causes multiples, soutenue, comme on vient dc le voir, par des auteurs dont 1 autorite ne saurait etre meconnue. Gependant, cette doctrine, presque generalement adoptee autrcfois, estaujourd hui combattue par la plupart des observateurs qui ont recemment etudie la question. Est-il necessaire de rappeler ce que nous avons deja fait remarquer a satiete, que dans les memes contrees ccrtaines regions restent indenmes, tandis que d autres sont frappees et que cette difference cxiste meme parmi les divers quar- tiers de la meme localite isolee. On rencontre dans la vallee d Aoste des villages dans lesquels un hameau contient des cretins, 1 autre partie de la population du village etant saine, et cependant il serait impossible a 1 observateur le plus attentif de trouver une difference quclconque panni les divers individus de la meme communaute en ce qui concerne leur industrie, leur genre d cxistcnce, leurs habitudes de vie et leur milieu extcrieur; tout y paralt identique jusqu a 1 origine de la race. 11 nous parait done impossible d admettre qu une affection qui presente un caractere local aussi trancbe, et qui dans tous les pays du globe narde le meme type uniforme, ne soil pas nee sous 1 influenee d un principe nuisible et toujours identique. C est le principe que nous allons maintenant etudier. Nous avons volontairement passe sous silence jusqu ici la cause a laquclle nous croyons devoir rattacber nous-memes 1 existence du goitre ct du crctinismc, et si nous n avons pas ete les premiers u exprimer cette opinion, nous nous y rattachons au moins sans restriction. 11 existe certainement un agent toxique special, unique, partout le meme, qui affecte les organismes vivants et leur imprime unsceau de degenerescence toujours identique, dont le goitre marque le premier degre et qui a pour derniere expression le cretinisme complet, en passant ,par tous les etats intermediaires jusqu a la degradation absolue de 1 etie. S il est impossible de designer cet agent toxique et del isoier, il nous est oermis cependant de dire sous quclle forme il s introduit dans rorgamsme. INous expi-i- onons la conviction, et nous allons essayer de 1 appuyer par desfaits nombreux et bien observes, que le vebicule de cet agent toxique est 1 eau de certaines sources, et nous insistons particulierement sur cette circonstance, que les eaux de pluie et les eaux de neige ne le renferment jamais. C est 1 eau jaillissant du sol qui contient le principe goitrigene; c est done dans le sol qu il I aut cbercber le principe on, si 1 onveut, cet agent toxique, dont 1 eau est le vebicule. Les traditions populaires dans les contrees ou la maladieest endemique, sonl pour ainsi dire unanimes a attribuer a 1 eau la cause qui produit le nial. Quoiqu on doive en general accorder pen d importance aux croyances populaires, nous avons tenu a signaler celle-ci qui se trouve etre d accord avec 1 observation la plus rigoureuse. La croyance a 1 action goitrigene de certaines eaux est tres-ancienne. Pline exprime par un adage devenu celebre les rapports qui existent entre les eaux <l un pays et le sol qu elles parcourent. II parle de 1 eau d une fontame d Etbio- pie qui faisait perdre le sens, et il raconte aussi que, dans 1 Italie transpadane, les femmes se paraient de colliers d ambrc dans le but de dissiper le goitre du a 1 usage de mauvaises eaux. On trouve dans Ovide un passage sigmticatif : Sunt qui non corpora tantum Verum aniraos etiam valeant mutare liquores. 168 CRETINISME. Vitruve dit a ce sujet : Equiculis in Italia et in Alpibus, natiom Medullo- rum est genus aquce, quam qui bibimt efftciuntur turgidis gutturibus. Dans IJlpien on trouve egalement un passage exprimant une opinion ana logue. A une epoque bcaucoup plus rapprochee de nous, au seizieme et au dix- septieme siecle, les auteurs reviennent sur 1 idee de 1 influence nuisible de certaines eaux. Pour Paracelse ce sont celles qui traversent des metaux et des mineraux. Langius s exprime de lamememaniere. Agricola signals une fontaine goitrigcne dans les Grisons. Wagner, au dix-septieme siecle, cite a son tour un grand nombre de sources donnant le goitre, qu il designe sous le nom Kropf- brunnen (Kropf, Goitre, brunnen puits), dans les contrees qui correspondent aujourd hui aux Grisons (cantons de Zurich et de Berne), il a bu lui-meme pendant longtemps a ces sources et a pu se convaincre de leur action sur le developpement de la glande tbyro ide. Beckrnan raconte que, dans le pays de Scbmiedeberg, commune de Steinseiffen, le goitre a disparu des qu on a renonce a 1 usage de certaines sources que la population savait donner le goitre. Au dix-huitieme siecle, llaquetsignale 1 existence de Kropfbrunnen dans plusieurs contrees, et Lombraso fait cette observation bien significative, que les consents tie Lombardie se rendcnt a Cavasurta, ou ils acquierent en quinze jours le goitre par 1 usage des sources de la localite. Vcrs la fin du siecle dernier et au commencement du notre il s est fait un retirement sur ces opinions. Les grandes decouvertes de la cbimie contempo- raine paraissaient autoriser a nier 1 existence des agents toxiques dont on ne pouvait demontrer la realite. L analyse des eaux potables, si soigneusement qu elle fut faite, n ayant pas conduit a la decouverte du principe nuisible, on conclut negativement. Inspire de cet esprit pretendu scientifique, bon nombre d auteurs dedaignerent de s occuper d un simple prejuge, et c est ainsi que la Commission sarde, qui souleva cependant la question, arriva a conclure que la nature des eaux est sans influence aucune sur la production de la dege ne- rescence cretineuse. L autorite de cette Commission, tres-juslifiee si Ton tient compte du grand nombre de fails qu elle a su recueillir, a entraine 1 adhesion d un certain nombre d auteurs qui out cent apres la publication de son rapport. Les appreciations cbimiques de la Commission sarde sur les eaux sontdu reste debien mince valeur, et ne relevent certes pas de 1 esprit scienli- fique de la cbimie modcrne dont cette Commission avail la prevention de se prevaloir. Les eaux sont excellentes, dit-elle, a Saint-Vincent ou le goitre existe, el, dans d aulres contrees, elles sont troubles sans que Ton y conslate 1 existence d aucun agent toxique. Ces qualificalions et ces appreciations sur les eaux sont vraiment trop sommaircs ; il arrive en effet assez frequemment que les eaux sont troubles dans les pays ou regne 1 endemie; mais cette circonstance est bien loin d etre constanle, et il est impossible de douter aujoui d hui qu une eau ne puisse etre clairc, insipide ou meme agreable au gout, tout en contenant des principes nuisibles, de meme que 1 inverse peut avoir lieu. Des analyses bien simples telles qu elles resultent de 1 emploi de la teinture de savon, permettent deja de reconnaitre des differences au point de vue de 1 analyse chimique, que ni la vue ni le gout ne peuvent apprecier, et cepen dant ce genre d examen est lui-meme bien insuffisant. Un auteur partisan de la theorie de la propagation du cretinisme par 1 usage des eaux de sources et de puits, auquel nous empruntons de nombreuses preuves a 1 appui de cette these, CRETINISME. 169 M. Saint-Lager, a demontre que la teinture de savon decele deja des qualites differentes dans les eaux d une meme source ou d une meme riviere suivant les divers points de leur parcours. Voici les resultats obtenus par cet auteur au moyen de cette simple analyse : L Isere presente les differences suivantes : Val de Tignes 10 Moutiers 18 Grenoble 23 Dans le Rhone on observe les variations suivantes : A Oberwald 4 Pres de Martigny 11 Geneve. . . . , 14 Lyon 10 La composition varie e galement suivant les saisons, C cst ainsi qu on observe les differences suivantes entre 1 ete et 1 biver. Dans certaines rivieres de la Savoic : 1 ETC. IIIVER. . Arc u St-Jean 18" 39 Isere a Moutiers 18 36 \\ Torrent de Champigny 15 43 Doron de Pralognan 13 48 Torrent de Landry 14 45 i Bien plus, la meme riviere peut presenter une composition diffcrente a 1 approche de chacune de ses rives. Ce qui peut s expliquer par les changcments produits par les affluents ; c est ainsi que la Seine pres du pont dc Charenton marque 24 degre s comme la Marne, a la rive droite, et20 degres, seulement a la rive gauche. La composition d une riviere se modifie facilement dans son parcours eu e gard au terrain qui forme son lit; de bonne elle peut devenir nuisible et vice versa. II est done extremement probable que c est au sol que les eaux de sources et de puits empruntent leurs proprietes. Deja Pline avait remarque que 1 eau d une riviere pouvait etre bonne en un lieu et devenir dangereuse en un autre. Theophraste avait fait la meme remarque au sujet des eaux de 1 Asopos en Beotie. La faiblesse intellectuelle des habitants de cette contree cst restee proverbiale jusqu a nos jours, et n est-il pas probable, puis- I qu elle est encore actuellement inlectee de cretins, qu il en ait ete de meme a 1 epoque oil sa triste reputation prit naissance? Les anciens auteurs signalent duresteune source d unfleuve en Beotie qui faisait perdre la raison. Bordeu dit formellement qu il a vu plusieurs torrents des Pyrenees qui sont differenls le matin de ce qu ils sont a midi et le soir. II est important de I g constater, avec bon nombre d auteurs modernes, que les proprietes des eaux . ]!lt d une riviere peuvent subir de fortes variations dans leur constitution. La fonte des neiges et 1 abondance plus ou moins grande des pluies doivent avoir evi- demment leur part d influence dans ces changements. Richardson nous dit que la riviere du fort Edmonston donne le goitre aux riverains du fort et perd sa nocuite a quelques lieues plus loin. Mack Clelland fit une observation analogue au Kemaon : Dans un village, dit-il, le goitre est endemique et le village le plus rapprocbe en est exempt. Constatation faite, le premier recoit une riviere qui, avant d arriver, depose pendant pres d un kilo- 170 CRfiTlNISME. metre une grande quantite de tuf. M. Saint-Lager nous dit que les habitants deSaillon dans le Valais, qui avaient etc exempts de 1 endemie, 1 ont vue naitre dans leur milieu apres avoir remonte la prise d eau qui alimente la fontaine d une centaine de metres seulement; ce fait est Ires-important, en ce qu il demontre avec quelle prodigieuse facilite 1 eau emprunte au sol le principe toxique qui produit I endemie; d autre part, ces proprieles paraissent se perdre tout aussi facilement. On a remarque au Bresil que certaines sources qui donnent le goitre n ont plus d action delelere des qu elles arrivent dans les villes ou elles sont conduites par des tuyaux de plusieurs lieues de longueur. II est en effet a noter que la canalisation assainit dans beaucoup de localites les eaux nuisibles; M. Saint-Lager a observe dans le Dauphine et la Savoie, en Piemont et en Suissc, des exemples nombreux d amelioration survenues dans 1 etal sanitaire des populations apres 1 etablissement de tuyaux destines a conduire dans les localites les eaux de torrents et de sources qui precedemment etaient arrivees a ces localites enbaignant librement le sol. M. Leclerc a fait une observation analogue dans les Vosges, M. Guilbert dans 1 Oise. Manson signale ce fait caracteristique que, dans le district houiller de Nottingham, les eaux n etant plus suffisantes, on fut oblige de forer des puits a une profondeur plus grande, ct que bientoton remarqua que les cas de goitre devinrent beaucoup plus nombreux dans la contree. Ferrus avail parfaitement reconnu cette particularity importante que de bonnes eaux d une source peuvcnt facilement se modifier au point de devenir nuisibles en traversant certaines regions, et il cite a 1 appui de cette observation les fails qu il a releves dans le departement de 1 Ariege. II est impossible de ne pas admettrequ un principe toxique qui semodifie avec une telle facilite, et qui apparait dememe, ne subisse pas I influence d un cer tain nombre de causes exterieures, qu il n est pas toujours facile de determiner. G est ainsi que des manifestations de I endemie augmentent ou diminuent dans une localite sans aucune cause appreciable. N est-il pas tres-admissible, d apres tout ce qui precede, que la preparation des aliments qui contiennent de 1 eau, peut jouer a sou tour un role important dans la genese du cretinisme. II parait indeniable que la stagnation de 1 eau goitrigene augmente sa proprie le nuisible, que la cuisson la detruit ou au moins en diminue 1 intensite d action ; il est constant aussi que certaines substances alimentaires et medicamenteuses peuvent la modifier; qu ya-t-ild elonnant des lorsquequelqueschangementssur- venus dans le mode d existenceet de nutrition d une population puissent apporter des changements considerables a son etat sanilaire? Ainsi s expliqucraient 1 aug- mentation et la diminution de I endemie dans une contree sans causes appreciates. Ces causes existent cependant, et il est sans doute reserve au progres des sciences exactes de les determiner un jour. On verra plus loin que, depuis que les recen- sements ont ete serieusement etablis, on a constate des oscillations tres-grandes dans rintensite et le degre de propagation de I endemie ; elle a menie paru dans les contre es ou elle n avait pas existe et elle a disparu dans d autres. Les po pulations ont su d instinct eviter les sources nuisibles et cbercber celles qui les guerissent, lorsqu elles ont deja subi 1 influence des premieres. Mgr Bil- liet raconte qu au hameau de Puiser, commune de Planaise, il existe 17 fa milies qui se servent des sources du pays et qui toutes sont affligees de goitre et de cretinisme ; une seule famille en est absolument exempte, et le meme auteur a constate qu elle fait un usage exclusif des eaux pluviales. M. Saint-Lager a verifie celte observation, ce qui ajoute incontestablement a son authenticite. Le CRETINISME. savant prelatafait une autre observation non moms interessantc : dans la com mune de Longuemate en Savoie, le goitre n existait pas jusqu au moment ou mi industriel a delourne la source qui alimentait le pays, contraignant ainsi les habitants a faire des puits ; le goitre apparait des lors. II est facile de com- prendre que 1 eau d un puits, qui est en somme slagnanle, se charge plus aise- ment des principes du sol qu une eau couraate ; nous savons deja que celle derniere a une tendance incontestable a changer de composition dans son par- cours, en s impregnant de nouvelles substances et en abandonnant une partie de celles qu elle contenait. On pourrait s expliquer ainsi qu un sol qui contien- drait 1 element goitrigene ne 1 abandonnat qu a 1 eau qui est longtemps en con tact avec lui, ce qui arrive pour les puits, les lacs, les elangs et certains reser voirs. Par contre, on a observe aussi que 1 eau evidemment goitrigene, lorsqu on la laisse deposcr longtemps dans des reservoirs artificiels, en 1 isolant par conse quent du sol, perd en partie ses proprietes toxiques. Dans une commune du Yalais, les habitants atteints de goitre avaient 1 habitude de se rendre a Sail- Ion, village voisin, exempt de 1 endemie, pour se guerir de leur infirmite. Or nous avonsdeja dit que cette commune avail, pour des motifs que nous ignorons, fait remonter a quelques centaines de metres la prise d eau qui alimentait sr> fontaines ; des lors le goitre apparut a Saillon. II existe un grand nombre de communes dont les habitants atteints de goitre vont boire 1 eau dans des com munes indemnes ou la font venirde la. On constate regulierementla disparition du goitre peu de temps apres 1 arrivee dans la plupart des villes des individus atteints; mais on pourrait alleguer, non sans raison, que dans ces cas toutes les conditions physiques out change, et que 1 air, Falimentation et le genre de vie sont differenls. II importc done de bien faire ressortir les cas dans lesquels la guerison fut obtenue sur place par 1 abandon seul des eaux potables. Voici deux villages separes run de 1 autre par une distance d environ 800 me tres ; 1 un, Saint-Bon, contient une population saine, robuste, completement exempte de cretinisme, tandis que 1 autre, Bozel, est afflige de 1 endemie sous toutes les formes. La municipalite de cette derniere commune s imposa le sa crifice d amener, dans des tonneaux, les eaux dont se servent les habitants de Saint-Bon, et 1 effet salutaire de cette disposition ne tarda pas a se manifester; aujourd hui on ne trouve a Bozel que des cretins deja adultes, tandis que les eiffants nes depuis 1 arrivee des nouvelles sources ne sont points atteints (Saint- Lager). Dans un etablissement public, a proximite de Paris, le goitre etaitap- paru plusieurs fois et avail disparu de meme ; Ferrus, qui raconte ce fait, sans preciser exactement la localite, ajoute que ces frequentes recidives comcidaient avec la cessation de 1 usage des eaux de la Seine el son remplacement par les eaux de sources de la localite ou par de 1 eau des puits artesiens. Rostan rap- porte 1 histoire d une dame qui fut atteinte a plusieurs reprises de goitre, mais qui fut defmitivement guerie lorsque, sur le conseil de son medecin, elle rem- plac.a 1 eau qu elle buvait ordiuairemenl par celle de la riviere d une commune voisine, ou le goitre n existail pas. Dans le village d Antignano .(province d Asti), il existe trois sources, dont deux paraissent posseder a des degres differenls le principe toxique, tandis que la troisieme en est exempte; c est ainsi que les families qui font usage d une des sources compteut de nombreux cretins et des goitreux ; celles qui sont plus voisines de la seconde source, n onl que des goi- treux; une autre partie du village est completement indemne de 1 infirmite, c esl celle qui se sert de 1 eau de la troisieme source. Yoila done un fait d une precision 172 CRETINISME. rigoureusc : meme climat, meme altitude, meme atmosphere, meme alimenta tion solide, memes vetements, habitudes identiques comme travail et comme genre d existence ; il n y a qu une chose qui diflere, c est 1 eau potable; il nous parait completement impossible de meconnaitre que ce i ait n indique avec pre cision ou il faut chercher la solution du probleme. M. Saint-Lager, qui en fait une judicieuse appreciation, critique la Commission sarde qui cite 1 exemple d Antignano, en se refusant de reconnaitre 1 enseignement si precieux qu il offre. Nous 1 avons dit, cette Commission a toujours ete dominee par cette idee que 1 analyse chimique n ayant pas montre de difference entre les sources, celles-ci doivent etre identiques entre elles. Mais il nous parait ex- cessif de demander une telle, puissance d analyse a unc science toute moderne. La chimie fait tous les jours de nouveaux progres; elle s est enrichie de 1 analyse spectrale depuis que la Commission sarde a fonctionne, et il est plus que probable qu elle augmentera encore ses moyens d investigation ; mais ne dut-elle jamais parvenir a isoler le principe toxique qui engendre le cretinisme, 1 observation directe, les experiences si faciles a controler et si concluantes qui ont ete faites, suffisent pour en demontrer 1 existence. Du reste, en admet- tant meme qu il ne s agisse pas d un principe special, il n en est pas moins avere que 1 cau subit dans certaines conditions, et par son contact avec le sol de certaines localites, une modification quelconque qui la rend toxique. Les fails que nous aliens rapporter en fournissent de nouvelles preuves. Un tres-grand nombre d observateurs, tant en France qu a 1 ctranger, ont re- marque la facilite avec laquelle 1 endemie disparaissait ou diminuait dans une forte proportion, comme d autres fois elle apparaissait au contraire et se propa- geait avec rapidite. Or, il est possible de constater dans un grand nombre de cas que cette difference se rattache aux changements survenus dans le choix des eaux potables. Nous avons deja cite des exemples dans cet ordre d idees ; eli voici d autres : dans la commune de Saint-Michel, entre Salins et Arbois (Jura), M.Ger main observa que les habitants qui vivaient d un cote de la grande route etaient exempts du goitre, tandis qu un grand nombre d entre eux etaient atteints de 1 autre cote de la route ; deux sources de provenances differentes alimentent cette com mune, et il a ete possible de constater que les habitants se fournissaient d eau potable a deux sources differentes, dont 1 une est saine et 1 autre goitrigene. Dans le village de Saint-Bonnet, pres de Chauriat (Puy-de-D6me), les habitants remplacerent par une nouvelle source celle dont ils s etaient servis jusque-la; le goitre apparut aussitot dans cette commune. A Allevard et a Poncharra (Isere) 1 endemie tend a disparaitre, selon M. Saint-Lager, depuis qu on s y sert des sources du Breda ; ce n est que dans le quartier de la rue de Jerusalem a Allevard, dans lequel on continue a boire 1 eau des anciennes sources, que 1 en demie existe toujours au meme degre qu auparavant. II faut ajouter aussi que les habitants do ces localites font un plus grand usage de vin actuellement que par le passe. Selon le meme auteur la diminution de 1 endemie a ete constatee dans la commune de Domaine (Isere) depuis 1 usage de 1 eau d une source nou- vellement recueillie dans un reservoir a filtre. Dans la ville de Saint-Jean ou le goitre etait depuis longtemps endemique, un habitant, s inspirant du conseil du docteur Mottard, a fait construire une vaste citerne pour remplacer les eaux de Bonrieux. L influence de cette innova tion se fit sentir aussitot. Deux fontaines alimentent la commune de Lissac, dont les habitants se divi- CRETINISME. -173 sent, au point de vuc de 1 endemie, en deux parties distinctes selon la proximite de ces fontaines. On peut dire en general que le cretinisme est presque inconnu dans le pays ou Ton fait usage des eaux pluviales. Le docteur Meyme designe un grand nombre de communes en Hollande et en Belgique dont les unes, exemptes de 1 endemie, se servent d eau de puits; mais dont les autres, ou le cretinisme existe, font usage des eaux de sources. M. Delpon a fait la meme observation dans le departement du Lot. Un fait bien plus caracteristique encore a etc recueilli par M. Boussingault dans une ville de la Nouvelle-Grenade , a Socorro, ou presque tous les habitants ayant le goitre, un medecin bien inspire se lit cons- truire une citerne, et parmi les personnes qui en lirent usage aucune ne fut atteinte de 1 endemie. Selon Heid, les residants anglais d une ville tic la frontiere du Beng.ilc, ou le goitre est endemique, ont pris 1 habitude d envoyer chercber les eaux du Gauge, pour se preserver; ils sont restes indemnes au milieu d uiic population affligee de cretinisme et qui buvait les eaux des sources goitrigencs du pays. Le goitre etait tres-frequent a Reims il y a environ un siecle ; mais il y de- vint beaucoup plus rare apres qu on eut cesse de fa ire usage de 1 eau de puits et qu on 1 eut rcmplacee par 1 eau de Vesle, recueillie dans des fonlaincs publi- ques. II en est dememe de la ville de Geneve, ou 1 etablissement de la machine hydiaulique qui distribue 1 eau du Rhone a fait diminuer de plus en plus le nombre de goitreux, qui etait autrefois considerable. Des observations analogues ont ete faites par Cazalis au sujet de plusieurs villes du Piemont. M. Niepce cite un hameau d Avillard ou le goitre diminue en ete alors qu on boit 1 eau provc- nant de la fontc des glaces, et augmente en hiver alors qu on fait usage des sources du pays. M. Duclos a observe un phenomene inverse dans deux com munes de la Savoie, Chamonixet Croix-d Aiguebelle, ce qui provient de ce qu eu ete les ruisseaux de bonne qualite du pays se tarissent, et que les habitants vont s approvisionner a une source voisine qui donne naissance a 1 endemie. Borie nous ditque, dans une contree infestee de la Carinthie, plusieurs per sonnes parvinrent a se preserver de 1 endemie, en laisant exclusivement usage de la biere et du vin comme boisson ; pareil fait a ete observe au fort Silberberg (Silesie) par Hancke, ou sur une garnison de 5800 hommes 70 seulement res- taient indemnes, parce qu ils n avaient bu que de la biere, ou de 1 eau preala- blement portee a 1 ebullition et claritiee par le repos. La cuisson parait en effet assainir 1 eau goitrigene, mais les observations ne sont pas encore assez nom- breuses pour qu on puisse etre tres-affirmalif a ce sujet. Nous en dirions autant de la clarification par le repos. M. Boussingault a trouve a Mariquita, oil 1 ende mie est generalisee, une famille completement exempte ; elle avait 1 habitude, dit ce savant observateur, de laisser reposer 1 eau pendant deux jours avanl d en faire usage. Nous aurons a nous occuper particulierement des oscillations qui se montrenl dans 1 intensite et le degre de propagation de 1 endemie dans de nombreuses contrees, tant en France qu a 1 etranger. Depuis que les recensements sont fails avec une certaine exactitude, on a constate de grandes differences dans la marche du cretinisme ; tantot il augmente ou diminue periodique- ment; tantot, au contraire, il suit regulierement une marche ascendante, tandis que, d autres fois, 1 inverse a lieu. On constate done d abord deux cou- 174 CRETINISME. rants opposes d augmentation et dc diminution constante et graduelle et, d au- tres fois, de simples oscillations en plus ou en moins. Dans les departements du Bas-Rhin, de la Moselle, de la MarneetdelaMeurthe, le cretinisme a diminue dans de fortes proportions, et cetie diminution a meme ete considerable dans certaines localites. C cst ainsi qu a Rosieres-aux-Salines (Meurthe), ou il existe actuellement environ 4 pour 100 de goitreux, on en comptait 25 pour 100 il y aune quarantine d annees. Dans divers paysde 1 Europe et de 1 Amerique, notamment dans le centre de 1 Allemagne, en Norwege, dans quel- ques comte s d Angleterre, en Siberie, dans la Nouvelle-Grenade, les auteurs ont constate des oscillations considerables en plus ouen moins. Nous n avonsenvue pour le moment que les cbangements assez appreciates pour etre facilement rattaches a la cause materielle que nous accusons de produire le cretinisme. Malheureusement,nous nc sommes pas en mesurc d indiquerpour tons les pays les changements d habiludes qui ont pu survenir cbez les habitants et les instal lations qui ont ete amenagees pour amener les eaux potables aux centres des populations. 11 pent etre arrive aussi que dans certaines localites on ait aban- donne 1 usage de sources devenues insuffisantes avec raugmentation des popu lations, el qu on ait trouve neeessaire d amener d autres eaux sans sepreoccuper si elles conlenaient le principe goitrigene. Maintenant que nous savons avec quelle facilite le sol communique a 1 eau son produit nuisible, et avec quelle facilite aussi t celui-ci se detruit, il nous sera permis d aflirmer que certaines conditions pbysiques peuvent avoir echappe aux observateurs qui out ctudie les grandes endemics de cretinisme dans divers pays, d autant plus que la plupart de ces observateurs ne paraissent pas etre convaincus de la theoric que nous soutenons. Nous avons fourni des exempb posilifs en faveur de notre these, en nous reportanl toujours a 1 autorite do ceux qui out observe les faits eux-memes. C est ainsi qu il nous a ete possible de preciser la cause de la diminution ou de raugmentation du cretinisme et du goitre pour un bon nombre de localite s ; nous pouvons encore ajouter que partout ou les eaux ont ete canalisees, on a diminue leur degrede saturation des produits du sol, et, par suite, 1 intensite de I endemie. II est peut etre utile ausssi, lorsqu il s agit de pays ou le sol lui-meme peut subir des changements , de tenir le plus grand compte de cette cir- constance. Humboldt signale 1 apparition soudaine du goitre sur le plateau de Bogota dans la Nouvelle-Grenade, sans pouvoir, dit-il , en determiner b cause. M.Saint-Lager croit pouvoir 1 altribuer aux eboulements considerables qui sont tres-frequents dans ce pays, dont la formation dominante est constitue e de gres bigarre extremement friable ; des montagncs entieres s ecroulent et entrai- nent avec elles des couches de schiste charbonneux ; les eaux sont raises en con tact avec ce sol de nouvelle apparition et leur qualite s en trouve modifiee. En faveur de 1 interpretation de M. Saint-Lager milile 1 observation deM. Bourrit, qui avait remarque que les goitres diminuent ou augmentent selon les directions quo prennent les torrents, et nous savons que celles-ci sont assez variables. La pio- fondeur des ravins qui, pour le meme cours d eau torrentiel, tend a augmenter constamment, a egalement pour consequence la decouverte de nouvefles cou ches du sol dont la composition est changeante. Nous signalerons encore un autre point tres-important et dont nous aurons beaucoup a nous occuper plus loin. Nous voulons parler du traitement iode, qui joue un role tres-considerable dans la diminution de I endemie. Nous verrons CRETINISME. 175 quelle minime quantite il suffit d inlroduirc dans 1 organisme pour obtcnir des resultats tres-appreciables. L action si considerable de 1 iode sur le goitre ende- mique a conduit Prevost de Geneve et M. Chatin a cette interpretation que le cretinisme et le goitre, etaient dus au manque d iode, et, selon le premier des deux observateurs, au manque debrome. MM. Marchand, Niepce et Fourcaultse rattacherent a cctte maniere de voir. C est M. Cbatin surtout qui s efforga de de- montrcr 1 absence de 1 iode dans 1 air et les eaux des contrecs endemiques. Les recherches cbimiques de ce savant observateur ont assurement une serieuse valeur ; il est impossible de contester cepenclant qu il existe de nombreuses con tradictions dans ses releves ; il a trouve par exemple quc, dans les -Alpes, la quantite d iode est en raison inverse de 1 altitude; le cretinisme diminue toutefois a mesure qu on s eleve du nivcau des vallces, et c est dans les plaines du P6, contree evidemment infestee, qu on a trouve de fortes quantites d iode repandues dans 1 air et dans les eaux. Dans la commune dc Beaulieu (Oise) c est a une source ferrugineuse, a la fontaine Gayeux, que s ap- provisionnent un certain nombre d habitants ; elle a ete trouvee la plus iodee de tout le pays et c est precisement celle-la qui parait avoir la plus grandc influence goitrigene. Nous sommes les premiers a reconnaitre 1 action peremp- toire, certaine, absolue de 1 iode sur le goitre endemique ; mais il nous parait evident que ce metalloi de est en proportion trop mini me dans les eaux potables pour neutraliser les effets du principe toxique. Nous poserions du reste une question a ce sujet ; on conclut, de ce que 1 iode gucrit le goitre, qu il a une action preservative ; mais nc scrait-il pas permis de rappeler que la meme suli- stance guerit les accidents secondaires et tertiaires de la syphilis, sans que son usage puisse cependant preserver de ces accidents? Si nous voulions pousser ces arguments plus loin, ne pourrait-on se demander egalemeut si 1 usage pre a- lable du mercure peut empecher l individu de contracler la syphilis ? Selon Palas, les habitants goltreux de Motinos, en Russie, boivent des eaux marneuses et ferru- gineuses, et M. Saint-Lager fait remarquer a son tour que, d une maniere ^enerale les sources les plus iodees sont celles qui jaillissent des couches terrestres contc- nant des amas de plantes, de lignite et de houille, et que ce sont precisement ces eaux qui sont les plus goitrigenes. 11 en est de meme des eaux provenant de cou ches terrestres fuco ides; ce dernier auteur rappelle uussiqueFroschammera, de son cote, trouve de fortes quantites d iode dans les couches fucoides. Mais voici qui est plus precis encore : lorsque les habitants d une contree infestee veulent se guerir du goitre le raisonnement le plus simple les conduit a boire les eaux des parties de la contree ou le goitre n existe pas ; or, il resulte d examens multiples que ces eaux saines ne contiennent pas plus d iode que les eaux ^01- trigenes, et que parfois elles en contiennent moins. M. Saint-Lager cite ce fait bien digne cle remarquc, a savoir, que c est precisement dans les contrees ou le cretinisme est le plus re pandu (Valais et Savoie) que Ton trouve une couche dolomitiquequi contient 1 iode, qui, d aprescet observateur, paraitrait determiner la mineralisation des sources de Saxon et de plusieurs autres. Nous citerons encore pour memoire 1 opinion qui a ete emise (en face de 1 inconnu surgissent les hypotheses meme les plus invraisemblables) que le cretinisme etait du a 1 absence dans les eaux du chlorure de sodium. Lorsqu on songe a la minime quantite de cette substance contenue dans les eaux qui en sont le plus chargees, et aux fortes proportions ingerees journellement avec tous les aliments, on peut se demander quel pouvoir mysterieux on a voulu at- 170 CRETINISME. tribuera la presence du sel de cuisine dans les^eaux potables. II serait inutile d insister. Ackcrmann, qui identifiait le cretinisme avec le rachitisme, supposait qu ils dependaient tous deux d un defaul d assimilation des phosphates. On se rappclle que Gourbe avail suppose que le cerveau des idiots devait contenir moins de phosphore qu a 1 etat normal. Nous avons rapproche ces deux theories, qui sont en contradiction avec 1 observation des fails. II est impossible de determiner la nature meme du principe qui communique a 1 eau le pouvoir deletere qui engendre le goitre et le cretinisme. M. Saint- Lager, qui a fait Ics rccherchcs les plus consciencieuses et dans un esprit enri- nemmenl scienliiique, emet I hypothese que ce principe est de nature organique ; mais il a bienlol reconnu que ce, n est pas le dosage des matieres organiques prises en bloc qu il importe de faire. En effet, parmi les eaux goitrigenes, on en trouve qui en sont Ires-ehargees el d autres qui en contiennent tres-peu ; d autre part, les eaux salubres presentent les memes variations; il faudrait done trouver un reactif special capable dene deceler que la substance organique qui pro. duit 1 endemie. Nous ne saurions, quant a nous, affirmer comme 1 auteur que nous venons de ciler, que ce principe doit etre organique ; mais un element du pro- bleme nous parait defmitivement acquis, c est qu il existe des terrains qui communiquent aux eaux qui en jaillissent el qui les parcourent, un principe nuisible de nature inconnue et qui produit I endemie goitreuse. Les fails nombreux que nous venous de rapporter et qui tendent a prouver que ccilaines eaux produisent le goitre, devraienl avoir pour complement nalurel deux ordres de recherches: 1 elude geologique des terrains, etl analyse des eaux qui les traversent. Les recherches chimiques pourraient peut-etre conduire directement a la con- naissance de 1 agent toxique ; mais a la condition d etre poursuivies avec perse verance et comparativement dans un Ires-grand nombre de localites, les unes atleinles par 1 endemie, les aulres qui en seraienl exemples. Ces recher ches, pour avoir une valeur reelle, exigenl beaucoup de temps et de soins. L etude geologique des contre es Ires-nombreuses ou regnenl le goitre et le cretinisme endemiques, offrait au contraire, au moins en apparence, heaucoup moins de difficulles. On pouvail en effet profiler des cartes geologiques qui exislent de presque toules ces localites, el utiliser ainsi pour la solution du probleme des fails deja depuis longtemps acquis a la science. On compreud done pourquoi les etudes geologiques dans la question du goitre ont pris un developpemenl plus grand que les recherches puremenl chimiques, recherches qui cependant, comme il vient d etre dit, pourraient peut-etre conduire plus directement et plus suremenl au but qu on se propose d atteindre. Parmi les auleurs qui ont cherche a elablir que 1 endemie du goilre et du cretinisme existe specialement ou meme exclusivement sur certains terrains, on peut surtout ciler : Mgr Billiel, Mac-Clelland, Grange, Saint-Lager et Gar- rigou. D apres le savant prelat, 1 endemie du goitre et du cretinisme depend du sol et de sa constitulion geologique plulol que de sa configuralion. Pour le prouver il a fail faire un recensement des goitreux et des cretins dans les cent soixante-neuf paroisses du diocese de Chambe ry : cette enquete a demontre que quarante-deux villages elaient plus ou moins infectes, et que cent vingt- sept pouvaient etre regardes comme sains. Restait a comparer la geologic des CRET1JNISME. 177 localites atteiiites par 1 enderaie ct de celles qui en etaient exemples ; ccltc comparison a conduit Mgr Billiet a conclure : 1 qu on commence a trouver quelques cas de goitre et de cretinisme dans le diocese de Ghambery, sur les depots du Rhone et sur les terrains d alluvions anciennes ; 2 que les cas deviennent plus nombreux des qu on arrive au sol argilo-calcaire, qui s etend de Montmelian a Chamousset, mais que 1 endemie prend surtout une inlensite tres-grande sur le terrain argileux, talqueux et gypseux de la vallee de Mau- rienne, et que le nombre des cas est de plus de 10 pour 100 ; 3 que les paroisses assises sur les terrains jurassiques et neocomiens sotit au contraire exemptes de goitre et de cretinisme. Pour donner plus d importance a ces resultats, le meme observateur rappellc plus loin que, hors des terrains signales par lui comme ceux sur lesquels sevit 1 endemie, on rencontre souvent les memes formes de vallees, les memes defiles, le meme boisement, les memes ombrages, la meme humidite, la meme pau- vrete dans la construction des chaumieres, et que cependant le goitre et le cre tinisme y sont inconnus. Au contraire, dit-il, dans les terrains qui sont sujets a 1 endemie, les con ditions geographiques les plus favorables ne suflisent pas pour en cxempter. Ainsi, par exemple, les communes de la Cbapelle, de la Ghambre, deSaint- Arve en Maurienne, sont situees dans un terrain sec, loin des marais, exposecs a un grand courant d air ; celles de la Cliavanne, de la Planaise, de Corse, de Chateau-Neuf, de la Chapelle-Blanche en ce diocese sont dans une situation agreable, ouvertes de tons cotes, bien exposees au soleil, en toute saison ; tous ces avantages n ont pu jusqu ici les assainir. En resume, on voit que les terrains designes par Mgr Billiet comme ayant un rapport direct avec 1 endemie, sont les schistes argilo-calcaires, et prin- eipaleinent les terrains contenant des schistes talqueux, micaces et des de pots de gypse. Tous les villages batis sur les terrains jurassiques et neocomiens sont au contraire exempts de goitre. Le docteur Mac-Clelland, qui a etudie 1 endemie du goitre sur 1 Himalaya, a d abord etc frappe de ce fait singulier qu elle sevissait avec intensite dans une contree, et qu elle epargnait completement la contree voisine, bien que les conditions topograpbiques fussent les memes. II s est des lors applique a rechercher quelles pouvaient etre les causes de la difference, et 1 etude de cette constitution gcologique du sol lui a paru pouvoir seule en donner 1 explication. Apres avoir nettement determine la nature des terrains dans les localites atteintes, il a fait une enquete minutieuse, village par village, au double point de vue de la proportion des goitreux et de la nature geologique du sol; et cettc enquete, dit-il, 1 a conduit a des resultats si precis, qu illui eut ete presque possi ble en etudiant les cararacteres des roches voisines, de dire a priori si les habitants etaient ou non affectes de goitre. Les resultats de ces recherches ont ete resu mes dans des tableaux ou la proportion des goitreux de chaque village L est partout indiquee a cote de la nature geologique du sol. Or, 1 inspection de ces tableaux montre de la maniere la plus nette que le goitre est presque exclusivemcnt endemique sur les terrains calcaires, et qu il epargne les villages places sur les schistes argileux, sur les gres siliceux, amphibolites, etc., etc. Aussi, 1 autcur croit-il pouvoir conclure de ses reclier- DICT. ENC. XXIII. 1 2 178 CRETINISME. ches que 1 endemie du goitre doit etre attribute a la presence dans les eaux; d une forte proportion de carbonate de chaux. Les etudes geologiques dans leur rapport avec 1 t tiologie du goitre, n avaient ete faites par ces deux auteurs que dans une seule contree ; les recherches entreprisesparM. Grange ont ete beaucoup plus etendues et plus completes. La question a pris un caractere de generalite et une importance qu elle n avait pas j usque-la. Get auteur a essaye de demontrer : \ Que le goitre et le cretinisme ne sont dus ni a une circonstance meteoro- logique, ni a des conditions hygieniques speciales, ni a la reunion de plu- sieurs causes de cette meme nature, qui ne peuvcnt joucr, dit-il, qu un role secondaire. 2 Que le goitre et le cretinisme sont endemiques sur les terrains magnesiens. On trouve, dit M. Grange, quelques goitreux sur la molasse marine ; cette affection augmente sur le lias; elle est ge nerale sur les terrains du trias,marne& irisees, muschelkalk, zechstein ; elle diminue sur les terrains houillers et disparait tres-generalement sur les formations granitoides. Son intensite maximum s observe toujours en dessous des grandes formations dolomitiques. Ces affections, ajoute-t-il, suivent sur un assez grand espace les terrains d alluvions qui proviennent des pays oil le goitre est endemique. Les recherches de M. Garrigou dans les Pyrenees ont ele resumees dans un memoire adresse par lui a la Commission francaise ; elles tendent aussi a confirmer la doctrine de M. Grange. Le goitre endemique, dit M. Garrigou, est exclusivement limite sur le& terrains composes d argiles plus ou moins marneuses, chloritees, opliitiques, talqueuses, en un mot sur des argiles magncsiennes avec ou sans pyrile de fer. Pour demontrer ce fait, 1 auteur a pris les statistiques du goitre publiees par M. Saint-Lager, et il a successivement examine la geologie des localite s atteintes dans les departements des Basses et des Hautes-Pyrenees, de la Haute-Garonne, de FAriege, de 1 Aube et des Pyrenees-Orientales. Le resultat de ses recherches a ete la confirmation du rapport indique par M. Grange, entre 1 endemie du goitre el les terrains magnesiens. Apres avoir essaye de demontrer que 1 endemie du goitre est en rapport avec les terrains dolomitiques, M. Grange a cm pouvoir designer la magnesie comrae la substance veritablement toxique cedee par ces terrains aux eaux potables. 11 se fonde non-seulement sur ses recherches geologiques, mais aussi sur d assez nombreuses analyses chimiques. Ces analyses lui ont permis de constater la presence d une quantite notable de magnesie (10 a 25 pour 100 de la totalite des sels) dans toutes les eaux des villages et des vallees ou le goitre et le cretinisme sont endemiques. L auteur conclut ensuite de la maniere suivante : II resulte done, dit-il. des analyses que j ai faites, et des observations geologiques, que si les eaux sont, comme on le croit generalement, la cause prochaiue du developpement du goitre et du cretinisme, on pourrait rapporter 1 action de letere des eaux aux sels de magnesie, ou peut-etre, a la fois, a la presence de la magnesie et a Tabsence d une quantite de chaux sufn sante aux besoins de I economie . Telle est la doctrine de M. Grange, tendant a consacrer ce double fait: 1 existence constante des terrains magnesiens dans les localites atteintes par CRETINISME. 1 endemie, et celle de la magnesie dans les eaux potables de ces memes contrees. He redite. Nous nous sommes efforces, au commencement de ce travail, de demontrer les rapports intimes qui existent entre les deux formes de la dege ne- rescence qui nous occupe, le goitre et le cretinisme. Nous avons souvent signale jusqu a quel point ces deux etats morbides sont lies ensemble par les lois de I heredite, 1 un engendrant 1 autre. La propagation directe est cependant la regie la plus fre quente, et les goitreux donnent naissance plus souvent a des enfants goitreux qu a des enfants cretins ; la meme observation s applique a ceux-ci. Les unions que font les cretins entre eux, sont tres-souvent sleriles ; il en est de meme lorsque 1 un des generaleurs est dans un etat approchant de la decheance complete; nous savons deja que 1 impuissance virile y est attachee. De toute facon, les enfants issus de parents semblables sont pen viables, com- pletement degeneres, et ne sont guere aptes a devenir nubiles : la degene- rescence s eteint par son propre exces. Si la sterilite est dans ce cas 1 heureux obstacle a la propagation du mal, il n en est nullemcnt ainsi des goitreux. Ceux-ci sont parfaitement feconds et capables d engendrer des goitreux et des cretins. Les manages mixtes entre individus sains et goitreux donnent des resul- tats beaucoup moins funestes ; ilsn empechent nullement la production de loutes les formes de degenerescence, pour la propagation desquelles un scul generateur parait suffire, surtout lorsque les enfants issus de ces unions mixles sont nes et continuent a vivre dans les contrees ou 1 endemie existe. Un grand nombrc de fails tendent a prouver que, transferes dans des pays sains, les enfants subissent infiniment moins 1 influence de I heredite ; il est de toute facon incon testable que, etant donnees ces bonnes conditions, les signes de 1 endemie dimi- nuent de frequence dans une famille a mesure que les generations se multiplienl et s eloignent du premier generateur atteint. Ce serait une dangereuse illusion cependant que de croire qu on peut assignor des limites absolues a I heredite, qui a de singulieres reminiscences et de cruels retours sur elle-meme. Cette reserve posee, nous admettons tres-volontiers qu il est eminemment utile de transpor ter en pays sain des descendants de parents contamines, et qu on pourra de cette facxm esperer une attenuation serieuse du germe morbide. Pour qu on puisse dire qu il y ait endemie dans un pays, on est convenu que la proportion des cas du goitre et du cretinisme soil dans un rapport d au moins 1 pour 100 avec la population. Les tableaux suivanls, se rapportant a la Savoie que nous donnons comme specimen, fournissent le recensetnent general des goitreux dans ce departement. DEPARTEMENT DE LA SAVOIE RECENSEMENT GENERAL Nombre des communes 325 Population generate 275,03 Nombre des communes atteintes ; 20i Population attcmte. . . . l7-> IRI eju i 4t) Goitreux . .( H mmes . 2596 , 58QO I Femmes . 3203 < " r Creiin, \Hommes. 9^6 t 8545 lb I Femmes. 860 18 6 L Hnmmnc OEC . ( . . - Aj4O p Idiots. 180 CRET1NISME. Proportion sur la population. sur 1000. Goitreux o800 21,13 Cretins 1856 t>,75 Idiots 687 2,50 Total 8543 30,55 Proportion sur la population allcintc. sur 1000. Goitreux 5800 33,60 Cretins 1856 10,75 Idiots 687 4,00 Total 8343 18, So ENDEMIE Communes renfermant au moins 1 pour 100 de goitreux, cretins, idiots. Nombre des communes . . . . - 139 Population de ces communes 100,000 I Hommes. . 2491 Goitreux . . .} Femmcs . I Hommes . Cretin*. . . .\ Fe mmes . Homines. 3073 957 824 7921 ] 1781 296 8G 7931 Femmes . . 290 Proportion sur la population atleinle par I endemic. Goitreux 5564 50 55 Cretins 1781 16 20 Idiots 586 5,30 Total. . . . 7931 72,05 Les localitcs dans lesquelles 1 endemie sevit avec le plus d intensite etaient desormais connues; on n avait plus qu a choisir celles qui devaient servir pour 1 enquete scientifique. L un des buts qu on s etait propose par 1 enquete statistique generale etait done atteint; mais, sous un autre rapport, cette enquete n avait donne que des resultats tout a fait insuffisants. Malgre le soin pris par la Commission pour la redaction de son programme, et malgre 1 insistance de 1 administration pour obtenir un recensement exact des goitreux, des cretins et des idiots, il est cer tain que ce recensement n en avail signale qu une petite partie. L enquete, en effet, n indique que 65 526 cas de goitre, de cretinisme et d idiotie. Or, les recherches de Boudin et de M. Grange, faites d apres les tableaux du recrutement, porteraient a penser qu il y en a 7 ou 8 ibis de plus. Non-seulement on n a obtenu de documents que sur 65 departements, mais il y a en outre, dans ces departemenls memes, des lacunes tres-nombreuses dont quelques-unes comprennent des arrondissements entiers. L un de nous, M. Baillarger, a done cru devoir proposer a la Commission francaise de suppleer a 1 insuffisance de 1 enquete, sous ce rapport, par des recherches nouvelles faites au ministere de la guerre a 1 aide des comptes reudns du recrutement. Ces recherches devaient avoir pour but, non-seulement de determiner d une maniere plus exacte le nombre des goitreux, des cretins et des idiots, mais aussi de permettre, en comblant toutes les lacunes, de presenter un tableau complet pour toute la France. Ce travail a ete fait et comprend deux parties : 1 une a trait aux departements seulement, et les recherches ont eu lieu pour cinquante anne es, de 1816 a 1865. Cette longue periode a permis de s assurer si 1 endemie etait reste e stationnaire, ou bien si elle avait afigmente ou diminue. La seconde partie du travail a porte sur les arrondissements et les cantons; elle ne comprend que quinze annees, de 1850 a 1865. On a pu ainsi etablir : 1 le nombre approximatif des goitreux, des cretins et CRETINISMS. des idiots dans toute la France; 2 la proportion comparee des goitreux, des cretins et des idiots dans tous les departements ; 5 la distribution de 1 en demie du goitre et du cretinisme par arrondissements et par cantons, dans les 60 departements dont 1 etude offrait, sous ce rapport, le plus d intenH; 4 les variations qui se sont produites depuis cinquanle ans dans 1 endemie du goitre. 11 resulte du releve tres-circonstancie a ce sujet fait par la Commission fran- caise, que la proportion du goitre chez les hommes et femmes est tres-variable suivant les departements. Dans les contrces ou 1 endemie est faible, les femmes sont beaucoup plus frequemment atteintes que les hommes ; mais a mesure que 1 endemie augmente d intensite dans un pays, ces differences s effacent. C est ainsi que dans les 5 departements de la Savoie, de la Ilaute-Savoie et des Hautes- Alpes, il y a presque autant de goitrcux que de goitreuses, tandis que dans les departements de 1 Oise, de la Moselle et de la Haute-Saone il y a trois fois plus de femmes que d hommes. La proportion totale en France donne cependant une augmentation de frequence pour la femme, elle est a celle des bommcs de 5 cas sur 7. Nous avons deja fail remarquer que le goitre se developpe surtout a partir de la puberte. L enquete de la Commission francaise prouve que 11 fois sur 18, les individus goitreux sont ages de plus de vingt ans; le rapporteur a soin d ajouter cependant que bon nombre de goitres rudimentaires doivent passer inapercus chez 1 enfant. Une autre circonstance digne d etre notee, c est que le goitre augmente chez la femme au moment de la gestation et de 1 accouchement jusqu a 1 age de vingt-cinq ans. Les femmes ne sont guere plus frequemment atteintes que les hommes jusqu a 1 age nubile ; mais a partir de cette epoque jusqu a 1 age de la menopause, le nombre et le volume des goitres augmentent con- siderablement chez la femme. Cette relation incontestable entre 1 activite des organes genitaux et la production du goitre donne un caraclere paradoxal a cette observation que de tous les animaux atteints de goitre, c est le mulct qui fournit le plus grand contingent. Le cretinisme est plus frequent chez 1 homme que chez la femme, et se trou- verait dans une proportion a peu pres de 7 a 6. Nous disons ici en passant qu il en est de meme pour Tidiotie et pour la surdi-mutite. D apres 1 enquete de 1864, on a trouve 4594 idiots et seulement 5246 idiotes; d apres la statistique gene rale de la France, sur 41 525 idiots recenses, il y a 25 407 hommes et 18118 femmes. La plus grande frequence du cretinisme chez 1 homme est etablie sur les donnees statistiques suivantes. D apres 1 enquete de 1864, on a trouve 5979 cretins contre 5291 cretines. Les releves de 1 enquete sarde ont donne 5075 cretins et 2855 cretines ; en additionnant les chiffres fournis par les deux enquetes, on trouve une proportion de 7 hommes pour 6 femmes. Nous croyons devoir faire remarquer que cette difference disparait complete- mnt quand on se borne a recenser les cretins goitreux. On trouve meme alors que les femmes sont en proportion un peu plus forte. Divers documents reunis ont en effet donne 5771 cretins goitreux et 5916 cretines goitreuses. Ce resultat n est point en opposition avec celui qui precede; il s explique par ce fait que le goitre est beaucoup plus frequent chez les femmes que chez les hommes. 1N2 CRETINISME. On [peut done dire, en resume, que la plus grande frequence de 1 idiotie et de la surdi-mutite qui a ete conslatee chez les garcons existe egalement pour le cretinisme, mais a un moindre degre. L heredite du cretinisme etant admise, il faudrait etablir si la transmission esl constante et si", des la conception, le nouvel etre est irrevocablement voue a la decheance, ou bien encore si un milieu favorable peut attenuer le mal ou arreter son developpement. Est-il permis d admeltre qu en eloignant la femme du milieu infecte pendant la grossesse et la periode d allaitement, on puisse mettre 1 enfant a 1 abri de la contagion? Nous sommes bicn portes a admettre 1 heureuse influence de circonstances aussi avantageuses; il est certain qu un mal lie aui conditions exterieures doit etre attenue si ces conditions sont favorables; mais il y a des fails qui prouvent trop preremptoiremenl que les lois de transmission hereditaire existent encore dans une assez forte mesure loin des pays endemi- ques. G est ainsi que Jes individus goitreux ont engendre des goitreux et des cretins dans des contrees indemnes de ces infirmites. 11 est une circonstance tres-digne de remarque, c est que souvent ies enfants voues au cretinisme par 1 heredite ont en naissant toutes les appa- rences d une conformation normale; cette observation a ete faite non-seulement pour les enfanls des goitreux, mais aussi pour ceux dont. les parents sont atteints de cretiuisme manifeste. II resulte d un rapport du baron Bich qu a 1 hospice de la Cite d Aoste, sur 11 enfants nes de parents cretins, 5 seulement avaicnt apporte le stigmatc hereditaire en naissant, 1 fut atteint vers le huitieme mois, 4 a deux ans et 1 a trois ans. Morel a tres-particulierement insiste sur ce fait que le cretinisme n atteint pas les enfants en naissant, et il cite une institution creee en pays sain par un ecclesiastique, dans le but de soustraire les nouveau-nes aux influences exte rieures nuisibles. Nous manquons de donnees precises sur les resultats obtenus. Un tres-judicieux observateur, Ackermann, affirme que les signes du cretinisme n apparaissent que vers la deuxieme annee. Ce medecin, qui a pratique sur une grande echelle des vaccinations dans les contrees du Valais les plus atteintes, a constamment vu que dans la premiere annee de la vie les enfants etaient par- faitement bien conformed, et les meres goitreuses qui avaient d autres enfants plus ages deja et atteints de cretinisme, etaient unanimes a declarer que ces derniers avaicnt toute 1 apparence de la sante pendant la premiere annee de la vie. Selon M. Niepce, c est encore plus tard, dans la troisieme annee dela vie seulement, qu il serait possible de reconnaitre les signes physiques du creti nisme. Fodere est pour ainsi dire le seul auteur qui admette que le cretinisme goit reconnaissalile des la naissance; il va meme jusqu a enumerer en detail les signes physiques de 1 endemie chez les nouveau-nes. II nous suffira de dire que, parmi ces signes, figure, a des degres differents, le goitre, qui, de 1 avis unanime de tous les observateurs, n existe jamais chez les enfants nouveau-nes, pour montrer que, dans cette circonstance, la description de Fodere est entache e d erreur. II serait presque inutile de dire que 1 apparition plus ou moins eloignee de la naissance des signes du cretinisme n infirme en aucune fa?on la valeur de 1 influence hereditaire. Des affections d une autre nature et dans lesquelles personne n a conteste 1 influence de 1 heredite, le cancer, le tubercule, parexemple, n apparaissent-elles pas a des epoques beaucoup plus eloignees de la naissance ? Est-il rare d observer des individus naissant avec ces dispositions et restant bien portants pendant une grande partie de leur existence, et pour CRETIMSME. 183 Se cancer meme jusqu a un age souvent tres-avance, en gardant jusqu a 1 eclo- sion de la maladie tous les attributs d une sante paiiaite? Deja Esquirol avail exprime !a conviction que le cretinisme n apparaissait que vers la troisieme ou quatrieme annee de la vie, et M. de Saussure, qui emettait la meme opinion et ne considerait pas le cretinisme comme un etat congenial, faisait particulierement ressortir cette circonstance, que les causes qui determinent 1 endemie doivent porter leur action funeste sur le cerveau &i tout le systeme nerveux, surtout dans les premieres annees de la vie. 11 est incontestable, en effet, que le cerveau se developpe a partir de la nais- sance avec une telle rapidite, que la masse en est a peu pres doublee apres les six premiers mois. 11 est inconsestable que pendant cette periode devolution, 1 organe doit etre d une receptivite infmiment plus grande qu a tout autre moment de la vie. Cette circonstance n en laisse pas moins entierement debout toute la part d influence de 1 beredite. Les donnees fournies par la conscription dans les Etats sardes jusqu a vingt- trois ans peuvent contribuer aeclairer cette question. Mais nous ne citons qu en hesitant le resultat auquel est arrive la Commission sarde. Des reponses qu elle a recues de la part des parents et de 1 entourage des enfants, il resultc que, sur JOOO cas, 894 Ibis les signes du cretinisme seraient apparus avant la lin de la deuxieme annee, 56 fois de deux a cinq ans; 55 fois de cinq a douze ans, et 15 fois eiifin apres la douzieme annee. Comme il ne s agit pas ici de constata- tions faites directement par des personnes competentes, il n y a pas lieu d attribuer a ces renseignements une conliance serieusement justifiec. 11 ne nous parait pas douteux un seul instant que des enfants nes dans des con- Irees saines et de parents sains transportes en pays endemiques n y subissent 1 influence nuisible. Cette observation a ete faite d une maniere peremptoire dans 1 Isere par M. He raut, inspecteur des enfants trouves de ce departcment, et 1 un de nous a fait une observation analogue pour un enfant ne a Lyon et en- voye en nourrice dans une commune oil 1 endemie existait. Un fonctionnaire envoye d une contree saine dans la Maurienne a remarque qu apres une annee de sejour, 1 un de ses enfants age de plus de trois ans prenait tous les signes du cretinisme; deux autres enfants plus ages, la mere ct un domes- tique presentaient en meme temps les signes du goitre. L acquisition du goitre par des adultes ayant quitte des pays sains pour habiter des pays endemiques n est pas rare, et la contre-epreuve pour ainsi dire de cette influence est faite par la disparition du goitre chez ces memes individus, lorsqu ils viennent a quitter les pays ou le goitre se developpait. Mais voici un fait tendant a prouver que le cretinisme meme peut etre acquis a 1 age adulte; il resulte d une enquete faite par le gouvernement autrichien en 1844, a Syrnitz. Le proprietaire de la seigneurie de ce pays, qui 1 avait ac- quise d une famille dans laquelle tous les membres etaient cretins et goitreux, arriva d un pays sain avec sa femme. Celle-ci mourut goitreuse et demi- cretine; le proprietaire epousa de nouveau une femme saine qui, a son tour, subit la meme degenerescence ; le mari lui-meme devint demi-cretin. Les cinq enfants du premier lit furent tous frappes ; quant aux deux enfants du second lit, 1 un age de trois ans et 1 autre d un an seulement au moment ou cette communication fut faite, etaient encore sains d aspect. M. Willeger, 1 auteur de cette observation, affirme qu il en avait ete de meme des enfants du premier lit, pendant les premieres annees qui suivirent la naissance, ce qui ne les avait 184 CRETINISME. point empeches de degenerer completement plus tard. II ajouta, en outre, que de ja son pere avail remarque que les domestiques de pays etrangers qui ve- naient habiter la ferme, prennaicnt d abord le cou gros, perdaient ensuite gra- duellement leurs facultes intellectuelles, et finissaient par tomber dans le creti- nisme le plus complot. II faut a j outer que tous les individus nes dans cette ferme sont cretins au plus haul degre. La degenerescence porte meme sur le betail a comes, au point qu il faut aller chercher dans les pays voisins les betes de trait ne cessaires a la culture. Ce fait cst tres-concluant, mais il est jusqu ici isole dans la science. Personns ne saurait contester 1 influence de 1 heredite et des mariages consan- guins; nous avons sufiisammcnt insiste sur ces causes directes etpour ainsi dire latales de propagation du rretinisme; mais nous avons deja dit que, lorsque 1 in- dividu contamine est completement decbu, il est sterile et meurtsans laisserde traces derriere lui. II n en est pas de meme du demi-cretin, chez lequel 1 infe- riorite organique n exclut point les instincts genesiques ; bien au contraire, des exemples nombreux prouvent que la violence de ses desirs dejoue toute vigi- lance et le pousse paiiois a commetlre de veritables attentats pour satisfaire ses appetits sexuels. Le demi-cretin se marie dont le plus frequemment, et produit des enfants. On a pose a ce sujet une question fort grave a resoudre. La societe, dans un but de preservation, a-t-elle le droit de s opposer a toute union entre cretins et peut-cllc etendre sur eux la loi prohibitive qui empcche les mariages entre alienes ? Certains moralistes, ne tenant peut-etre pas assez compte des faits, et jugeant en vertu de principes abstraits, n ont pas hesite a declarer que la liberte et les droits individuels doivent etre respectes avant tout. Cependant, si Ton n oppose pas une digue a la propagation la plus directe et la plus certaine du fleau, si Ton n use pas des moyens que le simple bon sens ct les necessites de preservation sociale nous imposent peremptoirement, on ne pouira esperer enrayer un mal qui ne tend a rien moins qu a degenerer 1 espece bumaine. M. Marcband a constate 1 beredite directe dans tous les cas observes par lui dans les Pyrenees ; le plus sou vent, dit-il, la transmission vient des premiers generateurs, le pere et la mere. Get observateur a constate seize fois la transmission aux petits-enfants en epargnant une generation ; sept fois seule- ment la descendance directe ne put etre constatee ; mais les collateraux, oncles et tantes, etaient affectes de cretinisme. et ce qui est plus important encore, les parents etaient goitreux. La transmission du cretinisme par heredite est done d une observation pour ainsi dire constante ; le fait le plus probant est celui de Ferrus, relate plus baut ; Mgr Billet, qui a ete a meme de bien observer les faits, declare que dans une famille ou il s est produit des cas de cretinisme, 1 beredite ne s eteint que vers la troisieme gene ration. M. Niepce emet une opi nion analogue; mais ces observateurs n ajoutent pas si, dans les cas ou ils ont vu le cretinisme s cteindre, il y a eu mariage mixte, par consequent introduction dans la famille de generateurs sains, ce qui nous parait certain, le manage entre cretins ne pouvant donner naissance qu a des cretins, quelque saine que soil la contree ou Tunion s accomplit et ou les enfants sont nes et eleves. S il ne nous parait pas douteux un seul instant que la loi doive interdire des mariages entre cretins, il ne pourrait guere en etre de meme lorsqu il s agit d individus en possession de toutes les facultes intellectuelles, lels que les goitreux, et qui cependant, nous le savons, peuvent engendrer des cretins. Nous croyons avoir ete au-dessous de la verite en affirmant, d apres 1 enquete de la CRETINISME. 185 Commission franchise de 1864, que 80 pour 100 des cretins naissent de parents goitreux. Un des meilleurs observateurs dans cette matiere, Fodere, pretend quelorsque les deux generateurs sont atteints du gros cou, les enfants sont toujours cnta- ches de cretinisme a un degre quelconque. II n hesite pas a dire qu il voudrait qu ou ne permit pas le manage a un goitreux si son goitre est un peu volumineux, qu il fut surtout defendu a tout individu attaque de cretinisme au l er , au 2 et au 3 e degre; et que, quand on le permet a un individu dans la famille duquel il y a eu des cretins, on 1 obli- geat a se choisir une epouse bien constitute et nee dans des pays ou on ne con- nait pas ces maladies. Appellerait-on violer la libcrte, dit cet auteur, que de prendre les precautions efficaces pour mettre les bommes en etat d en jouir? Le rapporteur de la Commission du Piemont demande, a son tour, qu on empeche par toutes les voies possibles que deux personnes ayant nne tendance au cretinisme ou appartenant toutes deux a des families dans lesquelles le cretinisme parait hereditaire, ne contractent manage entre elles . De plus, ajoute-t-il, on devrait favoriser le croisement des races. Ferrus, de son cote, invoque les articles du code toucbant les oppositions au mariage, pour en demander 1 application aux cretins, dont la libcrte morale n est pas complete. Le docteur Bants propose que le goitreux ne puisse contractor mariage qu apres guerison de son inlirmile constatee par 1 attestation d un mcdecin; et quant aux cretins, si faiblement qu ils soient atteints, le mariage devrait leur etre absolument interdit. Cet auteur va meme bien plus loin elans cet ordre d idees en proposant que tout individu dans la famille duquel il y aurait plusieurs cretins, ne put choisir une femme que dans un pays ou 1 endcinie n existat point. Une premiere difficulte se presente a 1 application des mesures restrictives que nous signalons, et a 1 appui desquelles on pourrait citer 1 opinion d un plus grand nombre d observateurs. 11 est dcmontre, par le recensement de la Commission du Piemont, qu un vingtieme seulement des cretins naissent de parents cretins, ct cette proportion s est encore bien plus affaiblie depuis les recberches de la Commission du Piemont. Elle resulte de ce que les manages entre cretins deyiennent de plus en plus rares. Or, si Ton peut raisonnablement soutenir la these de la necessite de mettre en interdiction des cretins, il serait bien plus difficile, pour ne pas dire impossible, d interdirele mariage a des goitreux dans des pays endemiques ou le goitre est d une frequence extreme; et cependant, c est le mariage entre goitreux qui fournit le plus grand contingent de cretins a tous les degres. Les manages entre cretins dcviendront constamment plus rares. d autant que les ministres des divers cultes, comprenant leur f unes te consequence, refusent, le plus souvent au moins, la consecration aux individus incapables de recevoir une instruction religieuse ; mais la question des manages entre goitreux reste toujours ouverle, et nous ne sommes pas encore en mesure d ap- pliquer a leur sujet, ni meme de proposer, une loi restrictive qui puisse etre con- ciliee a la fois avec le droit de la sociele de se preserver contre tout ce qui tend a la degrader, et avec la liberte individuelle de tout bomme qui n est pas prive de sa raison et de son libre arbitre. On pcut et on doit conseiller 1 intervention officieuse des membres des commissions creees pour les contrees 186 CRfiTINISME. endemiques, dans le but de surveiller les moyens prophylacliqucs employes contre le goitre ; il n est pas moins utile de repandre 1 instruction parmi les populations, qui doivent etre eclairees sur la necessite d un traitement contre le goitre avant de contractor mariage. G est surtout aux medecins, aux fonctionnaires, aux mi- nistres des cultes qu il appartient de propager les justes idees dans cette direction. Mais de la a prohiber le mariage a des individus atteirits de goitre dans des con- trees ou parfois la majeure partie de la population en est atteinte, il y a loin. Ledocteur Francois ecrivit il y a quelques annees, a Moxel, . qu a la Robertsau (pres de Strasbourg) nul n elait intervenu pour empecher le mariage des cretins que par voie de persuasion, et qu on avail souvent reussi. L autorite, ajoute M. Franc,ois, ne s est point servie de son influence dans ces questions ; ce n etait que 1 affaire des ministres de I un on de 1 autre culte et du medecin . Lui- meme ne s est pas toujours borne a de simples conseils; pour empecher le ma nage entre cretins, qui le plus souvent sont indigents, il a menace de faire sup- primer les secours si on ne tenait pas compte de ses observations, et, quoique ces menaces n eussent certainement jamais ete executees, elles n en ont pas moins reussi aupres de ces pauvres desherites qu on voulait, a juste litre, empe cher de perpetuer leur misere physique el inlellectuelle. L excmple de M. Francois meiite d etre suivi, et ce serait deja un grand pas fait vers la solution du probleme que de pouvoir astreindre les goitreux a faire disparaitre leur difformite avant de procreer des enfants. Quant aux individus atteints de crelinisme confirme, nous n hesilons pas a declarer que 1 inlerdic- tion formelle du mariage est la seule sauvegarde de la societe. On a de diverses parts conseillede favoriser les manages mixtes, en se basant sur ce que 1 heredite devient moins fatale lorsqu il y a introduction d un element sain dans une famille de cretins ou de goitreux. N est-il pas permis d objecter a ce precepte que, si le croisement de races assainissait dans une certaine mesure une famille contaminee, il presente 1 inconvenient de condamner a la degenerescence les descendants d un individu qui, en contractant une union dans des conditions normales, aurait donne naissance a des enfanls sains. Ne serail-il pas preferable dc limiter le mal comme on limite un incendie, en sacrifiant deli- berement ce qu il est impossible de sauver, acquerant ainsi la certitude de voir le fleau s eteindrefaute d aliments? Nous avons cite plus haul les diverses formes de degenerescence qui atteiguent les populations dans lesquelles existe 1 endemie ; nous ajouterons ici, au point de vue de 1 heredite, qu on a observe aussi que le cretinisme resulte d unions d individus atleinls des diverses formes d affeclions el d " infirmites qui paraissent etre des complications de 1 endemie, survenant sous la meme influence ; c est ainsi que les manages endemiques enlre sourds-muels, rachitiques, asthenogenes, nains, idiots, etc. produisent des cretins. La degenerescence de la population des contrees ou regnent 1 endemie et le cre tinisme a ete remarquee par tous les observateurs. La Commission sarde s exprime avec beaucoup de precision a ce sujet, dans un passage que nous avons cileplus haul. Nous avons signale la pratique qui exisle dans certains pays chez les jeunes gens soumis a la conscription, et qui consiste a boire pendant quelque temps t eaudes sources goilrigenes ; il serail avere, selon quelques obser vateurs, que le desir de s exempter de cette facon du service militaire aurail une certaine part dans la frequence du goitre chez les jeunes gens approchant de la vingtieme annee. C est la un abus et un danger qu il serait facile de CRETINISME. 187 combattre en declarant propres au service les individus atteints de cette infirmite. Distribution ge ographique. Nous avons essaye de montrer le mode d appari- tion et 1 evolution de la ddgenerescence cretino-goitreuse sur 1 individu meme qui en est atleint; nous aurions a etudier maintenant son mode de distribution et ses oscillations d intensite dans les nombreuses regions du globe ou elleexiste. Comme il est certain pour nous que cette affection est due partout a la meme cause et que cette cause consiste en un principe toxique contenu dans les eaux potables et dans les vegetaux qui servent d aliments aux habitants, nous de- vrions, d apres les changements que les habitants de contre es si diverses apportent dans leur mode de nutrition, etablir la relation qui existe entre ces changements et les oscillations que subit 1 endemie ; mais on concoit aisement que les donnees nous manquent pour [ immense majorite des pays, et meme lorsqu il s agit du notre, il nous serait bien difficile, d apres les documents que nous possedons jusqu a ce jour, d etudier la question a ce point de vue et surtout d arriver a une solution. Selon Humboldt, le goitre etait inconnu a Mariquita dans la Nouvelle-Grenade avant la tin du siecle dernier, tandis qu il en exisle un grand nombre de cas acttiellement. Le meme auteur affirme qu il en est de meme dans plusieurs localite s sur le plateau de Santa-Fc de Bogota. Sigault, dans son etude sur les maladies du Bresil, enonce ce fait que le goitre, a peine connu dans le Rio- Grande du Sud, y regne maintenant dans un bon nombre de villcs. Silon Wothers- poon, le goitre apparut au fort Kent depuis 1820 seulement. De son cote, lloff signale 1 apparition toute recente de 1 endemie dans plusieurs cantons de 1 Im- merthal. En France Miral-Jeudy affirme qu a Beauregard, dans le Puy-de-D6me, le goitre n est apparu que vers la fin du siecle dernier. Sans entrer dans plus de details a ce sujet, nous dirons seulement qu un grand nombre d auteurs signalent ces apparitions soudaines, mais surtout des augmentations rapides du nombre de goitreux et de cretins dans des regions ou 1 endemie n existait pas ou nefaisait que de tres-rares victimes. La Commission franchise de 1864 a regu des communications precises a ce sujet concernant quelques communes des Vosges et du Jura. II y a quelques annees, nous avons releve sur les tableaux conserve s a la sous-prefecture de Saint-Jean de Maurienne les cas d exemptions pour goitre depuis 1796 jusqu a 1 epoque de 1 annexion, et nous avons constate une augmen tation du nombre des goitreux dans beaucoup de localites. Une etude bien plus complete nous a conduits a des evaluations precises pour toute la France. Nous avons pris pour base les tableaux d exemptions depuis 1816 jusqu en 1865, divisant ce demi-siecle en cinq periodes de dix anne es et les comparant chacune entre elles. Avant d enoncer les resultats, il serait permis de se demander si les exemptions n etaient pas obtenues plus ou moins facilement aux diverses epoques de cette periode, et si Ton ne doit pas admettre que 1 extension du service militaire a mesure qu on approche de 1 epoque actuelle n ait pas eu pour consequence de conside.rer comme propres au service les indi vidus chez lesquels I hypertrophie de la glande thyroide etait peu accuse e. Ce qui nous fait supposer qu il doit en etre ainsi, c est que, a 1 egard de toutes les autres infirmites, les commissions de recrutement out constamment applique une selection de moins en moins rigoureuse ; il est universellement connu aussi que la taille a etc notablement baissee depuis cinquante ans. 188 CRETINISME. La suppression de la cravate chez les militaires a du a son tour contribuer a diminuer le nombre des exemptions du goitre, ainsi que la decouverte du traite- ment iode dont les excellents effets sur les goitres surtout peu volumineux a du etre pris en consideration par les medecins militaires, qui savent du reste que chez beaucoup de jeunes conscrits le gros cou disparait par le simple fait du changement de regime et de pays. II s ensuit que, si les exemptions pour goitres ont augmente a mesure qu on approche de notre epoque, c est que 1 in- firmite a pris une extension plus considerable. Les chiffres des oscillations ne peuvent cependant avoir de valeur que sous condition de tenir compte de 1 aug- mentation de la population depuis cinquante ans. II faudrait done pour chaque commune etablir la courbe ascensionnelle des habitants, et etablir ensuite la proportion du nombre des exemptions pour cretinisme aux epoques corres- pondantes. Ce travail n a pas etc fait. On pourrait .observer que les auteurs qui ont pris pour base depreciation les exemptions de 1 annee 1865 ont etabli Icur evaluation d une maniere quelque peu erronee. En effet 1502 exemptions pour goitres eurent lieu cetfe annee-la, et on acru etablir la propor tion de ce chiffre avec celui des jeunes gens tombes au sort ; mais oil n a pas tenu compte que, surce total, il y a des exemptes de droit et d autrespourdefaut de taille, elimincs avant toutautre examen. La proportion du nombre des goitreux aurait done du etre faite avec le chiffre des jeunes gens re ellement examines. Cette evaluation conduit a constater que le nombre d exemptions pour goitres est au nombre total des examensfaits dans une proportion superieure d un quart a celle qui a ete donnee. Par le tableau ci-contre, on pent saisir d un coup d oeil la proportion comparee des cas de goitre dans les 89 departements de la France. Le degre d accroissance est indique par des numeros d ordre depuis \ jusqu a 89; les 89 departements ont ete divises en cinq series, d apres la pro portion decroissante des cas de goitre. PROPORTION COMPAREE DES GAS DE GOITRE DANS LES 89 DEPARTEMENTS POPULATION AU-DESSUS DE 20 ANS Nombre des cas de goitre. PREMIERE SER1E 3 A, 5. 6. 7, 8. 9. 10. Hommes. Savoie 9,910 Hautes-Alpes 3,712 Haute-Savoie 5,820 Ariege 5,272 Basses-Alpes 1,631 Hautes-Pyrenet^ 2,897 Jura 2,<;G5 Vosges . . 4,554 Aisne 4,475 Alpes-Maritimes 1,511 11. 12 13. 14. 40,247 Femmes. Total. Proportion p. 1000. 11,892 21,802 133,7 4,454 8,166 111,0 9,512 15,152 92,0 9,161 12,434 82,7 4,953 6,60-i 76,9 6,084 8,681 62,5 7,995 10,660 58,9 9,968 14,502 56,8 15,425 17,900 52,9 4,553 6,044 50,7 81,778 DEUXIEME SERIE Loire Rhone Puy-de-D6me 3,615 Haute-Loire 2,009 Hommes. 3,949 4,945 A reporter. 14,546 Femmes. 11,847 13,829 11,604 6,027 43,367 122,025 Total. 15,796 18,772 15,309 8,036 57,913 73,8 Proportion p. 1000. 49,0 46,0 44,6 182,4 CRETINISME. 189 Hommes. is. 16. 17. 18. 19. 20. 21. 22. 23. 4. 25. 26. 27. 28. 29. 30. 31. 32. 35. Oise .... Drome . . . Haut-Rhin . Mcurthe . . Cantal . . . Haule-Saone Haute-Marne Moselle. . . Anleclie . . here .... Lozere . . . Dordogne. Report. 1,872 1,798 2,634 2,121 0,781 1,584 1,115 2,070 2,147 3,614 0,605 1,930 Pyrenees-Orientales 0,694 1,027 0,988 1,957 1,512 Meuse Doubs .... Saone-et-Loire Haute-Garonne Basses-Pyrenees 1,577 Correze. 1,151 45,519 Femnies. 45,367 7,301 5,934 6,902 6,365 3,827 4,435 3,680 6,210 4,721 6,505 1 ,809 5,790 2,082 3,078 2,904 5,871 4,838 4,131 2,647 132,915 Proportion Total. p. 1000. 57,913 182,4 9.175 36,0 7,191 56,9 10,556 35,0 8,484 33,0 4,008 52,0 6,019 31,6 4,795 50,8 8,280 50,5 6.8G7 29,5 10,119 29,0 2,412 29,0 7,720 25,0 2,876 24,0 4,104 22,6 2,952 22,0 7,828 21,7 6,350 21,0 5,808 21,0 3,798 20,0 178,45i 52,0 TROISIEME SERIE 34 Ardennes . 35. Aveyron . 36. Lot. . . . 37. Ain. . . . 38. Vaucluse . 39. AuHe. . . 40. Allier. . . 41. Cole-d Or. 42. Creuse . . 43. Bas-Rhin . 44. Nievre . . 45. Aube. . . 46. Marne . . Hommes. 859 1 ,020 721 887 650 668 665 663 464 958 546 401 575 9,055 Femmes. 2,517 5,060 2,163 2,661 1,890 2,004 1,995 1,989 1,592 2,874 1,658 1,205 1,719 27,105 Proportion Total. p. 1000. 5,356 17,0 4,080 17,0 2,884 17,0 5,548 16,0 2,520 15,7 2,672 15,0 2,660 11,7 2,652 11,5 1,856 11,0 3,852 10,8 2,184 10,6 1,604 10,0 2,292 9,7 56,140 13,0 QUATRIEME SERIE Hommes. 47. Eure . . . 548 48. Haute-Vienne . . . 386 . . . 626 50. Card . . . 429 . . . 562 52. Orne . . . 395 55. Somme . . . 510 54. Landes 276 . . . 329 56. Sarthe . . . 334 57. Seine-Inferieure. . . . . . . 459 . . . 301 59. Seine-el-Marne .... . . . 199 60. Calvados . . . 244 61. Eure-et-Loir . . . 145 62. Gers . . . 144 63. Var . . . 150 64. Corse . . . 118 65. Tarn . . . 164 66. Indre . . . 123 67. Maiue-et-Loire . . . . . . 219 Femmes. A reporter. . 6,459 19,428 Total. 2,192 1,556 2,504 1,716 1,448 1,572 2,0-10 1,104 316 356 836 204 796 976 580 576 600 472 656 492 876 25,808 Proportion p. 1000. 9,0 7,8 7,7 6,6 6,3 6,2 5,9 5,9 5,7 4,8 5,8 3,7 3,7 3,4 3,3 3,2 3,2 3,0 5,0 2,9 2,6 101,7 190 CRETINISME. Proportion Homines. Femmes. Total. p. 1000. Report. . . 6,469 19,428 25,808 104,7 68. Tarn-et-Garonnc 084 232 336 2,4 69. Gironde 254 762 1,016 2,4 70. Vendee 151 523 564 2,3 71. Seine ... 756 2,208 2,944 2,2 72. Ille-et-Vilaine 187 561 748 2,1 73. Loiret 159 477 636 2,0 74. Cher 103 509 412 2,0 75. Nord 421 1,263 1,684 2,0 76. Lot-et-Garonne 79 237 316 1,6 77. Heraull 101 305 404 1,6 78. Pas-de-Calais 180 540 720 1,6 79. Mayenne 73 219 292 1,3 80. Loir-et-Cher 51 153 204 1,2 9,031 27,093 56,124 5,5 CINQUIEME SERIE Proportion flommes. Femmes. Total. p. 1000. 81. Indre-et-Loire 42 126 168 0,8 82. Vienne 57 111 148 0,7 83. Loire-InffSrieure 61 183 244 0,6 84. Cliarente-Inferieure 40 120 160 0,5 85. Fmi.terre 54 162 216 0,5 86. Deux-Sevres 20 60 80 0,4 87. Morbihan 23 69 92 0,5 80. Manche 26 104 0,5 89. C6les-du-Nord 27 81 108 0,2 330 900 1,320 0,4 RECAPITULATION Premiere serie 40,247 81,778 122,025 73,8 Deuxieme serie 43,519 152,915 178,434 32,0 Troisieme serie 9,035 27,105 56,140 15,0 Quatrieme serie 9,031 27,093 36,124 5,5 Cinquieme serie 530 990 1,520 0,4 TOTAUX GEXERAUX 104,162 269,881 574,043 16,7 11 resulte de ce tableau que des departements en France, dont 9 sont des pay? de hautes montagnes, se trouvent atteints dans la proportion qui est au-dessus de50 pour 1000 (Le recensement ne porte que sur les hommes et les femmes ages de plus de 20 ans). Cette proportion est de 20 pour 1000 et au-dessus dans 23 autres departements ; il reste 12 departements danslesquels la proportion est au-dessus de 10 pour 1000. II est necessaire d ajouter immediatement que Ten- demie n est pas repandue d une maniere uniforme, que certaines regions dans un departement pre sentent un tres-grand nombre de goitreux, tandis que d autres en peuvent etre completement depourvus. En etudiant les 45 departements les plus fortements atteints, nous trouvons qu ils affectent une configuration gene- rale assez remarquable. G est d abord un point isole dans le Nord, le departement de 1 Aisne s etendant sur TOise et formant avec lui et les Ardennes une ligne assez etroite qui s etend vers TEst et englobe ces autres departements au centre desquels les Vosges figurent au premier rang. Gette ligne s amincit en descendant perpendiculairement au Sud, rencontre le Jura qui forme le septieme comme intensite de toute la France. 11 lormesur la carte Tangle superieur d un triangle dont Tangle inferieur est constitue par les Alpes-Maritimes, Thypotenuse etant formee par les departements de la Haute-Savoie, de la Savoie, les Hautes-Alpes CRfiTINISME. 191 et les Basses-Alpes, departements qui figurenl parmi les premiers atteints. Le troisieme angle correspond a la Dordogne, et toute 1 agglomeration limitee par les trois lignes de ce triangle comprend les departements dans lesquels le goitre est frequent. Un troisieme groupe est constituc au Sud ct Sud-Ouest par 5 departements, au milieu desquels 1 Ariege et les Hautes-Pyrcnees tiennent le premier rang. 11 resulte de 1 ensemble de cet expose que le Centre de la France est peu atteint de goitre, et que 1 Ouest ne Test presque pas. Marche de I endemie. En comparant les divers recensemcnts fails dans les cinquante annees de 18 16 a 1876, on trouve que des contre es dans lesquelles I en demie e tait tres-intense se sont relativement assainies, tandis que d autres, oil il n en existait qu un tres-petit nombrede cas, ontete envahies. Dans 26 departe ments le goitre est en progression constantc, et dans 17 le nombre des cas a ete double.Legoitreadiminue dans 17 departements, etdans 11 deceux-ciil adiminue de moitie. De tous les departements de la France, c est le Bas-Rhin et la Meurthe qui se sont le plus assainis ; la diminution a porte en general sur les departe ments les plus atteints, d ou il resulte que le resultat general est favorable. On peut conclure des recherchcs generates que, dans toute la France, il existe envi ron cinq cent mille goitreux, ce qui constitue avec la population entierc une proportion assez de favorable pour justifier la necessite d appliquer et d elendre la propbylaxie et les moyens hygieniques sans lesquels le fle au, en se multi- pliant, arriverait a produire la degenerescence de notre race. L e tude statistique de rendcmie du cretinisme donne des difficulles bien plus grancles que celles du goitre. Tandis que 1 existence du goitre peut etrc constatee et vcrifiec par toutes personne etrangere a la mcdecine, ce qui a permis d utiliser sur unc grande echelle tous les fonctionnaires desireux de se rendre utiles, il en est tout autre- ment du cretinisme. Nous avons deja dit que 1 idiotisme est frequent dans les pays endemiques, ce qui conduirait deja a des confusions inevitables ; d autre part, il n est pas aise d assigner une limite de debut trcs-precise a la dc generes- cence intellectuelle dans une population qui compte un grand nombre d indi- vidus peu intelli gents. Le cretinisme, contrairementa ce qui arrive pour le goitre, debute peude temps apres la naissance, et il faut une grande habitude d obser- vation pour en reconnaitre les indices dans la premiere enfance. II resulte de ce que nous venons de dire que les tableaux statistiques ne se rapportent qu a la degenerescence intellectuelle deja confirmee, et qu on a ete oblige de prendre en bloc les cretins et les idiots. Un grand nombrp d enfants voues au cre tinisme succombent avant d avoir ete portes sur les tableaux de recensement, dont les cbiffres devraient par con sequent etre portes plus haut dans une certaine proportion, Lorsqu on compare entre eux les tableaux de recensement du goitre et du cretinisme, les idiots etant toujours comptes avec les cretins, il est aise de voir que la relation entre les deux manifestations de I endemie se maintient sensiblement. En divisant les quarante departements les plus atteints par series de dix, on arrive a des con clusions instructives eu egard a la proportion du cretinisme et du goitre. Dans la Savoie, qui figure au premier rang, il existe cependant moins de cretins et d idiots que Jans les Hautes-Alpes, et d une autre part, la Haute-Savoie et 1 Ariege, qui ont une tres-forte proportion de goitreux, comptent un nombre moindre de cretins et d idiots, non seulement que les Hautes-Alpes et les Basses- Pyrenees qui figurent au cinquieme et au sixieme rang, mais aussi moindre que 192 ORETLNISME. 1 Ardeche, la Lozere, 1 Isere, qui ne figurent sur le tableau des goitreux qu au vingt-troisieme, au vingt-qualrieme et au vingt-cinquierne rang. Nous avons deja dit ailleurs que si la cause specilique de la production du goitre et du cretinisme est identiquement la meme, les conditions de vie des habitants apportent uue modification considerable dans 1 intensite du mal. C est ainsi surtout que la im- sere, avec tout son cortege d influences nuisibles, aggrave la situation des goi treux et les conduit a une dechuance plus complete. D autre part, un element important d appreciations nous echappe completement dans les tableaux de numeration, c est le volume du goitre chez les individus attaints de cette infir- mite. 11 est de notion averee que le cretinisme est engendre surtout par des parents chez lesquels 1 hypertrophie de la glande thyroide est tres-considerable. On peut cxpliquer ainsi certains defauts de parallelisme entre le nombre des goitreux et des cretins selon les contrees. Nous savons deja que 1 idiotie, qui n a pas de rapports avec le goitre, est venue a son tour vicier les proportions surtout dans les departements qui figurent dans les derniers rangs. D une autre part, on a remarque que parmi les individus atteints de goitre le creti nisme est plus frequeniment transmis par les liommes que par les femmes ; or dans nos tableaux les deux sexes etant designes en bloc, il resterait a re- chercher si, par une division plus rigoureuse, on ne parviendrait pas a s expii- quer les disproportions que nous avons signalees. L endemie du goitre et du cretinisme a ete quelquefois observee dans des arrondissements ou des cantons ou meme dans des localites, tandis que d autres localites voisines sont epargnees. Une analyse rigoureuse exige par consequent que 1 etude des fails soil faite par regions restreintes. C est ce travail qui a ete fait par Tun de nous, dans le rapport presente a la Commission francaise. Rien n est en eflet plus interessant, au point de vue etiologique, que 1 etude dc la distribution geographique de 1 endemie du cretinisme. On en jugera par les conclusions suivantes qui ont ete formulees par la Commission francaise. 1 L endemie du cretinisme sevit surtout avec une assez grancle intensite dans les deux departements des Hautes-Alpes et de la Savoie. La proportion des cretins et des idiots reunis est de 22 pour 1000 dans les Hautes-Alpes et de 16 pour 1000 dans la Savoie; celle des goitreux de 111 etde 134 pour 1000. 2 Dans la Haute-Savoie, les Basses-Alpes, 1 Isere, 1 Ardeche, la Drome, les Alpes-Maritimes, les Hautes-Pyrenees, 1 Ariege, la Haute-Garonne , 1 existence du cretinisme endemique est attestee en meme temps par 1 enquete statistique et par les tableaux du recrutement ; la proportion des idiots est en effet de 4 a 6 pour 1000 en meme temps que la proportion des goitreux s eleve de 20 a 100 pour 1000. 3 II resulte de 1 enquete slatistique que le cretinisme endemique existe en core, mais a un degre beaucoup moindre, dans un certain nombre de departe ments, parmi lesquels on peut citer : l Aveyrou,le Lot, la Haute-Loire, les Vosges, le Puy-dc-D6me, les Pyrenees-Orientales, 1 Oise, 1 Aisne, la Meurthe, le Bas- Rhin, le Haut-Rhin, la Moselle et la Haute-Marne. 4 Les variations de 1 endemie du cretinisme n ont pu jusqu ici, faute de do cuments, etre etudiees comme font ete celles de 1 endemie du goitre. Cepeu- dant on a signale une augmentation considerable qui aurait eu lieu depuis soixante ans dans les Hautes-Alpes, departement dans lequel le nombre des cretins et des idiots reunis atteint la proportion tout a fait exceptionnelle de 22 pour 1000. CRETINISMS. 103 5 Le nombre des cretins et des idiots reunisest en France d envirou 120 000. La distribution ge ographique du goitre, du cretinisme et de 1 idiotie me rite egaleraent d appeler notre attention, et nous fonrnit pour la recberche des causes de 1 endemie d utiles indications. En eludiant les rapports de 1 endemie du goitre etde 1 endemie du cretinisme, on a demontre que cette derniere n existe dans aucune contree, sans qu il n y ait en meme temps un grand nombre de goitreux. L endemie du goitre, an contraire, si elle est legerc, se presenle souvent, comme il a ete dit plus haut, sans etre accompagnee de cretinisme proprement dit; mais des qu elle augmente, on ne manque pas de constater une tendance a la degenerescence de la race. On explique ces faits, en admettant que le goitre est la premiere et la plus legere manifestation de la cause cndemique, tandis que le cretinisme en est la manifestation la plus grave. Le tableau ci-joint peut permettre de comparer la distribution geograpbique du goitre, non pas avec celle du cretinisme, mais avec celle du crelinisme reuni a 1 idiotie. Proportion comparee des cas de goitre et des cas dc crelinisme el d idiotic dans les 89 de parteraents : PREMIERE SERIE GO lTREUX. CRETINS ET IDIOTS. Prop. p. 1000. Prop. p. HUM. 1- Savoie 153,7 16,0 2. Haules-Alpes . ... 111,0 22,5 .". llaute-Savoic 92,0 4 5 <i- Ariege 82,7 4, :i 5. Basses-Alpes 76,9 6,0 tl. Hauies-I yreQees 62, ~> 6,0 7, Jura N,!l 2*5 8- Vosge ? 56,8 5,9 9. Aisne 5-2,9 2^ 10. Alpes-Maritimes . . . 50,7 5*0 DEUXIES1E SERIE H. Loire 49,0 5,0 12. Khoiie 46,0 2,2 15. Puy-de-D6mc 4i,6 5 ^ 14. Haute-Loire 42,8 5 9 15. Oise 58,0 5^3 16. Drome 56,9 4*0 17. Haut-Rhin 55,0 18* Meurihc 55,0 2*8 19. Cantal 52,0 2 9 20. Haute-Saoiic 51,6 2*0 TROISIEME SEP.IE 21. Moselle 30, S 3 g 22. Haute-Marne 50,8 2,2 25. Ardeche 29,5 $ $ 24 - ls ere 29,0 5^5 25. Lozere 2J,0 ,5 26. Dordogne 25,0 3,5 27. Pyrenees-Orieniales 24,0 5,5 28. Jleuse -22,0 2, s 29. Doubs 22,0 s ,9 50. Saone-et-Loire 21,7 2 S 7 DICT. EKC. XXIII. J5 194 CRETINISME. QUATRIEME SERIE SOlTKEtlX. CRETINS ET IDIOTS. Prop. p. 1000. Prop. p. 1000. 31. Haute-Garonne 21,0 4,0 52. Basses-Pyrenees 21,0 3,3 35. Correze 20,0 2,8 31. Ardennes 17, (I 2,9 55. Aveyron 17,0 4,3 36. Lot 17,0 4,0 57. Ain 16,0 5,0 38. Vaucluse 15,7 2,9 39. Aude 15,0 4,3 40. Allier 11,7 3,9 CINQUIEME SERIE 41. Cote-d Or 11,5 3,4 42. Creuse 11, n 4,0 43. Bas-Khin 10,8 2,7 41. Nievre 10,6 2,2 45. Aube 10,0 5,1 46. Marne 9,7 2,0 n. Kin-c 9,0 4,5 48. Haute-Vienne . 7,8 2,4 49. Seine-et-Oise 7,7 2,9 50. Card 6,6 2,8 S1XIEME SERIE 51. Yonnc 6,3 2,8 52. Orne 6,2 3,9 55. Somme 5, J 4,7 51. Laixles 5,9 3,8 55. Charenlc 5,7 2,4 56. Sarthe 4,8 5,5 57. Seine-Iuieneure 3,8 4,5 58. Bouches-du-lUione 5,6 1,5 59. Seine-et-Marne 3,7 2,9 60. Calvados 5,4 3,5 SEPT1EME SERIE 61. Eure-et-Loir 5,3 3,4 62. Cher 3,2 2,5 63. Var 3,2 4,0 64. Corse 5,0 1,4 65. Tarn 2,0 2,2 66. Indre 2,9 5,2 67. Maine-et--Loire 2,6 4,0 68. Tarn-et-Garonne 2,4 4,0 69. Giromle 2,4 1,9 70. Vendee 2,3 5,o HUITIEME SERIE 71. Seine 2,2 0,7 72. llle-et-Vilaine 2,1 2,S 75. Loiret 2,0 2,5 74. Cher 2,0 2,0 75. Word. , 2,0 1,7 76. Lot-et-Garonne 1,6 5,4 77. Hei-Eult 1,6 2,6 78. Mayenne 1,3 3^ 79. Loir-et-Cher 1,2 5,5 SO. Pas-de-Calais 1,6 2,6 NEUV1EME SERIE 81. Indre-et-Loire. 0,8 ,6 82. Vienne 0,7 2 ,9 85. Loire-Inferieure 0,6 2.8 84. Gharente-Inferieure 0,5 3 9 85. Finisterre 0,5 5^ 86. Dcux-Sevres 0,4 5^4 87. Morhihan 0,3 2^5 88. Manehe. . . 0,3 3,8 89. Cotes-du-Mord 0,2 1,9 CRETINISME. Les resultats de ce tableau n offrent pas, pour 1 etudc de 1 endemie goitro- cretineuse, 1 interet qu on aurait pu esperer ; mais il n y pas lieu de s etonncr des discordances qu on observe dans beaucoup de departements. Ces discor dances peuvent en effet s expliquer par plusieurs causes. Et d abord, il parait de montre que, dans un certain nombre dedepartements, Tabus de plus en plus repandu des liqueurs alcooliques contribue a augmenter le nombre des idiots. En outre, il n est pas douteux que dans certaines localites il n y ait des causes secondaires assez nombreuses, et dont 1 action est assez forte pour aggraver beaucoup plus 1 endemie du cretinisme que celle du goitre. G est ce qui a lieu en particulier dans ces valle es profondes oil 1 absence d insolation, le miasme palustre, la misere des populations, Tabsence des regies les plus simples de I hygiene pour 1 education des enfants, semblent favoriser 1 evolution du creti nisme. 11 ressort neanmoins du tableau quelques faits interessants qu il impprte de signaler. On remarque, tout d abord, que les deux de partements de la Savoie et des JIautes-Alpes qui renferment les plus fortes proportions de goitreux, contiennent egalement les plus fortes proportions de cretins et d idiots. Cependant, pour ces deux departements, le parallelisme est loin d etre com- plet, et le nombre des cretins et des idiots dans les Hautes-Alpes 1 emporte de beaucoup proportionnellement aux goitreux sur celui de la Savoie. On peut voir que, dans les departements de hautes montagnes qui contiennent presque tous une forte proportion de cretins et d idiots, le meme fait se repro duit. La discordance entre le goitre et le cretinisme se remarque surtout pour 1 Aisne et le Rhone; mais il importe de rappeler qu on ne doit pas seulemeut, pour appre cier la gravite de 1 endemie du goitre, tenir compte du nombre des cas, mais aussi du volume qu acquierent les tumeurs, et surtout du nombre des bommes qui sont atteints. Parmi les departements de montagnes, un seul offre une exception remar- quable : c est le Jura, qui a une tres-forte proportion de goitreux et une tres- faible proportion d idiots. Bien qu il n y ait pas lieu de s occuper ici des cas d idiotie etrangers a 1 en demie goitro-cre tineuse, il convient neanmoins d indiquer les departements qui, sous ce rapport, paraissent presenter quelque chose de special. Les proportions les plus fortes existent dans 1 Orne, la Somme, la Seine-In- ferieure, le Var, Maine-et-Loire, Tarn-et-Garonne, mais surtout dans la Vendee et le Lot-et-Garonne. Les proportions les plus faibles se trouvent dans les Bouches-du-Rhone, le Nord, la Corse et la Gironde. La Seine est le departement oil les cas d idiotie sont les plus rares. Comme on peut le voir, dans 1 un des tableaux publies plus haut, le nombre des goitreux, dans aucun de ces departements, n atteint la proportion de 1 pour 100; et si 1 endemie existe dans plusieurs d entrc eux, elle est bornee a des localites tres-restreintes. Prophylaxie. Les dissidences d opinion que nous avons rencontrees chez les auteurs au sujet de 1 etiologie du goitre disparaissent presque entierement en face de la prophylaxie ; tous , ou presque tous reclament l assainissement du 196 CRETIN1SME. sol et des eaux, nolammcnt 1 anienagement des reservoirs d eau pour recevoir les eaux pluviales, celles-lu ne contenanl jamais le principe goitrigene, on bien 1 ctablissemcnt de canaux ou dc luyaux qui amenent dans les localiles infes- tecs les cauK des contrees saines ; ^ amelioration du regime alimentaire et des habitations, et fihalement un traitement direct des populations par des sels iodiferes. Les partisans des causes multiples pretendent, il est vrai, qu il sufitd instituer des regies hygieniques generales bien observe es pour faire disparaitre le nial, tandis que les partisans de la Iheorie hydro-tellurique insistent plus particu- lieremenl sur la necessile dc i aire disparaitre a tout prix les eaux qu ils consi- derent comme goitrigenes, tout en admettant avec les premiers que les regies hygieniques generales ont une part d action qu il importe de ne pas negliger. Mgr Billiet est un de ceux qui ont le plus fermemcnt soutenu la theorie hydro-tellurique; en parlant de la petite commune de Rosiere, tres-eprouvee par 1 endcniie, il dit qu a son avis on aurait beau y remplacer par des palais les iiiisrrublcs habitations, I cudemie n y cesserait point. Telle est 1 opinion aussi de M. Grange et de M. Saint-Lager. Quant a nous, nous n hesitons point a nous y rattacher a notre lour. Nous devons a la verite de dire qu il exisle des exemples de diminution notable de 1 endemie dans des contrees ou des lo- calites ou le bien-etre a pris un certain essor, sans que les eaux employees aient etc changees; les partisans dc la theorie des causes multiples citent volontiers dans cet ordre d idees 1 exemplc dc la commune de Robertsau pres de Strasbourg; 1 cndemie, qui y avail etc Ires-intense, y a diminue dans des proportions si considerables qu on a pu presque la considerer comme comple- tement cteinte, ct cependant Jes eaux potables ctaient restees les memes. Ajoulons Kiutefois que les marais environnants avaient ete desseches, et que de cette facon les eaux slagnantes avaient disparu, et qu avec 1 aisance ge- nerale 1 usage du vin el de la biere s est subslitue en partie a la consomma- tiou de 1 eau. Nous sommes bien loin de nier 1 ulilite des mesures qui ont pour but de faire disparaitre les causes generales de l insalubrite ; il nous parail seulemenf important de faire ressortir ce fait, que les meilleures conditions hygieniques ne sutfisent pas pour faire disparaitre 1 endemie si I usage des eaux goitri- genes esl maintenu par les habitants. II est un fait d aillenrs qui est bien carac- leristique. Dans les communes ou, a la suite de l assainissement general des coudilions de vie des habitants, le cretinisme a pour ainsi dire disparu, comme a la Robertsau que nous venous de citer, le goitre n en persiste pas moins, et M. Lunier fait judicieusement remarquer qu f a Strasbourg meme, dans 1 etablis- sement des orphelins qui occupe un emplacement vaste et salubre et ou les enfanls recoivent uue nourrilure et des soins generaux regies sur les meilleuvs precedes hygieniques, le goitre persiste cependant ; le cretinisme scul ne se produit pas. L idenlite de ces deux manifestations de 1 endemie etant admise, n est-il pas evident que de bonnes conditions hygieniques peuvent empecher peut-etre 1 organisme de dechoir completement et d atteindre la derniere expression de la degenerescence ; mais que sa premiere manifestation persiste taut que la cause directe n a pas ele supprimee ? le goilre ne disparait qu avec la disparition des eaux goilrigenes. Nous ue pensons nullement diminuer la valeur des bonnes conditions hygie niques generales, en mettant au premier rang des mesures prophylactiques le CRETINISME. changement des eaux potables. Celles-ci ne sont en outre, selon toute probability, nullement les seuls vehicules du principe toxique. Les legumes et surtoul les fruits manges erus paraissent le contenir a leur tour; il importe par conse quent de faire subir la cuisson a toutes les plantcs alimentaires. Leur fermen tation est peut-etre efficace au meine degre, attendu que le vin et le cidre des pays endemiques ne paraissent pas contenir le principe nuisible qui, selon de bons observateurs, existe cependant dans le raisin et dans les ponunes. Nous insistons surtout sur le moyen tres-generalement conseille de recucillir les eaux de pluie dans les citerncs, et de les substitucr, comme eaux potables, a celles qui ont ete jusque-la employees. Bicn des faits temoignent de 1 excel- lence de ce moyen, et il suffira d en citer quelques-uns. Un des plus curieux est celui qui a ete signale a la Commission francaise par le docteur Housseaut, dans son rapport sur I endemie goitreuse du Jura. Ce fait a d autant plus d importance qti il a ete en quelque sorte 1 objet d unc enqurlc officielle de la part des administrateurs de la Compagnie d Orleans. II n oxislr, dit 1 auteur du rapport, qu unc citerne sur le territoire de Grozon, et encore se trouve-t-elle a la gare du chemin de fer. Voicidans quelles circonstances elle a ete etablie. Les employes de Ja garc faisaient a une certaine epoque usage de 1 eau de la fontaine la plus rapprochee, et quelques-uns d cntrc eux contraclerenl le goitre. 11s adresserent alors leurs plainles a 1 administration qui, apres une enquete serieuse, fit construire une citerne. Depuis cette c poque, aucun cas de goitre n a ete constate a la gare. Mgr Billiet, dans une lettre adressee en 1864 a M. Morel, rapporte comment 1 emploi de 1 eau de citerne a fait, cesser une endemic goitreuse. II existait, dit-il, dans la cour de 1 ecole normale d Albertville un puits de 12 metres de profondeur; de 1841) a 1860 il y avait la un pensionnat de jeunes filles dont les eleves etaient completement exemptes de goitres. En 1860, apres avoir fait des reparations a la maison, on etendit les decombres dans la cour, autour du puits, a la hauteur d un pied ou deux; on y etablit alors une eeole normale de 60 a 80 eleves, dont 20 a 25 prirent le goitre en peu de temps. M. le recteur de 1 academie y fit creuser une citerne ct combler le puits. Le goitre y disparut entierement. Le meme auteur a cite un exemple de preservation par 1 emploi de 1 eau de citerne, exemple que nous avons deja rappele plus haul. Voici un dernier fait emprunte au rapport adresse a la Commission francaise sur le departement de 1 Ain, par le docteur Berger. Ce fait a ete communique a 1 auteur du rapport par M. Gauthier, medecin depuis 20 ans des deux forts de 1 Ecluse. Les soldats qui habitent le fort inferieur deviennent souvent goitreux ; au contrairc, la garnison du fort superieur a toujours ete exempte de goitre. On n a point trouve pour ces faits d autre explication que la difference de 1 eau potable. Dans le fort inferieur on boit 1 eau du Jura, et dans Je fort superieur de 1 eau de citerne. Ce qu il y a de plus curieux, c est que les soldats devenus goitreux au fort inferieur guerissent sponlanement en allant habiter le fort superieur. L usage de 1 eau de citerne parait done un excellent moyen propbylactique centre I endemie du goitre. Malheureusement dans beaucoup de localites 1 eta- blissement de citernes trouverait de grandes difficultes. Comment, par exemple, recucillir les eaux quand les maisons sont isolees et couvcrtcs en chaume ? 198 CRETINISME. Pourrait-on esperer que chaque famille fit les depenses necessaires? Ces dif- ficultes ont ete prevues, et on s est dcmande si plusieurs families ou meme tous les habitants d un village ne pourraient pas se reunir pour faire construire une citerne dans de bonnes conditions, si la commune elle-meme ne devrait pas se charger de la construction, en recueillant les eaux de pluie sur 1 eglise et le presbytere, ainsi que le conseille M. Niepce. Ce conseil est sans doute excellent; mais il faut se rappeler que dans les pays de moritagnes les communes ont, en general, une tres-grande etendue, qu elles se composent de petits bameaux assez nombreux. eloignes les uns des autres, et qu on ne pourrait esperer voir tous les habitants se servir de 1 unique citerne etablie par la commune. Cependant ces difficultes ne sont pas de telle nature qu elles ne puissent etre surmontees, et 1 etablissement des citernes doit etre recommande comme 1 une des mesures prophylactiques les plus efficaces. Nous savons deja que c est au parcours de 1 eau potable a travers les prairies et a I impurete qui en resulte, que beaucoup d auteurs sont portes a attribuer la production du goitre. La premiere mesure pour purifier les eaux devrait done consister a les capter plus profonde ment, plus loin des habitations, et a les conduire dans des tuyaux bien clos jusqu aux fontaines publiques. En dehors de cette mesure, de toutes la plus efficace, il en est deux autres que les auteurs ont conseillees et dont les bons resultats ne sont point douteux. La premiere consiste a construire des reservoirs dans lesquels on laisse reposer les eaux plus ou moins longtemps avant d en faire usage; le second moyen est la cuisson pre;ilable des eaux potables et leur filtration a 1 aide d appareils sim ples qu on pourrait mettre a la portee des families pauvres. La pratique qui consiste a laisser reposer les eaux avant d en faire usage lorsqu elles sont chargees de particules terreuses, est si naturellement indique e, qu on y a eu de ja recours dans un grand nombre de localites. M. Boussin- gault cite 1 exemple d une famille habitant une localite ou 1 endemie e lait tres-intense, et qui s etait preservee du goitre par la seule precaution de conserver 1 eau pendant deux jours avant de s en servir. Malgre ce fait et quelques autres rapportes par M. Saint-Lager, on comprend que si cette pratique est excellente au point de vue de riiygiene, elle ne saurait etre suffisante pour mettre a 1 abri de 1 endemie. L usage des filtres, dont nous avons de ja parle, a ete recommande par beaucoup d auteurs, et il importe de rappeler que ce moyen de purification n a pas seu- lement pour effet d enlever aux eaux les matieres etrangeres en suspension, mais qu en outre il favorise le depot d une partie du carbonate de chaux. De plus, on sait qu en employant le charbon, on neutralise d une maniere tres-effi- cace la facheuse inlluence des matieres organiques en decomposition ; on ne pour rait done, a ces divers points de vue, qu attendre de 1 emploi des filtres de tres- bons resultats. Mgr Billiet pense qu on pourrait etablir des filtres sur d assez grandes proportions pour purifier en meme temps toutes les eaux potables d une commune, et en outre faire faire une grande quantite de petits appareils por- tatifs pour 1 usage des families qui voudraierit s en procurer. N^anmoins, si on reflechit que 1 agent auquel on attribue le goitre n a pu jusqu ici elre isole, et que sa nature est encore inconnue, on comprend que 1 usage des filtres ne peut etre considere, jusqu a nouvel ordre, que comme un palliatif, ce qui CRETINISMS. n empeche pas que 1 emploi de ce moyen ne doive etre recommande comme une mesure hygienique excellente. Dans beaucoup de localites ou regne 1 endemie, I insalubrite des eaux ne vient pas seulement des particules terreuses et des matieres organiqucs en suspension. Une condition bien plus generale c est 1 existence d une grande quantite de sels de chaux, et principalement des sulfates, tenus en dis- solulion. On sait qu on a beaucoup insiste sur 1 existence des terrains gypseux dans les localites atteintes, et cette condition est si generale, que M. Bouchardat, a une certaine epoque, avail cru poiivoir attribuer le goitre a la presence dans les eaux d une forte proportion de sulfate de chaux. Sans doute cette opinion, comme celle qui se rattache a la magnesie, est aujourd hui abandon- nee ; mais il n en reste pas moins ce fait que les eaux seleniteuses existent dans un grand nombre de localites atteintes, et que cette condition doit etre regardee comme 1 une des causes secondaires qui meritent le plus de fixer 1 attention. Malheureusement ni le repos dans des reservoirs, ni 1 emploi des liltres, ni ineme 1 e bullition, siefficace pour purifier les eaux carbonatecs, ne pcuvent rien sur les eaux chargees de sulfate. Les moyens qu on pourrait employer, comme 1 addition d une certaine proportion de carbonate de soude, ne sauraient ici etre recommandes a cause de la difliculte d en generalise! 1 1 cmploi. On ne peut done pour ces eaux seleniteuses que se placer au point de vue des partisans de la doctrine hydro-tellurique, eu demandant de cesser 1 usage de ces eaux, de cbercher de nouvelles sources ou de recueillir les eaux pluviales dans les citernes. Quand, au lieu de sulfate de cbaux, les eaux contiennent une trop forte proportion de carbonate, on sait qu il suffit de les laisser reposer a 1 air libre pour qu elles se debarrassent en grande partie de leur sel calcaire; ces sels en exces se deposent par le degagement de 1 acide carbonique ; les eaux de cette composition out d ailleurs sur 1 economie une influence beaucoup moins facbeuse que les eaux sulfatees. L assainissement du sol est un element de propbylaxie Ires-important : 1 eau suspecte doit etre autant que possible etroitement endiguee, pour baigner la moindre surface possible du sol, et les etangs ainsi que les marecages doivent etre combles; il faudrait en outre combler les puits dont 1 action nuisiblese serait manifested par le nombre plus ou moins considerable d individus infectes par leur usage. Nous avons montre que 1 endemie suit frequemment le cours d une riviere ou d un torrent ; nous ajouterons encore que dans le departement du Bas- Rhin elle ne s ecarte point des bords du fleuve, et se propage particuliere- ment au moment des inondations. II importe done particulierement de prevenir le debordement des cours d eau, d etablir le drainage pour empecher la forma tion des marais, et de mettre immediatement en culture les terres delais- sees par les eaux. Partout ou ces moyens ont deja ete mis en usage, on aobtenu une veritable transformation dans la sante generale des babitants. Nous disons plus haut que dans les contrees ou Ton observe le goitre, le cretinisme se pro- duit surtout dans la partie pauvre des populations ; nous avons particulierement insiste et nous ne saurions assez repeter combien la misere, avec tout son cor tege de conditions insalubres, contribue a aggraver et a eteudre 1 endemie et a multiplier les cas. 200 CRETINISME. 11 imporle done beaucoup d assainir les habitations et notammetit de les aerer, decombattre cctte tendance funeste qu ont les habitants pauvres a habiter leurs e tables et a en respirer constamment les emanations. 11 ne serait pas moins important de leur faire perdre leurs habitudes de malproprete si frequemment liees a 1 extreme misere. Une bonne nutrition aurait certainement a son tourune part d action considerable dans 1 assainissement de la sante publique, et nous ferons remarquer , sous ce rapport, que partout dans les contrees on , a la suite d une prosperite plus grande, 1 usage du vin ct des autres boissons fermentees s est substitue en partie a 1 usage de 1 eau, 1 endemie a diminue de frequence et d intensite. Nous pourrions citer bon nombre de regions ou la culture de la vigne a eu pour consequence une diminution tres-appreciable des cas de goitre <! de cretinisme. 11 serait utile d appliquer aux habitations malsaines des localites endumiques laloi sur les logcments insalubres; il est vrai que, sous ce rapport, la loi devrait etre modifiee, attendu que, telle qu elle est aujourd hui, elle domic bien au locataire et a 1 usufruitier droit de reclamation centre son proprie taire ; mais elle n oblige pas celui-ci a assainir sa maison lorsqu il 1 habite lui-mcme, dans la localite infectee, ce qui est cependant le cas le plus frequent meme dans les families les plus pauvres. II suffirait parfois de pratiquer quelques ouvertures ct notamment des fenetres pour assainir une maison ; mais le plus souvent il serait necessaire d imposcr dans la construction des cspaces plus grands pour les pieces habitees, et d obliger a e lever de quelques picds les rez-de-chausse e, lorsqu il n existe pas de premier etage. En resume, pour ce qui a trait a 1 assainissement des villes et des villages, on doit reclamer troissortes de mesures : lpour les maisons existantes agrandir les fenetres, plancheier le sol, blanchir les mursa la chaux, et au besoin etablir des cheminees; 2 obtenir qu on determine certaines regies auxquelles devrait etre soumise la construction des maisons nouvelles, et dont la principale serait 1 elevation du rez-de-chaussee au-dessus du sol ; 3 intervenir activement pour hater 1 execution des mesures de salubrite generale qui viennent d etre indi- quees et qui doivcnt s appliquer aux villages eux-memes. Nousne pouvous ici qu indiquer par de grands traits Jes conditions hygieniques generales qui sont necessaires pour assainir une contree ; ajoutons seulement que ce resultat est obtenu d autant plus facilement que des voies de communi cation plus nombreuses s etablissent, que 1 industrie devient plus active et que la prosperite generale d un pays augmente. II n est guere aise de combattre le pauperisme et son influence nefaste ; mais combien ne pourrait-on pas citer d exemples qui demontrent 1 heureuse influence produite sur le developpement de 1 aisance generale par le passage d une grande route ! Dans la vallee de Greissonnet, on signale une population active, intclligente, dans laquellc 1 endemie, autrelois tres-repandue, avait presque completenient disparu; dans la vallee de Challand, au contraire, 1 endemie persistait entre- tenue par la misere et 1 apathie des habitants. Cette difference si remarquable s expliquait par la creation d une route qui fait communiquer la vallee dc Greissonnet avec le Piemont et le "Valais. 11 resulted un tres-grand nombre de rapports que 1 alimentation des habitants enbiver est tout a fait insuffisante. MM. Niepce et Chabrand racontentque, dans quelques vallees pauvres des departements les plus atteints, lepain n est prepare CKETINISME. 201 qu avec de la farine d avoine qui souvcnt n est meme pas blutee, et que ce pain, dont la preparation a lieu une fois par an, devient tellement tlur qu il tnut le tremper dans de I eau ou le briser avec une hachc pour le manger. Souvent meme le pain manque completement, et les paysans se nourrissent alors de pommes de terre et de quclques legumes sees. L usage insuffisant du sel a ete signale par M. Cliabrand ; d apres cet auteur, cbaque indvvidu devrait en consommer quinze a seize grammes par jour, pour conserver ses forces et sasante. Etantadmis, avec MM. Chabrand, Niepce ct plu- sieurs autres auteurs, que l ingestion d une quantite notable de sel est ei ficace pour combatlre la degenerescence goitreusc, il y aurait lieu de proposer la dimi nution de 1 impot sur le sel, au moins dans les departements ou sevit I endemie. On sait que cet impot, quoique leger, tend beaucoup a dimimier la conson> mation dece condiment. On a remarque depuis des temps imme moriaux la disparition du goitre, surtout lorsqu il n avait pas encore atteint un volume considerable, cliez les individus qui, abandonnant le pays ou ils avaient contracte 1 affection, se rendaient au bord de la mer et faisaient largement usage d une alimentation animale tclleque poissons, coquillages, mollusqucs, etc. Ainsi sV\|ili<|iie proba- blement 1 usage tres-ancien de 1 eponge calcinee centre le goitre. M. Coindet de Geneve, le premier, comprit que c est a la presence de 1 iode qu il I allail alln- buer 1 action curative de cette preparation comme cclle des alimciils |invenaiil delamer. Le traitement direct par 1 iode et ses sels, notamment 1 iodure de potassium, fut institue et se generalisa tres-rapidemcnt. Nousavonsdeja souleve plus haut la question de savoir si 1 iode pouvait servir de moyen preservation- centre le goitre pour 1 individu qui, arrivant d une contree saine, se rendrait en pays ende mique. Doit-on admeltre que, dans ces conditions, rinfluence nuisible soit neutralised et doit-on, en consequence, considerer 1 iode comme propre a annuler Faction du principe toxique qui produit 1 endemie? Rieu ne prouve qu il en soit ainsi, et il nous parai trait pen plausible d admettre la vertu preservatrice du medicament. Qu il nous soit permis de repeter ce que nous avons deja dit a ce sujet : 1 usage de la quinine preserve-t-il 1 individu se transportant d une contree saine en pays marecageux ? 1 inoculation du virus sypbilitique serait-elle empechee par l ingestion, prealable a la contamination, des mercuriaux? Nous pensons qu il serait impossible d admettre qu il en soit ainsi ; les medicaments propres a combattre les alterations survenues dans 1 organisme ne constituent pas pour cela des agents propres a neutraliser les principes nuisibles qui engendrent ces alterations. C est contre celles-ci que le medicament s adresse, ct il ne peut par consequent etre considere que comme un moyen de traitement des accidents existant avant son adminis tration. Une des causes les plus puissantes de la diminution du goitre consiste dans 1 habitude assez repandue depuis un certain nombre d annees, de le soigner a son debut. Dans les localites ou les individus atleints de goitre sont soumis a un traitement approprie, suivi avec perseverance, on a obtenu des resultats extre- mement satisfaisants. G est ainsi que le docteur Dagand a gueri dans Jes ecoles du seul canton d Albi pres de quatre cents enfants. II ne faut pas confondre ici le traitement du mal existant avec la pretendue preservation qui consisterait a instituer la medication avant 1 apparition du mal. En d autres termes, s il est certain que 1 administration perseverante de petites quantites d iode font dis- 202 CRETIiMSME. paraitre le goitre naissant, il n est pas prouve au meme degre que 1 introduction dans I 1 economic de la meme substance medicamenteuse puisse empecher 1 ap- parition du mal. 11 est d observation constante qne dans toutes les contrees endemiques on rencontre un grand nombre d babitants dans ie plus complet denument. Beau- coup de families n ont qu unc nourriture insulfisante et peu reparatrice, qui n est nullement en rapport avec les rudes travaux auxquels elles sont soumises. L absence de travail pendant la mauvaise saison a une large part dans cette triste situation; de nombreuses localites sont en effet privees de moyens de communication et de toute Industrie. Nous connaissons personnellement des villages dans le Tyrol, situes au bord d un lac et au pied de montagnes comple te- ment impraticables pendant 1 hiver. Toute communication avec le reste de la contree s y trouve absolument interrompue pendant tout le temps que le lac est incompletemcnt gele, ce qui dure plusieurs mois. On concoitque dans ces loca lites la misere prend rapidement des proportions considerables, et qu y a-t-il d etonnant que des femmes affaiblies, etiolees, mal nourries, donnent nais- sance dans ces conditions a des enfants chetifs et qui subissent rapidement la decheance organique dont les elements se trouvent dans les eaux polables de la contree ? La mortal ite des enfants dans ces contrees est extreme. D apres M. Niepce, sur 2491) enfants trouves, places en nourricc dans la vallee de 1 Oisans, ou rcgne 1 endemie du goitre et du cretinisme, 145 seulement sont arrives a 1 age de vingt ans. La mortalite a done ete de pres de 95 pour 100. En outre, sur les 143 enfants trouves qui etaient arrives a 1 age de vingt ans, la moitie etait atteints de goitre el de cretinisme a differents degres. Apres avoir trace le tableau de la misere qui atteint beaucoup de families dans les localites frappees par 1 cndemie, apres avoir fait remarquer que celle-ci sevit surtout dans les villages les plus pauvres et les plus isoles, les auteurs ont reclame unanimement la creation de nouvellcs voies de communication ; ils ont demande en meme temps qu on recherchat les moyens d apporter dans ces contrees des industries nouvelles dont l administration favoriserait le developpement. II importe de faire ressortir immediatement ce fait que nous avons signale jusqu ici frequemment, que dans les pays endemiques tous les habitants su bissent 1 influence et peuvent etre consideres comme soumis a une veritable diathese speciale qui, dans les localites fortement eprouvees, pourrait, avec certains auteurs, etre appelee la cacbexie goitreuse et cre tineuse. C cst douc a juste litre qu on a etuclie le mode d administration de 1 iode a des popula tions entieres, puisqu elles doivent etre considerees comme contamines en bloc a des degres divers. Le moyen le plus simple, le plus pratique qui s est presente a Fesprit consistait dans 1 addition de certaines quantites du medica ment au sel de cuisine, ce qui, sans en alterer le gout, serait d une efticacite incontestable. On a remarque en effet qu il suffit de doses tres-minimes d iode pour combattre efficacement le goitre endemique, lorsque celui-ci n a pas atteint un volume excessif. II resulte meme des recbercbes de M. Despine de Geneve et de quelques-uns de ses confreres de la meme ville, que 1 action de 1 iode est bien plutot en raison directe de la duree de son administration que de la quantite des doses administrees. II a suffi de 1 usage tres-prolonge d un demi-milligramme par jour pour donner lieu non-seulement a la disparition du CRETIMSME. 205 goitre, mais meme a certains phenomenes d intoxication par la substance mc- dicamcnteuse. II parait que 1 iodisme est produit plus facilement par 1 inges tion de petites doses que par 1 ingestion de doses plus ou moins considerables. II en resulte la necessite de certaines precautions se rieuses dont 1 observation n est nullement impossible. La methode de MM. Boussingault et Gauge, qui con siste a melanger au sel de cuisine une minime quantite du medicament preser- vatif, presente 1 incontestable avantage d etre applicable aux habitants pris en masse de toute une contree; mais les dangers, au moins les inconvenienls de ce mode d administration se manifestent par des phenomenes d ioduration sur certains individus particuliercment susceptibles. Partout ou la surveillance medicale peut etre exercee, le mode d administralion de MM. Boussingault et Gauge trouvera cependant une application utile ; son efficacite n est d ailleurs nullement conteste e, et il devrait etre adopte comme regie generale, si le traite ment collectif ne presentait pas des dangers dans les contrces ou la surveil lance medicyle fait defaut. II neserait nullement impossible d organiser une sur veillance medicale avec le concours des medecins des localitcs endemiques pour obtenir le controle necessaire dans le traitement collectif, sous quelquc forme qu il ait lieu. Ce traitement a ete du restc inslitue de ja d;ms irois des depar- tements francais, le Bas-Rhin, la Haute-Savoie et la Seine-Inferieure. Dans ce dernier departement, le mode d administration de 1 iode a ete determine par le docteur Vingirinier; il consiste dans quelques gouttes de teinture d iode melangees a 1 iodure de potassium a cbaque rcpas ; une pince e de poudre d eponge calcinee sur la langue ; tous les soirs, des frictions pratiquees sur le cou avec de la pommade iodnree, et la suspension dans les rideaux du lit d un flacon ouvert contenant de 1 iode metallique; en plus, 1 application des re gies de I hygiene generale. M. Morel a constate que ce traitement e tait efficace, mais il est incontestable pour nous qu il est trop complique. M. Morel convient du reste qu il est difficile de le faire adopter, et qu on echoue contre 1 incurie, 1 apathie et quelquefois meme 1 opposition systematique des interesses. Ce traitement coute en outre 4 francs par tele, prix relativement eleve quand il s a- git de 1 appliquer sur une grande echelle. II suffirait, selon notre conviction, d adopter un seul mode d adminislra- tion generale de 1 iode, et nous croyons que par 1 ingestion directe de ce medicament en tres-petites doses et journellcment repetees on obtiendrait des i uuei: a esultats certains. Le point esscntiel consiste dans la surveillance medicale, qui pour* nous P arait necessaire. Cbaque fois que le traitement collectif a ete applique se. C < * ans les co ^g es et les pensionnats, dans les c coles communales, dans les prisons, dans les casernes, il a donne d excellents resultats depourvus de tous dangers. Le docteur Dagan a administre dans des ecoles de tout un canton une pastille contenant un centigramme d iodure de potassium a chaque enfant. Sur 640 enfants des deux sexes affectes du goitre, 490 ont gueri completement et 129 ont ete notablement ameliores. II est interessant de constater la duree du traitement dans ce cas : la guerison fut obtenue chez ces enfants 29 fois apres 15 jours, 77 fois apres 30 jours, 112 fois apres 45 jours, 101 fois apres 60 jours et 42 fois apres 75 jours. On aurait du incontestablement clever les doses du medicament chez les enfants quin avaientpas completement gueri : car il est difficile d admettre qu il existedes refractaires absolus a un traitement d une efficacite si puissante, il s agit seulement d appliquer des doses plus fortes ou de continuer le traitement pendant un temps plus long, dans les cas qui of- 20-4 CRETIN1SME. frent une plus grande resistance. Par centre, le traitement vient-il a etre sus- pcndu, 1 individu continuant le meme genre d existcnce et subissanl les memes influences nuisibles, le goitre ne tarde pas a reparaitre. M. Dagan a observe plu- sieurs recidives successives ; mais il affirme que lorsquc la guerison avail eteobte- nue trois on quatrc fois chez le meme individu, le mal ne reparaissait plus. Ce medecin distingue n a pas observe un seul cas d iodisnie ; il est vrai que son traitement s appliquait aux enfanls goitreux, a 1 exclusion deceux qui n etaient pas atleints de cette infirmite, et qu en general, selon bon nombre d obser- vatcurs, 1 iodisme nc se produit pas facilemerit chez les enfants. 11 est important d ajouter que le traitement du docteur Dagan revenait a 50 centimes par in dividu. L infusion de feuilles de noyer legerement iodurees a donne d excellents re- sullals sur les enfants. 11 serait aise, les instituteurs et les institutrices aidant, de classcr les enfanls en trois categories : les uns portant des signes evidents dc la degenerescence endemique, sur lesquels le medicament serait administre a des doses un pen plus clevces que sur la seconde categoric d enfants, formee par le nombre de ceux qui ne portent que quelques indices premonitoires dumal, etauxquelson administrerait des doses moindres. La troisieme categoric d en- fants, formee par ccux qui sont restes completement indemnes, ne serait point soumise au traitement. Par ce procede si simple et dont 1 exe cution nous pa- rait tres-facile, on eviterait les inconvenients qui resultent de la methode de MM. Boussingault ct Gauge, methode qui exclut toute idee de dosage selon les individus. II resulte de tout ce que nous avons deja dit que le moyen propbylactique le plus efficace est I eloignement de la contree ou regne Fendemie. L influeuce hereditaire etant admise, on a propose a juste titre 1 eloignement de la mere pendant la gestation. Si Ton n empechait pas de cette maniere la transmission et les dispositions facheuses preexistantes chez les parents, on eviterait aumoins 1 influence locale que subit la mere, influence qu elle transmet necessairement au fruit de la conception pendant la vie intra-uterine. II existe des exemples d enfants nes dans des contrees saines, mais de parents goitreux, qui out ecbappe a 1 influence hereditaire directe, et on pent au moins admettre quele cretinisme est beaucoup plus rare cbez les enfants dont la mere s est soustraite aux influences nuisibles pendant la gestation. II est malbeurcusement difficile d ordonner 1 eloiguement a des personnes qui ne sont pas dans 1 aisance, et cette mesure ne pourra par consequent que difficilement se generaliser. Par centre, 1 eloignement des enfants nouveau-nes est beaucoup plus praticable et donne d excellents resultats. Dans le Yalais oil depuis plus d un siecle 1 habitude est adoptee d envoyer les enfants en nourrice sur les montagnes, les bons effets ont suivi cette pratique. Les habitants des montagnes, etant ordinaire- ment plus pauvres que ceux des vallees, recoivent volontiers des nourrissons a tres-bas prix, consideration tres-importante dans 1 espece. Les enfants assistes de la Savoie sont recus en nourrice sur les montagnes dans des contrees saine?, a des prix qui varient selon 1 age, mais qui sont toujours extremement mo- deres. De nombreuses observations ont prouve qu il importe surtout de soustraire les enfants jusqu a la sixieme ou huitieme annee aux influences nuisibles, pour les preserver, totalcment ou en grande partie, du mal endemique. L utilite des etablissements speciaux pour recevoir et garder les enfants dans CRETINISME (BTHLIOGUAPIIIE). 205 descontrees saines et notamment sur les montagnes est incontestable el suffisam- ment prouvee. L assistance publique du departement de la llaute-Savoie a eusoin d amenager dcs etablissements semblables, ct en a oblenu de bons resultats. Non-seulement on y a garde des enfants duns Ic but deles preserver de 1 endemie, mais on en a recu aussi qui portaient les symptomes de la degencresccnce, dont la disparition en partie, ou en totalite, a cte obtenue d autant plus facilement par un traitement approprie, que les enfants etaient plus tot soustraits aux in- lluences nuisibles du milieu qui avail donne lieu a ces symptomes. Quant aux enfants ayant deja subi a un certain dcgre la di gene rescencc cretineuse et dont la guerison n est plus a esperer, il est toujours possible d obtcnir 1 arret du mal et de donner un certain degre d educatiou a ceux dont 1 intelligence n est pas encore completement decbuc. On a pu leur apprendre des metiers et leur donner quelques notions d education intellectuelle, ce qui explique la creation deplusieurs etablissements medico-pedagogiques dans lesquels ils sont admis. Parmi ces etablissements il convient de citer ceux d Abendberg ct de Marien- berg. Les enfants ayant subi la degenerescence complete sont rel ractaires a tous moyens curatifs ou propbylactiques ; les soius a leur donner relevant de la cha- rite, au meme litre que ceux des idiots, et ils doivent etre admis dans des maisons dc sante, dont la salubrite et les bons ame nagements nc sauraient etre negliges. l!\n,i. \rn.i .11 ET KIUSUAISKII. BIBLIOGRAPHIC. HIPPOCRATE. Aplior. V, 24. Epidein., lib. VI, 3-6. 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U ET ^ CREUSETS (de ^wvsOw, fondre : d ou yjuvziov. ou ^(Mveyrrjowv, creuset), D autres font venir le mot de crucibulum, nom donne par les alchimistes aux vases employes a la fusion des metaux. On appelle creusets des vases de terre CHEUSETS. 215 ou de metal destines a faire fondre certaines substances, et qui out ordinaire- ment une forme conique et triangulaire On se sert souvent dans les laboratoires de simples creusets de gres ou de porcelaine, qui out rinconvcnient de sc casser sous 1 action des changements rapides de temperature. Les creusets de Hesse, si usites, sont fails d argile refractairc. On les fabrique surtout, aujourd hui, a Sarreguemines. 11s insistent a de tres-hautes temprru- tures et a de brusques variations, surtout ceux qui contiennent peu de chaux et de fer. On fait aussi des creusets refractaires avec les memcs cokes metal- liques qui servent d elements dans la pile de Bunsen et qui ont presquc la durete du diamant; ils se trouvent dans les cylindres ou se produit le gaz d eclairage. On en fabrique de meme pour les fondeurs en cuivrc avec la plom- bagine (graphite, mine de plomb), mais surtout, pour la grandc industrie mc- tallurgique, avec la magnesie, quo son infusibilite a d ailleurs fait utiliser pour la construction de vases refractaires de toutes formes. 11 y a des creusets de fer, d argent, de platine. Les creusets de ce dernier metal, qui se ramollit au rouge blanc, mais ne fond qu au chalumeau a oxygcne et qui cst inalterable par les acides, sont employes journellement dans les experiences chimiques. Nous n entrons dans aucun detail sur le mode de fabrication de ccs diflr- rents creusets, eette question n interessant que I industrie. Nous ajouterons sculement, que, pour la fusion des metaux, on se sert quelquelbis de creusets dits brasques, qui ne sont que des creusets en terre refraetaire, remplis d um- pate de charbon de bois pulverise, dans laquelle on a pratique une petite cavite conique, et qu on a soumis a la dessiccation. C est dans cette cavite (brasque), qu on place les oxydes dont on veut extraire les metaux. On comprend que la composition des creusets ne soit pas indiffercnte eu eganl aux operations cliimiques qui doivent s y accomplir. Ceux qui sont composes d argile sont attaques par les matieres ou entrcnt la potasse, la soucle, 1 oxydr de plomb, le bismuth. Les creusets dc fer convienncnt aux operations qui corn- portent 1 emploi des alcalis. Les creusets d argent sont surtout employes pour fondre la potasse caustiqur, le nitrate d argent et quelques autres sels, comme le nitrate de potasse. La fusi- biiite de I argent s oppose a ce que les creusets fabriques avec ce metal puissent servir pour des temperatures un peu elevees. Les creusets de platine, au con- traire, sont precieux a cause de leur infusibilite au feu de nos meilleurs four- neaux, mais il faut avoir soin de n y pas faire chauffer de 1 acide phosphorique ou des phosphates, de 1 acide arsenieux ou des arsenites et des arseniates-, avec du charbon. Ces metaux mis en liberte determineraient la fusion du platine. L eau regale, la potasse, la soude, la lithine, le soufre, le melange de silice ct de charbon rendent les creusets de platine rugueux et cassants. II serait d ailleurs difficile de faire ici 1 enumeration de toutes les circon- stances qui rendent applicable 1 emploi de telle ou telle nature de creuset. Un chimiste instruit s en rendra compte au moment de proceder a ses operations. Les creusets se placent au milieu du feu, sur une rondelle de terre cuite nommee fromaye, qui le separe de la grille du fourneau. Lorsque le corps a fondre est tres-fusible, un fourneau ordinaire sui fit. Quand on a besoin d une temperature plus elevee, on recouvre le fourneau d un dome qui empeche la deperdition de la chaleur par le haut et la reverbere sur le feu lui-meme et le creuset. Ce fourneau est connu sous le nom de fourneau a reverbere. 214 CREVE. Lorsqu on veut obtcnir une chaleur plus forte encore, on ajoute a la cheminee du dome un tuyau de tole d un ou deux metres de longueur, dont 1 effel est d etablir un courant d air considerable dans 1 interieur du foyer. Enfm si Ton veut encore elever la temperature, on emploie le fourneau dit fonrneau de fusion, dont les parois, construites en briques, ont une epaisseur considerable qui s oppose a la deperdition de la chaleur, et dans lequel le feu est alimente par un fort soufflet. A. DECHAMBRE. i iciii y.\trn. Voy. KREUZNACU. * REVASSES. Voy. UI.\B: (.lon\NN-r,Asr \K-It.NAZ-Aivio.N). Medecin alletnand de nu rite, naquit i I .dblem/, le "28 oclobre 1769, fit ses etudes medicales a 1 Universite de Ma\en<v i I \ prit le bonnet de doetcur en 1792. Des 1 annee suivante, le 11 de- rendire I T lTi, cc saxaiit imMeciii iut nomine professeur extraordinaire a la merae l ni\ersile, sii|i|iriiiK ; i . pen apres, et plus turd conseiller aulique et conseiller medical, assesseur do la Faeulte de medecine, etc. Vers 1800, il quitta monaen- laiienieni I enseignement et s etablit a Elteville, dans le Rbeingau, mais il ti y resla ijiic pen d aimees et se rendit finalement a Francfort-sur-le-Mein, oil il <|e\inl pnil cs.M iir de medecine a 1 Kcole medico-cbirurgicale, conseiller medical superieur et membre dc la L&ndesreqierunfo et enfiii conseiller secret du due de Nassau. 11 pratiqua la medecine avec le plus grand succes dans sa nouvelle ivsidence et niourut a Eltvillc, on il s etait retire le 7 juillet 1855, apres une carriere bien remplie et a un age fort avance. Crevc est 1 auteur d un grand nombre de puljlications relatives a la mede- cine et surtout a J pbst^trique ; il s est beau coup occupe entre autres de la forme et des maladies du bassin chez la femme. II obtint en 1798 une me- daille d or d une grande valeur de la Societe de medecine d Edimbourg pour un memoire sur le galvanisme. Nous citerons de lui : I. Diss.inaug. dc fracluris ossium pelvis. Moguntite, 1792, in-4. II. Beilragew Galvani s Versuche iiber die Krd fleeter lliierischen Electricilcit auf die Beweyuny der Mus- keln. Frankf. u. Leipz. 1795, in-8. III. Vom Baue des wciblichen Beckens. Leipzig, 1794 (1793), err. in-i, 9 pi. -- IV. Medicinisclter Yersuch einer modernen Eleidung,die Briiste betreffcnd. Wien, 1794, in-8. V. Von den Krunkheiten des weiblichen Beckens. Berlin, 1795, g-r. in-4, 11 pi. YI. Vom Metallreifee, einem eii entdeckten, untruglichen Prufungsmillcl des irnlircn lodes. Leip/ig u. Gera, 1796, gr. in-8, 1 pi. VII. Veber Veredlung des Staates durch Errichlung eines Sanitatscollegiums. Wiesbaden, 1804, in-8. VIII. Besclireibung der Gesnndlirunnen zu Weilbaclt ii Herzogtliume Nassau. Wies baden, 1810, gr. in-8 . IX. Ueber den Chemismus der Respiration. Frankf. a. M. 1812, in-4. X. Over de vereisclden bij de Breuksnijding. Amst., 1808. gr. in-8, pi. M. low Sprengcn der Kindeswasser. In Stark s Archiv fur Geburtsh. Bd. V, St. 2, p. 501, 1793. XII. Vorlciufiye Bekanntmachung der entdeckten Natur des Metallreitzes. In Med- chir. Zeit., Bd. I, p. 49, 1790, et Beitracje dazu, Bd. I, p. 524, 1797. XIII. Ueber die Bewegung des Augensterns. In Blumenbaclis medic. Bibl., Bd. Ill, p. 681, 1795. XIV. Von der thienschen Electricitcit. In Schrift. der Berlin. Geselhch. nalurf. Freunde. Bd. XI, p. 115. XV. Epistola ad Soc. Med. qua Edinburcji est (au sujet d un memoire sur le galvanisme couronne par cette societe en 1798). Ext. in Edinb. Annals of Med., t. V, p. 259, 1801. XVI. Precis historiqne de la decouverte de I irritation metalliqve. Extr. publ. in Mem. de la Soc. med. d emulat. de Paris, t. I, p. 592. XVII. Dissertation sur la question suivante : Quelles sont les influences sympathiques quexerccnl reciproque- ment les uns sur let autres les divers systemes et oroanes de I economic vivanle. Ibid., t. H, p. 586, an VII (17991. XVIII. Dc galvanismi in praxi medica usu. Extr. publ in Journ. g6n. denied, de Scdillot, t. XVIII, p. 201, an XII (1804). L [\ y CREVETTES. CREVE-cniEN. Tin des nom donnes a la Morelle noire (Solatium ni- grum L.). Voy. MORELLE. L - CREVETTES, CHEVRETTES ou PALEMO\S. Les naturalistes appellent crevettes, en latin Gammnrw , de petits erustacos de 1 ordre des amplupodes, appartenant a la grande division des edriophthalmes ; ce sont au contrairc des animaux de la sous-classe des podophthalmaires qui constituent le groupe duquel on tire sur tous les points du globe ces especes rechcrchecs pour I alimenlatioii dont quelques-unes portent assez generalement chez nous le nom de C.revettes; ce sont alors les crevettes de table qu il vaut mieux appeler Chevrettes pour eviter toute confusion. La veritable place de ces petits animaux est marquee parmi les decapodes macroures. En effet, ils possedent des cavacteres zoologiques qui les eloigucnl peu des ecrevisses et des homards. Les chevrettes et les animaux de la meine famille sont aussi nommes Palemons, Salicoques, etc. Elles sont remarquables par leur corps en general comprime ; par leurs mandibules prolbndemcnt divi- sees en deux branches et par-ibis depourvues de palpes ; en fin par lour iront prolonge en un rostre dente en scie. Leurs patles sont greles ; Irs doux pre mieres paires sont en forme de* pince, la denxieme est plus forte que les autres. On connait un nombre considerable de ces animaux et il y en a dont la taillr est assez forte, tels sont particulierement certains de ceux qui babitent les pays chauds; ils ont ete partages par les naturalistes en differents genres. Leur corps est transparent, mais marque de quelques lignes vivement colorees; ils nagent sur le dos et jouissent d une grande agilite. Quelques-uns vivent dans Ics eaux douces, mais c est le plus petit nombre; il y en a de tels dans des pa\s assez eloignes les uns des autres. L Europe en fournit plusieurs et specialement 1 Hippolyte de Desmarest que Ton trouve dans difterentcs localites de la France. Cetteespece et celles qui vivent dans les memes conditions ne sont pas alimen- taires. Parmi les salicoques marines, les seulesqui soient recberchees sous ce dernier rapport, nous citerons principalement les suivantes : Crangon commun (Crangon vulyaris) ; il recoit de preference sur nos cotes le nom de crevette ; sa couleur est gris-verdatre, ponctuee de brun mais il ne de- vient pas rouge par la cuisson comme la plupart des autres. Nika comestible (Nika edulis) ; de la Manche, de 1 Ocean et de la Mediter- ranee. Palemon porte-scic (Palenion serratus) ; il porte les differents noms de sali- , coque, de squille, bouquet, etc., et aussi ceux de crevette et de chevrette; c est une des especes les plus estimees. La peche de ces palemons et celle des animaux analogues se fait activemenl sur un grand nombre de points de notre littoral et la grande multiplication de ces crustaccs permet d en fournir aisement nos marches. Elle s opere d une maniere tres-simple et est le plus souvent pratiquee par des femmes. Celles-ci entrent dans 1 eaujusqu au-dessus du genou, armees d un filet appele truble, ha- venau ou bouquetout, et elles le poussent devant elles. G est surtout pendant la belle saison que la pratique en est possible car en hiver les crevettes se retirent dans des endroits plus profonds, mais ces crustaces peu vent etre gardes vi - vants dans des sortes de pares. 216 CRIBLEE. On fait, comme on le voit, une grande consommation de chevrettes. La digestion en est generalement facile, et, sous ce rapport, elles different beaucoup de cer tains autres cruslaces de la meme famille, tels que les crabes et les homards. II est meme des estomacs debiles et fatigues par des exces de table qui se trou- vent tres-bien de se nourrir presque exclusivement de salicoques, prises en pe- tites quanlites souvent repetees. Nous connaissons plusieurs cas de ce genre. II est vrai que c est a la condition essentielle que les salicoques soient mangees tres-fraiches : aussi, pour les malades dont nous parlons, cette espece de cure etait-elle faite au bord de la mer. Neanmoins, les creveltes, meme mangees fraiches, peuvent dans certains cas produirc des accidents comme cela a egalement lieu pour les monies ct meme pour les huitres. On trouvera phisieurs exemples de ces sortes d intoxications cites dans la Zoologie medicate que j ai publiee avec M. Tan Beneden. A Amiens, en 1857, plus de trois cent cinquante families out ete prises simultanement de coliqucs violentes qui ont d abord fait croire a une invasion subite de cholera. Ces coliques etaient causees par 1 ingestion des crevettes apporlres de Boulogne qui paraissaient aussi fraiches que celles que Ton mange d ordinaire sans qu il en resultc le moindre inconvenient. Des fails analogues ont ele observes a Nantes, en 1874 et anlerieurement a Copenhague, et ailleurs. Expedites a de grandcs distances, comme cela a lieu pour des diners de galas qu on envoie parfois de Paris en province on meme :i 1 etranger, des chevrettes occasionncnt parfois des troubles de la digestion, ce qui lient aun commencement de decomposition ammoniacale de ces crustaces, M. le doctcur Reveil a cite, en 1876, un fait qui merile aussi d etre rappele ici : il consiste a transformer la chevrette grise, dont le prix e^t pcu eleve, en chevrelte rouge ou bouquet, qui se vend bien plus cher, en peignant la premiere avec du minium ou de la mine orange composee d un melange de protoxyde et de bioxyde de plomb. Reveil cite une famille de Chaville, pres Paris, qui failli devenir ainsi victime de cette fraude et on ne lui a pas remis moins de l gr ,25 de la substance enlevee par un simple lavage de la surface de ces chevrettes qui avaient ele vendues par un marchand ambulant. Une fraude analogue, egale ment constatee dans une localite des environs de Paris, est mentionnee dans les journaux de 1878. P. GERV. CREYAT. On donne dans 1 Inde le nom de Creyat, Kariyat a la tige et a la racine seches de VAndrographis paniculata, Nees. On 1 emploie comrae tonique et stomachique. I). CRI. Le cri, qui resulte d une expiration soutenue et qui prend, dans le larynx et dans le pharynx, des tons et des timbres varies, peut acquerir dans cer- laincs maladies une valeur pathognomonique, suivant surtout qu il oslplusou moins prolonge et plus ou moins aigu. Le plus significatif est le cri hydrence- phalique, remarquable par sa duree et son acuite, que font entendre les en- fants a une periode avancee de la meningite. D. < imu i MAGIQLE. Voy. DIVINATION. CR1RLEE (Lame). Voy. CRANE. BRIGHTON 217 Kiituvriox (Voij. TAMISATIO.N). CRIBRIFORME (FASCIA, os). On a donne le nom d os cribriforme a 1 etlimoide, et de fascia cribriforme au feuillet superficicl tin fascia lata D. < lUtlirox (ALEXANDER). Ce lebre medecin anglais, naquit en Ecosse vers 1760, fit ses etudes medicales h Edimbourg el se fit recevoir docleur arUniver- site de cettc ville en 1785; apres un voyage sur le continent, il revint a Lon- dres, devintle 22 mai 1794 medecin a 1 hopital de Westminster etenseignaen meme temps la medecine, la physique et la chimie. llserendit vers 1810 aSaint- Petersbouvg, ou il fut nomme medecin particulier de 1 empereur de Russie; il devint successivement conseiller d Etat, chef de 1 organisation medicale civile, medecin en chef du ministerc de la police generate, etc. Lorsqu il se retira a Londres, il fut remplace comme medecin particulier de 1 empercur de Russie et dans In plupart de ses emplois par sir William Oichton, son neven, qui fut egalement un medecin et un ecrivain medical fort distingue . Alexander Gricliton est niort vers 1845. II cousacra ses loisirs a la redaction d un grand nombre d ouvrages et me moires estimes sur divers sujets de medeeine, de therapeutique, d histoire naturelle, etc. Jl prit part a la redaction de la Pharmocopcca pan p. Petropolit. (Peti opoli, 1807, in-8), publia un supplement a 1 ouvragc deCuviersur les revo lutions de la surface du globe et fut 1 un des re dacteurs de la Riissische Samm- lung fur Naturwissenschaft, a partir de 1815. 11 etait membre de la Socie tc royale de Londres et d un grand nombre de societes savantes et etait de plus de core de differents ordres russes et allemands que nous n enumererons pas. Nous citerons de lui : 1. Diss. inaug. de vermibus inteslinorum. Edinburgi, 1185, in-8. II. An Inquiry into the Nature and Origin of Mental Derangement, comprehending a Concise System of the Physiology and Pathology of the Human Mind, etc. London, 1798, in-8, 2 vol. Trad, allem. Untersuchung fiber die Natur und den Ur sprung der Geisteszerriittungen : ein kur- zes System der Physiologic und Pathologic des mensclilichcn Geistcs. Mit einigen Abkurz- unf/en, etc. Leipzig, 1798, in-8 ; 2te Aufl. mil Anmerk. u. Zusiitze von J.-C. HOFFBAUER. Leipzig, 1810, in-8. HI. A Synoptical Table of Diseases, exhibit ing at one View their Arrangement in Classes, Orders, Genera and Species. London, 1805. gr. in-fol. IV. Re lation de quelques experiences faites avec la vapeur du goudron dans le traitement de la phthisic pidmonaire. Saint-Petersbourg, 1817, in-8. Le meme ouvrage en anglais : An Account, etc., Edinburgh, 1817, in-8. V. Darstellung einiger Erfahrungen iiber die Wirk- samkeit der Tftcerdiinste gegen die Lungenschwindsucht. Sanct-Petersb. und Braunschw., 1819, pet. in-8. VI. Practical Observations on the Treatment and Cure of several Va rieties of Pulmonary Consumption, and on the Effects of the Vapour of Boiling Tar in that Disease. London, 1825, in-8. VIF. Commentaries on some Doctrines of a Dangerous Tendency in Medicine, etc., London, 1842, in-8. VIII. L ne traduction : BLUMENBACH. Essay on Generation, transl. from the Germ. London, 1795, in-12. IX. Ueber die Anwen- dung des Astragalus escapus gegen Lustseuche ; Schreiben aus Wien (1787). InGirtanner Abhandl. iiber die venerischen Krankh., Bd. I, p. 585, 1805; en anglais in London Med. Journ , t. IX, p. 4, 1788. X. Some Observ. on the Med. Effects of Arnica montana. In Loud. Med. Journ., t. X, p. 256, 1789. XI. Some Observ. on the Med. Effects of the Lichen islandicus. Ibid., p. 229. XII. Oedema jugax, etc. In Loud. Med. a Phys. Journ., 1801, p. 26. XIII. Eine Usher nock nicht beschriebene Ursache der Gclbsucht. In Allgem. med. Annalen, 1805, p. 952. XIV. Un the Climate of the Antediluvian World and its Independance of Solar Influence; and on the Formation of Granite. In Annals of Philos., t. XXV, p. 97, 1825. L. HN. < ICH o\tcy i i,voii>ii:\ (Muscle lateral). Voy. LARYNX. 218 CRIMKE. CRICOARYTENOIDIEN (Muscle posterieur). Voy. LARYNX. CR1COIDE (Cartilage). Voy. LARYNX. CRICO-PIIARYNGIEN (Muscle). Voy. LARYNX. CR1CO-TH1ROIDIEN (Muscle). Voy. LARYNX. CRICO-TH1ROIDIENNE (Membrane). Appele e aussi ligament crico-tyroi- dien (Voy. LARYNX). CRIMEE (GEOGRAPHIE MEDICALE). Ainsi appelee probablement du nom altere de sa ville la plus ancienne, Cimnieriuin (Esky-Krim), la Crimee est une petite prrsqu ile relive an sud de laRussie par 1 isthme de Pcrekop ; baigneepar la mer Putride a Test, et la mer Noire dans le rest de son pourtour. Comprise entre le 30,10 et le 34,20 de longitude orientale, le 44, 25 et le 46, 10 de latitude septcntrionale, elle s etcnd surune superficie de 26000, kilometres carres. Conside- reedans son ensemble, la Crimee semble constitute par la reunion de deux pres- qu iles a pea pres symetriques reliees 1 une a 1 autre par un isthmc de 15 a 20 kilometres que resserrent les golfes d Arbat etde Theodosie. Un fosse dont onn a pu determiner 1 origine ni preciser 1 utilite , ajadis separe 1 ancienne Chersonese Taurique dc la presqu ile de Kertcb, et reuni les deux golfes. Ces deux presqu iles ont 1 aspect de deux quadrilateres irreguliers, creuse s dans leur pourtour par les golfes de Kerkinit et de Kalnmita a 1 ouest, par les golfes de Theodosie au sud, par le golfe d Arabat et le Sivasch a Test. Le Sivasch on mer Putride, qu on peut a certains egards decrire comme un golfe de la mer d Azof avec laquelle elle communique par le passage de Genits- chi, detroit de 500 metres environ, se prolonge sous la forme d une bande al- longee d une superficie de 2,410 kilometres carres, entre le rivage oriental de la Crimee et la fleche d Arabat qui s en detache au fond du golfe du meme nom. Pendant le regne des vents d est, les flots de la mer d Azof, refoules entre la pointe et la fleche d Arabat et le rivage dc Perekop, envahissent les cotes basses de la Crimee; tandis quo le flot s en eloignc pendant les vents d oucst, laissant a de- couvcrtune plage de 8 a 10 kilometres, couverte de vase et de raseaux : veritable marais dont les effluves infects etnuisibles ont fait donner au Sivasch le uon.uk 1 mer Putride. Divisions. Le cours d eau le plus important de la Crimee, le Salgbir, la di- vise en deux regions bien caracterisees : celle des Steppes au nord, celle des montagnes au sud. La chaine Taurique se deploie de 1 ouest a Test sur une longueur de 160 kilometres, comprise entre le cap Chersonese et le golfe de Theodosie, et sur une largeur variant dc 12 a 40 kilometres. Le systeme Taurique, dont la ligne de faite est formee par les monts la ila et Karabi laila, s eleve a la moutagne de la tente, Tscliatir-Dagh, a une altitude de 1580 metres. De ce point central, la cbaine s abaisse a la fois vers 1 ouest et Test, ou les collines expirent sous la forme d ondulations pen accusees. Le versant meridional descend presquea pic sur le littoral, tandis que le versant nord s abaisse par des pentes en gra- dins, jusqu aux bords du Salghir, au-dela duquel une incliuaison douce conduit a la re gion des steppes. Au sommet des monts lai la, apparaissent despla- CRIMfiE. 219 teaux converts de neige en hiver, tapisses de verdure en etc. Tout le versant <lu nord est une region d une beaute ravissante , formee de sentiers converts de hois epais, de gorges etroites, de riches vignobles, de jardins magniiiques. La region des steppes, qui comprend les trois quarts de la Crimce, est un vaste espace oil les arbres manquent, et oil regnent la solitude et le silence. Dans des plaines sans fin, nues ou constituees par dcs lacs sales, des sables, des ma- rais entretenus par les envahissements de la mer, apparaissent principalement au nord et au nord-ouest, des herbes elevees, de gras paturages, de splendides moissons. Hydrographie. Les eaux qui descendent des monts laila suivent la direction sud et nord de deux versants principaux. Les premieres forment de petits tor rents qui tombcnt en cascades dans la mer. Les secondcs s ouvrent un passage au milieu des rochers, longent les terrasses rocheuses et boisees, et de gradin en gradin arrivent a former de ve ri tables cours d eau dont les principaux sont : 1 La Tchernaia qui se dirigc vers le nord-ouest ct tombe dans la rade de Sebastopol; 2 le Balbek ou Kabarta d un parcours d environ 28 kilometres; 5 la Katcha; 4VAlma; 5 Je Boulganak; 6 enfin le Salghir, le scul qui me- ritc le noni dc llcuve. Lc Salghir descend tin Tschatir-Dagh vcrs Synipberopol et entrc dans les plaines des steppes, ou apres avoir rccu dc nombreux al lliients, il va se perdre dansle Sivasch. Son cours est d environ 150 kilometres. Tous ces cours d eau presenteut uue grancle ine galite de volume. Resserres pendant la saison seche, les pluies et surtout la 1 oiite des neiges les enflent et les transforment en torrents qui emportent sur leiir passage les troupeaux et les hommes surpris dans les bas-fonds. Geologic. L action ignee qni se manifste dans la presqu ilc. Taui-ique par des depots de Dolerite, d Eurite, deMelaphyre, de Trapp, dc llusalte et par les vo leans de boue des environs de Yeni-Kuleh, a exerce une action de transforniismc si marquee sur les depots de sediment, qn on a attribue longtemps au terrain Pa- leozo iquc, les Phyllades et les Grauwackes qui leur servent dc base. La paleon- tologie a donne une determination plus precise. Suivant M. de Verneuil et M. Huot, la chaine Taurique appartient aux terrains Jurassiques et particuliere- ment au Lias et a 1 Oolite. Tout le versant meridional de la chaine Taurique appartient au Lias. Cclui-ci est reprosente de bas en haut par des schistes siliceux, des psammites, et un cal- caire alternant avec des schistes, particulierement apparent sur les contre-forts et dans les vallees qui bordent la mer Noire. Les terrains superposes au Lias appartiennent a la grande Oolite et au Coral- Rag. 11s comprennent les formations suivantes : ldes calcaires souvent d un gris cendre,caracterisespar des Encrines, Aes Ammonites, des Belenmites, des Tere- bratules; 2 des marnes, des calcaires marneux contenant le Belemnites hastattis et Semi-hastatus. Cette formation est bien apparente a Kaffa et a Theodosie ; 5 un calcaire compact grisatre en stratcs, empreint de Fucoi des et traverse par des banes dc gres. La formation cretacee qui recouvre ces premieres couches, repond a 1 etage Neocomien inferieurement, et a la craie jaunatre et blanche a la partie superieure. Les couches Neocomiennes sout constituees par des calcaires jaunatres, des mar nes grises legerement siliceuses, contenant des Nautiles et particulierement ca- racterisees par des Exogires, { Ammonites depressus et VA. Ponticuli. Une cou- che correspondante au gres vert separe 1 etage Neocomien de la craie superieure 220 CRIMEE. divisee par M. Huot (ouv. cite) en trois etages : 1 marnes et calcaires blancs contenant peu de fossiles; 2 craie jaunalre petrie de fossiles; 3 U strates regu- lieres de craie marneuse blancliatre. Le terrain tertiaire est represente en Crimee : 1 par le systems nummulitique dont les caracteres petrographiques sont aussi prononces que dans les Alpes. A 3 kilometres de Simpheropol, M. de Verneuil a trouve sur un escarpement verti cal une assise de ce terrain reposant sur la craie a Belemnites, presentant une serie reguliere de strates calcaires, de marnes, de sable, de marnes argileuses rempliesde Nummulites: Nummulina distans. N. Polygyrata.N irregularis. N. Spira. N, Ramondi; 2 par un calcaire pisolitique represente dans la partie orientals de la Crimee par des marnes a fossiles marins, poissons et co- quilles; o par la formation des steppes qui occupe toute la region bassede la Crimee. C est un melange de calcaire coquillier et de marnes remplies d argile rouge, petrie de fossiles appartenant a des especes qui out du babiter des eaux douces ou peu salees, et d ossements d ours, d elephant, de cheval. A la surface de la formation des steppes, M. de Verneuil a signale 1 existence de monticules composes entierement d Eschnra lapidosa, veritables recifs de polypiers, ne pre sentant nulle trace de stratification. Le terrain quaternaire est represente en Crimee par des aggregats de coquilles marines cimentees par des oxydes metalliques servant de base a une nappe epaisse de terrain noir ou Tschornoizem. Composee d un melange de marne rouge, de debris de Lymne es, de detritus organiques, cette couche precieuse est le fonds de la ricbesse agricole d un pays renomme a la fois pour 1 abondance des cereales et le nombre de scs bcstiaux. Climat. La Crimee qui correspond par sa latitude a la region comprise entre les paralleles d Avignon et de Lyon, s en eloigne notablement par son climat. Sa position orientale, la depression des steppes donnant un acces facile aux vents froids de la Russie et de la Siberie aggravent et prolongent les rigueurs de 1 hiver ; tandis que lerideau de la cbaine Taurique reflechissant la cbaleursurun sol forme de roches noires rend excessive la temperature de la plage meridio- nalc. A Sebastopol situee a 44, 36 de latitude, la moyenne de 1 hiver est : plus 2,72. La moyenne de 1 ete, 22, 61. Difference 19. A Odessa, moins protegee centre la brise du nord et pouvant mieux donner 1 idee du climat des steppes, la moyenne de 1 hiver est : moins 2,28. Cellede 1 ete: 21. Diff. 23, 56. (Vojcs- kof, le Climat de f empire Husse, trad, par M. Brocard, Alger, 1875, br. in-8.) D apres Knorre, direcleur de 1 observatoire de Nicolaief, la moyenne de 1 annee est de 11,5 a Sebastopol. Celle de 1 hiver, de 1,8; de 1 ete, 21,7; du printemps, 10, 2; de 1 automne, 12, 6. La moyenne de 1 hiver s abaissant au- dessous de la moyenne generale des climats temperes 3, 3. Celle de lete s elevant au-dessus de la moyenne generale de 1 ete 19,9. Cette difference accuse davantage si on prend pour terme de comparaison une localite occiden- tale situee sous la meme latitude. Bordeaux par 44, 5 de latitude, a une moyenne ammelle de 15, 9. Hiver, 6,1 ;ete, 21,7; printemps, 15, 4; automne, 4 4, 4 ; et plus encore si on compare les maxima et les minima, Au nord des mon- tagnes, 1 hiver est froid et pluvieux;le vent du nordproduit des abaissements de temperature de 10 a 20; le Sivach se couvre de glace. Les froids cessent en general avec le passage de vents au sud. Depuis le commencement du siecle, on ne cite que 5 hivers, pendant lesquels la temperature se soit maintenue pen dant plus de 10 a 15 jours a 14 a - - 18. La neige qui tombe en abondance CRIMEE. et qui dans 1 hivcr a 1854 a 1855 avail altcint unc hauteur de 70 centimetres couvre rarement la terre pendant tout un mois. Le printemps qui commence mars ou en avril est le moment ou regnent des vents de sud-ouest parfois rapides, et si violents qu ils dispersent les troupeaux. L ete est marque par des clialeurs insupportables : dans les steppes, la chaleur s eleve au mois d aout a 30 a 51. Sur la plage oil elle est moderee par la bnse de mer, a 28 a 30. Les variations de temperature sont le fait dominant de ] meteorologie de la Crimee. L alternance des vents du nord-est et de sud-oucsl qui en est la cause principle, est aussi celle des tempetcs qui eVlatenl an prm- temps et en automneet dont la violence s accroit Irop souvcnl par des pluies. tor- rcntielles ou des tourbillons de neige. Pour completer les donnees meteorologiques, a defaut de documents speeiaux a la Crimee, j emprunte aux Annale* de Tobservatoire physique (mlntles de Rnssiepubliees par H. Wild, annee\mi.8Ani^^rsb. 1871, iu-4", les l.-dil.-anx suivants pour la station de Nicolaief, lat. 46,58. long. Est de 1 aris i> JvS. MOYESNES ANM ELLES. HEDBES. lunOMETIiE. TliMI EUATCRE DE 1/A1H. ijUANTITE HE NUAGES. 7 licurcstlu matin, 8 heures. . 10 Ui uri s 600,1"2 600,31 (i.48 9.16 1.64 1.42 Midi 600 14 10.27 1.46 2 heures 599 96 10.78 1.47 10 hcurca du soir . . 599 98 7.96 1.26 11 fa c "ra O a u 01 5 ai ^ QUANT1TE H S3 c; p " J * if O*3 " H S - S ^ rti " "" E s MIMMLJI MAXIMUM u = ^ JJ - de pluic MOIS. 5"^ B " 3 B-a a g = So i- 3 t o" S 2 absolu. absolu. H 3 "" 3 et de "2. ? -^ s S ^ "~ W O ?^ ^ ^O ^ ^ .j 3 -" O t- O^ ** neige. C3 "~" -^ O a = B Janvier. . . 599,67 H- 2, IS + 2.10 - 6,0 9,4 2,92 0,750 Fevrier. . . 604,30 + 0,66 -t- 0,66 - 9,4 6,6 2,25 0,655 Mars. . . . 601,62 - 0,72 1,26 - 10,2 13,0 2,19 0,547 Avril. . . . 598,06 -H 9,11 -* 8,19 1,0 21,6 1,02 0,955 Mai 599,73 -+- 14,10 + 12,99 -H 4,8 25,5 0,74 0,215 Juin. . . . 598,17 -* 16,42 + 15,39 -t- 6,6 25,0 0,95 1,535 Juillet.. . . 599,71 + 19,37 -t- 18,34 -t- 9,8 27,4 0,4(1 1,165 Aout. . . . 601,11 -t- 16,44 + 9,4 25,5 0,32 0,42(1 Septembre . 601,27 + 13^41 H- 12,51 -t- 5,8 21,8 0,51 0,51. i Octobre. . . 602,30 -t- 9,49 -t- 9,04 - 0,0 18,8 0,64 0,590 Novembre. 599,39 -h 1,45 -+- 1 , 13 - 8,5 11,6 1.55 0,808 (Temp.) Xbre 596,41 0,23 - 0,34 - 10,4 6,8 2,58 0,915 Moyenne . 600,14 + 8,56 -+- 7,95 10,4 27,4 1,54 8,650 222 CRIMEE. KOMBRE DES VENTS POUK CIIAQUE MOIS. MOIS. Konn. NOHD-OUEST. OUEST. SUD-ODEST. SDD. SDD-EST. EST. NOHD-EST. C.ILME. Janvier. 13 21 2 8 35 47 4 4 19 Fevrier. 15 21 14 52 11 18 5 13 IS Mars. 18 27 6 5 11 56 14 56 4 A.vril. 6 28 9 15 44 9 7 17 15 Mai. . 23 16 8 12 31 26 4 53 -2 Juin. 24 22 6 18 41 15 6 9 9 Juillct 24 22 6 15 31 5 n 19 52 Aout. 54 41 8 14 7 .> 24 22 Suptembr 19 27 1 13 54 16 a 17 23 Octobre. 11 18 5 5 18 26 ID 38 28 Novembre 9 39 6 16 22 16 I) 7 55 Deceinbre 8 20 4 10 29 23 7 26 26 TOTAL 204 302 73 159 512 242 35 243 235 La temperature est exprimee en degres Reaumur. La hauteur du barometre en demi- lignes russes ou anglaises. L humidite absolue en lignes russes. La quantite de pluie ou de neige on polices russes. La quantite de images exprimee en chiffres correspond : ciel serein ; 0,5 nuages le- gers, images a 1 horizon; 2, nuages disseraine s, cirrus; 5 ciel nuageux, nimbus, stratus cumulus; 4 couvert. Pour les mois de Janvier, fevrier, mars, octobre, novembre et decembrc, les observations out ete faites a 8 heures du matin, 10 heures, midi, 2 heures, du soir, 10 heures du soir. Pour les mois d avril, de mai, de juin, de juillet, d aout, de septembre, a 7 heures du malin, 10 heures, 12 heures, 2 heures du soir, 10 heures du soir. Les temperatures maxima et minima de chaquejour ont ete observers au thermographe. Les moyennes journalieres out ete calcule es en divisant par deux les observations recueillies a 10 heures du matin et a 10 heures du soir. Pour calculer la moyenne annuelle, les observations re cueillies a 7 heures du matin en ete et a 8 heures en hiver ont ete combinees en semble. Flore. La Flore de la Crimee monlre plutot le rapport du developpement des especes avec les conditions locales qne la verite de la loi des Aires. Dans les vallees dont 1 exposition est favorable, la plupart des especes appartiennent a la Flore mediterraneenne ; c est-a-dire a la Flore des regions dont la moyemme de temperature annuelle est de 15 degres, et la temperature estivale de plus de 20 dr-rus. Je cilcrai, d apres Pallas et M. Leplay, les especes suivantes : Punica granatum L. Olea europea L. Celtis australis L. Pistacia lentiscus L. Paliurus aculeatus L. Jasminum fruticans L. Camphorosma monspeliaca L. Herniaria fruticosa L. Ferula communis Desf. Tamarix gallica L. Linum luteum M. B. Asphodelus ramosicsL. Laurus nobilis L.Fagonia creticaL. Tribulus terrestris L. Peganum hannala L. Capparis herbacea W. Cistus incanus Pall. Ruscus aculeatus L. On rencontre, au contraire, sur les parties elevecs de la chaiae Taurique ou les vents du nord ont acces les represeiitants de la Flore des regions temperees froides : Juglans regia L. Fagus sijlvatica L. Quercus pubescens W. Carpinus betulus 1. Juniperus oxycedrus (Propidus tremuta). Alnus incana. Dans la region des steppes ou alternent les sables des marais, les terres arables; CR1MEE. 225 les especes varient avec la nature du sol. Cc sont principalement les vanetes de souchet : Cyperus fuscus L. C. patulus kit. C. flasvescens L. C- Pannonicus Hclib. Elceocharis palustris Brown. Les scirpes : Scirpus palustris L. S. maritimns L. Les lalches : Carex glauca. Les graminees : Milium effusum L. Stipa tortilix Desf. Stipa pennata L. Bromus inermis Pall. Agropyrum cristatum P. C. En fin a defaut d especes arborescentes une assez grande variete de plantes au- nuelles : Alliuin moscatum allium sphcerocephalum L. Stellera passerinti, Pu- lygonum arenarium, Salsola arenaria, Salvia horminum L. Marrubium pere- grinum L. Verbascum phlomoides. Echium Vulgare. Campanula (rapuncn- loides). Chondrilla juncea. Picris hieracioules. Cenlaurea cnipina. Xeran- thomum annuum. Anthemis austriaca Jacq. Anthemis monogyna \V. K. Alccea rosea L. Gypsophila glomerata Pal. Sedum tetephium L. Medicayo minima Lam. En s elevant des steppes par les vallees iufcrieures de la chaine Tauricjue, la Flore est d autant plus riche et plus variee qu on monte davantage. Pallas note les plantes suivantes : Salvia habliziamaPal., un grand Hedysarum a flcmx blanches veinees de rouge. Onosma simplex, Carduus elegans, Carlina lanata, Saturcia montana, Convolvulus cantabrica. Convolvulus terrestris, Carpi minuta, Quercus cerris Pull. Juniperus Phoenicea, Pyrus nivalis, spinosa, Rosa spinosissima, Rosa Pygmea, Rnta linifolia, Euphorbia ini/rxi- nites, Staiicetrigona, Lychnis divica, Lychnis Conoidea,Serpyllum eitriodoris, Sideritis syriaca Pall. S. Montana, Iris pumila, Asphodelus luteus, Ornitho- galum monile. Toute cette region esl d une beaute ravissanle, non-seulenient par des especes interessantes et jolies, ma is surtout par la magnificence d arbrcs admirables, par leur developpement et la beaute de leur vegetation. L olivier, le grenadier, le laurier, les arbres fruitiers, le cypres, 1 atan a (Mimosa arbrea), les vieux noyers couvrent de leur ombre des jardins, des vjo-nes. La violette, les orcliidees les plus variees se cacbent sous les buissons d aulir- pine, d alisier, de houx ; sur les terrasses superieures, se developpcut les plus belles especes forestieres : Le Fayus sylvatica doniine surtoul dans la foret de Korbek, le Carpinus sylvatica y atteint une grosseur prodigieuse au milieu des chenes (Quercus cerris); des pins maritimes (Pinus maritima); des cbanncs (Carpinus sylvatica); (Carpinus betula); des penpliers, des trembles (Populus nigra, Populustremula). En redescendant \ers la mer, on rencontre sur les rochers : VAvena fatua, Cynosurus aureus, Alyssum saxatile, Coronilla Emerus, Spircea crenata, Sazifraga granulata, Ceraslmm tomentosum, Asplenium Ceterach, A. triclio- manes. Au bord de la mer : Crambe maritima, Bunias cakile. Sur le sable : Salsola tragus, Elymus, Astragalus Ponticus Pall. Onobrychis, Cheiranthus Eryngium maritimum, Stalice limonum. Antour des lacs : Salicornia strobilacea S. llerbacea, Atriplex portulacoides, Atrip/ex laciniata, Salsola kali. Autour > desvolcansde boue : Lepulium crassifolium, Camphorosma, Stalice scoparia. ifctfl Faune. La solitude des sleppes , leur fecondite accroissent la population ij|], f, zoologique de laCrimee ; les grands espaces qui 1 entourent donnent passage aux rapaces qui s y abattent pour y trouver leur proie. Pallas et M. Iluot (Demidoff, ouvr. cite), ont assez insiste sur la richesse zoologique de la Crimee pour que j essaie de donner une idee de la variete des especes de cette region interessante. Carnassiers. Le loup, Canis lupus, etablit son domaine pres des grands pacages ; 224 CRIMEE. Ic renard, Canis vulpes; le blaireau, Meles taxus Storr ; la belette, Mustela sarmatica Pall.; la fouine, Mustela fouina; le putois, Mustela putorius erreut autour ties villes et limitent la reproduction des rongeurs qui creusent de lenrs terriers 1 immensite dcs steppes. L ordre des Inseclivores est represente par le herisson, Erinceus auritus Pall. Une musaraigne, Sorex leucodon lierm. Celui dcs Rongeurs parunlievre grisatre tres-commun, le Souslik, Spermophilus citullusY. Guv., le rat fouisseur, Chthomergus murinusF. Guv. Mus lalpinus Pall., le campagnol, Hypudceus arvalis lllig, Mus arvalis Pall., le snrmulot, Mus decumanus Pall., le rat de Pallas, Mus minutus, la gerboise, Dipus jaculus Pall. Dans 1 ordre des Ruminants : 1 Aurochs, Bos urns, le cerf Cervus claphus ne figurent plus qu ;i 1 etat fossile dans I argile quaternaire des steppes. Les especes vivantes sont : le chevreuil, Antilope rupicapra Pall., le droraadaire, Camelus bactriamis, tres-appi*ecie des Tartares; lebuffle, Bos bubalus, repre sente parunc espece petite et rabougrie; leboeuf, Bos taurus, eleve comine bete de travail. Des chevres remarquables par la beaute de leur poil ; d inuom- brables troupcaux de moutons vivant toute 1 anne e au pacagc. L espece de Crimee a, de particulier, une queue enorme chargee de graisse, dont le poids peut s elever a 20 livres. L ordre des Pachydermes est represente par un cheval de jictite faille, admirable de vigueur et de vivacite. Oiseaux. Les rapaces sont nombreux. Les vautours Vultur rneleagris Pall., Yultur fulvus Gmel. planent sur les troupeaux. Les faucons : Falco cenchris Nenm, Falco peregrinus Gmel, Falco tinnonculus L., ravagent lespetits mamnii- feres des steppes. Citons encore 1 autour, Accipiter asturPa\\., le grand aigle, Aquila nobilis Pall., Falco fulvus L.; 1 aigle des steppes, Falco ncevius Gmel. ParmilesPossereow^, le genre Corvus : CorvuscoraxL., Cor vus pica L., Conns frugilegus L. tres-commun; les etourneaux : Stenus vulgario L. ; un bee fm particulier a la region, Sylvia phcenicurus Latb., tres-commun; la calendrelle. Alaiida brachydactyla Leisl.; 1 alouette, Alauda nivalis Pall.; 1 emberize, Emberiza pitkyornus Pall. Les Gallinace s sont representes par la perdri.v grise, Perdix cinerea Lath.; 1 outarde, Olis tarda L. Les Palmipedes par le cygne, Anas cygnus Gmel. ; 1 oie, Anser. Les Echassiers par le Heron Grand-Butor, Ardea stellaris L.; la demoiselle de Numidie, Ardea Virgo, qui font leurs nids dans la partic decouverte des steppes. 11 n y a pas en Crimee de reptiles veni- meux. Les lezards, Lacerta taurica Pall., courent sur les roches echauffees par le soleil. Le seul ophidien remarquable est une grande couleuvre, Coluber tra- balls Pall. Les rivieres tres-rapides sont peu poissonneuses. La truite, le barbeau, la lotte sont les poissons les plus communs. Les seuls insectes nuisibles ou incommodes sont le scorpion, Scorpio carpn- thicus L. et le cousin, Cidex annulatus. Population. Mceurs. L origine de laTauride, des Taures ou Tauriens appar- tient aux temps fabuleux. Mais sitot qu ily a une histoire, elle appelle 1 attention sur cette petite region; 1 invasion des Scythes, 1 expedition de Darius, y out leur retentissement. Les noms grecs de Nymphee, de Theodosie, de Panticape e, rappellent les migrations des Hellenes ; celui de Gothic qu a porte la Grimee au cinquieme siecle, une grande invasion des peuples du nord de 1 Europe, voisins de la Baltique jusqu a la peninsule Taurique, qui a vu naitre la race Slave du melange des races Scandinaves et des Saces de 1 Arie. A ces premieres invasions snecedent celles des Mongols el ties Tartares : Huas, Avares, Petchcnegues, Outzigoures. Le ills dc Gengis Khan, Baton Khan, y etablit sa domination au treizieme siecle. Maitres a leur tour de la Crimee, les Turcs lui donnerent pour souverains des khans de leur choix pris dans la famille de Gengis Khan, jusqu en 1785, oil ChahineGhirai abdiqua en faveur de la Russie. La population de la Crimee est d environ 306 597 habitants (recenscment <le 1851). De ces habitants, les Tartares ibrment plus de la moitie. Viennent ensuiteles Uusses: nobles, moullahs, agriculteurs ; les colons allemands ; les Juifs, les Armeniens et les Tziganes. Les Tartares qui Ibrment le fond de la population, vivent dans les villes et les campagnes ou ils sont tellement dissemines qu on nc compte, en moyenne, que 12 habitants par kilometre carre. Les Tartares appar- tiennent a la meme race que les Turcs, qu ils n ont i ait que preceder en Europe. ils ont conserve le type et les traits de la race du Turkestan. Le costume des hommes, dispose principalement contre les rigueurs du climat, se compose d un bonnet de peau d agneau qui ne quitte jamais la tetr, d un kafetan de peau de mouton et de larges botles. Les femmes sacrilicnt plus a la toilette, recherchent les riches vetements, se teignent los cheveux, se couvrent lesjoues dc fard, portent des anneaux aux doigts, aux bras et meme au nez. Elles vivent dans 1 isolement et ne sortent que voilees. Les maisons des Tartan* sont autant que possible adossees a des rochers qui leur servent d appui contre les ouragans. Gonslruites en clayonnage re vein d argile, eclairces par des ouver- tures elroites qui remplacent les fenelres, elles ne sont en communication avec Fair exterieur que par la baie de la porte, insuffisante a Faeration de 1 espace oil la famille vit en commun au milieu d une atmosphere qui n est ni eclaire e par le soleil, ni snl fisamment renouvelee. L alimenfation des Tartares se compose de pain mal cuit, d une sorle de i romage fait avec le lait aigri, le jngurlh dont Dieu aurait revele la rccette a Abraham. On ne se permet le chichlik, petite brochette de morceaux de moutoa roti, que dans les jours de liesse. La boisson la plus ordinaire est 1 eau pure. Viennent plus rarement le youghourt prepare avec du lait fermente ; le bouza, sorte de biere d un gout desagreable faite avec le millet, enlin le bekmes, sue de pommes, de poires ou de prunes epaissi a 1 aide du feu et dissons dans 1 eau, Commc tous les peuples musulmans, les Tartares s abstiennent des boissons defendues par le Goran ; ils trouvent aussi agreable de manger d excellents raisins que d en faire du vin. LaGrime e, qui fut jadis le grenier de la Grecc asiatique et de Constantinople, ne tire pas de ses steppes les moissons considerables qu elles pourraient donner a des habitants plus industrieux et plus riches. Apres des troupeaux qui Ibr ment le fonds principal de sa richesse agricolc, la vigne est son meilleur produit. Les coteaux de Balaclava, de Theodosie, de Soudak et de Koz fournisscnt de bons vins, peut-etre plus vantes qu apprecies par les Russes. Viennent enun d excellents fruits : noix, olives, peches, grenades. Le miel de Sympheropol et d Esky Krim est renomine, ainsi que le tabac et le lin de Parthenite. Les eaux minerales de la Crimee sont les eaux sulfureuses de Lafour-Dagh et les boues de Sak, employees les unes et les autres coutre les affections rhuma- tismales et scrofuleuses, egalement fre quentes. .1! Pathologic. Etant donnees les conditions precedentes, sur lesquelles nous avons insiste : un climat excessif par les rigueurs de 1 hiver et les chaleurs de H!CT, ENC. XXIII. 15 226 CRIMEE. 1 ete, excessif par les variations brusques de temperature ; de vastes marais ; une population a demi civilisee vivant dans le mepliitisme d habitations calfeutrees contre le froid, on pourra prevoir, si Ton est plus dispose en faveur des princi- pes de 1 hygiene que de la fatalite de la statistique ou des mysteres de 1 antago- nisme, quelles doivent etre, en Crimes, les affections dominantes. Les renseigne- ments fournis par les voyageurs, les publications medicales, enfin les grands evenements militaircs dont la Crimee a ete le theatre conhrment ces previsions, et temoignent de 1 importance de la geographic medicale dans 1 analyse des causes des maladies. D apres le docteur Andriewski, cite par M. Demidoff (ouv. cit.}, la dysenterie cst endemique en Crimee ou elle est causee principalement par les refroidisse- ments brusques que produisent les vents froids du nord et du nord-est. Les fievres dc marais de tous les types : intermittentes, subcontinues ; de toutes les formes : simples, pernicieuses, typho ides, regnent sur une grande etendue du territoirc de la Crimee, particulierement dans le voisinagc du Sivach, de Korlol et surtout de Perekop, que les marais salants halad Gheul et haram Gheulren- dent tout a fait inhabitables. En face de ce premier groupe d affections qui dependent du climat et du mephitisme du sol, se place celui des affections typho ides qui ont plus de rap port avec les habitudes et les moeurs. La fievre typhoide, peut^etrc plus rare en Crimee que dans les autres regions de 1 Europe, y a regne epiderniquement plu- sieurs fois, notamment en 1841 et en 1843 (Hirsch, ouv. cit.}. D apres Scrive (ouv. cit.), le typhus auquel les Tartares donnent le nom de havarourou- chou, est endemique en Crimee. Les grands courants epidemiques ont presque toujours rencontre la peninsule Taurique sur leur route, qu ils 1 aient abordee par terre ou par mer. La grande pestc noire que les historiens font se developper en Chine, aurait envahi 1 Europe par la Tartarie et la Crimee atteinte en 1546. La peste a bubonsaete plusieurs fois importee soit de Constantinople, soit des provinces danubiennes; sa derniere apparition date de 1828. Le cholera qui en juin 1850 a envahi la Crimee, en passant par le Caucase, lui est arrive par la mer Noire, en 1847, 1S56 et 1865. Les maladies constitutionnelles qui se rattachent a la maniere de vivre et aus moeurs sont frequentes en Crimee. Les affections scrofuleuses y sont tres-re pan- dues ; elles sont dues tres-probablement a une mauvaise alimentation et a des habitations dans lesquelles ne penetre jamais un rayon de soleil. Le developpe- rnent de la prostitution, 1 imprevoyance d une population ignorante expliquent comment on rencontre taut de malheureux porteurs des lesions ou des cicatrices de la syphilis constitutionnelle. Nous ne sortirons pas du domaine de la geographic medicale en completant le tableau de la pathologie de la Crimee par celui des maladies des armees, qu on peut considerer cornme dependantes de conditions locales determinees, ou com prises dans la qualification vague d endemiqties. De ce nombre sont : 1 ophthal- mie militaire et le typhus. L 1 ophthalmic militaire, dont 1 extension epidemique peut etre rattacliee aui conditions qui, comme le froid et la vie en commun, favorisent la transmission par contagion, atteint 1 armee russe en Crimee et en Finlande. Presque toujours, les troupes la conlractent en arrivant etne s en debarrassent qu au depart. En 1836, eile pnt en Crimee des proportions considerables : 60 hommes du regiment de GRIN. 227 Modlin perdirent la YUC a Sevastopol. Le docteur Kabath, medecin de rempetvur de Russie, eleve a 5,000 le nombre des pcrsonnes atteintes par la maladie. Typhus. L armee francaise, eprouvee, des son debarquement en Crimee, par une epidemic de cholera, soumise sans repit aux travaux d investissement de Sevastopol et a des combats journaliers, fut frappee d une epidemic de lyplms quo les medccins dc 1 aimee francaise crurent pouvoir attribuer au mephitisme des campements, aggrave par le froid et 1 agglomeration. En effet, 1 epidemie qui, sur un effectif de 115,000 homines, en atleignit 11,124 et fut la cause de 6,018 deces, commenga des le commencement de 1 hiver 1854 a 1855, alors que ricn n etait prepare pour se garantir centre un iroid de -- 22-2 i d ogres, et que les moyens employes par les soldats pour clore des abris improvises les trans- formaient en foyers d infection. Toutefois dans le premier liiver, 1854 a 1S55, il n y eut que 711 malades et 529 deces sur un effectif de 90, (100 homines, 5,65 sur 1,000. L epidemie, apaisee pendant 1 ete de 1855, subit une nouvelle aggravation pendant 1 hiver de 1855 a 1856, pendant lequel, sur un effectif de 140,000 hommes, on compta 10,413 malades et 5,689 deces ou 4,6 sur 1,000, comme si Farrivee des troupes arrivant de France avail apporte un aliment a 1 epidemie. Quelque favorables que soient les eve nements me dicaux, accomplis en Crimee, a la doctrine si comprehensible de Pringle sur le developpement spuntane du typhus, dans des conditions hygieniques determinees, on en a depuis conteste 1 interpretation. M. Chauffard, renouvelant la doctrine de Bancroft, s cst demands si les conditions de souffrance au milieu desquelles s est IrouveV 1 annee iran- caise, n avaient pas simplement favorise 1 extension epidemiqne du typhus com munique a cette armee, soil par les prisonniers russes, soit par les Tartares chez lesquels le typhus est endemique. Reduit aux termes d une question parlicu- liere, le probleme est insoluble, ce qui ne prouve rien sur lu superiorite de la conception d Hildenbrand sur celle de Pringle. Fairc du typhus une maladie particuliere a certaines races, a certains peuples, parce qu a notre epoque il sevit particulierement en Silesie et en Irlande, comme la peste en Egyple, est ^ une autre chose ; c est donner au mot endemie une valeur qu il ne comporte pas, cu dehors des conditions d existence des peuples qui rendent la maladie iiersis- taute, la oules causes le sont egalement ; land is que, se produisant acciilentelle- ment, elles donnent ailleurs a la maladie sa forme epidemique et accidentelle. CiBLroGRAPHiE. DussiEux. Geographic generate. Paris, 1866, in-8". RAFFY. Etude qeo- graphique sur la Crimee. Toulouse, 1855, in-8. PALLAS. Voyage entrepris dans les gou- vernements meridionaux de la Russie, dans les annees 1793 et 179i. Traduit de I alleinand Paris, 1803, pet. in-4". D ABCHIAC. Histoire des progres de la geologic. Paris, 1847 7 vol in-8. DE.MIDOFF (Anat.). Voyage dans la Russie meridionale et en Crimee Paris 1841 5 vol. gr. in-8 . SCHXITZLER. La Crimee. Paris, 1855, 6 vol. in-8avec carte. BONXEAU (A.) . De la Crimee. Revue contemporaine, 1855. HIRSCH. Uandbuch. der historisch .-geogr a- 2>hischen Pathologic. Erlangen, i860. CRIN (HYGIENE PUCLIQUE ET PROFESSIONNELLE) . Le maniement et la preparation des crins pour les usages industriels divers auxquels ils sont destines, entrament soit pour le public, soit pour les ouvriers, un certain nombre d inconvenients que les hygienistes out a prevenir on a combattre. Get article sera partage en deux parties : dans la premiere nous parlerons de la preparation des crins ; dans la seconde de 1 applicalion ae ces matieres pre mieres a la fabrication des brosses. 2-28 IIKIN. 1. PREPARATION ET APPRET DES CRINS. On connait dans le commerce deux sortes de crins : le crin plat tel que le fournil 1 anima], et le crln crepe, fill en cordes et soumis a [ ebullition pour lui donncr une sorle de frisure. 11s provien- acnt du pore, du sanglier, des chevaux ou des boaufs. Les crins de pore, pour la plus grande partie, nous arrivent de 1 Amerique du Sud (Bresil, Buenos-Ayres) ou de Russie et de Moldavie. Les pores de ces contrees, vivant a 1 etat a peu pres sauvage, donneut des produits de bien meilleure qualite que les notres, fournis par des animaux croupissant dans une malproprete proverbiale. Le deballage des crins est accompagne de la production de poussieres qui so (Irliirlictil des poils ; ;iussi la premiere operation a faire est-elle de leslavera grande can pour les debarrasscr, autant quo possible, des detritus divers (sang coagule, boues, matieres excrementitielles, e(c.) dont ils sont souilles. Oil pro- cede en suite an li-iagr. suivant les dimensions; jmis ;iu peiynage des grands que 1 ouvrier cnroule autour de sa mam pour les presenter a la machine (loup), et au battaye des petils ; ee qui dmme lieu a beaucoup de poussiere. Les petits el moyeus soul, ensuite cordes etiiles. Autrelbis pour les debarrasser des matieres. organiques dout ils sont entoures, surlout a leur racine, on avait recoursala fermentation. Ou introduisait les crins dans de grandes fosses en partie plcines d eau et que Ton eouvnut ; puis, suivant la saison, on les laissait macerer quinze jours, trois semaines, un mois. On comprend quelles emanations putrides de- \aiciit se degagcr de ces fosses, quaud on venait a les vider. Aussi 1 appret, daiis ces coiulilions, c lait-il range dans la premiere classe des etablissements insa- lubres. Outre les rxlialnisuns putrides, dont nous venons de parler, la fermenta tion avait encore nn aulre inconvenient, c est de deteriorer la matiere premiere et d oecasionner un dechct qui s elevait quelquefois jusqu a 50, 40 et meme 50 p. 100. On se borne aujourd bui, a pres le peignage et le filage, a les lain 1 bouillir dans des chaudieres ; apres quoi on les fait secher. Les crins destines aux selliers, tapissiers, matelassiers, etc., sont ordinairement, apres le bouillage, passes a la teinture dans un bain de campecbe et de sulfato ou d acetate de 1 er qui les colore en noir, puis rinces et seches. Le travail accompli dans ces conditions apjiarlicnt seulement a la seconde ou meme a la troisieme categorie; c est qu en effet tous les inconvenients se bonieni a 1 emission des buees desagreables, pendant le bouillage et la teinture; cesin- conve nieuts peuvent elre a peu pres annihiles par les precautions dont nous par- lerons plus loin. On a encore note le danger des incendies a cause des etuves. Relativement aux ouvriers, ils sont particulierement exposes a quelques acci dents que nous devons faire connaitre. Le deballage et le battage des crins peuvent donner lieu a des eruptions lurou- culeuses et mt3me cbarbonneuses, connues depuis assez longtemps dej i. Ainsi, on lit dans la Gazette de sante du 6 mars 1777 : Le charbon maliu a attaquea Paris, en fevrier, quelques ouvriers qui ont ouvert des ballots de crin tire de la Russie, et qu ils avaient epluche sans precautions. Ces accidents ne sont pas rares chez les cordiers-criniers. De son cote, M. Ibrelisle a observe en 184 2 des accidents assez serieux chez les detenus des prisons de Metz, qui, depuis 1 annee pi-ecedente, elaient assujettis au travail des crins. Ce travail ne pouvait avoir lieu, comme en ville, dans des localites convenablement aerees, et disposers a cet effet; et, en outre, les industriels du dehors, par economie et dans 1 inte ret de la salubrite de leurs propres ateliers, ne livraien* aux prisons que des crins de qualite inferieure. CRIN. 220 M. Ibrelisle a constate, dans Ic courant do Tannce, vingl-sept cas de furoncles ct d antlirax, dont quelques-uns avec gangrene, mais tous suivis de giu rison. Tout en tenant compte des facheuses conditions individuelles dans lesquelles se trouvaient les detenus, il faut bien fairc cntrer en lignc de compte le travail du crin, puisque ces accidents n eurent pas lieu dans les autres ateliers de la pri son ; aussi, s est-on empressc d ameliorer les conditions hygieniques dans les quelles le travail s accomplit. M. Tardieu ct apres lui M. Vernois ont reconnu quo 1 artisan occnpc a peigner les crins presentc a la main droite, autour de laqnellc s cnrouleut le crin ct la poignee qui le retient, un gonflemenl et line rougeur limiie e qni sc remarquent a la face dorsale, an niveau des quatrieme et cinquieme metacarpiens. II nVsi pas rare de trouvcr en meme temps une enflure assez considerable desjambes, et surtout de la gauche, qui supporte tout le poids dn corps, la droite elan I portee en avant et demi-flechie, comme dans certaines positions de 1 cscrinur (Tardieu). Prophylaxie. Un assez grand nombre de moyens et de precautions ont die proposes pour lulter contre ces inconvenients, nous devour les f.iin rouuaili-e. Notons, avant tout, quc la preparation par la fermentation jintride doit el re for- melleraent interdite. 1 Ou ne doit ope rer le deballage quc sons des hangars I orlemenl aeres; <le meme, les operations a sec du triage, <lti peonage, du ballade doivenl avoir lieu dans des localites bien vent ilees; relativemenl an cordage, ilpeut etre effortm pat des machines a bras, dans les ateliers. La corde rvlimlrique est rocouvertc par i une enveloppe en tole, que surmonte un luyau egalemenl en Inle, pur lequel s echappent les poussieres et qui doit s elever au-dessus de la toiture (Cows. d hyg. de la Gironde, 1855, p. 284). 2 On aura des ateliers se|>ares pour les cuves a bouillage pour la teinture et pour les etuves. 5 Les fourneaux seront construits en briques et separes des murs de 1 edificc par un intervallc de -M) centimetres. Les cbaudieres a ebullition seront fermees par un couvercle en metal; pendant 1 operalion, on pourra agiter les crins sans decouvrir les cuves. Celles-ci seront placees sous de larges hottes, qui en depas- seront le pourtour, et elles seront terminees par un conduit se rendant a une cbeminee commune d expulsion, et haute de 20 a 2o metres. Pour plus de pre cautions, on pourra fermer, par devant. le manteau de la cbeminee avec un vitrage, de manicre a empecber toutc emission de buees dans 1 atelier. Le bouil lage aura lieu la nuit, el, au moment de 1 extraction des crins, les fenetres seront exactemcnt closes, afin que rien ne s echappe au dehors. 4 Le sol des ateliers doit etre dalle, pave et rejointoye au ciment ou bitume. La ventilation aura lieu par en has, de maniere que 1 air n arrive dans le tuyau d appel qu apres avoir parcouru et balaye tout 1 atelier 5 L etuve sera construite isolement, en materiaux incombustibles ; le poele sera entoure d un grillage et postj sur une plaque en pierre. Le tuyau sera enduit d un revetement en platre a 1 endroit de son passage a travers le plafond. Enfin, pour plus de suretc, il sera bon de recouvrir la porte de plaques de tole. ^6 Les eaux provenant du bouillage et de la teinture ne doivent pas etre de versees sur la voie publique, mais bien dingees par des conduits souterrain* a des citernes etanches, ou bien a I egout ou au cours d eau le plus voisin, si, toutefois, celui-ci est assez considerable pour recevoir sans inconvenients ces GRIN. eaux infcctcs. Si Ton se propose de les uliliser comme cngrais, on les transjiur- tera en vases clos hors de 1 etablissement. 7 Sauf le cas d automation speciale, on ne recevra dans 1 usine aucun debris de matiere animale. II. BROSSERIES, BROSSIERS. Les crins destines a la brosserie sont formes eu petits paquets arrondis, par des ouvricres qui les disposent suivant la grosseur et la coulcur des poils, la racine en haut. Ces paquets, designes sous le nora de carottes, pesrnl tie 150 a 200 grammes. Le plus souvent, avant d etre raises en carottes, les soies les plus deliees, celles qui sont destinees a la brosserie fine, sont blanchies au soufroir, puis desulfurees, afin que les fils de laiton qui doi- vent los ikri- a l;i i>lntte ne soient pas alteres; on pent aussi les teindre et leur donner les dilVi-renles couleurs adoptees dans 1 industrie. Qnoi qu il en soit, les petils paquets dont nous parlous sont envoyes, empili s dans des sacs, aux labricants de brosserie. Ces brosseries sont de deux sortes : les grands ateliers oil Ton prepare surtout les brosses communes et grossiens, et les petils ateliers oil Ton fait la brosserie fine et de luxe, la brosserie de toi lette. Ces dcniici s, <|iii nc ren ferment qu un personnel tres-peu nombreux, ne prcsenlent reellement aucun inconvenient et ne sauraicnt, par consequent, allircr raUenlinn de l li\ijieiiisle; mais il n en est pas de meme pour les premiers. Dans res ateliers, on sc scrt de soies plus grossieres et parfois mal apprete cs. Les carottes sont deliees et les ouvriers les iroissent eutre leurs mains, ce qui domic lien a im degagement considerable de poussiere. De la, des inconvenient* tres-nolables pour 1 ouvrier : irritations des yeux et des voies respiratoires. A cede poussiere se joigneut des debris de soies brisees, et les extremites aigues coujn ^ pour leur egalisation. Les soies ainsi preparees sont reunies en faisceaux, de volume variable, selon les dimensions des brosses auxquelles elles doivent servir; puis, au moyen d une ficelle, on les iutroduit par le gros bout dans les trous du dos en bois ou platte. Quand tous les trous sont remplis, on coulesiir le dos de la brosse une coucbe de cire et de resine, ou de colle forte chaude, de manicre a faire solidement adherer les poils, et on colle par-dessus une plaque en bois ordinaire ou plus ou moiiis precieux qui recouvre le tout. 11 ne reste plus qu a egaliser soigneusement, avec des ciseaux ou forces, les extremites libres des soies. Ce travail donne lieu a une sorte de poussiere formee par les extremites acerees des crins, dont nous signalions plus haut 1 action irritante. Quand, dans les grands ateliers de brosserie, on s occupera de Yappret du crin, envoye encore en partie a 1 etat brut, on prescrira, suivant les cas, diffe rentes pre cautions deja indiquees a 1 occasion de la preparation des crins en general, pour s opposer aux buees et a remission des eaux susceptibles de se putrefier. Le soufroir qui existe souvent dans ces fabriques sera parfaitement clos, isole de tout mur mitoyen et surtout eloigne du magasin de bois, de charbon ou de toute autre matiere combustible ; il ne sera ouvert que le soir. Les rognures de crins ne doivent jamais etrebrulees, on les emploie ordinairement comme engrais. Voila pour les mesures d hygiene publique. Relativement aux ouvriers, un excellent moyen pour combattre le degagement des poussieres, au moment ou Ton delie et froisse les crins qui forment les carottes, c est d humecter legerement celles-ci avec de 1 eau ou de la vapeur d eau. Les dangers resultant de la coupe pour 1 egalisation des extremites libres, ne peuvent etre conjures que par une ventilation tres-energique dirigee sur la CRINUM. 251 table de chaque ouvrier, et qui enleve, au fur et a mesure de leur production, ces pointes aigues si dangereuses pour les voies respiratoires ; mais il en resulle un autre inconvenient, c est un refroidissement intense pendant 1 action de la ventilation. Aussi, de toutes les precautions propres a garantir les ouvriers, la principals est-elle de les choisir sains, vigoureux et indemnes par leurs origincs et leurs antecedents de toute affection de poitrine. E. BEAUGRAND. BIBLIOGRAPHIE. MERAT. Art. Matelassiers.ln Diet, des sc. med., t. XXXI, 1819.- LISI.E. Sur les accidents qui peuvent resnlter de la manipulation des crins. In Ann. 1" ser., t. XXXIII, p. 339; 18i5. TARDIED. Art. Criniers. In Diet, dliyg. publ., t. I. Paris, 1852, et ibid., 1802. Du MEME. Trav. ducons. d lnjtj. publ. de la Gironde, p. 5 VEHNOIS(M.). Art. Crins. In Traite prat, d hyg.publ. et administr., 1. 1; Paris, I860, in-8 Du ME.IE. Note sur la preparation des soies de pore el de sanglier. In Ann. d hyg , 2" ser., t.XVI, p. 289; 1801. BUCHNER. Sanilatspolizeilickcs Gulacldcn ilber Thierhaai- bereitung. In Henke s Ztschr., t. LXXXIV, p. 559; 1802. E. BCD. On trouve dans Hippocrate le nom de xjowavQsaov ap plique, d apres certains auteurs, a une espece de Lis ; d apres d autrcs, parmi lesquels Sprengel, a la Joubarbe (Sempervivum tectorum). L indication TO i-xi TWV owiwv yud^evov, croissant sur les maisons, se rapporte bien a cette derniere espece. E. HIPPOCRATE. Natura muUernm, 570. SPREXGEL. Jlistoria rei herbariae, I, 42. HERAT et DE LENS. Dictionnaire de matiere medicale, II, 404. PL. CRIXAS. Etait, comme Charmis (voy. cenom), un enfant de Marseille, qui -vivait, comme ce dernier, dans le premier siecle denotre ere. 11 arrivaa Romo, .au milieu de la vogue un peu bruyante qu avait excitee et qu enlretcnait Thes- salus. Crinas, aussi intelligent que Charmis, comprit que pour reussir il fallait. changer tout cela. II se place sous 1 egide de la religion, regie le regime de ses malades d apres les mouvements des astres, etc Son succes fut immense... II mourut, c est Pline qui nous 1 apprend, laissant a ses heritiers dix millions de sesterces (plus de deux millions de notre monnaie), apres avoir consacre une somme a peu pres egale a relever les murs de sa patrie et meme, dit-on, ceux de quelques autres villes (Pline, Hist, nat., XXIX, 5). E. BGD. CRI1\ T UM. Genre de plantes monocotyledones, appartenant a la famillc des Amaryllidees. Ge sont de belles especes qui viennent dans les regions chaudes ; elles ont un bulbe, qui est la partie generalement employee pour les usages medicinaux, une tige aerienne muni de feuilles et portant des fleurs en om- belles. Ces fleurs ont un perianthe corolliforme, a six divisions a tube allonge et grele; six etamines a antheres versatiles; un ovaire intere, triloculaire, surmonte d un style filiforme et d un stigmate obtus, a trois lobes. Le fruit est une capsule membraneuse, spberoidale deprimee, s ouvrant irregulierement, uni- ou biloculaire par avortement, contenant un petit nombre de graines souvent remplacees par des bulbiles. Les bulbes des especes de ce genre sont considerees comme vomitives. On les emploie aussi, comme les bulbes de Lis, pour hater la maturation des tumeurs indolentes. On cite particulierement le Crinum asialicwn L. (Crinum toxica- rium Roxb.), le Radix ioxicaria de Rumpbius, dont les bulbes sont, d apres Horsfield, employes a Java comme emetiques; il suftit pour cela de les macber et d avaler une partie de leur sue. Les feuilles de la meme espece, pilees et 232 CRIQUETS. melangees avec une petite quantite d huile de ricin, sont appliquees sur les engelures ou certaines inflammations de la peau, et aussi sur les blessures pro- duites par les Heches empoisonnees. Le Crinum zeylaniciim L. passe dans les Moluques pour un poison vio lent. Pi.. BIBLIOGRAPHIE. LINSEE. Genera. Species, 419. RuEEDE.ffor/. Malabar, XI, 55, tab. 69. BLUJIE. Enumeratio, I, 25. - ENDLICIIER. Genera. ROXBDBCH. Flora indica, II, 159. KUMH. Knumeralio planlarum, V, 547. MERAT et DE LENS. Dictionnaire de matiere medi cate, II, 405. Pt. CR1QLETS. Insectcs orthopteres rernarquables, tres-connus par leiir i-avagcs sons jle nom improprc de Sauterclles (Voy. SADTERELLES) et formant une lantillc naturelle sous le nom d Acridides ou d Acridites, a cause du nom linneen Acrid turn applique au genre principal. Les caracleres les plus generaux des Acridiens sont : les trois ocelles bieu visililes du front ; la forme des antenncs, plus courtes que la moitie du corps, t paissics ou Irigones ; les pattes postericures propres au saut avec les tarses de trois articles. La laille des Acridieus est moyenne ; les grandes especes ont 4 a 7 centimetres de longueur; le Proscopia gigantea Klug, espece exolique, est fort grand, niesuruiit 17 centimetres et demi. Les elytres et les ailcs olfrent tous les degres dc developpement, tant dans les genres que dans les especes, et meme dans les sexes et les individus d une meme espece, d oii la dilficulte d etablir netlemenl les distinctions specifiques. Les Acridiens males n ont pas, comme les Grillons et les Sauterelles vraies ou Locustes, d organes propres de stridulation sur leurs elytres, mais seulement des areoles placees sur la partie marginale et intermediaire, areoles servant a cet usage. Les ailes sont incolores ou bien variees de rouge, de bleu, de jaune avec des bandes noires. Ces couleurs sont parfois inconstantes, meme dans une espece identique. Le premier segment abdominal ofl re un tympan, Ires-visible, quand les elytres et les ailes sont enlevees, il est place deriicrc le stigmate de ce segment. Les organes externes genitaux des males se composent de cro- cbets, ou cerques, propres a retenir la femelle cbez laquelle 1 oviscapte est reduit a quatre valvules, tantot crochucs tantot droites. Je renvoie a 1 article OTHOPTERES pour les de tails d anatomie interne des Acri diens: je noterai seulement : le tube digestif droit et des organes respiratoires exceptionneiri formes de nombreuses tracbees, vesiculeuses, membraneuses, au iimnbie de trois paires dans le thorax, de huit dans i abdomen et dont le& anastomoses transversales sont dilatees en larges vesicules aeriennes. La biologie des Acridiens est remarquable ; ils sont d une grande voracite et leur regime est herbivore. 11s se plaisent dans les bois, les prairies, les lieux arides, ou ils sautent vivement avec les ailes etalees en parachute. Les especes des endroits pierreux ont une couleur grise et un corps rugueux. En captivile r les Acridiens mangent les individus morts ou mourants de leur genre et meme de leur propre e?pece. La stridulation des Acridiens a lieu au moyen de leurs pattes frottant coutre Jeurs elytres, ils sont en quelque sorte violonistes, tandis que les Grillons et les Sauterelles vraies ont Fair de jouer du tambour de basque. Le Criquet qui veut striduler ou chanter est porte sur les quatre pattes ante- CRIQUETS. rieures ; 11 frotte avec rapidite les cuisses posterieures contre les elytres appli- quces au corps. Les especes vives et alertes jouent de 1 archet crural avec continuite, leur stridulation a meme etc notee en musique ; les espeees plus tranquilles se contcntent de passer plusicurs fois les cuisses contre les elytres, et meme ne produisent point de bruit perceptible pour 1 oreille bumaine. Gependant leurs auditeurs nalurels sont avertis par cette manffiuvre et par cc bruit indistinct pour nous. On peut reproduire la stridulation chez un Criquet qui vient de mourir, mais elle est plus faible quc celle que fait entendre 1 animal vivant. La cavite sous-alaire du premier segment abdominal est un organe d audition. Dans 1 accouplement, le male est place snr la femelle et dans cette attitude les deux pattes de derriere sont releve es en Fair; la femelle saute portant le male ainsi place. La ponte a lieu au moyen de 1 abdomen dont les quatre valves terminales taraudent la terre meuble oti sablonneusc, la femelle etant sur le sol, les six tarses poses a plat. L abdomen pe netre en en tier dans la terre en etendant considerablement ses anneaux, les ceufs sont deposes 1 un apies 1 autre, verticalement et enduits d une liqueur blanche, e cumeuse, qui sort du corps de la mere. Quand Ions lr- oeufs sont deposes, la femelle bouche le trou avec la meme maliere spumt usc et aplanit I orifice si parfaitement qu on n en voit plus la trace. La matiere ecumeuse brunit en se dessechant et agglutine les oeufs avec la terre envirpn- nante, fonnant ainsi une glebe cylindrique, terminee par une calolte arrondic. An sortir de I oauf les larves se nourrissent de la matiere albumino ide de la glebe et parfois de la coquille de 1 oeuf. Dans 1 Europe temperee, les ceufs des Acridiens hivernent; les larves eclosent peu apri-s la ponte dans les rmilivr- chaudcs. Les larves et nymphes, parfois autrement colorecs que radulte, out les fourreaux des elytres fixes au mesonotum, reconverts par ceux des ailes attaches au metanotum, ce qui est le contraire chez radulte, et ce qui permet de distin- guer toujours les larves ainsi que les nymphes des espeees apteres mais adultes. Le point le plus important de la biologie des Acridiens est la faculte de migration de quelques espeees. Au moyen des reservoirs aeriens dont j ai parle, ces insectes peuvent entreprendrc et faire de loinlains voyages. Us s y preparent plusieurs jours al avance, en faisant entrer 1 air dans leurs tracbees par aspira tion et leurs tubes aeriens deviennent de gros cylindres, accompagnes de ballon renfles. On ne peut expliquer d une facon peremptoire pourquoi certaines espeees d Acridiens, quoique fournissant un nombre conside rable d individus, ne se rassemblent jamais en troupes voyageuses et restent sedentaires sur de grands espaces, tandis que d autres organisees de la meme fagon, confine es dans les steppes ou les deserts de la Tartarie, de la Perse, de 1 Arabie, du Sahara, entre- prennent des voyages lointains. Ces animaux forment alors de veritables nuages pousses paries vents, toujours pour 1 Europe et I Alrique septentrionale d orient en Occident ou du sud au nord, et jamais en sens inverse. Peut-elre 1 instinct migrateur ne se developpe-t-il que lorsque toute nourriture vient a manque r aux Acridiens affames? Les Acridiens n emigrent pas a des periodes fixes comme les oiseaux. Apres quelques jours employes au gonflement des trachees vesiculeuses et comme obeissanl a un signal, une immense armee, precedee par une avant- garde, s eleve dans une region atmospherique oii pouosee par un courant propice elle se dirige vers des endroits cultives. Les legions de Criquets interceptent la 234 CRIQUETS. lumiere du soleil, le bruit des ailes prodnit un bruit sourd et un roulement continu. Les especes d Acridiens d Europe sont environ d une centaine ; celles decriles pour 1 Amerique du Nord par Cyrus Thomas sont au nombre de 227. Les principaux genres d Europe, Truxalis, Stenobothrus , OEdipoda, Pachytylus, Caloptenus, Acridium, etc., renferment des insectes fort inte ressants par leurs habitudes et leurs moeurs. Je renvoie pour leur etude a 1 ouvrage de L. Fischer, de Fribourg (Orthop- tera europwa, Leipzig, 1853), an Traite e lementaire d entomologie de mon ami Maurice Girard, t. II, l re partie. Les especes devastatrices principales sont : les Pachytylus migratorius Linne, 1 insecte principal des grandes migra tions europcennes ; le Pachytylus stridulus Linne ; le Caloptenus italicus, 1 Acri dium peregrinum Oliv., devastant 1 Egypte, 1 Arabie, I Algerie, la Perse, etc., et I 1 Acridium tartaricum Linne ou A. lineola Oliv., Fab. Des petits mammiferes insectivores, les herissons, etc., detruisent des Acri- diens, mais beaucoup moins que les oiseaux tels que : Corbeaux, Corneilles, quelques Faucons, Etourneaux, Pies, Huppes, et en Alge rie : Rollier, Guepier, Martin. Les Lezards et les Crapauds engloutissent aussi des Acridiens. Le corps de ces insectes renferme souvent des Mermis et des Gordiaces a 1 etat larvaire; j en ai vu sortir des larves de Dipteres, de suite metamorphosees en pupes. Leurs inteslins sont remplis de Gregarines et autres parasites. Enfin leurs oeufs, d apres de recentes et tres-interessantes observations faites par Riley, en Ame- rique, sont de truits par les premieres larves des Epicauta insectes tres-voisins de notre Cantharide. Je recommande 1 etude des parasites de ces oeufs a nos medecins militaires observant en Algerie. Acridiens nuixibles. L ignorance et la peur ont fait attribuer aux Sauterelles et aux Criquets desorganes destructeursplus formidables encore que ceux posse des par ces insectes. Pline rapporte que certaines Sauterelles des Indes n ont pas moins de quatre coudees de long (lib. X, cap. xx) et que leurs grandes pattes armees de dents servent dans le pays a scier le bois. Mais, sans etre pourvus de ces formidables engins, les Acridiens par leurs migrations en bandes innom- brables constituent un des fleaux les plus redoutables pour les recoltes, et ils ont trop souvent amene d abord la famine, puis des maladies pestilentielles causees par la putrefaction de leurs corps morts. Les divers Criquets que j ai enumeres sont malheureusement tres-celebres par leurs migrations et leurs devastations sous le nom impropre de Sauterelles (Voy. SAUTERELLES). Toutes les contre es temperees et chaudes des deux hemi spheres paraissent avoir subi les ravages de ces Criquets ou Acridiens voyageurs. L Australie n est pas epargnee. L Egypte et 1 Afrique septentrionale ont ete de- puis les temps hisloriques signalees comme victimes des nuees de Sauterelles, qui ne sont autres que des Criquets. Les versets 13, 14, 15 du chapitre x de YExode portent : Le Seigneur fit souffler un vent brulant (Chamsin, Simoun) tout le jour et toute la nuit. Le matin ce vent brulant fit elever les Sauterelles qui vinrent fondre sur toute 1 Egypte et s arreterent dans toutes les terres des Egyptians, en unc quantite si e ffroyable, que ni devant ni apres on n en vit jamais un si grand nombre. Elles couvrirent toute la surface de la terre et gaterent tout; elles mangerent toute 1 herbe et tout ce qui se trouva de fruit sur les arbres qui etait echappe a la CRIQUETS. 235 grele; el il ne resta absolumenl rien de vert, ni sur les arbres ni sur les herbes de la terre dans toute 1 Egypte. Ce recit biblique est d une triste verite. Les invasions d Acridiens se font par un nombre d insectes depassant tout ce qu on pourrait imaginer; ce nombre justifie le mot hebreux arbeh (multiplication) donne aux insectes de la huitieme plaie d Egypte. Les Acridiens forment des nuages epais, obscurcissant la lumiere du jour, au point d empecher de lire dans les maisons. Beaucoup d insectes blesses ou morts tombent sur le passage avant de s abattre. Les troupes de Charles XII, apres la defaite de Pultawa, en retraite dans la Bessarabie, furcnt arretees dans un defile par des Criquets formant une grele vivante et tombant d un nuage epais interceptant les rayons solaires. Barrow, en 1797, a vu dans 1 Afrique australe ces Criquets couvrant le sol sur une etendue de deux milles carres. Pousses vers la mer par le vent, ces insectes formerent pres de la cote un bane ayant plus d un metre de hauteur sur cin- quante milles de long. Leur putrefaction etait sensible a cent cinquante milles de distance. Les invasions des Criquets sont de grandes calamites publiques. La devasta tion des moissons et des vege taux de la contree est complete ; a de faut d herbes et de feuilles ces insectes rongent les ecorces d arbres et devorent le chaume des habitations. Dans la Chine, en 1835, les champs furent mis litteralement a nu, les recoltes des granges detruites en majeure partie, les habitants se refugierent dans les lieux eleves. Les insectes entraient dans les maisons et mangeaienl les habits, les chaussures, etc. Leurs ravages, commences en avril, s etendirent jusqu aux gelees et aux neiges de 1 hiver (Annaks de la Societe entomoloyique de France, Bull., juin 1836). En Alge rie, en 1845, le general Levaillant a vu a Philippeville, les Criquets formant un nuage qui, tombant sur le sol, le recouvrit d une couche d insectes de plusieurs centimetres sur une etendue de 3 a 4 myriametres. Au Senegal, en 1864, toutes les plantations de cotonniers furent. aneanties, et il passa un nuage de Criquets, pendant une journee du matin au soir ; la vitesse le fit estimer a quinze lieues de long et ce n etait qu une partie formant avant-garde, car au coucher du soleil la partie terminale etait beaucoup plus epaisse. II est admis que les Criquets voyageurs ne peuvent traverser In Mediterranee ; mais les navigateurs ont rencontre les bandes de Criquets fort avant en mer. En 1811, un navire retenu par le calme a deux cents milles des iles Canaries fut enveloppe d un nuage d Acridiens apporte s de la cote d Afrique par un leger vent de nord-est ; le pont et les hunes etaient converts de ces insectes (Kirby). Au mois de septembre, en pleine mer Atlantique, par 18 degres latitude nord, de grandes masses d Acridiens voyageurs furent observees pendant une tempete qui dura deux jours eta 450 milles du continent. Le second jour, dans 1 apres- midi, le ciel etait voile par des nuees d insecles, le navire etait couvert de Criquets. La mer pendant deux jours offrit une masse de ces insectes morts, ballotte s par les vagues. Notre pays a peu a souffrir des Acridiens, comparativement a 1 Orient et au midi de 1 Europc, mais 1 Algerie a ete fort eprouvee. Les recits des vieux auteurs rapportent que, en 181 apres Jesus-Christ, 1 Illyrie, la Gaule, 1 Italie, furent devaste es par un nombre immense de Sauterelles. En 455, 874, 1337, 1353 et 1374, la vegetation fut aneantiedans le Midi ; les cadavres des insectes morts achevaient par des maladies pestilentielles ceux que la i amine avail epargne s. 236 BRIQUETS. Les Acridiens devastateurs sont signales dans Ja Silesie en 1552, a Milan en 1556, a Marseille en 1618, dans la Thrace et sur unc partic de I Allemagne- en 1695. On les voit arriver en legions dans la Silesie en 1715, dans laTurquie, la Yalachie, la Ilongrie en 1747 et 1748, en AutricheetenBaviere en 1749, puis, dans la marche de Brandebourg en 1750. Ces grancles invasions s elendirent en. France, et en 1748 nne nuee d Acridiens arriva presque en Angleterre. En aout 1854, des Criquets emigrants couvrirent pendant plusieurs jours le& maisons des quartiers habites, meme au centre de Paris (Duponchel, Annales de la Societe entomologique de France, Bull., p. xi, 1854). C est dans la Provence que les Criquets voyageurs sont principalement redou- tablcs. En 1805, une chasse dans une petite commune produisit le chiffre de 2000 kilogrammes d ceufs. Aux environs d Arles et des Saintes-Maries en 1824, on remplit d oeufs de ces insectes 1865 sacs a ble. L annee 1825 fut desastreuse, et en 1852, il fut recueilli aux Saintes-Maries 1979 kilogrammes d ceufs, puis en 1855 encore plus, 5808 kilogrammes, en y comprenant la terre enveloppant les coques ovigeres. J ai observe une petite invasion d Acridiens pres du Bourg-d Oisans dans le Dauphine (Annales de la Societe entomologique de France, 1858, p. 865 etsuiv.); le nombre de ces insectes n etait heureusement pas tres-considerable et cepen- dant ils detruisaient tons les vegetaux herbaces sur leur passage. L Algeric est, au dire des habitants du pays, ravagee a fond en moyenne tons les vingt-cinq ans. En 1816, il y eut famine et peste, causees par les Acri diens. En 1845, l Algerietoutentiere fut devastee et le mal duraquatre anne es; les plaintes etaient encore peu nombreuses parce que les cultures europeennes n etaient pas tres-devcloppees. Mais en 1866, la terre e tant tres-cultivee, le& nuees de Criquets venues du Sahara, obscurcissant la lumiere solairc par leur nombre, occasionnerent un desastre. L invasion commenca en avril, la Mitidja, le sahel d Alger recurent les premieres alteintes ; les bles, orges, avoines, colzas, furent devores ; lesinsectes envahirent les maisons, dechiquetant le linge et les habits. En juin, les larves nouvellement ecloses mourant de faim a leur tour comblaient les routes et les ruisseaux. Les provinces d Oran et de Constan- tine furent envahies, le sol etait convert de Criqucls a Tlemcen ou jamais on ne les avail vus de memoire d homme. Aux environs de Mostaganem, tabacs, vignes, figuiers, oliviers meme, furent devaste s ; les cactus, les aloes furent entames. Les insectes morts couvraient la terre de nudee, leurs cadavres produisirent des maladies typhiques. Le recit des degats sans nombre commis par ces iusectej rappelait les calamitcs du moyen age. En 1875, les Criquets ont fait une apparition dans la province d Oran, en 1874 a Mascara; 1 autorite militaire a lutte centre le fleau, les journaux ont rapporte qu un train du chemin de fer d Oran fut retarde paries Criquets accumultjs sur la voie. Les moyens qu on a essayes pour empecher ou pour diminuer de pareils desastres sont nombreux. Dans 1 antiquite, puis au mo\en age, la superslition, la peur, ont fait imaginer des recettes bizarres ou insuffisantes ; on arrosait les habitations avec des decoctions de plantes, on brulait du styrax, du bois de cerf, de la bouse de vache. On avait espere eloigner les Sauterellcs en attachant des chauves-souris au bout des arbres. Les precedes efficaces, en usage dej<\ du temps de Pline, consistaient dans la destruction des ceufs ; on a cherclie a detourner les torrents et a inonder le sol ou les Sauterelles avaient pondu; on a CRIQUETS. 237 Ibule a pied d homme ou par des rouleaux les glebes d oeufs. Les chars de guerre avaient le meme but d ecrasement, par le passage repete de leurs roues. Pline rapporte que la loi dans le pays de Cjrene obligeait de dctruire les Sauterelles de trois manieres : enfouir les oeufs, detruire les jeunes, tuer les adultes ; si on raanquait a ce devoir, on etait puni. Les habitants d Ephese marchaient centre les Sauterelles en ordre militaire. Dans 1 ile de Lemnos chaque citoyen devait apporter au magistral une mesure tie Sauterelles. En Algerie, en 1866, le meilleur precede de destruction etait d atteindre les glebes d oeufs en retournant la terre, de sorte que la phi part dcs oeufs peris- saient par ruction du soleil. Les jeunes pores sont friands de ces oeufs, les ani- maux et les oiseaux acridophages les trouvent facilement. Centre les Acridiens adultes, on avait imagine le bruit des cymbales, des Ivompeltes, des cloches, les detonations du canon. Les Arabes faisaient de grands feux produisant d epaisses fumees pour dctouruer les legions de Saute relles. Notre armee a employe des aiilliers d hommes par corvee, enfouissant les insectes morts. On ramassait le matin et le soir, avec de grands filets trainants, les insectes engourdis, on les faisait mourir dans la chaux vive. En 1866, les soldats dirigeaient les bandes d insectes encore jeunes et apteres vers des broussailles auxquelles on mettait le feu quand elles etaient couvertes de ces insectes. En 1873, duns la province d Oran, des escadrons de cavaleric et des detachements d infanterie ecraserent sous les pieds des hommes et des chevaux des quantites enormes de Criquets, d autres furent ramassees en sacs et brulees sur des tas de chaux arroses de petrole. Des fosses prepares avec le fond plus large que 1 entree etaient au moyen de balais remplis de Criquets, et ceux-ci ensevelis sous les deblais. On peut se faire une idee du nombre prodigieux de ces insectes sur un point quand on pense qu un homme en peut prendre 50 kilogrammes en un jour, en se servant d un filet de toile analogue a ceux qu emploient les entomologistes. Le nombre des coques tubulaires d ceuls contenucs dans un kilogramme est de 1600, chaque tube offre de 50 a 60 oeufs; le kilogramme renfcrme ainsi environ 80000 rents. Un enfant bien exerce peut recolter par jour un nombre tres-considerable de ces ceufs. Acridiens utiles. On a voulu de tout temps utiliser les Sauterelles et les Criquets pour la nourriture des animaux et de riiomme. D apres Plutarque (Livre d Isis et d Osiris), on les recommandait pour la nourriture des oiseaux, tels que poules, oies, canards et sarcelles, meme pour les pores et les moutons. Columelle indique les Sauterelles, privees de leurs paltes et de leurs ailes, comme aliment des jeunes paons. LesSauterelles etaient rangees parMoise au nombre des animaux dont la chair etait permise aux Hebreux. Les livres sacres rapportent que Jean-Baptisle, au desert, soutenait son existence au moyen de Sauterelles melees au miei sau- vage des bois ; Jean 1 e vangeliste est egalement indique pour s etre nourri d Acridiens dans 1 ile de Pathmos. Beauconp de peuples anciens etaient acrido phages : ainsi en Asie, les Parities, les Arabes, les Perses ; en Afrique, les Ethiopiens, les Lybiens, les Mauves. Ces peuples avaient 1 habitude de creuser de vastes fosses dans les endroits ou passaient les nuees de Sauterelles, il les y faisaient tomber par la fumeede grands feux, puis ils les dessecliaient par le feu ou les rayons solaires, ou bien ils les salaienl et les conservaient en tas pour 258 CRISE. 1 alimentation d une annee, a la maniere des poissons desseches. Diodore de Sicile et Strabon disent que ceux qui n ont que cette nourrilure parviennent rarement a leur quarantieme annee et perissent dans de vives souftrances, une multitude de vers sortant de leur corps. Ce recit exprirae 1 aversion que les Grecs avaient pour les Sauterelles, regardees par eux comme le plus vil ali ment; la plupart des Europeens qui ont goute aux Sauterelles ont paru de 1 avis des Grecs. Les Acridiens sont encore actuellement un objet de commerce usuel sur les marches d Orient ; on les vend soil rotis sur des charbons et saupoudres de sel, soil bouillis ou cuits au beurre, ou conserves dans de la saumure, le corps prive d aileset de pattes. Les Bedouins, habitants des plaines alge riennes, et les Kabyles, des montagnes, mangent des Acridiens; les Mauresques bien moins frequemment. L espece comestible ordinaire est I Acridium peregrinum qu ils appellent El Djerad, la Sauterelle, ou Djerad el arbi, la Sauterelle arabe. Sparmann rapportc que les Hottentots de 1 Afrique australe font une grande consommation d Acridiens. Les Criquets et les Locustes servent aussi, parait-il, d alinient aux Australiens de diverses peuplades, qui sont entomophages quand leur nourrilure habituelle vient a manquer. Je noterai encore que dans les contrees meridionales de la France et de 1 Eu- rope, il y a des enfants qui rongent avec plaisir les cuisses charnues des gros Acridiens. Les Acridiens, ou Saulerelles des anciens, ont figure dans les pharmacope es. On les recommandait contre la dysurie et la retention d urine, surtout chez les femmes enceintes. Dioscoride conseille aux calculeux une pate faite avec la chair de Saulerelles ; Pline croyait que leurs grosses pattes broyees avec le sang de bouc pouvaient guerir la lepre. Les Sauterelles entieres, secheeset delayees dans le vin etaient employees contre les piqures des Scorpions, des Guepes, des Abeilles, et les morsures des Sangsues. Dans les maladies des yeux et surtout des paupieres, on employait du vin blanc dans lequel avail macere de la poudre de Sauterelles, desracines de fenouil et de primevere, etc., etc. Les Sauterelles dessechees et trop salees excitent la soif, ce qui se comprend sans peine ; mais peu salees elles seraient, dit-on, apln odisiaques, ce qui est fort douleux. A. LABOULBEKE. Ce mot, qui, dans son acception stricte et a notre e poque, designe simplement un mode particulier de solution des maladies, s est trouve, des Forigine de son emploi par les medecins grecs, notamment par ceux de 1 Ecole de Cos, si intimement lie a une certaine conception dc la maladie, a une cer- taine theorie pathogenique de celle-ci, a une methode therapeutique propre, par consequent, qu il en est bientot arrive a representer Tun des traits caracteris- tiques de cette Ecole. Elevee ainsi au rang d un dogme medical en quelque sorte, la question des crises, plus ou moins confondue avec celle des jours critiques, diversement comprise d ailleurs suivant les systemes regnants, s est transmise jusqu a nous avec une fortune inegale. Toutefois il faut reconnaitre que, si 1 etude et 1 observation des crises ont ete regardees comme vaines et sans objet par la plupart des systematiques, tels que Asclepiade, Themison, Paracelse, Van Helmont, Sylvius de le Boe, Chirac, etc., elles ont toujours ete considerees, aucontraire, comme d un interet capital, pour la theorie des maladies aussi bien que sous le rapport pratique, par les maitres de Tart, depuis Hippocrate et CRISE. 239 Galien jusqu a nos jours, puisque Ton compte au nombre de leurs defenseurs : Fernel, Baillou, Dulaurens, Sennert, Lazare Riviere, Sydenham, Boerhaave, \ 7 an Swieten, Stahl, Fr. Hoffmann, de Haen, Bordeu, Stoll, Gullen, Zimmer- mann, Bar the/, Fouquet, Grimaud, Hufeland, Hildenbrand, Andral, etc., etc. Bien que le but de cet article soil surtout d cxposer 1 etat actuel de nos connaissances sur cet important sujet, en 1 envisageant presque exclusivement au point de vue cliniquc, comme question de physiologic pathologique encore plus que de doctrine et le sujet reste assez vaste, meme reduit a ces modestes proportions le role considerable que la doctrine des crises a joue dans la mede- cine des temps passes, le nombre et le merite de ses adherents, nous imposc- raient au moms une indication sommaire de ce qu elle a etc a son origine et des principales modifications qu elle a subies depuis son introduction en medecine, si nous n etions deja oblige a cette etude par la necessite d etablir prealable- ment les differentes significations que Ton a attributes au terme lui-meme et la valeur des interpretations qu on a donnees du fait complexe de la crise, avant de discuter dans quelle mesure la science contemporaine peut accepter la doc trine traditionnelle. Nous nous bornerons d ailleurs a signaler les points essen- tiels de celle-ci et ne tiendrons compte que des seuls cbangements d interprc- tation qui touchent a la facon meme de comprendre la crise en general. I. HISTORIQUE. Les premiers renseignements sur les crises, tant au point de vue pratique qu au point de vue historique, se trouvent, avons-nous dit, dans la collection bippocratique; mais, d apres Galien (des Crises, livre III, chap, n, p. 705, edit. Kuhne), ce terme meme lui serait d un emploi bien anterieur et aurait ete transporte du barreau en medecine par le vulgaire, frappe de 1 analogie qui existerait entre la situation d un accuse attendant un arret d oit sa vie depend, et celle d un patient arrive a une periode decisive de 1 evolution de sa maladie et en proie a 1 exacerbation qui en precede parfois la terminaison ; xpuns, en effet, veut dire jugement, sentence, ce qui implique un debat prealable, et ce sens complexe repond assez bien a 1 antique conception ontologique d une lutte supreme entre la maludie et le sujet (on le retrouve encore dans la designa tion de crise aftectee aux attaques d epilepsie, d hysterie, etc.) ; il signifie en outre triage, separation, et nous verrons que c est encore 1 un des caracteres attribues a la crise en medecine. La lecture des divers ouvrages de cette collection ne contredit pas cette assertion de Galien; car, bien qu ils soient dus a plusieurs auteurs, n apparte- nant meme pas tous a FEcole de Cos, les crises y sont mentionnees a chaque instant, dans des circonstances analogues, mais avec des significations quelque peu differentes; ce quiautorise a penser qu ils agit la d une notion deja ancienne courante, mais qui n a pas encore regu une forme bien arretee. La crise, en effet, y est tantot simplemeiit de finie la solution d une maladie (Pre ceptes, 14; Pronostic, 20, et des Articulations, 44, edit. Littre) ; tantot elle designe en meme temps les paroxysmes ou le summum de la maladie, aussi bien que la crise proprement dite (Aphorismes, sect. 1 re , 19; Coaques, l re sect., i, 24; $2, 57 ; compare/ les Comment, de Galien sur les Aphorismes 19 et 23), et meme 1 exacerbation qui la precede; tantot elle s applique aux seules solutions heureuses, et tantot comprend egalement les terminaisons funestes (Pronostic, 24et20; Coaques, l re sect., 2, 57; 12 e sect., 9, 224, etc.; des Jours cri tiques, 20) et meme la seule aggravation ou une amelioration notable (fipid., I er livre, sect. 5, 12) ; tantot elle n exige aucune evacuation (definition deja citee 240 CRISE. des Precedes, definition des Affections, $ 8 ; pid., liv. I et III; Aph. V, 22), tantot et le plus souvent, il est dit qu elle se fait par des evacuations ou des depots (i< r Prorrhe tique, 105 et 149; Coaques, l ro sect., 24 et 29, et 3 e sect., 146; Epidem., liv. 1, 2 sect. ,5; liv. 11, l re sect., 7, etc.),oumeme siguific une evacuation (comp. des Lieux dans rhomme; edit. Foes, et des Maladies, liv. Ill, 6, Littre). Cette derniere maniere de voir est portee si loin que la crise sert a denommer 1 avortement et 1 accouchement (Du foetus de sept mois, 9) : il est vrai que c est dans des ecrils attribues a des disciples d llippocrate, de meme que les Affections, ou se trouve ce passage le plus habituellement reproduit, a tort, comme caracterisant la doctrine du Maitre, et qui fait dc la crise le syno- nyme de toute mutation dans unc maladie : une crise, c est ou une exacerbation, ou uu al faiblissement, ou une metaptose en une autre affection, ou la fin. Celtc definition et celle qui se trouve comme perdue dans le dernier para- graphe des Preceptes sont les deux seules que contienne la collection hippo- cratique ; meme reunies aux differenles acceptions qui precedent, elles ne donneraient qu une idee fort incomplete et Ires-confuse de la doctrine des crises ereee ou adoptee par Hippocrate, si on ne les rapprochait de ses conceptions de la maladie et de la puissance medieatrice de la nature, de ses theories humorales sur la pathogenic, et du caractere pronostic, divinatoire, que revetait un art en grande partie ne dans les temples. La crise, en eflet, n est que 1 un des termcs du developpement de la maladie considered, quels que soient son siege et sa forme, comme une, comme quelque chose a part, assujetti a passer par des phases determinees qui s enchainenl depuis sa naissance jusqu a sa fin : c est le changement decisif vers la guerison {et quelquefois vers la mort) qu eprouve la maladie arrive e a son summura, et a partir duquel commence definitivement le declin, le mouvement de retoui a 1 etat hygide ; c est, en un mot, le denoument (),0<7ic : \oh-Preceptes, 14; Prenotions Coaq., 2 sect., 5, 145-148) de la scene morbide ; car, a partir do ce moment, la maladie estjugee, la terminaison favorable estacquise (si la crise est complete). A cette maniere de voir, on peut aussi ajouter [ interpretation, plus ou moins explicite, et plus gale nique toutefois qu hippocratique, que la crise est le dernier combat livre par la nature medicatrice au principe morbi- fique, qui jusqu alors 1 opprimait, eten triomphant dans un effort supreme. Mais cette conception abstraite ne se separe guere, chez les hippocratisants, de leur theorie humorale des maladies, qui exige une certaine elaboration de? humeurs, la coction, pour que celles-ci,d abordcrues, tenues et acres, flottantes dans le corps, qu elles irritent, puissent etre fixees et evacuees, par les voies habituellcs(sueurs, urines, dejections alvines, vomissements, hemoiThagies,etc.) ou deposees en certains points du corps (sous forme de parotides, erysipele, abces, gangrene, ou de tumeur articulaire, etc.), si ces voies d elimination soul fermees. Or cette expulsion des humeurs cuites ne se fait pas sans certains efforts, et ce sont ces efforts qui constituent la crise, soigneusementclislingue e, le plus souvent, des phenomenes critiques (Epide m., liv. I, 2 e const., 2 e sect., 5 ; liv. II, l re sect., 6-7, et Epid. IV, 28 ; des Humeurs, 4-5, etc.). Ces deux manieres d envisager la maladie 1 une abstraite, en conside rant revolution d une facon tout a fait generale; 1 autreplus concrete, se rapportant au mecanisme de production et de guerison du travail pathologique contondues neanmoins en une seule doctrine, se fortifiant meme 1 une par 1 autre, nous expliquent en grande partie la diversite, et meme la contradiction apparente de CRISE. 241 ^uelques-unes des acceptions donnees au mot crise dans une meme doctrine, par la dualite de points de vue que cellc-ci comportait. II convicnt sans doute d ajouter aussi a celte cause d interpretations divergentes de la crise, cellc qui resultait de connaissances patliologiques et nosologiques insuffisanles, et qui faisait appli }uer cette designation a des fails parfois disparates, qui en attribuait le caractere, par exeraple, a de simples remissions dans des maladies paroxys- tiques et a des hemorrhagies symptomatiques, suivies d une amelioration passa- gere, etc. En resume, dans la doctrine hippocratique, la crise est la solution de la ma ladie, c est-a-dire tout mouvement qui juge cclle-ci, en y comprenant les actes qui preparent ce mouvement, 1 annoncent et lui donnent ses caracteres propres ; elle se fait le plus souveut par une evacuation humorale ou un depot, c cst-a- -dire un travail morbide secondaire. La crise appartient aux maladies aigue s, bien qu Hippocrateparle de maladies se jugeant en sept ans (Aphor., sect. 7, 28) : car la coction est necessaire a la crise, et les maladies incurables ce qui alors, encore plus qu aujourd hui, etait le caspour la plupart des maladies chroniques sont celles qui nesubissent pas de coction. Toutes les maladies aigue s cependant ne se terminent pas par une crise (Epid., liv. I er , sect. 2 e , const, seconde; liv. II, sect. 3 e , const, scconde, 3 et 9; Pre not. Coaq., 74, etc.); celle-ci peut d ailleurs ctre complete, juger definitivemcnt l affection, ou, parfois, seulement Tun des paroxysmes; quand elleest incomplete, ce qui reste apres elle produit la recidive (Aphorism., sect. 2, 12, Epid., iiv. II, o e sect., 8 ; liv. VI, sect. 2 et 3, etc.). Cette expression est done prise dans un sens favorable le plus sotivent, mais non exclusivement (Pronostic, 20; Coaq., deja cites; Epidem*, liv. I or , sect. 3, 12). Les phenomenes critiques sont distincts dela crise qu ils anuon centou concou- rent a realiser (des Humeurs, 5; pid., liv. l cr sect. 2,5; liv. II, l re sect., 0). Point n est besoin qu ils presentent un caractere insolite (des Humeurs, 6). La distinction entre la crise (avec pbenomenes sensibles) et la lyse (ou cri^c par phenomenes insensibles) ne parait done pas appartenir a Hippocrate et a ses predecesseurs ou successcurs immediats, car on trouve assez souvent la crise ou la solution signalees indifferemment ; cependant les crises mentionnees I- plus communement jugent rapidement la maladie. Pour apprecier la valeur des phenomenes critiques, qui ne different en rien, par eux-memes, de ceux qui ne le sont pas (des Humeurs, $ 4 et 5), il faut tenir compte de 1 epoque de leur apparition, de leurs rapports avec les autres signes, notamment avec ceux qui annoncent la coction : venant trop tot, avant celle-ci, s ils ne font pas crise, ils amenent une terminaison funeste; si nean- moins il y a crise, ils annoncent la recidive, etc. (Epid. liv. II, l re sect., 6; rfe.s Humeurs, 4 et 5). La maladie etant quelque chose qui a son developpement regulier (dans une evolution normale), ses differentes periodes peuvenl etre prevues ; d oii un attention extreme apportee a la constatation des signes de la coction, qui per- mettent depronostiquer la crise, et des signes qui conduisent a prevoir le genre de crise. Nous indiquerons plus loin quels ils etaient et quels sont ceux qu une analyse rigoureuse autorise a conserver actuellement. Un moyen important de preciser 1 epoque de la crise est la consideration (!es jours oil celle-ci se montre habituellement. Pour eviter des repetitions nous Dicr, ENC. XX1K. 16 242 CRISE. renvoyons egalement a un paragraphs special I elude de la question des jours critiques. Qu il nous suffise de dire que, malgre la valeur qu Hippocrate attri- buait aux periodes quartenaires, et surtout aux jours impairs (5, 7, 9, 11, 14, etc., le 4 e etant indicateur du 7% le il e du 14 e , etc.), pour la solution des maladies, cet illustre medecin n etait rien moins qu absolu sur ce chapitre; non- seulement il cite, notamment dans les Epidemics (liv. I er , sect. 5; liv. IV, 7), des fails de crise au 6 e jour; mais il dit formellement que les crises se font aux jours qui correspondent aux redoublements, et que les fievres qui ont des redoublements aux jours pairs se jugent aux jours pairs (Epidemics, liv. I er , sect. 5, $ 12), et il fait remarquer, a propos des periodes des maladies, v que rien de tout cela ne se peut calculer rigoureusement par des jours entiers, car ni 1 annee, ni les mois ne se comptent par des jours entiers (Pronostic, 20). Une consequence majeure de la doctrine des crises et du role altribue aux evacuations humorales dans leur accomplissement etait I institution d un traite- ment hygienique et medicamenteux special, qui aboutissait le plus ordinaire- ment a une expectation plus ou moins complete ou a 1 emploi de moyens des tines a favoriser la crise dans le sens oil elle s annoncait. Prevoir les crises, par quelles voies elles devaicnt s operer, nc rien faire qui put en troubler la production, les provoquer au besoin, si la nature etait hesitante, etait la grande preoccupation des hippocratisants. Telle est, reduite a ses traits essentiels, la doctrine de la crise contenue dans les livres hippocratiques, autant du moins qu on peut la degager de 1 ensemble des propositions cliniques, pronostiques et therapeutiques qui s y rattachent; car, malgre la place considerable qu elle tient dans la medecine grecque, elle n a pas ete I objet d un travail special (qui nous soil parvenu) jusqu a Galien,- on ne saurait, en effct, considerer comme tel 1 opuscule des Crises, qui n est qu une simple compilation de sentences lire es principalement du Pronostic, des Epidemics, des Aphorismes et des Pre notions de Cos (Littre). La definition donnee au g 8 du livre des Affections indique suffisamment d ailleurs que, par suite meme du defaut de precision de la doctrine, 1 accord etait loin d etre complet sur cette question, dans 1 ecole de Cos, et Ton peut meme considerer cette deliniiiou comme une tentative de condensation des differents points de vue sous lesquels la crise est envisagee dans les ecrits hippocraliques ante rieurs. La question ne parait pas avoir ete beaucoup plus elucidee par les auteurs qui ont vecu enlre Hippocrate et Galien, puisque ce dernier, en tete de son travail sur les crises, commence par declarer qu il ne s occupera pas, si ce n est en passant, de la question de savoir si Ton doit appeler crise, soit un change- ment subit dans la maladie, soit la seule inclinaison a un elat meilleur, soit la perturbation qui precede ces modifications, soit toute solution de la maladie, soit seulement celle qui tourne a bien. G est cependant le medecin de Pergame qui, le premier, a donne une forme arretee a la doctrine des crises, sur laquelle il a insiste dans maints passages de ses oeuvres, notamment dans ses Commentaires sur les Aphorismes, le Pro nostic, les Epidemies, les Humeurs, et a laquelle il a consacre un travail didac- tique complet, en six livres, dont trois pour les crises elles-memes et troisponr les jours critiques. Dans tous ces ecrits, il semble n avoir pour but que d e- claircir et de completer la pensee hippocratique ; mais ne laisse pas que de 1 al- te rer en des points impoitants, notamment sur la question des jours critiques. Pour Gc lien, les maladies pen vent se terminer de six fagons : rapidement. CRISIi. 243 par la guerison on par la mort; progress! vement, par amelioration ou aggra vation continue de 1 etat pathologique ; enfin d une maniere mixte, c est-a-dire, apres une mutation subite en mieux ou en mal, par retour graduel a la sante ou affaiblissement jusqu a la mort (des Crises, liv. Ill, chap, i", p. 702, t. IX de 1 edit. Kiilme). Le retour subit a la sante est la crise par excellence, celle a laquelle il convient de reserver ce nom; quand il n y a qu un changement notable, n abou. tissant pas a une guerison complete, c est la crise imparfaite ou defectueuse ; la tcrminaison insensible est !a solution simplement, ou lyse. La crise legitime, celle qui consiste en un relour subit a la sante, se fait tou- jours par des excretions manifestes ou par des abces notables; car, si ces actes pathologiques font defaut, la maladie empire. Elle est precedee d une grande perturbation : insomnie, delire ou sommeil pesant, dyspnee, vertiges, agita- *ion, cris, etc., et c est dans le paroxysme, plus severe et anticipant sur 1 heure babitueile, que les patients sont pris de sueurs abondantes, oude vomissements, de dejections alvines, de flux de sang, ou eprouvent toutes ces evacuations a la ibis. Malgre la gravite apparente de la situation, le malade est alors hors de danger, sauf trop grande prostration des forces. La crise est done, semble-t-il, le dernier redouhlement ou le dernier acces de la maladie; elle doit d ailleurs arriver dans la periode d etat, alors que la coctioncst iaite, et aux jours voulus, car c est par son intermediate que la nature separe les hurneurs nuisibles et inutiles des humeurs bonnes et utiles (Comment, sur I Aphorisme 15, sect. 2, p. 471, t. XIII). Dans la lyse, il n y a pas perturbation marquee, pas d evacuation appreciable. Les modes de terminaison mortels, quele malade succom be subitement, avec perturbation anlerieure, evacuations ou decubitus, depots, ou qu il n eprouve d abord qu une forte aggravation, recoivent aussi le nom de crises, mais de mauvaises crises, parfaites dans le premier cas, imparfaites dans le second. La deterioration progressive jusqu a la mort est le marasme. Quant a la mutation subite vers le mal, sans grandes excretions ou depots, ce n est pas une crise. La doctrine de Galien, on le voit, diifere de celle d Hippocrate, par la sepa ration quasi-absolue qu elle etablit entre la crise et la lyse, par la necessite qu elle impose a la crise d etre precedee d une perturbation manifesto et de se faire par des evacuations abondantes ou des depots notables, et de presenter par consequent quelquc chose d exceptionnel dans les symptomes et les signes dits critiques (Galien, loc. cit., chap, vi, p. 751 et chap, x, p. 751). Aussi refuse- t-elle aux fievres ephemeres et aux fievres hectiques la possibilite d avoir des crises (Comment. II, sur les Humeurs, p. 251, t. XVI). Les modifications que Galien fait suhir a la theorie des jours critiques ne sont pas moins considerables ; il la complique comme a plaisir par 1 invention des jours vides et des jours intercalates, ainsi que d un mois me dical en rapport avec les phases de la lune, pour expliquer les fails contradictories a sa theorie ; en outre, il exagere encore I efficacite atti ibuee a tel ou tel jour pour la realisa tion des crises et la determination de leur nature, bonne ou mauvaise. Ainsi, pour lui, le sixieme jour est un tyran, rien de favorable ne peut se produire ce jour-la; mais le septieme est compare a un bon roi, c est par excellence celui des crises heureuses. C est cette doctrine de Galien ou hippocratico-galenique, ainsi que 1 appelle Dulaurens, que Ton peut considerer comme la doctrine traditionnelle ; car ello 244 CRISE. a ete acceptee sans modifications essentielles, presque jusqu a nos jours, par hi plupart des medecins humoristes, et par plusieurs solidistes, qu ils soient devenus humoristes ence cas, comme Baglivi, ouqu ils aientaccommode ]c fond de la doctrine a leur systeme solidiste, coiume Hoffmann, Cullen, etc.; et ce ne sont pas les hypotheses sur la puissance des divers jours critiques qui ont eu le moins de credit, sans en excepter le role attribue a la lune dans 1 evolution des maladies, jusqu au seizicme siecle toutefois. Cependant, meme parmi les humoristes il s esf, produit sur certains points de la doctrine quclques divergences qu il est necessaire de signaler. Nous passoiis a dessein sous silence les reveries astrologiques que les Arabes et les arabistes, grands partisans de Galien, comme on sait, ont ajoutees a la theorie des crises et des jours critiques, qu ils ont d ailleurs admise sans grands changements et dout ils avaicnt pu verifier la juslesse ct la generality a propos de la petite verole. D aussi pen d importance pour nous sont les theories de Fracastor sur le role des mouvcments de la melancholie, comme cause des crises et des jours criti ques, attribues plus tard par Prosper Alpin aux mouvements combines de 1 atra- bile avec la bile et la piluite, ou de Paracelse faisant intervenir en ce sujet les explications d une chimie grossiere, lors de la reaction centre les idees gale niques, au seizieme siecle. Nous ne nous proposons ici, en effet, de retracer que 1 histoire des principaux points de vue sous lesquels on pent envisager la question des crises, et non celle des nombreuses theories qu on a pu donner de leurs causes et qui pour la plupart sont sans interet actuel. (Voir pour plus de details Bordeu, Recherches sur les crises, a la suite de ses Recherches sur le pouls, etc., t. II, in-12, Paris, MDGCLXV11I.) Mais nous devons une mention a Fernel, qui, tandis que la doctrine hippo- cratico-galenique est defendue a Paris par Duret, Houllier, Baillou, a Montpellier par Dulaurens et plus tard par Lazare Riviere, propose une nouvelle theorie de la coction, el par suite de la crise. Se basant sans doute sur certains passages du livre de I Ancienne me decine ( 19, p. 617, edit. Littre), 1 archiatre de Henri II avance que la coction n est que la repression de la putridite des humeurs, dont les parties alterees sont consumees par cette coction meme, de sorte qu il ne reste plus dans 1 economie que les parties saines : c est pour cela que les urines sont plus troubles avant la coction qu apres : La fureur de 1 humeur peccante etant alors rabattue, il en sort moins parmi 1 urine, laquelle est plus subtile et moins trouble qu au commencement, lorsque les humeurs etaient grandement troubles et confuses, a cause de la pourriture, qui faisait meme que quantite de ces humeurs s ecoulaient avec 1 urine. Car 1 hypostase n est point une portion cuite de 1 humeur qui s etait putrefiee, mais la matiere en est semblable a celle de ceux qui se portent bien (Pathologic, chap, xvn, des Urines, y. 204-205,234 a 239; trad, franchise par ADM, in-12. Paris, MDCLV). La coction n est plus ici la preparation a 1 expulsion de la matiere nuisible, expulsion qui constitue la crise ; elle suffit a la guerison de la maladie, et 1 eva- cuation de la matiere jaune de la fievre par la crise devient nn fait secondaire. Cette alteration de la doctrine hippocratico-galenique (I Ancienne me decine mise a paii neanmoins) souleve 1 indignation de Baillou, qui refute vivement Fernel, le met en contradiction non-seulement avec Hippocrate et Galien, mais avecce qu il a ecrit lui-meme (Fernel) plus tard dans sa The rapeutique (livre III), et expose doctement, en s appuyant lui aussi sur le livre de VAncienne me de cine, la difference qu il y a entre la matiere crue et la matiere non cuite, la CRISE. premiere (comme la pituite) susceptible apres coction complete, pepsis, d assi- milation aux parties saines, la seconde apte seulement a subir la maturation ou pe pasme, sorte de coction imparfaite qui n est souvent qu epaississement des humeurs et ne sert qu a pre parer 1 expulsion de celles qui ne sont pas assimi- lables (ainsi le pus), conformement a la maniere de voir traditionnelle sur Ics crises; mais, dans les deux cas, 1 agent, 1 action, la force, sont les merries; les matieres seules different. Ainsi se trouvent concilies les enseignements assez contradictoires de YAncienne me decine, qu avait surtout en vue Ferncl, et ceux du restant de 1 oeuvre hippocratique et de son commentateur Galien. Baillou toutefois moilifie en un autre point la notion classique de la coction, en attribuant 1 alti ration des humeurs et la repression de leur putridite (prelimi- naire ou premier effet de la coction) a la seule action des solides (Baillou, Opera omnia, t. IV, lib. de Urin. liypost., p. 282-288; in-4, Paris, MDCCLXII). Nous avons unpeu longuement cite Fernel et Baillou, parce quedansla theorie du premier et 1 inlerpretation subtile du second, relative aux deux sortes de coc- tions, se trouve 1 origine de la theorie proposee par Boerhaave (Instil, med. , 927 a 945) et qui lui est attribuee a tort, ce nous semblc, par Bordeu ; celle-ci n est pas plus comprehensible d ailleurs, et ce dernier en demontre avec beaucoup de force les contradictions et les incertitudes (Recherches sur les crises, p. 216). Pour le but que nous nous proposons, il suffira de fairc rcmarquer que, si Boerhaave adopte la definition et 1 interpretation galeniques de la crise, il en restreint 1 application (conformement a son systeme, melange de mecanicisme, de cb.imia.trie et d humorisme naturiste) aux seules maladies aigue s humorales : car il admet en nieme temps, avec Bellini et Baglivi, des maladies des solides, tandis que pour la majorite de ses predecesseurs, galenistcs ou chimiatres, le fond de la pathologie etait humoral. Avec Fr. Hoffmann, le champ des crises s elargit a nouveau, puisqu il en signale la possibiiite dans les maladies chroniques lelles que 1 cpilepsie, les douleurs, les fievres intermittentes, etc., ce que Bordeu et Dumas (de Mont pellier) confirmeront plus tard ; mais 1 interpretation des phenomenes change entitlement. Dans son systeme, plus decidement, mais non exclusivement soli- diste et qui est base, comme on sait, sur le spasme et 1 atonie des fibres motrices et specialement, pour la fievre, sur le spasme des petits vaisseaux, avec une certaine alteration secondaire des liquides contenus la crise n est qu un effet mecanique, un effet regie des mouvements qui se font dans le corps, en consequence de Faction des causes corporelles, etc., et les phenomenes critiques ne sont plus que la consequence de la cessation du spasme, de la constriction des petits vaisseaux et des conduits excreteurs, c est-a-dire ne sont plus que 1 une des suites du retour des organes a 1 etat normal, au lieu d en tire la condition, la cause meme, comme le pensaient les humoristes (Hoffmann, Opera omnia, in-f, Genevce, MDCCLXI; de Rationalis therapioe fundarn^cap. xv, de Crisibus et criticisdiebus, 11). [/interpretation d Hoffmann, debarrassee de ses explications humorales, est celle de Gullen (Medic, prat., p. 101 de la trad, par Bosquillon; Paris, 1816), et, plus ou moins modifiee dans ses details, celle de tous les solidistes qui admettent la crise. Ajoutons que, pour Broussais, la crise, consideree toujours comme resultat de la cessation de 1 irritation (qui remplace le spasme ou 1 ere- thisme d autres auteurs), n est qu un deplacement de celle-ci par sympathie des visceres atteints vers les organes secreteurs et exhalants de la peripherie, dont la 2i6 CRISE. congestion se termine toujours par une evacuation soit secretaire, soit purulente, soil hernorrhagique; sans cela la crise n est pas complete (Proposit. de me d., en tetede [ Examen des doctrines, p. 24 et 25, in-8% t. I er ; Paris, 1821). L ecole stahlienne, qui voyait des actes medicateurs partout, ne pouvaitqu etre tres-favorable a la doctrine des crises ; mais, comme elle n a apporte aucun point de vue nouveau dans la question, en dehorsdel intervention de Tame, nous nous eroyons autorise a la negliger ici. Nous ne ferons egalement, pour le meme motif, que mentionner 1 opinion de Bordeu, qui d abord inde cis sur 1 existence meme des crises flans ses premiers travaux (enlre autres dans ses Reckerches sur ies crises, 1755, a la suite des Recherches sur le pouls, etc., 2 vol. in-12, Paris, MDCCLXV1I1), finit par Ies admettre dans Ies maladies chroniques comme dans Ies maladies aigues, et Ies compare au travail d excretion d une glande (Reclterches sur Ies malad. chron., theor. 45 a 48, p. 120-127, in-8; Paris, MDGCLXXV.) Nous somrnes ainsi conduit a examiner enfin Ies manieres de comprendre la crise qui ont ete proposees de nos jours. Les notions synthetiques que represente la doctrine des crises, et Ies hypo- heses humorales auxquelles elle a eteliee a 1 origiiie, elaient trop en opposition avcc le courant d idees qui regnait dans 1 ccole anatomo-pathologique et organi- cienne de la premiere moitie de ce siecle, pour elre accueillies avec faveur par Ies adherents de cette ecole. Aussi ne se sont-ils guere occupes, quand ils ont ete obliges de le faire, que des phenomenes critiques, que quelques-uns ont confondus avec la crise elle-meme (H. Gouraud, these d agreg., Paris, 1855), de leur frequence et de leur influence sur Tissue des maladies. C est ainsi qu apres un examen des deux opinions en presence, Chomel (Pathologic generate, in-8 (1824), suivi en cette circon stance par Roche (Art. CRISE duDicl. de me d. et de chii . prat., 1850) et plus tard par Hardy et Behier (Patholoqie interne, I er vol., p. 120-129; Paris, 1858), reste dans le doute sur la valeur des phenomenes critiques, et incline a penser que Ies memes phenomenes peuvent etre tanfot 1 effet, et tantot la cause du retablissement des fonctions; pour lui d ailleurs ces phenomenes s observent rarement : car il ne reserve ce litre qu a ceux qui presentent quelque chose d insohte. Et cependant a cette epoque Landre-Beauvais avait fait paraitre son Traite de se miotique, ecrit dans le sens natmiste, et Andral avait soutenu, dans sa these d agregation sur Ies crises, la doctrine traditionnelle. Dans une ecole opposed, a Montpellier, la notion de la crise subissait egale ment, mais en sens inverse, des modifications d une certaine importance, qui tendaient a la rajeunir dans le sens hippocratique plutot que dans le sens galeniquc, en donnant au point de vue doctrinal que Ton peut degager de 1 en- semble des ceuvres du Pere de la medecine la preeminence sur Ies interpreta tions humoristes ou mecaniciennes auxquelles cette notion a trop longlemps ete liee et qui etaient certainement 1 une des causes du discredit dans lequel elle etait tombe e. G est dans Grimaud, le survivancier de Barthez, que Ton voit naitre ce mouvement d cpuration, si Ton peut s exprimer de la soite; bien qu humoriste, il recoimait que ce n est pas loujours une matiere peccante qui se trouve dans Ies evacuations critiques, ainsi qu en temoigne, d apres lui, 1 utilite de la sueur dans Ies hemorrhagies actives (Cours de fievres, t. Ill, p. 502). La reaction centre le galenisme s accentue avec Dumas (Doctr. des ma ladies chroniques , 1. 1, p. 182-190, ed. Rouget), qui s occupe surtout du fait meme CRISE. de la crise, professant une opinion eclectique sur le mecanisme de celle-ci, ct admet ainsi que Broussonnet (Tableau elementaire de se miotique), al exemplc de Reil (Memorabilium dinicorum medico-practicorum, fasc. HI, tract. V, Halae, 1792), des crises dans les maladies nerveuses. Avec Fuster (these de eon- cours, 1849), la crise est decidement envisage e au point de vue philosophique, nettement separee des phenomenes critiques, auxquels seule elle donne leur caractere : (Test la nature medicatnce qui prepare et accomplit les revolu tions spontanees qu on appelle crises... Une crise, en effet, est la resultante des efforts medicateurs, etc. (pages 62-69). C est dans le meme sens que s exprime Jaumes, dont les ide es, professe es en \ 855, ont inspire deux bonnes theses, celles deM. Solier, en 1857,et deM. Em. Berlin, en 1858,etqui depeint ainsi la crise, dans son Traite de pathologic ge ne rale (pages 501-503) : La crise est une manifestation particuliere de la faeulte medicatrice, manifestation qui a pou. but special de dissiper une viciation du dynamisme...; elle est done toujouis le produit d une synergie medicatrice. Et a la question de Chomel sur les rapporls de causalite des phenomenes critiques avec la crise, ilrepond : lacri-e n est ni la cause de la guerison, ni sa consequence, elle en est le moyen (lln ^r Berlin; Montpellier, 1858). A Paris, plus tard, 1 enseignement de M. Chauffard est presque identique : On peut resumcr 1 idee hippocratique endisant que la crise est tout mouvement qui juge, qui termine la maladie. Nous appellerons done crise les synergies dernieres par lesquelles se juge et se termine n\\r maladie, et phenomenes critiques ceux par Icsquels sc traduisent ces synergies finales (Prindpesde pathologic ge ne rale, p. 489-490; Paris, 18(52). Le point de depart de la crise est done toujours place, pour les vitalistes contemporains, dans une determination de la nature medicatrice, independamment, en quelque sorte, des phenomenes par lesquels la crise se manifeste, dit M. Chauffard, se rea lise, ecrivcnt avec plus de raison MM. Fuster et Jaumes, et dans lesquels I ev. i- cuation humorale ne joue qu un role tres-subordonne. Reduite par les uns a 1 appreciation du plus on moins de valeur de certain? phenomenes pour la solution heureuse des maladies, elevee par les autres a la hauteur d une doctrine, la question des crises ne pouvait plus guere fournir IIKJ- tiere a des discussions utiles lant les points de vue e taient differents lorsque de nouveaux moyens d investigation, en ouvrant des voles nouvelles a son etude, lui ont fait faire un pas decisif : nous voulons parler des recherches contempo- raines d urologie et surtout de 1 application du thermometre a la determination de la marche des maladies febriles. Parmi les premieres, nous devons une mention au travail de dial vet, sur las alterations des humeurs par les matieres dites extractives (Me moires de la Sociele de biologic, t. XIX; 4 e serie, t. IV; 1867). Se basant sur quelques analyses du sang et des urines dans 1 etat febrile, ce physiologiste declarait tout d abord que la signification hippocratique du mot crise n a aucune raison pour etre conservee, et concluait que, au point de vue du veritable humorisme modcrne, la crise est 1 exageration remittente des fonctions emonctoires, ayant pour efl et de debarrasser 1 organisine de 1 excedant des dechets qui s y accu- mulent pendant la maladie. La vieille idee humorale de depuration reparais- sait, appuyee sur une chimie plus savante, et trouvait sou application a differentes periodes des maladies, aux crises partielles de certains accescbmme a la crise finale. Cette tentative et quelques autres de meme nature n auraient pas suffi, malgie 248 CRISE. leur interet reel, a rajeunir la question des crises : car, en depit de leurs preten tious, elles n en etudiaient qu un cote fort restraint ; et c est aux travaux de thermom^trie elinique, poursuivis dans ces derniers temps, il faut bien 1 avouer, avec plus d ardeur en Allemagne que partout ailleurs, qu?. Ton doit les plus grands progres que la connaissance des crises aient fails depuis Hippocrate et Galien. Ges travaux out en effet permis de constater et 1 expectation syslema- tique de 1 ecole de Yienne n a pas etc etrangere a cette constatation que la marche de la temperature febrile, dans laplupart des maladies aigue s, affecte des formes delcnninees, susceptibles d etre rattachees a des types fixes, et qu clle presents une concordance remarquable avec les phases de 1 evolution patholo- gique decrites par les medecins hippocratistes ; ils ont fait voir notamment que le mouvement de decroissance de la temperature morbide a la fin des maladies, la defervescence, comme 1 a appelee Wunderlich, s etablit assez souvent apres une elevation thermique qui repond a la perturbation critique des anciens, et s accomplit habituellement, en debors de toute intervention therapeutique, suivant deux modes principaux : 1 un rapide (en vingt-quatre ou trente-six lieures), 1 autre gradual (en plusieurs jours), qui representent exactement la crise et la lyse de Galien. (Traube, Ueber Crisis und critische Taye, in Deutsche Klinik f 1851-52 ; Wunderlich, das Verhalten der Eigensivarme in Krankheiten, l e edit. 1868; 2 e edit., 1870; Leipzig, etc., etc.) L e volutiou lliermique etant considered, un peu arbitrairement, comme retracant celle de la maladie elle-meme (Vircbow, Handbuch der speciellcn Patliohyie und Therapie, t. 1, p. 53, 1854; Wunderlich, loc. cit., p. 7 dela 2 C edit, allemande, et 5 de la traduction franchise), il etait tout naturel que la determination des modes de solution de celle-ci fut base e sur les modes de defervescence; il est vrai d ailleurs, suivant une juste remarque de Wunderlich (loc. cit. , p. 7), que, si les modifications de la temperature coincident avec d autres troubles organiques et fonctionnels, dans le corps malade, aucun ne se laisse mesurer avec la meme precision et la meme exactitude que la temperature. Aussi la doctrine allemande fut-elle bientot propagee en France par Hirtz (de Strasbourg), qui de finit la crise, physiologiquement, une defervescence rapide, tout en reconnaissant que cette derniere n est qu un phenomene critique! (Art. CRISE et FIEVRE du Nouv. Diet, de me d. et de chir. prat.), et accepte e par M. X. Gouraud (these d agregation ; Paris, 1872). Pour ces deux auteurs, d ailleurs, la defervescence precede toujours les autres phenomenes critiques. Telles sont les principales maniercs de comprendre les crises qui ont eu cours dans la science ; elles se rattachent toutes, sciemment ou non, meme les plus modernes, a la conception hippocratico-galenique, qu elles denaturent pour la plupart, il est vrai, en n en acceptant que le cote qui leur parait le plus saillant : 1 elimination et la depuration humorales, par exemple, pour Chalvet; la cessation plus ou moins i^apide de la chaleur febrile, avec ou sans evacuation speciale, pour Ilirtz et 1 ecole allemande contemporaine, ou le caractere insolite des phenomenes (Chomel, Hardy et Behier, etc.). Ces dernieres manieres de voir, pour nous borner aux plus recentes, nous paraissent inacceptables, d abord parce qu elles ne visent qu un point particulier d un fait complexe, qu elles restreignent arbitrairement; ensuite parce qu elles ne s appuient meme pas sur un fait essentiel, constant; elles se contredisent d ailleurs reciproquement : car il faut une grande dose de bonne volonte pour voir dans la defervescence, ainsi que 1 a fait un auteur, un phenomene remar- CRISE. 24U quable (au sens d insolite). La depuration humorale, sans jouer le role prepon derant que lui atlribuaient les anciens dans la realisation de la crise, est sans contredit un acte important, le plus important peut-etre du travail critique dans des maladies determine es (certaines intoxications virulentes ou mias- matiques, etc.) ; mais, dans ces cas memes, elle n est qu un moyen, quand ce n est pas une simple consequence; elle fait d ailleurs trop souvent defaut pour ligurer legitimement dans une definition generate. La defervescence rapide ne nous semble pas mieux choisie pour caracteriser la crise ; independamment de ce qu on refuse ainsi ce mode de terminaison aux affections autres que les affections aigues a temperature elevee - - et cet exclusivisme est en contra diction avec le sens traditionnel du mot, avec le sens meme que sont forces de lui donner encore les defenseurs de 1 opinion que nous combattons il ne manque pas de circonstances dans lesquelles la defervescence se produit rapidement sans qu il y ait crise : ainsi les collapsus agoniques, les remissions exagerees de la fin du premier septenaire et celles du stade amphibole de la fievre typhoide, etc. Les symptomes de la defervescence ne sauraient done etre pris pour equi valents de ceux de la crise, comme 1 a ecrit Ilirtz ; ils en sont un element, un signe capital, dans certaines maladies; mais ils nc la constituent pas. Hirtz 1 a reconnu explicitement, du reste (i oy. art. CRISE cite, p. 246), et M. X. Gouraud 1 avoue lui-meme, puisque, apres avoir adopte ropinion de ce pathologiste sur 1 equivalence de la defervescence et de la crise, il conclut en disant que la crise est 1 ensemble des actes qui jugent rapidement la fievre dans les maladies aigues. Si la crise n etait autre chose qu une defervescence rapide, on nc voit guere comment elle pourrait etre en meme temps un ensemble d actes qui jugent la fievre, etc. : car, d apres cette seconde definition, la defer vescence n est evidemment qu une consequence de 1 ensemble des actes judica- teurs. Nous ne nous attarderons pas a refuter 1 opinion de Chomel et de scs imitateurs, les etudes de tbermometric clinique ayant etabli peremptoirement 1 existence des crises en dehors de tout phenomene exceptionnel, et nous reservons pour une autre partie de ce travail 1 appreciation dc ( interpretation donnee a cette question par 1 ecole de Montpellier. II nous parait, en effet, rationnel d etudier d abord la crise au point dc vue du fait clinique, en dehors de toute conception doctrinale, avant d en discuter la nature et la signification phiiosophique. II. DEFINITION DE LA CRISE. En recherchant ce qu il y a de commun au fond de toutes les definitions proposees, on trouve la notion hippo- cratico-galenique d un cbangement decisif eprouve par une maladie (gene- rale ou a reaction generalisee) parvenue a une certaine periode, et a partir duquel le sort du patient est de finitivemcnt fixe; en ce sens, il y a des crises heureuses et des crises malheureuses ; mais la tradition , depuis Galien, a donne a la crise une signification favorable, et une analyse plus complete des faits pathologiques a justifie cette maniere de voir, en demon- trant que les pretendues crises funestes, quand elles ne sont pas 1 expres- sion d un etat ataxique ou malin, dependent de complications ou de 1 ag- gravation progressive du travail pathologique initial, c est-a-dire n ont en aucun cas le caractere de jugement. Nous nous rangerons done a cette opinion : car il serait d ailleurs sans interet pratique d examiner si, dans les maladies paroxys- -250 CRISE. tiques, par exemple, la derniere exacerbation, celle qui precede la periodc :igonique, ne doit pas etre considered comme critique. A cette facon d entendre la crise se joint en outre 1 idee, plus galenique qu hippocratique cette fois et que nous ne saurions accepter, de la rapidite necessaire du mouvement critique, que Ton se plait a opposer a la lenteur de la terminaison par lysis; cette separation, en effet, est arbitraire, malgre la contirmalion qu on a cm en trouver dans 1 observation thermometrique. De plus, meme en 1 attribuant seulemcnt au mode de manifestation de la crise el non a son complet achievement, qui peut exiger un temps plus ou moins long pour se realiser, sans que la nature du travail de restauration soil changee (et cette distinction, qui n a pas ete faite, permettrait de com- prendre dans une meme definition la crise et la lysis), la soudainete n est pas un caractere constant de la crise, ain;i que nous le verrons bientot; nous devons done I eliminer, tout en reconnaissant qu il se constate assez souvent et rend alors la crise bien plus evidente. Nous ferons les memes remarques pour les evacuations humorales. Ces explications donne es, et en nous reslreignant pour le moment a la consi deration des traits essentiels et communement admis de la doctrine traditionnelle, nous dirons que la crise, dans son sens le plus e tendu, est le changement decisif que subit une maladie (generate ou a reaction generalisee) arrive e a son summum, et a partir duquel s opere defmitivement le mouvemenl de retour de 1 organisme a 1 etat hygide. Nous disons dccmf et mouvement defmilif de restauration hygide, pour difl erencier la crise des simples ameliorations, et pour indiquer qu a partir du moment ou le cliangemcnt s est produit, quel que soit le temps necessaire a sa parfaite realisation, la maladie est jugee, est virtuellement termine e; nous specifions en meme temps qu il s agit de maladies generates, ou a reaction generalisee, parce que, bien que le travail de restauration dans un tissu alteint de phlegmon abcede ou termine par resolution, par exemple, ou de toutc autre lesion localisee, puisse presenter les memes phases qu une affection de toute la substance (pour parler le langage de 1 Ecole), la conception premiere de la crise et une tradition constants out reserve cette designation a la solution des maladies qui interessent 1 ensemble de 1 organisme, et paraissent exiger le concours de toules ses forces pour etre menees a bonne fin. A ce titre, les maladies iebriles, avec ou sans localisation, offrent les types les mieux caracte- rises des differentes sortes dc crises, qui trouvent dans les traces thermo- metriques un mode dc representation schematique reellement saisissant. Parnu ces maladies, la pneumonie fournit sans contredit la demonstration la plus convaincanle des propositions qui precedent, et surtout du caractere decisif, pour la solution de 1 etat pathologique tout entier, de la crise qui met d abord unterme au trouble general. Dans cette phlegmasie, on le sait, la crise de 1 etat febrile et des desordres qui 1 accompagnent s opere tres-rapidement, d ordinaire, et precede souvent de plusicurs jours la resolution des lesions pulmonaires; et pourtant, a dater du jour ou elle s est produite, la maladie peut etre consi deree comme jugee, malgre la persistance des lesions : 1 evolution progressive de celles-ci, en effet, est des lors enrayee, et bientot elles subissent a leur tour le travail de regression qui doit achever la guerison, si toutes choses marchent convenablement. Mais la crise n est pas un simple point de rebroussement, si 1 on peut ainsi UUSE. -251 dire, de lit courbe qui representerait 1 evolution de la maladie, ets il est pevmis, pour la commodite de 1 exposition, d en parler d une facon abstraite, il importe de ne pas oublier qu elle resulte de choses fort concretes, ct en realite est constitute par 1 ensemble des actes qu accomplit 1 organisme, spontanement ou a la suite d une provocation, pour revenir au type pbysiologique quand il en a ete momentanement eloigne par une cause morbifique. De ces actes, les uns restent caches, les autres sont appreciates a nos moyens d investigation et ont recu, ainsi que les symptomes s y rattachant, Ic nom de phenomenes critiques. II y a done lieu de dislinguer, dans le mouvement critique, les operations occultes qui en detcrminent la production (et dont la cause nous echappe, puisqu elle se confond avec celle de la vie), et les phenomenes qui Ic traduisent a 1 exte rieur et servent visiblement a sa realisation. Parmi ceux-ci, il en est qui precedent le changement dans 1 evolution morbide et semblent 1 annoncer, ou, tout au moins, sont en rapport avec le travail plus intime qui le prepare; d autres sont la manifestation de ce changement, ou bien des moyens par lesquels il s effectue ; d autres enfin n en sont que la consequence. Ces differentes phases de 1 action critique (preparation, realisation et achevement complet) ne se peuvent separer, et c est a juste raison que Ton a confondu sous une meme designation les phenomenes qui s y rapportcnt a divers litres. Mais ces phenomenes n ont pas, ne peuvent pas avoir tons la meme signification, la meme valeur, et il est vraiment singulier qu apres les distinctions necessaires qui ont ete faites en cette matiere, par les p;>thologistes les plus anciens, certains contemporains persistent encore, abuses par la similitude dc la denomination, a parler en bloc de ces phenomenes, que quelques-uns confondent avec la crise, a disculer s ils sont cause ou effet du retablissement, et meme a declarer qu ils sont toujours le resultat de la guerison. Ces divergences d appre ciation proviennent en partie de ce que le meme mot ne repond pas pour tous a la meme idee; mais clles dependent encore plus d un defaut d analyse et d observation. C est 1 experience seule, en effet, qui peut determiner le role que joue tel ou tel phenomene dans le travail curateur; les phenomenes dits critiques ne le sont pas par eux-memes, mais par leurs rapports avec les differentes periodes de 1 evolution critique. Hippocrate 1 avait deja reconnu et insistait sur cette importante distinction : \ Ce qui sert ressemble completement ;\ ce qui nuit,... car tout est semblable : les choses qui sont critiques, celles qui nuisent, celles qui delivient... Les signes critiques en mieux ne doivent pas apparaitre de bonne heure...; arrivant a temps, ils annoucent le salut; arrivant hors temps, ils sont de nature opposee. Jugez les evacuations non par la quantite, mais suivant qu elles sortent telles qu il convient et qu on les supporte bien, etc. (Des |; . : Humeurs, 4, 5,^/j., sect. 1, 25). Get enseignement doit etre retenu. III. SYMPTOMATOLOGY GENERALE DE LA CRISE. Ces preliminaires poses, nous allons essayer de donner.un apercu delaphysionomie generate dela crise, en prenantpour type ce qui se passe dans les maladies aigue s febriles, ou ce grand fait pathologique estle mieux caraclerise et a ele le mieux etudie. Quelles que soient, en effet, les differences de nature et de siege qui peuvent separer ces maladies, 1 exis- tence de la fievre leur imprime, au point de vue de 1 etat general, un caractere commua qui domine tres-souveut toutes ces differeaces, et justifie une descrip- tion d ensemble, puisque la crise, nous 1 avons vu, est surtout un mode de 252 CRISE. terminaison d un trouble general de la sante. II y a d ailleurs des cri^ communes et des crises speciales. Nous examinerons ensuite les principaux phenomenes critiques, et nous en discuterons les rapporls reels avec la crise, d apres les travaux contemporains et nos recherches propres. L;i crise, phase particuliere d une evolution morbide dont tous les actes s enchainent et se coiiniiandent successivement en quelque sorle, ne sauraitetre isolee de ce qui la precede et la suit immediatement ; il y a done lieu de dis- tinguer pour son etude une periode de preparation ou d imminence, appelee aussi procriiique; une periode de realisation ou de crise proprement dite, etune periode de parfait achievement, designee egalemcnt sous le nom d epicrilique par Wunderlicb et par tous ceux qui, avec lui, ne veulent voir dans la crise qu une defervescence plus ou moins rapide. Le professeur Jaumes (de Montpel- Her), poussant encore plus loin 1 analyse, 1 a consideree comme une maladie surajoute e et en a decrit ( incubation, les prodromes, les symptomes, etc. Sans meconnaitre 1 ingeniosite de cettc maniere de voir, nous n irons pas aussi loin. La periode dc preparation se presente sous deux aspects bien differents : dans 1 iin (qui ivpond en partie au stadium decrementi ou de decroissance certaine, mais insuffisante, de Wunderlich), elle n est caracterisee que par un le ger amendement de tout ou partie des symptomes, notamment une diminution de la temperature morbide, et surtout de I exaccrbation vespertine, et par 1 apparition ou 1 acccntuation, s il existait dcja, de 1 un des phenomenes qui doivent concourir a la realisation de la crise ; ainsi, de la moiteur, avec detente du pouls; ou de la pesanteur lombaire, dc la tension abdominale, des borbo- rygmes, etc., suivant que la sueur ou les evacuations alvines seront lepheno- mene critique preponderant. G est alors aussi que se montrent ou s accentuent les signes de coction dans les diffrrentes excre tions qui en sont susceptiblesi 1 epaississement des mucosites nasales ou broncho-pulmonaires, dans lecasde coryza, de bronchite ou de pneumonic, par exemple ; 1 epaississement des .matieres fecales, s il y avait auparavant de la diarrhee; les sediments urinaires (cesderniers sous reserve). Cette periode, qui s observe presque exclusivement dans les maladies a marche continue, sous-continue ou remittente, dureen moyenne de douze a vingt-quatre heures, mais peut se prolonger davantage, jusqu a deux et trois jours, dans des circonstances exceptionnelles que nous specifierons plus loin ; dans le premier cas, il est souvent difficile de la se parer de la crise elle-meme, dont on pourrait la conside rer comme le debut, surtoul lorsque celle-ci s accomplit Icntement, par oscillations descendantes, comme dans la forme qui a recu de preference le nom de lyse ou lysis. D autres fois, c est une aggravation apparente qui signale cette periode: Quand une crise s opere, la nuit qui precede le redoublement est difficile a supporter , avait deja remarque le Pere de la medecine (Aphor., sect. 2,15) et Galien, rencherissant sur cette observation et s inspirant de fails exceptionnels, trace un tableau effrayant de la perturbation procntique, dont nous avons deja indique les principaux traits. Cette perturbation semble d ailleurs constante pour Galien et devient 1 un des elements, en quelque sorte, de la crise (# ff Crises, liv. Ill, ch. n). L observation contemporaine a confirme en partie ces assertions, en demon- trant, au moyen du thermometre, la realite de cette exacerbation procriti<p& non-seulement dans des affections a marche paroxystique ou remittente, coninie CRISE. la rougeole, certaines fievres catarrhales ou gastriques, mais dans des maladies a marche sous-continue, comme la pneumonie, certaines angines, etc. Sue M cas de pneumonie termines par la guerison, nous 1 avons constatee 41 fois, c est-a-dire dans un peu plus de la moitie des cas; encore eliminons-nous \ cas de pneumonie intermittente, qui naturellement ont presente des paroxysmes marques, mais dans lesquels 1 administration du sulfate de quinine i modifie brusquement la situation, au troisieme acces seulement, il estvrai; tandis que nous n avons note que 37 fois la diminution preparatoire, et encore 3ii comptaiit les cas dans lesquds une recrudescence ultime precede de deux et i ;rois jours la cnse proprement dite. Cette exacerbation s accompagne assez rarement des phenomcnes graves decrits jar Galien, et complaisamment reproduits par la plupart des auteurs; mais elle ic consiste pas uniquement dans 1 e levation thermique ; independamment du nalaise et des troubles nerveux qui sont habituellement lies a 1 accroissement de a temperature organique, on observe, dans la pneumonie uotamment, une crudescence des phenomenes pulmonaires qui peut aller jusqu afaire supposer pe le paroxysme est simplement du a une extension de la localisation ou a un iret du travail de resolution; ainsi le point de cote reparait parfois, des rales ous-ciepitants sont percus dans une plus grande etenduc, ou sont remplaces lans les points qu ils occupaient primitivement par du souffle, qui avail lisparu depuis un temps plus ou moins long, etc. 11 en est de meme pour les ocalisations bronchiques des affections catarrhales. Cette interpretation toute- ois ne saurait etre admise sans conteste pour un certain nombre de cas le pneumonie, et surtout de synoques inflammatoires, catarrhales ou gastriques, [ans lesquels il est impossible de constater cet accroissemcnt de la lesion au aoment de la pertubation procritique; il reste d ailleurs a rechercber le pour- uoi de cette aggravation si courte de la lesion. Dans 1 erysipele de la face, I ne parait pas douteux cependant que 1 elevation Ihermique (que Ton observe res-rarement d ailleurs) avant la crise ne soil liee a une nouvelle poussee; est egalement a la progression du travail phlegmasique qu il faut rattacher elle que Ton constate parfois dans 1 otite et 1 angine tonsillaire pblegmoneuse. In est-il de meme pour la rougeole? Pour cette fievre eruptive, le paroxysme le lus eleve est en rapport avec 1 epanouissement de 1 exan theme, tandis que dans i fievre initiale de la variole le maximum thermique coincide ordinairement vec le debut de 1 eruption. Quoi qu il en soit des explicatiozis, le fait merite d etre signale, a cause de on importance pratique. L exacerbation procritique n a pas toujours les memes aracteres, d ailicurs; ordinairement precedee d une remission qui peut aller asqu a simuler la crise, elle a une duree et une intensite variables ; le plus ouvent d une douzaine d heures, elle persiste parfois pendant vingt-quatre et erae iiljjrente-six heures, et meme davantage ; mais alors sa signification est douteuse : antot, dans ces cas, elle n atteint son maximum que le second jour, la remis- ion matinale de ce jour faisant assez souvent defaut ; tantot elle arrive des le >remier soir (car c est habituellement dans 1 apres-midi ou la soiree qu on i! observe) a son plus haul degre, mais persiste, avec une faible remission ependant, dans la matinee et parfois dans la soiree du deuxieme jour. C est dans e& cas ou elle va ainsi en s amendant progressivement pendant deux, trois . t quatre jours, jusqu au moment ou la crise se produit, que Ton peut se , lemander si 1 exacerbation n est pas due a une rechute, et si la periode de plu- J5i CRISE. sieurs jours qui la suit n est pas celle de preparation de la crise. L elevation thermique, qui d apres Wunderlich n atteindrait ou ne depasserait qu exception- nellement les maxima anterieurs, les depasserait assez frequemment (dans pres de la moitie des cas ou le malade a etc observe d assez bonne heure) de 0,2 a 1,2, en moyenne de 0,4 a 0,6, d apres nos observations de pneumonie et presque constamment pour la rougeole. La remission qui precede habituellement la perturbation critique, etsert a en fixer la valeur, se remarque aussi dans le cours de revolution pneumoniquea des moments divers (nous 1 avons notee 50 fois sur 81 cas, dont 24 n ont etc vus qu apres le cinquieme jour, par consequent 51 fois sur 57 a la rigueur), de preference au troisieme ou au quatrieme jour, lorsque la pneumonie se terrai- nait au cinquieme, au septieme ou au huitieme, et au sixieme et au septieme jour quand la crise avail lieu le neuvieme, le dixieme ou le onzieme jour ; elle se manifeste parfois a deux ou trois reprises et devance en general de vingt-quatre a quarante-huit heures,et meme de trois jours la crise definitive. Sa duree, ordi- nairemenl de douze heures, peut cependant se prolonger pendant un et meme deux jours, et dans ces cas, si la remission est assez prononcee pour atteindrela norme et meme tomber au-dcssous, on est fort embarrasse pour decider si Ton est en presence de la crise, de I amendement preparatoire ou d une fausse crise : 1 epoque prematuree de 1 apparition de cette amelioration, sa produc tion inopinee et rapide, son defaut de rapport avec les autres phenomenes accu ses par le malade, sa liaison avec uue intervention therapeulique, seraient, d apres Wunderlich, les elements du diagnostic. Ilippocrate avail deja averti qu il fallait que les signes en bien n arrivassent pas trop tot, fussent precedes des signes de coction, etc. Depuis Galien on admet generalement que la crise se fait de deux facons; 1 une rapide, manifeste, a\ec excretions abondantes, insolites meme, ou des depots, des abces : c est la crise legitime ; 1 autre plus leute, insensible, sans evacuations ni depots : c est la lysis, la solution. Cetfe distinction, fondee si Ton veut exprimer les deux formes les plus communes d un meme fait, ne peut ce pendant etre etablie d une fagon absolue ; car il existe entre les formes extremes, a caracteres tranche s, tous les intermediaires, tant au point de vue de la rapidite de la marche que de 1 intensile des phenomenes critiques, qui ne consistent pas toujours, comme le voulaient les humonstes, en evacuations ou depots. La con firmation de cette distinction qu on a cru trouver dans les etudes ihermome- triques est susceptible des memes objections. En se basant sur la rapidite de la defervescence (confondue avec la crise), on a admisdes crises tres-rapides (en deux et quatre heures), rapuies (en d^uze ou trente-six heures), lentes ou trainantes (durant plusieurs jours, de trois a cinq jours, pour Hirtz) ; 1 observation clinique n est pas favorable a une division aussi nelte. Pour ce qui concerne le type tres-rapide de la fievre intermittente, il n est exact que si 1 on considere la duree absolue : car, si on compare la duree de la defervescence a celle des autres periodes, on constatera facilement que c est le type des defervescences lentes (voir fig. 1). Quant aux defervescences rapides, il nous est impossible d accepter 1 inter- valle maximum de quarante-huit heures pour leur realisation, tout en recon- naissant que c est la duree observee le plus communement ; mais as-ez sonveotla defervescence, ayant debute dans I apres-midi ou dans la soiree, se continue toute la journee du lendemain et du surlendemain, et ne se termine que le troisieme CRISE. 255 jour, au matin, de facon a se prolonger au moins soixante heures ; dans quelques cas, qui ne sont pas tres-rares, soil a cause de la temperature elevee du fasti- gium, soil a cause de 1 abaissement hyponormal qui se montre dans la matinee du troisieme jour, soil a cause d une exacerbation vespertine qui interrompt la descente le deuxieme jour, cette chute de temperature met trois et qualre jours a s effectuer, sans quele caractere de crise proprement dite soil altere. Si Ton peut contester cette interpretation pour les fails dans lequels la descente a lieu d une fagon saccadee, avec exacerbations vespertines quotidiennes, mais de plus en plus basses, on ne saurait le faire pour les cas dans lesquels la descente se produit d une facon continue comnie dans les suivants de pleuro-pneumonie, qui sc SOP > en outre, accompagnes, le second surtout, de sueurs abondantes (nous n indiquou < qne les chiffres se rapportant a la defervescence) : MATIN. SOIR. MATIN. SOIU. > jour 39,9 40,0 5- jour 40,0 4O,1 " 39,4 S8,8 6 - 39,4 39- ,2 8- - 37,5 57vJ 7 39,0 36*,0 9 36,S 37 ,2 8- 35,o Lc maximum avait ete de 40o,6 pour le premier, au quatrieme jour, ct de 40,4 pour le second, au meme jour. La defervescence, bien quo continue, a done mis au moins soixante heures a se realiser; le meme laps de temps peut etre necessaire, a plus forte raison, si 1 abaiseement thermiqae est interrompu par une exacerbation merae momentanee. La duree de la defervescence n est pas d ailleurs le seul phenomene a envisager, pour apprecier si Ton est en presence d une crise a forme sensible ou d une crise a forme insensible. D un autre cote, la crise par lysis peut ne dcmander que de trois a cinq jours pour se produire, surtout quand la temperature du fastigiuni est peu e levee, et que la marche de la maladie est naturellement remittente : ainsi la solution de ccrtaines affections catarrhales, de quelques epanchements pleureliques, de cer- taines formes d erysipele ou d epanchemeut pleuretique, de formes abortives de la fievre typhoide, se realise entre trois et huit jours et meme plus. Mais, dans ces derniers cas, ce n est que par la comparaison avec des formes plus accentuees que Ton est autorise a admetlre 1 existence de la crise. Dans les formes intermediaires, le meme laps de temps peut done ctre neces saire a raccomplissement d une crise ou d une lyse, et c est d apres d autres considerations, tirees de 1 ensemble des phenomenes, que Ton se decidera pour 1 existence de 1 une ou de 1 autre. Ces reserves faites, nous ne faisons aucune dilficulte de rtconnaitre que frequemment les deux types de crises sont nette- ment distincts et peuvent etre decrits a part. Le caractere essentiel de la crise proprement dite est 1 amelioration subite qui se produit dans 1 etat du malade au moment de la plus grande violence des symptomes ou apres une 1 aible diminution de ceux-ci ; malgre la persistence des lesions anatomiques, qui dans la pneumonie, par exemple, mettent souvent plusieurs jours encore a se resoudre, le sujet eprouve uu sentiment de soulage- ment notable qui demontrerait, s il en etait besoin, la part preponderate des troubles fonctionnels dans le malaise morbide. En meme temps que la chaleur febrile tombe, le rliythmc de la circulation s abaisse rapidement, et il n est pas rare, dans les crises rapides, surtout avec accompagnement d evacualions abon dantes, de le voir tomber a 60, 56 et meme 48 pulsations a la minute ; celui de la respiration subit une diminution parallele, parfois un peu retardee, mais 2j,6 CRISE. non constamment, par les lesions pul monaires ; les troubles du systeme nerveux s amendent, la langue s bumecte, la peau s assouplit, etc. ; toutes les fonctions, en un mot, tendent a revenir promptement a 1 etat normal. Cette amelioration remarqiiable s accouopagne ordinairement d evacuations plus on moins notables, ou de fluxions sur diverses organes, d eruptions cuta- nees ou de phlegmasies, et mumede gangrene, dil-on ; parfois de troubles nerveux plus ou moins insolites : convulsions, surdite, etc. II y a done des crises avec evacuations et d autres sans eliminations apparentes. Parmi les premieres, il convient de distinguer 1 exageration de secretions naturelles, la sueur, les dejec tions alvines, les flux divers, et les evacuations decidement pathologiques, telles que les bemorrbagies, les suppurations, etc. Assez commune ment d ailleurs, plusieurs de ces excretions se realisent simultanement ou successiveraent, et c etait meme 1 opinion d Hippocrate et de Galien, que la crise pour etre garfaite devait etre universelle, c est-a-dire porter sur la plupart des grandes ibnctions: la sueur et les bemorrbagies, la sueur et les eruptions; les urines et les dejec tions alvines vont assez souvent ensemble ; tandis que la sueur et les dejections alvines, celles-ci et les bemorrbagies se font souvent opposition et d babitudo ne se produisent, s il y a lieu, qucsuccessivemcnt. En outre de ces evacuations communes, qui se peuvent rencontrer dans toute espece d affeclions, et dont la manifestation est commande e par la nature deces maladies, ou les conditions individuelles du sujet, il en est d autres, plus spe- ciales, qui sont en rapport avec les localisations pathologiques : ainsi 1 expecto- ration pour les maladies pulmonaires, les eruptions pour les fievres exanthema- tiques, la salivation pour la variole, etc. Les deux sortes de phenomenes s asso- cient babituellement et se confondent meme parfois : ainsi les evacuations alvines se rencontrent dans les crises communes et sont egalement la crise speciale des maladies du tube digestif. Les anciens pensaient que les crises*^ realisent de preference vers la fin de la nuit ou sur le matin; d apres Tbomas (de Leipsig), le plus grand nombre debute sur le soir, tres-tard, entre neuf heures et minuit, un nombre moindre commence dans la premiere moitie de la journee. Nos releves de temperature, ne comprenant habituellement que deux mensurations par jour, ne nouspermet- tent pas une opinion personnelle a cet egard ; toutefois nous pouvons dire que, sur 81 cas de pneumonie, la defervescence a ete 53 fois constatee d abord le matin et 28 fois dans 1 apres-midi. La duree de la crise est variable, nous 1 avons vu, et parait ordinairement en rapport aveccelle de la inaladie, sans qu il y ait rien de fixe a cet egavd : ainsi dans la pneumonie la defervescence pent etre aussi prompte lorsqu elle se mani- feste au onzieme ou au quatorzieme jour que lorsqu elle se montre au cinquieme ou au sixieme ; celle de la rougeole est rapide apres une periode d invasion assez longue, et c est 1 inverse pour la plupart des scarlatines. II n est pas davantage entierement exact de dire que la crise est d autant plus rapide et plus pro- chaine que la temperature d invasion est arrivee plus vite a son maximum, et vice versa (Hirtz). II est plus babituellement vrai que la defervescence est plus rapide dans les maladies a moyenne thermique clevee; mais ici encore ily a des exceptions: la fievre typboi de, certaines scarlatines, etc. La crise debutant le matin serait plus longue, d apres Thomas, que celle du soir. L evolution critique est tantot continue, c est-a-dire s accomplitd unseuHi ai ) bien que la defervescence se ralenlisse d habitude dans 1 apres-midi, tantot entre- CRISE. 257 coupee par des retours ascensionnels vespertins. Dans Tun et I autrc cas, on peut voir la temperature tomber, en trente-six heures ou quarante-huit hcures, de 5 a 4, 5 et meme de 5. II n est pas rare devoir la chute de la temperature depasser la normale, descendre a 365 et jusqu a 35, chiffre qu elle de passe tres- rarement, et des phenomenes de collapsus avec phenomenes nerveux, delire meme, se produire; cela arrive d autant plus facilement que 1 abaissement ther- mique est plus rapide et plus etendu. La lenteur extreme du pouls et les cir- constances dans lesquelles ces phenomenes se produisent servent a eviter 1 erreur dans laquelle on pourrait tomber, en confondant cette amelioration trop rapide avec la prostration el la refrigeration d une periode proagonique. Get e tat peut ne durer que vingt-quatre heures ou persister plusieurs jours, sans que la gue- rison soil entravee (Wunderlich). Les anciens pathologistes avaient deja reconnu le peu de gravite de cet etat, qn ils consideraient a tort comme celui de la crise, alors qu il n en elait que la consequence. 11 s observe surtout, en effet, lorsque des evacuations abondantes, de la sueur principalement, ont amene une deperdition de chaleur qui n a pu etre compensee par I hyperthermogenese febrile, alors supprimee. D autres fois, la marche de la crise se trouve interrompue; apres un debut rapide, permettant d esperer une guerison prochaine, il y a des recrudescences de 1 etat pathologique, et ce n est qu apres deux ou trois tentatives ainsi avortees que la crise definitive se realise : ce fait est assez commun, nous 1 avons dit, dans la pneumonie, dans 1 erysipele dela face. Dans d autres cas, apres un debut analo gue, il y a arret de la defervescence, qui devient trainante, gencralement avec exacerbation vespertine; il faut alors songer a une complication qui rend la crise imparfaite : ainsi 1 apparition d un epanchement dans le decours d une pneumonie; car la presence ou 1 absence des le sions locales initiales, dans cette derniere maladie, ne semble pas beaucoup inlluer, pendant quelqucs jours tout au moins, sur 1 etendue de la defervescence; plus tard, si leur resolution ne s effectue pas, ces reliquats peuvent donner lieu a une fievre secondaire. Dans tous ces cas, la temperature, la respiration et la circulation suivent une marche a peu pres parallele ; nous disons a peu pres, car assez souvent le rhytlime circu- latoire se maintient eleve, s il y a des complications, bien que la temperature baisse. Lorsque la crise met plusieurs jours a s accomplir, lorsqu elle se fait par lyse, selon 1 expression consacree, les phenomenes qui la signalent sont moins accen- tues et plusieurs peuvent faire defaut : ce n est que progressivement que I yme- lioration se manifeste ; la defervescence se fait par saccades, selon le modebrise, t est plus frequemment interrompue par des recrudescences que dans le type critique proprement dit ; par contre, les temperatures hyponormales y sont plus rares. La circulation et la respiration reviennent egalement petit a petit a la fre quence physiologique, au-dessus de laquelle elles restent assez communcment, pourtant, pendant un temps plus ou moins long. Les evacuations critiquesnefont pas absolument defaut; on peut observer des sueurs, des dejections alvines ou des flux urinaires, par example, ou des suppurations, des depots; mais on voit rarement des hemorrhagies, a moins qu elles ne soient symptomatiques, ce qui parfois aussi est le cas pour les abces et les depots ; ces evacuations sont d ailleurs peu considerables, d habilude, et souvent ne se produisent pas. On peut, du reste, rencontrer tous les intermediaires, nous ne saurions trop insister sur ce point, entre la crise avec phenomenes manifestes, insoliles meme, DICT. ENC. XXIII. n CRISE. et la crise par phenomenes insensibles ; les cas extremes sont seuls bien tran ches. Les memes affections, suivant lessujets, peuvent presenter Tune ou 1 autre forme de solution : ainsi la pneumonie, 1 erysipele, 1 angine tonsillaire, etc. ; cependant il en est qui revetent plus particulieremcnt la derniere : ce sont les c tats palhologiques amarcheremittente, ordinairement assez longue, a tempera ture moyenne peu elevee, tels quo les affections caturrhales, le rhumatisme articulaire aigu, les epanchements pleuretiques, la fievre typhoide, le typhus exantliematique ; ces derniers toutefois font exception pour la moyenne (hermique. Pour finir la description de la crise envisagee dans ses traits generauxTil ne nous reste plus a dire maintenant que quclques mots sur la periode epicri- tique. Cette periode n est guere appreciable dans les crises par lysis, ou elle se confond avec la convalescence ; mais il n en est pas de meme dans la crise proprement dite, ou elle est d autant plus manifeste que celle-ci a ete plus rapide. Dans cette periode, la crise se complete, en quelquc sorte ; la resolu tion des lesions analomiques se termine, les excretions suspendues ou modifiers par 1 etat febrile non-seulement reparaissent comme en saute, mais paifois subissent une sorte d exageration momentanee ; les eliminations, s il y a lieu, s achevent : c est la constatation de ces fails, abusivement generalises, qui aporte plusieurs auteurs a regarder tons les phenomenes critiques comme des resultats de la crise. Parfois meme c est a ce moment qu apparaissent le de lire et d autres troubles nerveux, s ils n existaient deja auparavant, bieu que leur disparition coincide habituellement avec la realisation de la crise. La temperature hyponor- male, dans le cas de collapsus, peut se maintenir pendant un ou deux jours, et meme plus, sans danger d ailleurs, ou bien revenir progressivement ou rapide- ment au degre pbysiologiquc. La circulation et la respiration gardent encore, dans les memes circonstances, leur rhythme ralenti, qui deviendra plus tard, pendant la convalescence, accessible aux moindres influences d acceleration. Nous ne parlons pas du retour de 1 appetit et des forces, qui appartient plutot a la convalescence ; toutefois celle-ci, meme dans le cas de crise rapide, peut suivre presque immediatement. Enfin dans des conjonctures exccptionnelles, et en dehors des cas dans lesquels la mort est due a une complication ou aux progres de lesions non enrayees par la crise, telles que les degenerescences du muscle cardiaque, le sujet peut succomber gueri, epuisc par les depenses orga- niques qu a necessities la crise. Ces terminaisons facheuses sont tres-rares, raais il est bon d etre prevenu de leur possibilite. Les considerations precedentes concernent les crises des affections pyreti- ques aigues ; mais elles sont egalement applicables, avec quelques restrictions, aux crises des affections aigues peu ou point febriles, et meme, en partie, a celles des maladies chroniques. On aconteste 1 existence des crises dans ces deux der niers ordres de maladies, et Ton etait dans le vrai si la chute de la fievre est le caractere essenliel de la crise ; mais il faudrait le demontrer. La fievre est le phenomene qui indique le plus nettement la participation de tout 1 organisme a 1 etat pathologique, et la crise, la tradition 1 a c tabli, est un mode de solution des maladies generates; mais 1 economie ne peut-elle tra- duire sa sonffrance que par la fievre? Personne n oserait le soulenir, et d ail leurs le mouvement pyretique n a pas loujours la meme valeur dans le syndrome morbide. Qu un epanchement pleuretique, apres douze ou quinze jours de duree, CRISE. vienne a disp.iraitre rapidement, en trois jours, deux jours meme, ainsi que nous en avons vu des exemples, a la suite de sueurs abondantes ou d une diu- rese copieuse, dira-t-on que ce fait merite ou non 1 appellation de crise, suivant que le porteur de 1 epanchemenl avail ou n avait pas de fievre? Bien que le trouble pathologique soil ici plus localise que lorsque la fievre exisle, il n y en a pas moins eu travail d ensemble synergique pour la resolution et 1 elimina- tion de 1 exsudat. Et meme quand il y avail encore un certain degre de chaleur febrile, 1 et quelques dixiemes en plus, ou en moins, quelle etail ici 1 impor- lance de la diminution de temperature eu egard au travail de resorption de 1 epanchement ? iNous en dirons autant pour les dkrrhees ou les eruptions cutanees que Ton constale assez souvenl a la suile de certains empoisonnements, apres un sejour plus ou moins prolonge dans un milieu miasmalique : il est bien peu dc medc- cins qui n en aient e"te le sujet au debut de leurs etudes anatomiques. C est une consequence d une intoxication, dira-t-on ; d accord; mais cela empeche-t-il que, lorsque des evacuations font disparaitre un elat dc malaise, de cour- bature, d embarras gastrique, qui durait depuis plusieurs jours, el les ne revetenl le caraclcrc critique ? Ici encore ne recevront-elles cette designation que lorsqu il y aura eu de la fievre? Ou ne sont-elles possibles qu a celle condition? La terminaison de la dysenterie par un flux diarrheique rentre en parlie dans les fails que nous cherchons a elablir ; mais on peut y voir un fait de derivation, comme on peut attribuer a une simple action mecanique le soulagcmenl de certains etats eongeslifs, a la suite d hemorrhagies de differents genres. Tou- tefois il faut faire une exception pour le flux mcnstruel, dont ( apparition seule met fm aux desordrcs si divers et parfois si graves qu engendre sa suppression ou la dilficulle de son premier etublissement. On objectera (jue dans le premier cas, plus commim dans les maladies chroniques, il esl vrai, il n y a rien d eton- nanl a ce que la maladie cesse avec la cause qui 1 a delcrmiriee; mais n est-ce pas ce qui arrive dans les affections febriles auxquelles donna naissance la per turbation des functions cutanees et qui se guerissent si communement par un llux sudoral, c est-a-dire par un relour de ces fonclions, momentanemeiil exage- rees meme? Et dans le second cas, faudra-t-il absolument qu il y ait de la fievre (chose assez frequents d ailleurs), pour que 1 hemorrhagie menslruelle soil regardee comme critique ? Nousnepretendons pas que la ressemblance soil complete enlre les troubles que suscite la realisation difficile d une fonction et ceuxquicaracterisenl une maladie de tout autre origine : dans 1 une, la crise est une phase, un mode de ter minaison d un etat morbide anterieur, conslilue en dehors d elle, pouvanl evoluer et guerir meme sans elle ; dans 1 autre, c est 1 evacuation supposee cri tique dont la production cnlravee procure (exige, disent les partisans des fievres synergiques) le Irouble pathologique. Ce dernier, pour n elre que subordonne, en est-il moins juge par 1 hemorrhagie uterine, quelquefois remplacee ou precedee par des epistaxis, des hemoptysies, etc. Au point de vue pratique, les indications different-elles dans les deux cas? Evidemrnent non. Sans confondre les deux especes, il convient par suile de les rapprocher 1 une de 1 autre. II y a done des crises dans les maladies aigue s apyretiques ou accidentelle- ment et mediocrement febriles; lorsque la fievre existe, elle imprime un carao 260 CRISE. tere plus accentuea la crise, elle en favorisememe la realisation, mais elle n en est pas une condition indispensable. Ce qui domine, dans ces sortes de solutions, ce sont surtout les evacuations humorales, parfois des troubles du cote du sys- teme nerveux, et te fait seuli-tablit unc difference marquee dans la symptomato- logie dc la crise dans les deux groupes de maladies en question : dans les affec tions pyretiques, la cbute de la fievre est le seul phenomene critique necessaire, elle seule suffit parfois a les denouer, en 1 absence de tout autre signe; dans les maladies aigues sans fievre, les autres signes judicateurs ne pcuvent faire defaut sans que la crise disparaisse a nos yeux; ils acquierent done ici une importance qu ils n avaient pas tout a 1 heure, ils deviennent constitutifs de la crise : le changement decisif en mieux est lie a leur apparition. II en resulte une modifi cation notable dans la physionomie de la crise, dont les differentes peiiodes sont moins tranehees et dont les traits varient en outre extremement, suivant les divers phenomenes critiques dominants, de facon a ne pas permettre une des cription d ensemble, comme dans les affections auxquelles la fievre fournit un caracterc commun . Nous en parlerons plus utilement en etudiant a part les principaux de ces phenomenes. Les maladies chroniques peuvent-elles se terminer par crise ? Un assez grand nombre d auteurs le contestent et font remarquer que les faits rapportes a 1 appui de 1 admission des crises dans ces sortes d etats pathologiques sont des exemples de metastases, de complications, etc., qui ne merilent nullement le titrc qu on leur a donne si facilement. L observation est fonde e pour laplupart de ces faits, mais ne doit pas etre generalisee. La solution par crise, pour etre rare dans les affections de cet ordre, par suite meme de la lenteur de leur evolution, n en est pas moins possible, et peut-etre 1 observerait-on plus frequemment si Ton y portait plus d attenlion. Les maladies chroniques out les memes phases, les memes temps, comme dit Bordeu, que les maladies aigues, et si la plupart persistent dans la periode d etat ou vont en s aggravant, un certain nombre sont susceptibles de guerison, et prcsentent, par consequent, une periode de restauration qui pent affecter le caractere critique. II convient d abordde distinguer, dans les affections chroniques, des crises de lout point semblables a celles des etats aigus, et qui mettent fin a ces affections memes, et des crises partielles, qui ne jugent que certaines manifestations de ces affections : arces de fievre intermittente, attaque de goutte, d hysterie, etc. Ces dernieres, a rigoureusement parler, ne devraient recevoir cette designation que si cbaque paroxysme constituail une maladie se paree, ce qui n est pas; mais 1 usage a prevalu de les considerer ainsi, d apres des motifs assez specieux pour qu on le suive. Les unes et les autres se produisent de deux facons, ainsi que dans 1 e tat aigu, suivant qu elles s accompagnent ou non de fievre (en entendant qu il s agit d un mouvement febrile appartenant a la maladie, etnon d une complication ou d une maladie intercurrenle, car la guerison ne serait plus due alors a une crise, mais a une substitution, a une action antagoniste, etc.). Dans le premier cas, que Ton observe dans les affections chroniques qui reprennmt ou revetent mo- mentanement les caracteres de 1 etat aigu (comme dans les diverses localisations chroniques du rhumatisme, de la goutte) et dans les episodes aigus de quel- ques-unes d entre elles (comme dans les acces de fievre intermiltente, certains acces de goulte, etc.), les crises ne different en rien de celles des maladies GRISE. 201 aigues, sauf qu elles se presentent presque constamment sous la forme lytique. Dans le deuxieme cas, qui se rapporte a la disparition d etats pathologiques varies, soil affectifs, soil localises et souvent mal determines (migraines, dys- pepsies, nevroses diverses, hydropisies, etc.), ce sont le> phenomenes d excre- tion qui dominent, dememe que dans les crises des maladies aigues apyretiques. C est dans celte eategorie que Ton peut ranger la guerison de 1 epilepsie, de 1 hysterie et d autres nevroses, a I epoque de la puberte, par l instauralion du flux menstruel ou par des epistaxis. Phenomenes critiques. 11 n est pas un seul phenomene, pour si insignifiant qu il soil on si etranger qu il puisse etre a une solution favorable de la maladie, qui n ait ete considere comme critique par les medecins des temps passes; pen instruits sur 1 anatomie et la physiologie pathologiques, et admettant, pour la plupart, la definition de la crise emise dans le livre des Affection*, nos devanciers confondaient sous cette denomination, avec les signes critiques non douteux, les metastases, les complications, des manifestations purement symptomatiques, et meme de simples epiphenomenes. G est ainsi que Ton trouve cites, meme par des ecrivains recents, comme phenomenes critiques : 1 hydrocele dans le rhumatisme, les erysipeles et les suppurations dans les fievres graves, 1 he- matemese dans les maladies de la rate, ou 1 hydropisie dans les fievrcs intermittentes, et les sudamina, la miliaire, dans loutes les affections febriles. Ilserait fastidieux et sans aucune utilile de donner ici la nomenclature, i or- cement incomplete, de tous les phenomenes doues de caracteres de ce genre paries auteurs ; il nous suffira d indiquer les principales divisions dans les- quelles on les a classes, et d etudier les plus communs et lesmoins contestables d entre eux, ceux que Ton peut rencontrer dans la plupart des maladies : les sueurs, auxquelles nousrattacherons les eruptions cutanees, les urines dites criti ques, les evacuations .uasti o-intestinales et les hemorrliagics, pour les crises avec matiere, et les convulsions pour les crises sans matiere, en indiquant brievement pourquoi nous rejetons certains actes generalement acceptes comme critiques, tels que les abces, les parotides. Les classifications des phenomenes critiques out pour base, les unes le siege ou la nature de ceux-ci, les autres, leurs modes d action dans le travail curateur. Landre-Beauvais, dont la classification a ete le plus souvent reproduite, adopte la premiere de ces bases (Diet, des Sc. med., art. CRISES, t. VII), et divise les crises en quatre grands groupes, suivant qu elles se font par les muqueuses, la peau, les glandes ou le tissu cellulaire : dans les crises par les muqueuses, setrouvent reunis les hemorrhagies et les flux, les crachats et les dejections alvines, etc. ; tandis que les flux d urine figurent a cote des parotides et des bubons dans le troisieme groupe ; les eruptions cutanees sont placees naturclle- ment dans le second groupe avec les sueurs, tandis que les furoncles rentrent dans le quatrieme avec les fluxions ct les gangrenes. M. Em. Berlin, frappe de ces inconvenients, se place au point de vue symptomatique, et, apres avoir range les crises en deux categories, avec matiere et sans matiere. classe les pre mieres en cinq groupes, suivant qu elles se produisent par hemorrhagie, par secretion, par eruption, par fluxion, inflammation et suppuration, ou par mor tification : les crises sans matiere comprennent la fievre, les convulsions, le sommeil et differents troubles sensoriels (Em. Berlin, these de Montpellier, 1858). C est a un autre point de vue, plus medical, mais susceptible de quelques 362 CR1SE. objections, celui du role joue par 1 acte critique, que s elait mis Andral quand, dans une remarquable these d agregation, soutenue en 182i, il distiibuales crises eclectiquement, selon qu clles dependent dechangements dans les humeurs ou de mouvmients des solides, en cinq groupes amsi formes : crises par deperdi- tion des humeurs (sang, bile, mucus, etc.) ; par deperdition metastatique des humeurs (commc lorsqu un flux urinaire fait disparaitre une hydropi-ie) ; par translation d une inflammation (diarrhee dans les maladies cerebrales, etc.) ; par translation d un mouvement fluxionnaire, different de rinflammation (sueurs et evacuations varices, mais pen abondantes, dans la pneumonic, etc.), enfinpar elimination d une matiere morbide contenue dans le sang. La clas.sific;ition proposee par M. Pecholier (Revue tke rapeutique du Midi, n 2, 1858, Montpellier) est egalcment fondee sur la physiologic palhologique, et repose sur le caraclere de 1 eflbrt qui produit la crise et sur la direction que cet effort affecte. Admettant que les divers mouvements qui les constituent sent des mouvements fluxionnaires, M. Pecholier reconnaitdes crises par delitescence, pur evacuation dirccte de la fluxion, par melastase el par contre-fluxion (revul sion ou derivation). Cette division nous paruit superieure, sous certains egards, a celle d Aiuiral ; mais si elle est plus logique, parce qu elle a un point de depart unique, elle n echappe pas plus que celle-ci au reproche de ne pas s appliquer a tous lescas et de separer des chores souvent connexes ; c est la d ailleurs une difficulte insurmontable, puisqu elle ticnt a la nature meme des choses a clas- ser, qui sont non des etres distincts, mais des rapports necessairement multi ples et changeants. Nous ne tenterons done pas une nouvelle repartition des crises ou des phenomenes critiques, celles qui precedent suffisaiit largement a soulagcr la memoire; nous ferons seulement remarquer qne, dans les deux der- nieres, il s agit plutot des crises que des phenomenes critiques, et que c est 1 inverse pour les deux premieres. Nous venous de parler des rapports des phenomenes critiques avec la crise, a propos des classifications ; c est ici le lieu de i appeler que les phenomenes cri tiques n ont nullcnient ce caractere par eux-memes, et qu ils ne sauraient etre separes du changement dans revolution morbide dont ils sont la manifestation ou le moyen. Suivant les circonstances, le meme phenomene peut etre sympto- malique ou critique, et, dans ce dernier cas meme, n a pas toujours une valeur identique. Sous le benefice de cette observation, nous allons exposer a part les caracteres principaux des phenomenes critiques les plus communs, et essayev de preciser leurs relations avec la crise elle-meme. Sueurs. Sans aller jusqu a pretendre, avec Van Ilelmont et quelques autres systematiques, que la sueur est un phenomene critique universel et necessaire, oil doit reconnaitre qu elle se rencontre dans un grand nombre de maladies au moment de la crise, et Ton se rend facilement compte de sa frequence et de son importance dans ce cas, en se rappelant 1 etendue de la peau, sa richesse en glandes, en vaisseaux et en nerfs, et le role considerable que la perspiration cutanee jone dans 1 elimination d une partie des produits de la combustion interstitielle et aussi dans la regularisation de la temperature organique. Les sueurs critiques doivent etre generates, d une certaine abondance, chaudes, fluides, formant des gouttelettes ou se vaporisant facilement, et etre bien suppor- tees par le malade, qu elles soulagent et dont elles contribuent a abaisser la temperature, quand il a de la fievre (comp. Pronostic, 6) ; parfois cependant elles se reduisent a une legere moiteur, qui passe inapercue a une observation CRISE. 263 superficielle, mais n en a pas moins un caractere avantageux. Lcs sueurs par- tielles, bornees au couet a la face, a la tete, froides, s accompagnaiit ou nou de railiaire, de meme que les sueurs profuses de meme qualite, visqueuses, ne coincidant pas avec une amelioration de la situation, sonl d une signification inverse (Pronostic, 6, Aphor., sect. IV, 56) : ce sont celles qu on rencontre dans les fievres graves, adynamiques, et dans les collapsus, dans les periodes agoniques ou dans 1 asphyxie. D apres les recherches d Andral, les sueurs ne seraient jamais alcalines, mais pourraient devenir neutres, reaction qui s allie- rait avec la viscosite de cette secretion (Comptes rendus de I Academic des sciences, 1848). On manque de renseignements surles autres modifications chi- miques de la sueur critique. Les relations de la diaphorese avec la crise ont ete diversement appre ciees; elles ne sont pas constamment identiques, d ailleurs. Considered par les uns comme cause de I amelioration critique, la sueur a ete envisagee par d autres, par les solidistes surlout, comme une simple consequence du retablissemenl do. la sante, et cette interpretation a ete reeditee dans ces derniers temps, par ceux qui confondent la crise et la defervescence, avec une grande assurance, base c sur une pretendue demonstration du fait par les recherches thermometriques. Gette assertion resulte evidemment d une observation incomplete. Nos recherches personnellcs et celles qui ont ete faites avecle plus grand soin, a notre instiga tion etsous notre direction, parledocteur Slawecki (these de Montpellier, 1875), etablissent d une maniere irrefutable que, dans 1 acces de fievre intermitlente, par exemple, la sudation commeace peu apres que le maximum thermique a eHe atteint ou, au plus tard, au moment ou la defervescence va seproduire. Lorain, depuis, a meme vu au moment de 1 apparition de la sueur la temperature axillaire s elever de 0,2, de 40, 8 a 41 degres, tandisque la temperature rectale, buccale, etc., baissait d autant, de 41, 4 a 412 (Btudes de me decine clinique, t. II, p. 38. Paris, 1877). Ce qui a induit quelques observateurs en erreur, c est que cette sudation n est d abord constitute que par une simple moiteur, non permanente meme au debut, qui augmente ensuite de facon a tormer des gouttelettes de sueur aux tcmpes, au front el aux ailes du nez, etc., et que c est seulement une fois 1 acces termine, souvent pendant le sommeil qui le suit assez ordinairement, qu une sueur profuse baigne le sujet et appelle son attention. Mais, pour s assurerdufait sans contestation possible, ilestnecessairede suivre 1 evolution de I acces d une facon continue, en ne laissant pas d une minute, pour ainsi dire, la lecture du thermometre place dans 1 aisselledufebricilant. Pourelu- cider plus completement cette question, nous avons joint a 1 observalion ther- mometrique celle de la perte de poids subie par le corps du patient pendant I acces, au moyeii d une balance-lit, sensible a moins de 10 grammes, que nous avions fait construire a cet effet. Des deux courbes ci-dessous, la premiere represente les variations de tempera ture, de pouls, de respiration et de poids, d un individu atteint de (ievres inter- mittentes doubles-tierces, depuis le de but de I acces jusqu au moment oil la defervescence commence (nous n avons suivi personnellement le sujet que jus- qu a sept heures du soir et ne repondons que jusqu a ce moment des chiffres fournis) ; la deuxieme est destinee a completer la premiere, en retracant les memes elements observes a partir de la periode d etat jusqu a ce que le niveau normal dc la temperature soit atteint. Elles etablissent (ainsi que d autres 264 CRISE. S. 15 Oct. \J. ^ b. 6 h 7" 8" I60ct M. S. IS 30 IS 15 30 IS li 30 Ib 30 ^-i Ib 30 ">5 15 M. S i&o <f! + O 5 A/ -^ _ J - ^v r ,M>> /\ s S i A / _-^ s / f ! "" \ .10 39 .00.38 80 37 60 36 20 i 100 66<< aoo TOO 00 SOO WJO 300 200 100 65" fl , N \ , \- 1 i_ / a i I _/ - " ! \ /^ ^ ^ \ ^~ _ \ \ ; / s, A - ; 1 \ s, , 1 1 / \ ^_ , ,[ 7 \ y y c *. T V r X ^-_ . ^ \ R / v^ ~^/ / -^ 5 ^ ( ^^- ( > "N , \ - / /* ^^ ^ v . / =^i. ,.^ Poi Is/ ~H c ^- ^j ^^-_ ^. = - t. - _ ^ \ \ \ \ 300 " % a< debule -a. 3 ^ o Oebiu df la* moitcxjir d. 3 60 S Debut d& Vauxee observe .- aJrcuffefhnt--da polds par la boisson _ lafyne forte ___ indi^ue ks.pesefs rcctifi&cs. ccst-d oo \ . 00 \ < 6S 1 - \ S ef^ aveo Us depardttuins par t urt7l, tar accrpisscrivntffxs dire- encJiminani/Ux causes perturbatriccs, cfiL ffn d urt^.c^ Fig. I- 1 1 - ^ 7^~ x. *s ^ ^N : k - 1 ** ~f -\ T" . Pp- ^ / V i "=d s, *s ^ " X . ~ TT- - ^ ~ ***- M h- f, f H i ~ -- - , - - -H -. r " ** _1. + Motteur axdlaire a, 11*5 m tr&evufcnte d Lz face apartir de 2^0 n dnMir (qouitelcttesde. sueur oat front et cut ail&sdu. nez.) fe j u^itr de, 8 a, 10 hciLresdu. soir Poids H n aguere e& possible d etabkr la course rectifies d&sposcata- caw" des ntTTTibreuscs ingestwns dc boisscn* haAituellcment tzvcc emission parailek d urLW d 23 f 5)<juz,ontc&bw p&nJaJitqu,je.f^aisla msite. e surteut d uj\s$eUe, (fin, a, cfc &ccrcc& pcnd&nt line courte absence /Ipartir&O * iL nty aurazt pas F*eu- d tn^roduire de- correction. ^ * ^5 ds , ! ^_ - - 11 2 3 ** c i .0038 80 37 60 36 20 600 5i)o **-oo 600 Soo ^o > . OO to bl Fis. CRISE. 265 courbes recueillies dans les memes conditions) que la deperdition sudorale et 1 evaporation pulmonaire sont au maximum au commencement de la pcriode d etat, puisque la deperdition totale en une heure est de 180 grammes (200 gr. dans un autre cas), a partir de la cessation du tremblemcnt initial, tandis qu elle n est plus que de 80 a 100 grammes, des que la tempc rature commence abaisser; ce qui peut dependre de deux conditions, au moins: une exageration momeritanee de la perspiration cutanee, qui etait notablement diminuce aupara- vant, pendant la periode de concentration, et une evaporation plus grande due a 1 elevation therm ique; mais, si cettederniereagissait seule, la difference serait moindre, car la deperdition de poids se fait ensuite progressivement, sans se- cousses (bien qu un pen plus elevee qu al etat normal, ou elle est de 60 grammes en moyenne), avec des temperatures trcs-peu differentes. Cette regularite dans les deperditions par la sueur et 1 evaporation pulmonaire temoigne, en outre, que la crise par evacuation sudorale n a rien ici de brusque. II n est pas aussi facile de constater le moment precis ou commence la sueur et ses rapports avec la temperature organique, dans les maladies febriles de plus longue duree, comme la pneumonic, par exemple, ne serai t-ce qu a cause de 1 heure avancee a laquelle debutent un grand nombre de crises. Toutcfois nous avons pu, dans plusieurs cas, constater que la sueur se manifestait en pleine exacerbation, a la veille de la crisc. Ainsi chez un pneumonique prescn- tant, le septieme jour matin 59, 7 et dans I apres-midi 398, on notait le len- demain matin 59, 1, avec une peau sec.be, et 39, 6 le soir, avec une peau couverte de sueur ; le surlendemam, neuvieme jour, la defervescence etait presque entitlement accomplie le matin (T. 377) et se terminait dans la soiree (T. 37, 6). On peut lire un fait analogue dans une these faite precisement sous 1 inspiration de Hirtz (de Strasbourg), 1 un des plus ardents dcfenseurs de 1 opinion que nous combattons (voir 1 obs. Ill de la these de M. Charvot ; Paris, 1871). Dans les rougeoles, nous avons vu la diaphorese apparaitre au moment dc la dcrniere exacerbation procntique, avec un maximum axillaire de 59,8 a 40,2. A priori, Ton pouvait supposer qu il en serait ainsi: les sueurs ne sont-elles pas 1 un des moyens les plus efficaces du mainlien de la temperature physiolo- gique, lorsque le corps est soumis a une haute temperature exterieure? Ne sait- on pas que les affections qui s accompagnent d une sudation abondante, comme le rhumatisme, n ont que rarement une moyenne thcrmique elevee? Et cepen- dant il n en est pas moins vrai que, d autres fois, la sueur ne se montre qvie lorsque la defervescence est deja commencee : ainsi chez un pneumonique (celui auquel se rapportent les h g. 5 a 10), qui la veille au soir, septieme jour, avait 40, 4, la peau rcstait seche, le matin du huitieme jour, a 39, 2, ne s humec- tait, largement il est vrai, que le soir, a 58 degres, et secouvrait a nouveau de sueur le lendemain soir, a 37, 8. Malgre 1 epoque plus tardive de leur appari tion, ces sueurs ne nous en sembltmt pas moins faire partie des manifestations critiques et contribuer au jugement de 1 etat morbide ; nous en dirons autant de celles qui apparaissent dans le declinde certaines fievres tyhoides, du typhus, et qui, a ce titre, doivent etre respectees. Toutefois, on remarque assez communement la diaphorese dans le cours des maladies sans qu on puisse lui attribuer une signification critique, a moins qu onne 1 envisage comme representant une tentative insuffisante de solution. Enfin, elle est souvent associee a d autres phenomenes critiques, aux hemorrha- i66 CRISE. gies, aux eruptions, aux flux urinaires, et quelquefois a la diarrhee, etc., de facon a difficilement permettre d etablir sa valeur reelle. Dans les maladies aigue s febriles, lasueurn est done pas toujoursune simple consequence de la guerison; elle en conslitue frequemmeut un des agents les plus utiles, soil comme moyen de depuration, soil comme moyen d abaisse- mcnt thermique, sans cependant etre indispensable a la defervescence : le fait etait important a constater, taut au point de vue pratique que sous le rapport theorique. Dans les maladies aigues mediocrement febriles, dans les affections catarrhales, dans certaines localisations, telles que les epanchements pleuretiqnes, la sueur sert assez souvent aussi de solution, soil par criserapide, soil plulotpar lyse, et nous 1 avons deja signalee comme moyen de depuration dans certaines intoxica tions miasmatiques. Dans les affections chroniques, dans les maladies rbumatismales surtout, la sueur joue egaleincnt un role curateur, qui pent aller jusqu a la crise veritable. La crise par les sueurs etant admise, peut-on la prevoir? Les auteurs four- nissent a cet egard des renseignements nombreux, mais dont quelques-uns paraissent s appliquer a la crise deja en voie de realisation : ils indiquent la suppression subite des selles et des urines (diminution serait souvent plus exact, pour ces dernieres surtout), parfois un frisson initial suivi d une sensation de chaleur douce a la peau, qui est le siege de demangeaisons, prend une teinte rose e ct devient plus souple ; la plenitude, la mollesse et la force du pouls, qui est en meme temps ondulant ; ce dernier signe est le meilleur, dit Galien. Bordeu veut que le pouls offre en outre une certaine inegalite, dans laquelle quelques pulsations s elevent au-dessus des pulsations ordinaires et vont en augmentant jusqu a la derniere, qui se fait distinguer par une dilatation et en meme temps une souplesse plus marquees que dans les autres (Recherches sur le pouls, etc., t. I, p. 145). Nous reviendrons sur cette question dans le paragraphe consacre aux pouls critiques. A cote de la diaphorese, dans les affections aigues, se placent la plupart des eruptions critiques (abstraction faite de celle des fievres exanthematiques), qui sont 1 expression d un mouvcment de meme nature que la sueur et sont souveut liees a sa production : ainsi les sudamina, la miliaire. Aussi ne doit-on les considerer comme critiques qu avec cette reserve, que ce sont des temoignages de la crise plutotque Tun de ses moyens de realisation. Cette rernarque s appli- que specialement a Yherpes labialis, qui se montre assez frequemment a la fin des maladies febriles, mais que Ton peut rencontrer (comme la sueur) dansleur decours aussi bien que durant la convalescence. Dans les maladies chroniques, ce role des eruptions est parfois d une plus haute importance, mais tout diffe rent : ce sont les manifestations peripheriques d affections diathesiques.et, lors- qu clles succedent a des localisations viscerales, elles sont relativement avanta- geuses, que ce soil par le mecanisme de la revulsion ou comme satisfaction mieux place e d un besoin morbide, comme complement ou consequence dela depuration cutanee, peu importe ; mais ce ne sont plus des actes critiques. Urines dites critiques. Les modifications de la secretion urinaire dans les maladies etaient etudiees avec une sorte de predilection par les anciens medecins, qui croyaient retrouver dans les qualites de 1 urine la representation de 1 etatdes humeurs que Ton supposait concourir a sa production. Sans la connaissance de CRISE. 267 ce liquide, aucun pronostic, aucnne the rapeutique rationnelle n etaient possibles, car c etait surtout par son examen quel on jugeait de la erudite ou de la coclion des humeurs. Aussi les livres hippocraliques sont-ils remplis dc remarques sur les qualites des urines, sur la signification diagnostique et pronostique de leur erudite, de leur coction, sur la valeur des nuages et des sediments qu elles con- tiennent; et dans les histoires particulieres de malades trouve-t-on presque toujours la mention de 1 etat de la secretion urinaire. On pent consulter surtout, a cet egard, le Pronostic ( 12) et les Prenotions coaques ( 54 de la septieme section). Ces remarques out etc pendant longtemps la seule source de nos con- naissances semeiologiques sur les urines, et ont ete reproduces presque jusqu a nos jours sans aucunchoix, bienquel observationclinique n ait pu en confirmer qu une tres-faible partie : car leur plus grand delaut, se<nble-t-il , est de reposer sur une generalisation abusive de quelqvies faits particuliers. Actuelle- ment, les progres de la chimie pathologique ont remis en honneur 1 examen des urines, quelquc peu deconsidere par les extravagances de 1 urologie des temps passes, rnais qui n en portait pas moins sur la plus importante des secretions excrementitiellcs, sur celle dont la composition reflete le mieux, dans une cer- taine mesure, les oscillations du mouvement nulritif. Scs niodifications chimi- ques et physiques ont done ete recherchces avec soin dans les differentes periodes des maladies, avec 1 espoir de trouver dans ces modifications le moyen d apprecier rigoureusement les variations quantitativcs et qualitatives des combustions interstitielles, dont Texageration constituerait la fievre, pour la plupart des modernes. La complexite des phenomenes a ctudier et dont V urine ne peut representer qu une resullante, la difficulte de ccrtaincs analyses, et aussi Fespecede balancementqui existe, pour relimination de certains elements, entre les reins, la peau, les poumons et le tube digestif, n ont pas encore permis d arriver a des resultats precis sur les ehangements que la plupart des consti- tuants urinaires subissent au moment de la crise ; quelques faits nouveaux ont ete acquis pourtant, et les conditions de production de quelques autres ont ete mieux determine s, de facon a realiser un progres sensible dans cette partie de Ja semeiotique. Les modifications de la secretion urinaire sont de deux ordres, les unes sont appreciates a la seule inspection, les autres exigent pour etre decelees le secours de 1 analyse chimique : parmi les premieres, dont il faut habituellement se con- tenter, en cliuique, se trouvent la quantite, la couleur, le degre de transpa rence ou d opacite, la presence ou 1 absence de depot, auxquelles on peut ajouter la reaction et la densite ; les secondes se rapportent aux variations quantitatives et qualitatives des divers constituants urinaires et a 1 apparition d elements accidenlels ou anormaux. Yoyons d abord ce qui se passe dans les maladies aigues, a crise rapide, telles que la pneumonic etl erysipelede la face. La quantite d une part, la coloration et la densite" de 1 autre, sont ordinaire- ment en rapport inverse chez le meme individu, mais le pavallelisme n cst pas toujours complet. La quantite, qui semblerait le caraetere le plus simple" a constater, est 1 un des plus incertains, a cause de 1 indocilile des malades, des evacuations invo- lontaires au moment des selles, etc.; et, d un autre cole, ses variations sont liees a des conditions si multiples, qu il est souvent difficile d en tirer des con clusions a 1 abri de toute contestation. On a dit que, diminnee pendant la periode d etat, elle augmentait au moment de la crise, et Ton a cite des chiffres qui 2G8 CRISE. semblent probants pour dcmontrer la realite d une crise par les urines ; mais il suflit de rechercher les rapports de 1 accroissement de la secretion urinaire avec les modifications thermiques pour s apercevoir que, le plus souvent, on a confondu la crise et la convalescence. II est rationnel de voir augmenter la secretion urinaire avec la chute de la temperature, et cependant nous n avons constate ce fait que 6 fois sur 15 cas (13 de pneumonic et 2 d erysipele de la face) termines par une crise rapide, dont nous avons pu suivre revolution ; et encore, 2 fois sur ces 6 cas, 1 augmentationau moment de la defervescence n a eteque relative aux jours precedents, mais n a pas depasse le chiffre atteint durant la periode d etat. Dans les 9 autres cas, la quantite a ce moment a ete inferieure ou egale a celle des jours precedents, et ne s est accrue que vingt-quatre, quarante-lmit et meme soixante-douze heures apres la crise. C est que, independammcnt des deperdi lions compensatrices qui ont lieu par les sueurs ou par les selles pendant la defervescence, et diminuent d autant 1 excretion urinaire, il faut tenir compte des quantites de boissons bues par le sujet et qui ont vane chez l un de nos malades dc deux litres par nuit, durant la periode d etat, a quelques centaines de grammes, lors de la defervescence, de fagon a compenser tres-largement 1 exces des deperditions febriles par 1 aug- mentation de la boisson ingeree. Durant la convalescence, avec la reprise de 1 alimentation, les conditions sont toutes differentes, et Ton voit generalement s augmenter d une facon notable (on a cite jusqu a 3 et 4 litres par jour) la quantite d urine quotidiennement rendue. On a cependnnt cite de veritables polyuries dans le decours de la fievre typhoide (Gharvot, X. Gouraud); mais il s agit ici de crises par lysis, dont les conditions nous e chappent actuellement ; ne seraient-elles dues qu a un accroissement des boissons prises? Nousl ignorons ; mais nous rappellerons que chez d autres typhoi- sants ce sont des sueurs abondantes que Ton rencontre dans cette meme periode. Les variations de couleur n ont pas plus de Constance; s il est commun de voir la couleur des urines, d une teinte jaune orange ou meme rouge orange, dans la periode d etat, palir vers la defervescence, il n est rien moins que rare (9 fois sur 15) de voir la leinte foncee persister jusqu apres la defervescence; chez plusieurs de nos malades, le lendemain de la defervescence, les urines con- servaient encore le n 5 de 1 echelle de Neubauer (rouge jaune) et ne palissaient qu a partir de ce moment, durant la convalescence ; tandis que d autres etaient jaune rouge (n 4) avec 40 degres. Dans la meme journe e 1 urine varie d ailleurs, de couleur, suivanl 1 alimentation ou 1 abstinence, etc.; certaines emissions par exemple, sont jaune clair, jaune orange, et d autres orange rouge. C est que, s il est probable que 1 abondance des matieres colorantes est en rapport avec les oxydations inlerstitielles, la quantite d urine rejetee, c est-a-dire la proportion d eaudans laquelle ces matieres sont contenues, influe sur 1 intensite de la colo ration, et nous avons vu combien cette quantite variait par suite de circonstances extrinseques. (Nous omettons volontairement la coloration due aux pigments biliaires, a la presence du sang et de matieres accidentelles). La densite varie egalement avec la proportion d eau ; c est dire qu assez elevee lorsque les urines sont rares, pouvant depasser 1,030, en moyenne de 1,020, 1,025, elletombea 1,012, 1, 010, lors de la polyuriede la convalescence. Le degre de transparence de 1 urine avait surtout attire 1 attention des anciens observateurs, qui attachaient la plus grande importance a sa limpidite. a son etat trouble, a sa couleur, a la presence ou a 1 absence de sediments, etc ; CRISE. 269 les traits les plus importants de la semeiotiquc hippocratique nous citerons les suivants : les urines restant tenues annoncaient la durce de la maladie, 1 eloi- gnement de la crise; celles qui devenaient troubles en indiquaient 1 approche ; mais celles qui etaient troubles des le commencement, ou devenaient claires plus tard, etaient le presage d une maladie longue et dangereuse ; 1 apparilion d un sediment uni au quatrieme jour faisait prevoir une crise pour le septieme. En realite, le degre de transparence et 1 absence ou la presence de sediments dependent de conditions extremement variees, qui empechent de porter un jugement d apres ces seuls caracteres. Parmi ces conditions, il faut faire figurer en premiere ligne 1 abondance de 1 urine, son degre d acidile, et aussi, parait-il, la quantite de pigment urinaire. En negligcant les eneoremes (images muqueux) - - qui peuvent cependant jouer, a quelques egards, le role d areometres et les troubles protluits par un commencement de decomposition de 1 urine, ou par la presence du pus, du saiT 7 , etc., on trouve que les urines dans les maladies febriles, tanlot sont e mises limpides et restent telles, tantot se troublent plus ou moins rapidement apres Jeur excretion, deviennent jumenteuses, selon 1 ancienne expression, en gardant leur teinte, variant du jaune au rouge brique, et finissent par laisser deposer, au bout d un temps variable, de quelques hcures a plusieurs jours, un sediment rose, rouge, brun ou jaune, blanc sale, etc., floconneux, rarement cristallin an debut ou poussiere (comme on le voit dans 1 urine diabetique, par exemple), tachant plus ou moins le vase. Ces sediments sont generalement composes d urates et d acide urique ; ceux qui sont constitues par des phosphates appartiennent a des urines alterees. Leur presence ou leur absence, et, dans le premier cas, leur abondancc, ne sont nullement en rapport avec la quantite reelle d acide urique contenu. Cependant, dans toutes les urines febriles que nous avons examinees, le depot effectue etait par exces ; mais il n est rien moins que rare de voir des urines rester limpides ou se troubler et deposer avec des proportions centesimales d acide urique fort iiiegales et parfois plus abondantes pour celles qui restent limpides ; ainsi une urine presentera un sediment avec 0,25 a 0,5 d acide urique par litre (couleur orange rouge, densite l,024j et un autre eehanlillon du meme sujet restera limpide avec une proportion centesimale plus que doublee, 1 gramme par litre (couleur jaune orange ; densite 1,028). Ce fait, en apparence paradoxal, depend de la composition variable du sediment et des proportions relatives d acide urique, d urates acides ou neutres, et aussi du degre d acidite du liquide, qui varie avec differentes conditions et s accroit meme peu apres 1 evacuation urinaire, par une premiere fermentation acide, d ou resulte la transformation des urates neutres en urates acides, et meme la precipitation de 1 acide urique de ses combinaisons salines. Or Ton sait que 1 acide urique est presque insoluble dans les milieux acides, etqu il exige!4 a 15,000 parties a eau froideet 18 a 1,900 parties d eau bouil- lante pour se dissoudre, tandis que 1 urate acide de soude ne demande que 1,150 parties d eau froide et 124 parties d eau bouillante, et 1 urate acide dc ; potasse 800 parties d eau froide seulement pour rester en solution. De sorte qu une meme quantite d acide urique (et c est cct acide seulque Ton dose dans le pro^ede ordinaire, par les pesees, apres precipitation par un acide, filtration ; et dessication), suivant qu elle sera libre ou en combinaison saline, restera dis- soute ou formera un depot des que sa solubilite aura etc diminuee par le refroi- 270 CRISE dissement ou 1 accroissement d aciditc de son dissolvant. La diminution des pigments urinaires par la fermentation contribuerait egalement a amener cette precipitation des urates. Chez nos ISmalades, 5 n eurent jamais de sediments dans leurs urines (avec des quantites variables et souvent considerables d acide urique, inais avec une proportion habituellement elevee du vehicule et peu d acidite de celui-ci) ; 6 en presenterent dans la periode d etat et sur ceux-la 4 dans cette periode seule- ment, et 2 dans cette periode et durant les periodes suivantes ; 1 en eut au moment de to defervescence et 5 n en offrirent que de douze a vingt-quatre et meme trenle-six heures apres la crise ; ce quifait 5 casen tout danslesquels (avec ou sans depots dans la periode d etat) le sediment ne se produisit qu apres la crise. II nous a paru que c etait apres des sueurs abondantes surtout que les sedi ments etaient le plus considerables, sans que la quantite du liquide dut etre mise en jeu pour expliquer le depot. Chez un pneumonique, une premiere sucur, au debut dc la defervescence, fut snivie d une urine limpide, de 1019-21 de densitc, avec une proportion cenlesimale de 0,125 et 0,131 d acide urique, tandis que 1 urine renduc apres une seconde sueur, a la fin de la defervescence, douze heures apres cel!e-ci, devint jumenteuse et precipita avec une proportion centesimale deO,115 ; sa densite c lant 1,01 9-20. La proportion del acide phospho- rique elait notablement moindre dans ce dernier cas (0,05 au lieu de 0,125 pourlOOc.c. ; obtenuen employantle precede volumetrique par 1 oxyde d urane) ; la proportion d acide suli urique n avait guere varie : 0,24 a 0,26 pour 100 c.c. Ces fails sembleraient confirmer ce que 1 on ecrit geueralement sur les carac- teres de 1 urine dans 1 acces de fievre intermittente : 1 urine, dit-on, serait pale, abondante dans le stade de frisson, rouge et rare durant la periode de chaleur, et sedimenteuse dans celle de sueurs. Cependant non-seulement ces caracteres peuvent faire de faut, par suite de 1 ingestion des boissons, mais 1 observation nous a appris que c est surtout dans les jours intercalates, et lorsque la fievre est enrayee, dans la convalescence, que les sediments se rencontient le plus frequemment ; nous avons memevu, dans 4 cas dont les urines ontete analyse es a celte intention, que la proportion centesimale et la quantite totale d acide urique etaient plus considerables quelques heures avant la periode de froid (ce qui depcndait tres-probablement de ce que ce moment etait aussi celui de la periode de calme qui suit la sueur dela defervescence, le type efant quotidiea retardant ou double tierce) ; tandis que les urines rendues immediatement apres la sudation restaient limpides et pen cbargees en urates, parfois meme n en presentaient que des traces. De meme, sur 6 sujets soumis a 1 usage du jaborandi, 5 apres une sudation mediocre ne presenierent pas d exces d acide urique, alors que les urines du seul qui eut sue abou lamment, presque depourvues d acide urique durant la periode de sueur, en continrent quelques heures apres une quantite double de la proportion constatee avant 1 experience (0,21 au lieu de 0,11 pour le liquide rendu dans 1 intervalledequatre heures) ; mais par suite de I ingpstionde boissou, les urines les plus riches en acide urique etaient les plus limpides ; cequi prouve que si la sucur a quelque influence sur la production des sediments urinaires, ce n est pas seulement en conccntrant le liquide dans lequel ils sont contenus. En resume, 1 apparilion des sediments urinaires se remarque atoutes les pe riodes des maladies aigues, mais de preference durant la defervescence et la convalescence. Durant la periode d etat, les sediments peuvent indiquer unu GRISE. 271 tendance a la solution par les sueurs, et, a ce point de vue, ne manquent pas d une importance pronostique qui leur fait defaut si on les envisage isolement. II y aurait encore a montrer les resultats que fournit 1 analyse chimique ; mais ceux que nous avons obtenus et qui confirment ce que Ton savait de la diminution de 1 uree, et de 1 accroissement des chlorines au moment de la conva lescence, n ont aucun caractere pratique. Nous nous bornerons a dire qu il est inexact de pretendre que 1 uree varie en raison inverse de 1 acide urique, et que 1 accroissement du premier de ces principes, signaleparM. Cliarvot, au moment de la defervescence, tient habituellement a la reprise de 1 alimentalion. \ foiscepen- dant sur 15, nous avons observe une augmentation brusque de 1 uree au moment dc la crise (45 grammes au lieu de 20 grammes la veille. et 28 grammes le lendemain) avec le meme regime. Rien de sur pour les matieres extractives qui paraissentcependant en raison inverse de 1 ure e. Relativementaux principes anor- maux, tels quel albumine, ils disparaissent ordinaivement dans les crises completes. Quant aux urines critiques des maladies chroniques ou subaigiies, elles auraient les caracteres de toutes les polyuries : limpidite, faible dcnsite, reaction peu acide, etc. Evacuations gastro-inteslinales. Bien que les fonctions de la muqueuse gas- tro-intestinale se rapportent principalement a la digestion et a 1 absorption des malieres assimilables, elle n en joue pas moins dans la depuration org;.niqne, soit par elle-meme, soit par les glandes annexes, surtout par le foie, un role assez important deja a 1 etat physiologique, et qui peut s accroitre notablement lorsqueles eliminations par les autres emonctoires, rein, peau, etc., sontentra- vees. 11 existe en effet, nous 1 avons deja rappele, entre 1 activite des diverses voies de depuration une sorte de balancement en meme temps que d antago- nisme, qui fait que le fonctionnement des unes s exagere quand celuides autres diminue, et qu elles se suppleent reciproquement, en partie. C est le plus habi tuellement par les voies inferieures que se font les evacuations critiques de cette nature, dont on a d ailleurs exagere la frequence, en tant que phenomene utile. Au point de vue de leurs caracteres, il y a lieu de dislinguer les selles des maladies aigues a determination gastro-intestinale des dejections alvines qui se produisent dans un certain nombre de maladies, aigues ou chroniques, n ayanl aucun rapport direct avec 1 intestin. Les selles doivent s epaissir au moment de la crise, avait deja remarque Hippocrate (Pronostic, 11). Elles doivent done etre liees, homogenes, plus epaisses que celles qui etaient excretees auparavant, s il y a avait diarrhee ; mais molles, rousses ou jaunes, pas Ires-fetides. Ces caracteres indiquentla part que prennent aieur production toutes les secretions intestinales, et qui est la marque d une action synergique avantageuse. Parfois cependant Tune des secretions est preponderante, la bile, les matieres muco-sereuses ou sero-albumineuses ; les selles sont alors moins liees et aussi d une signification moins favorable, car dansce cas elles sont plutot symptomatiques que critiques. Le flux biliaire n a ce dernier caractere que dans des circonstances exceptionnelles de temperament, de saison ou dans certains etats pathologiques ; c est a des conditions de ce genre que se rapporte saus doute 1 aphonsme : Les maladies aigues se jugent... par des selles muqueuses, sanguinolentes, faisant irruption soudaine (Prenotions coaques, sect. l re , gill, 146). Les diacrises sereuses n ont guere cette significa tion heureuse que lorsqu elles ont lieu dans des affections n interessant pas directement la surface gastro-intestinale, et surtout lorsqu elles servent de 212 CRISE. solution a cles maladies chroniques plus ou mouis localisees et cmancipees dc leur cause : epanchements, hydropisies, etc. Les dejections critiques, sauf dans ce dernier cas, sont peu abondantes et d une frequence mediocre, de 3 a 5 dans la journee. Plus copieuses et plus nombreuses, elles fatiguent le malade et tendent a prendre la signification facheuse des sueurs prol uses ; comme ces dernieres, elles peuvent contribuer a produire 1 etat de collapsus. On donne comme signes indicateurs des diarrhees critiques : un certain degre de tension de 1 abdomcn, rempatement des fosses iliaques et des hypochondres, une douleur lombaire gravative et parfois la faiblesse des membres inferieurs de frequents borborygmes, des coliques, des flatuosites, souvent un peu de feti- elite de 1 baleine, de la salivation, 1 inappetence, etc. Ges signes ncanmoins font assez frequemment defaut, et Galien, dansce cas, reconnait la crisc par lesselles a 1 absence de tout phenomene propre, coi ncidant avec les signes generaux des crises. Le pouls inegal, intermittent, irregulier, que cite Bordeu, est encore plus exceptionnel, ainsi que nous le verrons plus loin. Les vomissements sont une forme rare des evacuations critiques ; ici, encore plus que pour les flux alvins bilieux, des conditions speciales sont necessaires pour que cet acte soit critique : la matiere, presque exclusivcment muqueuse et Lilieuse, et la voie d excrelion sont egalement insolites et indiquent la mise en jeu d une partie limitee de 1 organisme, ce qui est une mauvaise condition pour une crise. Le vomissement s associe, d ailleurs, assez souvent aux dejections alvines, qui lui fournissent un complement utile. II serait annonce par de I anxiete epigastrique, une lassitude generate, Tamertume de la bouche, une salivation abondante, parfois le tremblement de la levre inferieure, des vertiges. Le pouls, d apres Bordeu, serait peu developpe, assez frequent et assez egal. Si 1 epaississement, Tbomogeneite des excretions alvines, peuvent a la rigueur etre consideres comme la consequence du retablissement de la sante, lorsque ces qualites succedent a d autres oppose es, il est difficile de nier le caractere critique deces evacuations, c est-a-dire leur role actif dans la terminaison avanta- geuse d une maladie, lorsque celles-ci se produisent a la suite de la constipa tion, dans le declin d une fievre gastrique, par exemple, et surtout lorsqu onles observe apres une intoxication miasmatique ou dans le cours d une resorption putride. Dans ces cas, meme, il y a reellement crise dans le sens humoral, puisqu il y a expulsion d une matiere nuisible et solution de 1 etat pathologi- que que celle-ci engendrait, quand la cause est exterieure, ou amovible, comme il arrive quelquefois pour la resorption putride. L elimination de 1 uree par les selles ou le vomissement, dans 1 anurie de certaines lesions rcnales ou de 1 hysterie, se rapproche a quelques egards de ces diarrhe es critiques, mais s en distingue en ce qu elle ne constitue qu un complement de depuration sanguine, sans influence sur 1 evolution heureuse de la maladie principale. L exemple des effets relativement favorables du cholera, pour la resolution de certains e pan- chements sereux, fait suffisamment voir, d un autre cote, que, dans la curation spontanee des etats de ce genre, les flux abdominaux ne sont pas forcementle resultat de 1 absorption prealable de ces epanchements, mais concourent efficace- ment a leur disparition. Les dejections alvines, tres-souvent symptomatiques ou tout au moins sans action avantageuse sur la terminaison des maladies, peuvent done etre 1 un des facteurs de la crise, et leur peu d abondance eloigne 1 ide e que ce soit par I abaissement thermique qu entrainent habituellement les grandes deperditions humorales. CRISE. 275 Hemorrhages critiques. Les anciens medecins attribuaient une grande importance aux betnorrhagies, surlout aux epistaxis et aux llux uterins ou hemorrho idaires, comme modede solution des maladies, etontetudie avec grand soin les difterents signes qui se rattachent a leur prediction. Suivant une remarque maintes fois reiteree par Hippocrate (Epide m. liv. I er , const. 5, sect. 8 et 9; Prenotions coaq., section l re , II. 57, 150; sect. II e , g IV, 175, etc), les hemorrhagies, comme toutes lesautres evacuations, nc doiventpas etre en Irop petite quantite, ni vcnir de trop bonne heure. Et cette appreciation se justifie frequemment pour les epistaxis du debut de la fievrc lyphoide. Elles peuvent se produire par toutes les voies, meme les plus anormales, pre tendent les auteurs (Dumas, Maladies chroniques, t. II, p. 151), aussi bifn par la peau etles muqueuses que par des plaies, desulceres, etc. Les hemorrhagies (el il ne saurait etrc question ici que des hemorrhagies dites actives, avec surexcitation cardio-vasculaire, etc.) sont annoncees par des signes communs et par des signes particulierg a chaque espece. Les signes communs seraient des phenomenes de concentration generale (horripilations reiterees, refroidissement et palenr de la peau, lassitudes dans les membres), avec des signes de congestion (chaleur, (lemangeaisons, douleurs gravatives, etc.) du cote* oil 1 hemorrhagie v:i se (aiiv : injection et turgescence de la face, rougeur des conjonctives, larmoiemenl, eblouissemcnls, vertiges, tintemenls d oreille, prurit des narines, douleur gra- vative vers la racine du nez, cephalalgie, parlois assoupissement, ou memo delire, batlements des temporales et des vaisseaux du cou, gonflement des jugulaires, etc., si c est une epistaxis qui va avoir lieu; sensations d oppression. d ardeur sous-sternale et laryngee, petite toux seche, palpitations parfois, s c est une hemoptysie qui se prepare ; douleurs lombaires, pesanteur au perinee, chaleur et prurit anal, besoins frequents d uriner ou d aller a la selle, lorsqu il s agit du flux hemorrhoidal ; phenomenes analogues, avec retentissement plus marque du cotedu plexus sacre ou lombo-abdominal, gonflement et sensibilite du mamelou, parfois e coulement leucorrheique, prurit vulvaire, lorsqu une me tror- rhagie va avoir lieu ; cet ecoulement d ailleurs pent s accompagner ou non d ovulation, suivant 1 epoque a laquelle a eu lieu la derniere menstruation. Nous ne dirons rien, pour le moment, du pouls, qui serait plein, vibrant ou dicrote, etc. Les hemorrhagies ont etc longtemps le type des evacuations critiques ; elles etaient censees juger completement les fievres ardentes, les inllamraaiions visce- rales, etc. L observation moderne en a singulierement reduit 1 importance, sans la faire disparaitre entierement. Une crise de ce genre est evidemment un fait anormal, en ce sens qu elle ne se rattache pas a 1 evolution reguliere d une maladie, et pourtant elle peut la terminer defmitivement. On est meme fonde a penser que c est en grande partie sur les effets avantageux de certaines hemor rhagies qu est fondee la pratique de la phlebotomie. II n y a pas lieu de recher- cher s il se fait par cette voie une elimination plus ou moins abondante de matieres peccantes, de produits de desassimilation : dans les maladies qui corn- portent la retention totale ou partielle de ces sortes de produits, les hemorrha gies ne sont pas rares, mais elles ne sont rien moins que critiques et temoignent ^implement d une alteration grave du sang ; tandis que, dans les affections qui sont jugees par ces sortes d evacuations, les vices humoraux qualitatifs doivent habituellement etre mis hors de cause. Un peut cependant interpreter de trois facons les bons effets des hemorrha- DICT. ENC. XX11I. 18 27 i CRISE. gies actives dans les maladies aigues : ou bien elles meltont (in a un mouve- raent fluxionnaire general ou generalise, que celui-ci soil a lui seul toute la maladie (comme dans certaines fievres ephemeres), ou n en soil qu un element constitutif (ainsi que dans la lievre synoque, la fievre de 1 instauration mens- truelle) ou meme surajoute (comme dans la forme inflanimatoire de la plnpart des maladies febriles aigues) ; ou bien clles ne sont que la consequence acciden- telle d un autre genre de crise, par exemple, lorsqu au moment d une exacer bation febrile, avec mouvement d expansion cutanee, qui se serait termine e chez la plupart des sujets par de la sueur, survient, chez un individu predis pose, une epistaxis : celle-ci, ordinaircmenl peu abondante, est toujours accom- pagnee alors par de la sueur. Dans un troisieme cas, 1 hemorrhagie est la conse quence et la conclusion d un mouvement fluxionnaire localise, ayant deja amene des congestions viscerales (par exemple, congestions pulmonaires, ute- rines, etc.) ; ici il faut distinguer entre la simple evacuation soulageant par un eftet purement mecanique, et 1 evacuation que Ton peut considerer corame le resultat d une determination synergique de 1 ensemble, et qui enleve non- seulement la congestion, mais 1 etat pathologique dont celle-ci dependait: dans la deuxieme alternative seulement, elle merite le nom de critique; dans la premiere, ce n est qu une hemorrhagie passive. Les hemorrhagies, en meme temps qu ellcs font tomber 1 excitation cardio- vasculaire dont elles sont le produit, abaissent la temperature, et Ton a pris texte de celte importante circonstance pour avancer qu elles n ont aucun caractere critique. La remarque n est qu en partie exacte : 1 abaissement de temperature produit par des emissions sanguines artificielles ou des hemorrhagies sponta- nees le plus souvcnt mediocre, a moins que la perte humorale ne soil tres- abondante, et surtout momentane, lorsqu il se produit avant le moment de la crise; parfois meme la deperdition sanguine est immediatement suivie d une elevation thermique sans diminution prealable, tandisqu a 1 epoque de la crise, et aussi dans la periode procritique, ces sortes d evacuations s acconipagnenl d une chute thermique bien plus marquee et habituellement definitive, quand il s agit de la crise. Les hemorrhagies ne different en rien, a ce point de vue, des autres phenomenes critiques ; elles n ont rien de ne cessaire, et elles lie jugent pas une affection morbide par le seul fait de leur existence : survenant hors temps, elles sont symptomatiques et n ont qu une laible influence, leplus communement, sur le cours de la maladie; ce n est que dans le cas oil elles paraissent liees au mouvement devolution retrograde de 1 etat pathologique, ou elles prennent une part evidente a sa solution, qu elles peuvent etre dites critiques. Or personne ne nie que les hemorrhagies, dans les maladies fluxion- naires surtout, ne puissent avoir un effet avantageux, et, comme il est difficile de pretendre qu elles sont le resultat de la guerison, il faut bien adraettre qu elles en sont quelquefois 1 un des moyens. L appreciation du role plus ou moins important que joue ce moyen dans 1 ensemble du travail critique doit evidemment varier selon les cas particuliers, d autant plus que les evacuations sanguines constituent rarement a elles seules le processus critique et s accom- pagnent ordinairement d autres actes judicateurs : sueurs surtout, diarrhee pour les flux ulerins et hemorrhoidaux, etc. Dans les maladies chroniques, les hemorrhagies sont le plus habituellement symptomatiques, et, quand elles sont avantageuses, elles ne le sont guere que comme moyen mecanique de depletion en quelque sorte ; ainsi agisscnt CRISE. 275 communement Igs flux he morrhoidaux dans les congestions hepatiques, les epistaxis dans les congestions cephaliques, etc. Toutefois, ces maladies peuvent presenter des episodes aigus susceptibles d etre juge s par des evacuations de ce genre, et nous avons deja rappele que, dans des etats chroniques occasionnes par la suppression plus ou moins prolonged d un flux habituel, tel que le flux catamenial,le retourde ce flux, amenant la guerison, pouvait,a certains egards, etre considere parfois comme critique. Excretions diverses. Nous rangeons sous ce titre les excretions, telles que la salivation, 1 expectoration, qui sont citees comme critiques par la plupart des auteurs, mais qui ne nous paraissent pas meriter ce litre. Les evacuations que nous avons deja ctudiees peuvent mettre fin a des lesions locales, mais elles font aussi partie des moyens de solution des etats morbides generaux qui, d apres la notion traditionnelle, sont seuls aptes a se terminer par crise. Or les excre tions dont il est ici question, et auxquelles il faudrait logiquement ajouter 1 expulsion des mucosites nasales, dans le cas de coryza, etc., ne sont habituelle- ment pas dans ce cas: ce sont des actes morbides, souvcnt importants, mais qui sont ou la simple continuation d un travail pathologique deja < : f;i!>li, comme 1 expectoration dans les maladies broncho-pulmonaires, ou des manifestations symptomatiques d aulres lesions, comme la salivation liee a 1 cruptiou variolique dans la bouche; ni les uns ni les autres n ayant une action decisive sur le chan- gement dans 1 evolution morbide. Tout au plus pourrait-on conceder que 1 expec toration en est une manifestation, si la lenteur et la continuite des modifications qu elle presente dans le cours des maladies, meme au moment de la crise, n etait un obstacle a cette maniere de voir. Abces, parotides, e rysipeles, gangrenes, etc. A cote des crises par evacua tion, les livresde la collection hippocratique citent souvent le depot, comme phe- nomene judicateur : le depot n est pas nece?sairement un abces ; ce peut etre 1 engorgement d une articulation, un erysipele, etc. Malgre tout notre respect pour une aussi grande autorite, nous ne pensons pas que ces sortes d actes morbides aient reellement une valeur critique ; du moins tons les exemples allegues en faveur dc cctte opinion nous paraissent susceptibles d une autre interpretation. L auteur des Pre notions coaques avait reconnu que les parotides. par exemple, etaient le plus souvent un signe funeste. Dans les maladies longues, les tumeurs parotidiennes ne suppurant pas sont funestes suppu- rant, si le pus n est pas tres-blanc et inodore, causent la mort, etc. (Pre not., sect. II, VI, 195 a 204). Et a la fin du premier Prorrhe tique, il est ecrit : Les parotides doulourcuses, se dissipant peu a peu, sans crise, sont mau- vaises. On est autorise a conclure de ces passages et des histoircs particu- lieres de maladies que les parotides, pour etre avantageuses, devaient s accom- pagner ou etre suivies d autres signes critiques ; de sorte qu on pourrait dire que ce n est pas la parotide, complication, qui jugeait la maladie, mais que c etaient les autres phenomenes critiques. Pareille interpretation n est meme plus admissible aujourd hui que Ton a appris a distinguer la fievre primitive, dans les affections typhiques ou autres, du mouvement febrile sccondaire lie aux lesions persistantes de la periode precedente ou a des complications ulte- rieures. La parotide, pas plus que I abces, 1 erysipele, ne juge 1 affection primi tive : ce sont des complications toujours tacheuses (quand ce ne sont pas des phenomenes de revulsion ou de metastase), et le mieux qui se produit parfois plusieurs jours apresleur manifestation, alors qu elles commencent a disparaitre, 270 r.UISE. tient a leur guerison meme; 11 esl habiluel, en effet, de voir la fievre, la dou- leur, que procure an phlegmon, cesser lorsque la suppuration est bien etablie, etsurtout lorsque le pus est evacue; mais il n y a dans ce iait rien de critique, eu egard notamment a la maladie primitive. Phenomenes critiques des crises dites sans matiere. Ces phenomenes com- prennent, d apres les autetirs, la fievre et differents troubles du systeme ner- veux, parmi lesquels on est surpris de trouver le sommeil. La fievre raerite une mention a part, a cause de 1 aphorisme si connu. La fievre surveuant chez un malade atteint de spasme ou de tetanos dissipe la maladie.)) (Aph., lVsect.,57, clPre n. coaq. II 1 sect, jjj 18, 348 et 552). Du uonibre des fails auxquels cet apho- risme est applicable, il faut d abord eliminer ceux dans lesquels 1 etat febrile provient d unc rnaladie intercurrcnte ; car nous avons deja vu, en parlant de la terminaison beureuse des maladies cbroniques par le retour ou le passage a IVlat aigti et pyretique, quecette terminaison ne saurait etre considered comme critique que tout aatant que le mouvement febrile appartient a 1 evolulion de la maladie elle-meme, el non a une complication ou a une affection incidente : la rougeole faisanl di>paraitre des spasmes choreiques, par exemple, ne peut etre regardee comme la crise de ceux-ci. Pour les fails dans lesquels la mani festation de la fievre satisfait a la condition qui vient d etre posee, son caractere critique ne nous seinble guere mieux demontre, a moins d admeltre que le changement de 1 etat chronique a 1 etat aigu constitue une crise pour certaines maladies : dans ce cas, la fievre, qui est 1 un des caracteres de celte mutation dans la marche et en est 1 un des signes indicateurs les plus importants, devient critique; mais il faut alors accepter que cette crise, analogue sous plusieurs rapports a 1 exacerbation procritique, a elle-meme sa solution, ce qui est en contradiction avec la notion meme que Ton se fait du jugement des maladies, et oblige a declarer que la crise se traduit tantot par la chute de la fievre, tantot par sa production. Cette observation s applique egalement aux affections pyretiques aigues dans lesquelles 1 etablissemcnt de la periode de reaction met fin aux spasmes d une periode de concentration : frisson initial, Iremble- ments, etc. La fievre, dans ces cas, existait des le debut d ailleurs, quoique parfois moins manifeste, ou reellement moins intense. Quant aux maladies spasmodiques aigues, apyretiques habituellement, telles que le tetanos, la choree, on sail aujourd hui que 1 elevation de la temperature dans leur cours, de meme que dans celui d autres nevroses convulsives, bien loin d etre un symptome avantageux, est un phenomene de la plus haute gravite, qui precede la mort de peu de jours, et meme de peu d heures dans certains cas. Sans denier absolument a la fievre une valeur critique (ce qui serai t nous engager ii fond sur la question de son role medicateur possible), il nous parait done prudent de ne la lui reconnaitre que sous toutes reserves, jusqu a ce que de nou- velles observations, recueillies avec toute la precision que comporte le diagnostic moderne, aient porte la lumiere sur ce point difficile de la theorie des crises. Quant aux troubles nerveux, paralysies de la sensibilite generale ou spe ciale, contractures, etc., il est de montre aujourd hui que ce ne sontquedes complica tions ou des consequences des lesions auxquelles its etaient censes mettre fin; 1 plus forte raison refusera-l-on le caractere critique au sommeil, acte physiolo- gique, malgre 1 autorite de Double, qui le regarde comme tel dans les maladies vaporeuses, 1 epilepsie, etc. (Se me iologie generale, t. II, p. 575), O u il n est evidemraent que la consequence du retablissement. Nous ferons cependant une CRISE. 277 exception pour les convulsions (d un pronoslic onlinairement si facheux: dans les al fections febriles), d apres un fait personnel, rcstc pour nous inexplicable. Chez un dc nos malades, liomme d une trentaine d annees, employe comme chauffeur a 1 usinc a gaz, il s etait declare, a la suite d un refroidissement, une forte fievrc, et un epancheiuent dans la plevrc droiic avail etc bientot constate eu meme temps qu un certain degre de bouffissure cle la face et d infiltration des membres inferieurs ; les urines, d une densite de 1,050, acides, etaient rares, fortement colorees et sedimenteuses peu apres leur emission; elles elaicnt en outre notablement albumineuses : ce que leur coagulation par 1 emploi de la chaleur, apres dissipation cle 1 opalescence produite par les urates, permettait de constater facilement : 1 examen microscopiqne ne lais- sait d ailleurs aucun doutc sur 1 existence d une nephrite desquamalive. Vers le seizieme ou le dix-sepliemc jour, I epanchement etant eu voie de reso lution, la fievre presque nulle, mais les urines etant encore assez fortement albumineuses, cet individu se plaignit une apres-midi de cqiludalgie, de ver- tiges, denausees, et bientot fnt pris d attaques convulsives e pileptiformcs, qui se renouvelerent pendant demi-heure a trois quarts d lrmv. Onand il revint a lui, apres 1 emploi de moyens appropries, mais tivs-anodins (sinapismcs sur les extremites infe rieures, lavement puryalil ), les urines ne contenaient plus d albumine ; et la convalescence s etablit ensuite promptement. Ouels rapports faut-il admettre entre 1 attaque d eclampsie, manifestation habituellement grave des affections albuminuriques, et la disparilion de 1 albuminurie a friyore di 1 ce sujet? c est ce qui est demeure pour nous indetermine, mais ne nous parait pas moins digne d attentiou : cette atlaque a eu, en effel, tous les caracteres attribues aux actes critiques; elleappartenait a revolution possible de la maladie, et son apparition, dans la periode de declin, a mis fin a celle-ci. Le fait est tellement exceptionnel, toutefois, que nous ne le preseutons comme critique qu avec beaucoup d hesitation. Pauls critiques. C est surtout en tanl que signe precurseur de la crise et de ses differentes especes, bien plus que comme phenomena indicateur d un jugement en voie de realisation, que les anciens semeiologues ont deceit les pouls dits critiques, qui auraient ete plus exactement de nonimes procritiques. 11 serait deplace ici de donner meme un simple apergu des subtilites et des exagerations auxquelles ils s etaient laisse entrainer en cctte matiere, et qui n ont pu se soutenir devant une observation un peu rigoureuse. On trouve une ample demonstration de cette appreciation dans les Recherches sur le pouls par rapport aux crises, de Bordeu, qui a resume en partieet depasse en ingeniosite tous ses predecesseurs. Aujourd hui, malgre les restrictions justifiees que des auteurs plus recents, telsque Double, Laudre-Beauvais, etc., ont apportees aux indications parfois exactes, plus souvent hypothetiques et contradictoires de Galien, Solano de Lucques, Niliell, Bordeu, etc., 1 etude du pouls, au point de vue pronostique, est tombe e dans un discredit complet : les rares pathologistes contemporains qui en font mention se bornent a rappeler les assertions les moins sujettes a contestation des ocrivains que nous venous de citer, et, pour la plupart, en nient formellemenl la realite. La question vaut cependant la peinc qu on s y arrete et qu on recherche, a 1 aide des moyens d investigation plus precis que fourmt la science moderne, si les mouvements critiques, qui impli- queut un changement si considerable dans le fonclionnement organique, ue s acconipagneraient pas de modifications telles duns Lx circulation qu ils pussent 278 CRISE. etre reconnus et meme prevus par 1 examen du pouls. II n y a la rien que de conforme aux donnees que nous possedons actuellement sur le niecanisme de la circulation. Le pouls n exprimant, en effet, pour 1 observateur, queles resul- tats des changements periodiques de la tension arterielle, et cette tension etant fonction de plusieurs variables (force et mode de contraction du coeur, masse sanguine en mouvement, capacite du systeme vasculaire, resistance des parois de ce systeme, resistance au passage a travers les capillaires, etc.), toutes les circonslances qui modifieront notablement 1 une quelconque de ces variables devront amener, a moins de compensation de la part d autres variables, des modifications correspondantes dans la tension arterielle, et par suite dans la forme, la vitesse de translation de 1 onde sanguine, c est-a-dire dans le pouls. 11 n y a eu cependant que de rares tentatives dans ce sens, et encore n out- elles pas porte directement sur la question litigieuse des pouls procritiques. Apres M. Marey, 1 ingenieux inventeur de tant d appareils enregistreurs, qui u constate, au moyen dc son sphygmographe, que, dans les differentes phases de la maladie, il y a des changements brusques ou lents dans la forme du pouls, et que ceux-ci correspondent a des changements simultanes dans 1 etat gene ral du sujet (Physiologic medicate de la circul. du sang, p. 250; Paris, 1862). Lorain a fourni quelques traces se raltachant a cette question, mais complele- ment insuffisants a 1 elucider. II a recueilli, en effet, des traces sphygmogra- phiques chez un pneumonique, la veille de la defervescence, pendant cclle-ci, el durant la convalescence, et il a ainsi etabli, ce qui n etait pas mis en doute, que le pouls de la pe riode febrile differe de celui de 1 apyrexie (Etudes de med. cliniq. : le Pouls, p. 159-160; Paris, 1870). Plus tard, il est revenu sur ce sujet, mais en se placant toujours dans les memes conditions, c est-a-dire en ne se procurant les traces de ses malades que tous les deux ou trois jours ; chez un seul pneumonique, sur cinq observes, les trace s out ete recherches (juolidiennement pendant quatre jours, mais seulement le matin (Etudes de me dec. cliniq. : la Temperature, t. II). Pour etre concluant, ces traces, trop peu nombreux d ailleurs, auraient du etre pris regulierement matin et soir, de facon a permcttre de comparer le pouls de la periode d etat a celui de 1 immi- nence critique, et le pouls de celle-ci a celui de la defervescence, etc.; il y avait lieu, en outre, de tenir compte du genre de crise qui s etait realise, afin de verifier si, suivant 1 espece de I evacuation critique, le pouls precurseur variait de forme, etc. C est cette etude que nous avonsessaye de faire, en recueillant matin et soir, pendant toute la duree de leur affection, les traces sphygmographiques d une certaine quantite de maladies. On sait toutefois qu il n y a pas de relations constantes entre les designations du pouls jadis admises et les types founds par le sphygmographe, qui de cele des caracteres inappreciables au toucher, mais ne rend pas d autres qualites du pouls, peut etre independantes des varia tions de la pression arterielle, mais que le doigt pergoit siniultanement et cor,fond avec elle. Ainsi, dans 1 appreciation des caracteres du pouls, Bordeu avait admis deux grandes classes, les pouls d irritation, nou critiques, serre s, vifs, durs, convulsifs, et les pouls critiques, dilates, developpes, i"mollis, pleins, forts, frequents, souvent inegaux; or, celte distinction, que le sphygmo graphe met parfois nettement en evidence (Voir fig. 12 A et 15 B) est souvent tout a fait impossible avec cct instrument. Cela depend-il de ce qu elle n existe reellement pas? Ou faut-il y voir le resultat dc 1 imperfection de 1 appareil, qui CRISE. 279 n appuie sur 1 artere que sur un point limite , de 12 a 15 millimetres au plus, taiidis que les doigts occupent une Lien plus longue el endue du vaisseau, representant ainsi quatre ressorts successivement souleves, au lieu d un seul? Ou bien encore, sepasse-t-il pour le" pouls ce qui se passe pour la chaleur appre- eiee au toucher, et quipeut etre douce, mordicante, etc., par suite des qualites particulieres de secheresse ou d humidite et, de secretions di verses de la peau, tandis que le thermometre indique une meme elevation thermique? N etant pas encore en mesure de resoudre ces questions, et pour rendre comparables, autant que possible, les resultats obtenus par les deux modes d exploration, nos traces, au nombre de quatre a huit, chaque fois, pour chaque sujet, etaient pris avec des pressions et des positions variees du ressort ; de facon a simuler, dans une certaine limite, les divers degres de pression que peuvent exercer les doigts sur la radiale, et qui nc laissent pas que d influer sur les sensations tactiles percues, celles-ci etant soigneusement notees d avance. En eliminant les cas a solution facheuse ou irreguliere, entravee par des com plications, etc., nous avons pu suivre 25 cas de maladies terminees par crise rapide (14 pneumonies, 5 erysipeles, 2 rougeoles et 2 acces de fievre intermil- tente), chez des sujets d age et de sexe differents. De plus, dans le but de sepa- rer, s il etait possible, les changements du pouls lies a des modifications ther- miques (et qui pourraient etre considered comme ceux du pouls procritique en general), des changements en rapport avec 1 excretion particuliere qui allait ac- compagnerla crise, nous avons recueilli les traces d individus apyretiques places clans des conditions analogues, au point de vue des evacuations probables, a celles de febricitants dans la periode d imminence critique : ainsi nous avojis pris le trace de plusieurs femmes dans la periode menstruelle, pour les he morrluigies ; celui d individus soumis a une medication evacuante, pour les vomissements, la diarrhee ; a un traitement par le jaborandi pour la sueur (en prenant chez ceux-ci les traces d une facon en quelque sorte continue, toutes les deux ou trois minutes). Les resultats ainsi obtenus en dehors de 1 etat febrile permeltent de mieux interpreter les modifications du pouls dans cet etat ; ils ne sont pas tou- lefois, theoriquement du moins, completement comparables, car dans la crise, ce qu il y a d important, c est le mouvement decisif de retour vers la sante, impli- tjuant une synergie organique, et non le fait brut de 1 evacuation possible; sans eeja les crises seraient faciles a provoqner, et Ton sail que malheureusement il n eu est rien. Quoi qu il en soit de la justesse de ces reflexions, voici ce que nous avons observe dans les maladies febriles aigue s. Rc-lativement a la frequence, le rhythrae du pouls suit habituellemnt, au mo ment de la crise, une marche a peu pres parallele a celle de la temperature ; cc- pendant, il n est pas rare de voir 1 acceleration du pouls, au moment de 1 exa- cerbation procritique, ou son ralentissement, quand la crise se prepare par une attenuation progressive, preceder de 12 heures au moins I elevation ou 1 abais- sement du chiffro thermique. On ne pent done pas dire que le pouls s accelere constamment a 1 approche de la crise; il devient un peu plus frequent dans le cas d exacerbation procritique, et se raaintient au meme rhythme ou se ralentit legerement quaud celle-ci tail defaut. De plus, assez souvent, mais non constam ment, la diminution de frequence du pouls (qui peut, comme la chute de la temperature, tomber de beaucoup au-dessous de la normale, dans le cas de crise rapide, avec evacuations abondantes surtout) ne persisle pas longtemps ou meme fait defaut dans le cas de complications ou de resolution trop lente des lesions 280 CRISE. anatomiques, tandis que la temperature resle encore hyponormale, ou revient plus ou moins vite au niveau physiologique ou meme le depasse a son tour. A cc point de vue, la plus grande mobilite du pouls, qui en fait un signe dia- gnostique d une valeur ordinairement tres-inferieure a celle des oscillations ther- niiques, lui donne a quelques egards 1 avantage pour la prompte constatation de 1 achevement complet ou imparfait de la crise. On sail, en outre, que dans les cas de collapsus de mauvais caractere, avec une temperature hyponormale, on observe une acceleration tres-marquee du pouls. Les aulres caracteres dti pouls critique sont plus difiiciles a determiner. D apres la plupart des semeiologues, le pouls, au moment de la crise, devientfort, >;ms durcle, frequent, developpe, selon 1 expression de Borilcu, et parfois iue- gal. Lorain, qui a en vue le pouls de la defervescence, parle du ralentissement et du polycrotisme comma caracteres du pouls critique, tendis que Hirtz pretend <( avec tous les semeiologues rigoureux, que le pouls devient dur, serre, quel- (jueibis meme intermittent ou accelere, a 1 approche de la crise; puis peu a pen il se dilate, se regularise, etc. (art. GUISE deja cite, p. 249). Nous ne savons sur quels auteurs s appuie 1 ancien professeur de Strasbourg pour rmettre les assertions qui precedent; dans les 25 observations que nous avons re gulierement suivies et dans un grand nombre d autres, nous n avons jamais observe la pelitesse du pouls et sa dtirete dans rimminence critique; meme lorsque des evacuations abondantes avaient lieu a ce moment, sauf dans un seul cas, nous avons toujours vu le pouls plus developpe lors de 1 exacerba- tion procrilique ou la veille de la defervescence, quand cette exacerbation faisait defaut. Les traces qui suivent, pris a differents moments de revolution d une pneu- monie, dans laquelle la sueur ne se produisit que dans le cours de la deferves cence (pour eliminer 1 influence du pouls sudoral), donneront un apercu de la facon dont les choses se passent babituellement : il s agit d ua jeune soldat assez vigoureux, atteint d une pleuro-pneumonie droite, traitee par une saignee de 7)00 grammes au troisieme jour, un vesicatoire a la base du thorax, a droite, le quatrieme jour, et enfin par une infusion de 2 grammes d ipeca ; bouillon et vin comme regime, pendant la periodc febrile. (Service du professeur Coiiilinl.) Fig. 5. Pl.-pneumoniej periode d etat. 4" jour, matin, 403; 88-92 puls., 28-32 resp. Nous ne reproduisons pas les traces sphygmiques du soir du quatrieme jour, du cinquieme jour (matin et soir) et du matin du sixieme jour, ces traces sont a peu pres identiques a celui qui precede, sauf une elevation un peu plus grande dcla ligne d ascension, le soil . Fig. 4. PJ.-pneumoiiie ; exacerbalion procrilique. 6 e jour, soir, 406; 9-100 puls., 36 resp. CRISE. 28] Fig. 5. Pl.-pneumonie; legore remission matinale durant 1 exacerbation procritique. 7" jour, matin, 59fi; 88-92 puls., 40-44 resp. Fig. 6. < Pl.-p icumonie; lin de 1 exacerbation procritique. 7* jour, soir, 40"i; 88-92 puls., 52 resp. 7. Pl.-pneumonie ; periode critique, debut de la defervescence. 8 jour, matin, 592; 76 puls., 36 resp. Fig. 8. Pl.-pneumonie; defervescence; crise sudorale. 8 jour, soir, 38; 72 puls., 28 resp. l- iv - . Pl.-pneumonie; periode epicritique. 9 jour, malin, 371; 60-64 puls.. 28 resp. - Pl.-pueumonie; periode epicritique. forte moiteur. 9 jour, soir, 578; 72 puls., 24-26 resp. Les traces du dixieme jour, matin et soir, avec 57, 4 et 57, 6, reproduisent le trace du neuvieme jour raatin (fig. 9). Lepouls,du quatrieme au huitieme jonr, est note, au toucher, comme medio- crement vite et ample, plutot faible que fort, mou, de pressible, sans rebondisse- ment et regulier jusqu au stxieme jour, avec leger accroissement de iorce le soir, et inegalite encore plus qu irregularite a partir du sixieme jour soir; ce soir- )a, le pouls, quoique un peu plus vit et plus ample, parait encore plus de pres- 282 CRISE. sible. A dater du huitieme jour, il est un peu plus resistant, sans dicrotisme, mais tendant a 1 ondulation le matin, et nettement rebondissant, avec un pen d inegalite", le huitieme jour et le neuvieme jour dans 1 apres-midi (moment de sueur), mais toujours depressible; le matin de ce neuvieme jour (l er d apyrexie), il est indique comme assez large, mais mou, sans grande force, moins depres sible pourtant que les jours precedents, avec irregularite legere; ces qualites sont celles du pouls des jours suivants. En aucun moment, le pouls n a eu le carac tere convulsif. Au sphygmographe, on constate jusqu au huitieme jour les carac- teres d une faible tension arterielle, avec contraction cardiaque mediocrement energique et legerement prolongee, un peu plus forte le soir : avec un plateau arrondi, la ligne d ascension etcelle de descente sont presque verticales, etcelle- ci un peu plus oblique retombe rapidement au minimum, pour se relever faible- rnent par Telasticite arterielle (fig. 3, 4, 5 et 6). Au moment des exacerbations, vespertines et surtout lors de I exacerbation procritique (fig. 4), qui ici dure 56 licures, avec legere remission matinale le deuxieme jour, il y a un peu plus de vivacite dans la contraction cardiaque, une plus grande hauteur des pulsa tions, avec une tension toujours faible. Le dicrotisme est presque nul jusqu au huitieme jour, mais la hauteur et la distance de chaque ligne d ascension varient sans periodicite appreciable, a dater de cette exacerbation (fig. 4 a 8). Pendant la defervescence, le pouls, moins frequent, plus ample, montie un rebondisse- ment bien marque, dans I apres-midi ou se produit la sueur et dans celle du lendcmain, dans la meme condition (fig. 8 et 10) ; la tension arterielle parait s accroitre, a en juger par 1 obliquite de plus en plus grande de la ligne de des cente, qui n arrive plus jusqu au minimum avarit d etre interrompue par le rele- vement dicrotique. Get accroissement de tension avec frequence moindre (60-61 pulsations) est surtout marque le premier matin apyretique (fig. 9) et le lende- niain. Les inegalites du pouls, bien evidentes durant les trente-six heures de I exacerbation procritique, disparaissent apres la defervescence, mais les irregu larites persistent jusque pendant la periode epicritique. Le polycrotisme, indiquti par Lorain comme caracteristique du pouls de la convalescence, fait ici de faut Le pouls n a-t-il done jamais le caractere convulsif signale par les auteurs, et qui a ete donne meme comme pouvant annoncer la crise? Si, ce caractere existe, mais lorsque I exacerbation s accompagne d un retour ou d une exacerbation des phenomenes douloureux, de la pleurodynie, lorsqu il s agit de pneumonie, ou des douleurs tensives d une nouvelle poussee erysipelateuse, etc. Chez le su- jet dont nous venons de reproduire le pouls, celui-ci prenait une forme analogue a celle du premier trace (fig. 11) de 1 observation suivante, lorsque une quinte de toux ou un mouvement avait reveille la douleur pleuretique, et c est ce qui a pu induire certains cliniciens en erreur. Comme exemple, nous prenons encore mi cas de pleuro-pneumome droite, chez un homme de trente-trois ans, culti- vateur, d assez forte complexion, mais a teint legerement cachectique, habitant d un pays marecageux. La pleurodynie du debut, amendee par une application de trois ventouses scarifiees le quatrieme jour, revient plus intense dans la nuit du cinquieme au sixiemc jour, malgre une sueur abondante qui se produit celte nuit-la, avec 402 le soir, et399 le matin; moiteur et cependant diarrliw a partir du sixicme jour (peut-etre sous 1 influence de l infusion d ipeca <V 2 grammes avec 30 grammes de sirop diacode, qui, avec du bouillon, puis du potage et du vin, constitue tout le traitement pendant la periode febrile). P s d exacerbation procritique ; defervescence le scptiemc et le huitieme jour, pre- CRISE, 283 paree par une legere diminution thermique pendant quarante-huit heures : le quatrieme jour, 40 m. et 40,6 s., le cinquieme 40,2 m. et s.; le sixieme, 39,9 m. et40s.; le septieme, 39,4 m., 38,8 s., etc. Nous donnons une fois le trace des deux radiales, parce que celle du cote gauche, en partie a cause de la saillie du tendon du grand palmaire, donnait un pouls bien plus faible, au toucher comme au sphygmographe, et un examen fait, tantot d un cote, tantot de 1 autre, aurait fourni des resultats bien differents ; les autres traces se rappor- tent tous a la radiale droite. Fig. H. Pl.-pneumonie; pe>iode d etat. 5 jour, soir, 4 22 (matin et soir); 100-104 puls., 30 resp. A, radiale droite; B. radiale gauche. Fig. 12. Pl.-pneumonie; periode d etat, preparation procritique. 6 jour, matin : dans la nuit, sueur abondante qui continue; exacerbation de la pleurodynie, 39"9; 96-101 puls., 34-38 resp. En A, dou- leur pleure lique plus vive; en 15, douleur moindre. Fig. 13. Pl.-pneumonie j meme periode. 6 jour, soir, pleurodynie moindre; moitcur ; diarrhee legere, 40; 104 puls., 40 resp. Fig. 14. Pl.-pneumonie; periode critique, debut de la defervescence. 7 jour, matin, moiteur persis- tante, mais diarrhee abondante (six selles depuis la veille), 59-4; 92 puls., 40 resp. , Fig. 15. Pl.-pneumonie; periode critique, defervescence. 7 jour, soir, diarrhee moindre, moiteur faible, mais sueur abondante dans la soiree, 388; 81 puls., 40 resp. En A, douleur passagere par la toux, forme du pouls analogue a celle du matin; en B, bien-Stre, forme interraediaire entre celle-ci I el celle du lendemain. CRISE. Fig. 16. JP1. -pneumonic pperiode epicritiqiie. 8 e jotir, matin, 573; 61 puls., 2i resp. Le soir, 372; meme forme du pouls, mais avec une irregularite un peu plus marquee; diarrliee moindre. Kig. 17. Pl.-pneumonie; convalescence. 9" jour, matin, 368; 52-56 puls; diarrliee plus abondanir dans la nuit. Chez ce malade, depuis le debut jusqu a la crise, le pouls a ete trouve vif, convulsif, mediocrement fort et developpe, parfois rebondissant, mais sans sou- plesse, surtout le sixieme jour matin (fig. 12, A), moment ou, de plus, il etait Irgerement inegal; le soir, il etait plus fort, plus rebondissant ou dicrote, encore un peu convulsif (fig. 13). Le jour de la crise, il fut encore note comme pre ci- pilc, mediocrement fort, pcu developpe, tres-dicrote le matin ainsi que le soir, cc qui n etait pas tout a fait en rapport avec le trace" sphygmographique du ma tin (fig. 14), mais correspondant assez bien avec celui du soir (fig. 15, A et B); dans la periode epicritiqiie, il etait sans vitesse, plus developpe, a peine rebon dissant, rne diocretnent fort, illegal et surtout irregulier; la frequence diminua legerement pendant la de fervescence, pour tomber brusquement le lendemain. Les traces sphygmographiques indiquent, en effet, la brusquerie et la brievetede la contraction cardiaque, par la verticalite del ascension, suivie immediatement de la descente, sans plateau (voir surtout fig. 12); une tension arte rielle me diocre, avec reaction elastique des arteres bien nette, par le rebondissement di- ci otique (le malade depuis la periode procritique etait en moiteur ou meme en sueur) ; le plateau ne commence a apparaitre qu en pleine defervescence, en meme temps que la tension s accroit. L inegalite, encore plus marquee que 1 irregula- rite, hi veille de la crise, disparait presque, tandis que Tirregularite s accentue, avec le ralentissement de Fepicrise; et c est seulement lorsque la convalescence s etablil qne le pouls, se ralentissant encore davantage, presente le polycrotisme signale par Lorain. La persistance de la douleur pleuretique a modific les carac- teres du pouls, en maintenant la verticalite d ascension avec descente immediate ou presque immediate, mais n a pas empeche le rebondissement en rapport avec le mouvement d expansion sudoral; celui-ci, qui a commence dans la periode procritique, ne parait avoir ete que mediocrement influence par la diarrliee, que provoquait sans doute Tinfusion d ipcca. La reproduction d autres traces nous montrerait, avec de ie geres variantes individuelles, les memes caracteres du pouls, dans 1 erysipele, la rougeole. les deuxderniers stades de 1 acces de fievre intermittente, comme dans la piieunw- nie. On peut conclure de ceux qui precedent que, en dehors des qualites parlicu- lieres qui lui sont imprimees par les phenomenes critiques a intervenir, le po u s siibit, dans les diflerentes phases de la crise, des changements considerables en rapport avec les oscillations theriniques ; loin d etre plus serre, plus dur, au CRISE. 285 moment de 1 exacerbation procritique, il devient alors plus grand mais plus depressible, et tend a perdre le caractere convulsif du debut, quand celui-ci existait, par suite soil d une clouleur plus ou moins intense, soil de la suscepti- bilite particuliere de 1 individu ; il s elargit, augmente de resistance, en dirni- nnant quelque peu de frequence, en meme temps qu il devient plus souple et plus ou moins rebondissant, pendant la crise, et se ralenlit tres-notablemcnt, jusqu a tomber an dessous du rliylhme physiologique, a la fin de celle-ci. Pendant 1 epicrise et la convalescence, si celle-ci est Tranche, le pouls, devenu rare et lent, cst assez irregulier mais plus resistant, et sans rebondissement bien marque au toucher. Nous avons vu que, sous le rapport de la frequence surtout, il en etait autrement dans le cas dc crise incomplete ou de crise par lysis. On trouve assez frequemment le pouls inegal et irregulier dans I imminenco critique, mais il est alors plus inegal qu irregulier, et c est le contraire a partir de la crise et pendant la convalescence. Par 1 emploi du sphygmographe, on constate pendant 1 imminence critique, avec une etendue plus grande des oscillations du levier, indice de variations plus considerables dans la tension arlerielle, une diminution de cette tension qui peut aller jusqu a laisser retomber immediatement apres la systole cardiaque le levier au niveau du point de depart, avant le relevement du en partie a 1 elasticito arterielle, et qui est alors au minimum. Avec 1 abaissement thermique, Ton voit la tension sanguine augmenter, la reaction arterielle s accentuer, et le dicro- tisme physiologique se manifester avec une intensite variable suivant les pheno menes critiques, mais qui est a son maximum lors de la crise par la sueur, et aussi apres une hemorrhagie. La tension arterielle, a en juger par la forme du pouls, augmente encore apres la crise, et le dicrotisme diminue, pour reparaitre quelquefois, avec des oscillations multiples (polycrotisme), dans la convales cence; mais le fait est moins commun que ne le croyait Lorain, et, en tous cas, n est pas primitif, mais consecutif, ainsi que 1 avait suppose M. X. Gouraud, au ralentissement de 1 epicrise; il n est pas rare, en efiet, que ce ralentissement soil encore plus prononce dans la convalescence, et c est a lui que semble lie le polycrotisme. II ne nous parait pas exact, comme on 1 a pretendu, que 1 accroissement de tension arterielle de la defervescence prepare les phenomenes critiques ; d une part, ces phenomenes peuvent preceder et accompagner la defervescence au lieu de la suivre, et, d une autre part, on peut voir au contraire la production de la sueur a la fin de la crise, alors que la tension arterielle avait deja notablement augmente, s accompagner d une nouvelle diminution de la tension arterielle, avec dicrotisme beaucoup plus marque (fig. 9 et 10). Nous n insisterons pas davantage sur la contradiction apparente que Ton a cru trouver, dans la conva lescence, entre 1 accroissement de tension que semble indiqucr le pouls tres- ralenti, a descente progressive, et le polycrotisme, que Ton rattachc a une faible tension arterielle, avec forte elasticite des vaisseaux. Ces difficultes, insolubles quand on suppose que la frequence et la vivacite des contractions cardiaqucs sont uniquement en raison inverse de la resistance qu offre la penetration de 1 ondee sanguine dans le systeme arteriel (Marey), s expliquent en partie si 1 on admet que le coeur, comme tout autre muscle, est susceptible de recevoir du systeme nerveux des impulsions d une energie variable. C est ce qu on observe tres-bien en prenant les traces du pouls pendant Faeces de fievre intermittente; 11 au debut, il y a souvent une tres-grande acceleration des contractions cardiaques 280 (1RISE. (fig .1) et le pouls, a peine appreciable, se traduit par une ligne generate presque droite, avec ascension tres-oblique et descente de meme, sans dicrotisme. Le spasme, ici vasculaire, n implique pas le pouls vile, convulsif, comme lorsqu il s agit de reaction douloureuse sur le co3ur, par le mecanisme reflexe. Aujour- d hui, d ailleurs, on sait suffisamment, par les decouvertes de C. Cyon, Ludwig, Bezold, Cl. Bernard, etc., que la frequence des contractions cardiaques n est pas liee neccssairement a 1 etat de la tension arterielle. II nous parait plus probable que le polycrotisme, comme 1 irregularite habituelle de la conva lescence, indiqne plutot un dtat de fatigue du coeur, donf les mouvements soul lents comme ceux de tous les muscles ; et ce qui contribue a nous le faire penser, indepcndamment des syncopes quelquefois si faciles et si graves pendant la conva lescence, c est que chez certains sujets nous avons constate pendant le sommeil, dans celte periode, une irregularite allant parlbis jusqu a I intermittence, et qui disparaissait presque pendant la veille ; nous pourrions en fournir de Ires- beaux echantillons spliygmographiques. De plus, il n est pas constant chez le meme individu; les deux traces suivants, recueillis a deux minutes d intervalle, sur le meme papier, apres la periode de sueurs d un acces defievre intermittente, le prouvent ; sur d autres traces pris quelques minutes apres, la difference est encore plus sensible, il n yameme plus de tendance au polycrotisme; enfin pour faire disparaitre ce dernier, il nous a suffi plusieurs fois de faire descendre un peu le sujet dans le lit, tandis que le decubitus le tronc un peu releve, en ame- nant une plus grande obliquite du bras, le faisait reparaitre. Fig. 18. Fievre intermittente, apyrexie; 60-64 puls. Existe-t-il, en dehors de ces modifications du pouls liees aux changements thermiques qui sont le phenomene le plus saillant de la crise, dans les maladies pyretiques aigues, d autres modifications en rapport avec 1 evacuation critique qui va se produire ? Les anciens le croyaient fermement et avaient indique de nombreux caracteres du pouls permettant d arriver a cctte prediction, d une si grande importance. Nous les avons deja mentionnes a 1 occasion de chaque excretion critique ; il nous reste a fournir les resultats compares de nos obser vations de pouls critiques speciaux et de pouls recueillis chez des sujets soumis a certaines medications. Le pouls procritique le moins contestable est celui de la sueur ; nous en avons deja donne des traces suffisamment demonstratifs (comp. les fig. 8 et 10, et les fig. 7 et 9) ; mais on pouvait se demander si ce pouls plein sans durete, ondulant, a rebondissement marque, dicrote meme, mais sans vivacite dans 1 ascension, n etait pas celui de la sueur deja en train de se produire, et la distinction etait d autant plus difficile a etablir que les crises sudorales sont souvent precedees de tendance a la moiteur. L administration du jaborandi, dans un cas ou la sueur se produisit tardivement, nous apermis de trancherla question. Chez un homme de vingt ans, atteint d epanchement pleuretique CRISE. 287 tlroit depuis neuf jours, presque apyretique, une inl usion de jaborandi, a 5 grammes pour 100 grammes de vehicule, fut administree le 20 avril 1876, a 9 heures 5-i du matin ; elle ne produisit aucun effet appreciable, sauf une sensa tion de chaleur a la peau et 1 expulsion de quelques crachats salivaires, jusqu a 11 heures 50; a ce moment, survint une sueur assez aboudante qui dura une demi-heure environ ; le pouls, observe avant et apres 1 administration du jabo randi, n accusa aucun changement jusqu a 10 heures 25, c est-a-dire 29 minutes apres 1 ingestion de 1 infusion ; a partir de ce moment, il prit les caracteres de la fig. 20 et les conserva jusqu a 11 heures 6; 27 traces en tout avaient ete re- cueillis : nous n en reproduisons qu unseul de chaque type. Ce qui prouve que ce n etait pas le jaborandi qui etait a lui seul cause des changements dans le pouls, c est qu une infusion de la meme plante, a la dose de 6 grammes cette fois, qui fut donne e le lendemain, mais n amena pas de sueur, laissa le pouls sans modifications : il en a ete de meme chez plusieurs autres sujets, d ailleurs. Fig. 19. Effets du jaborandi. Pouls avant 1 ingestion de 1 infusion, 56-60 puls., 587. Les dix traces suivants, apres 1 ingestion, sont identiques. Fig. 20. Effets du jaboramli. Pouls, 29 minutes apres 1 ingestion de 1 infusion, 60 puls., 387. Les quinze traces suivants, le dernier pris 25 minutes avant la production de la sueur, sont idenliques. Chez un autre, le pouls prit les caracteres du trace fig. 12, A, quelques instants avant la sueur, mais sous 1 influence, il est vrai, de coliques vives ; celles-ci une fois passees, le pouls revetit la forme de la fig. 15, B: la sueur etait alors arrivee. On remarquera que ces traces, qui se rapprochent de ceux du pouls sudoral pathologique par Faugmentation de force de la pulsation, la diminution de la tension arterielle et 1 accroissement du dicrotisme (consequence probable de la repletion du reseau vasculaire de la peau), s en distinguent par la vivacite d